825, 31 octobre. — Aureix (Forêt).

Pépin Ier donne en toute propriété au monastère de Saint-Antonin en Rouergue, sous l'abbatiat de Fedantius, le monastère de <Saint-Théodard> en Quercy avec toutes ses dépendances.

Référence : Léon Levillain et Maurice Prou (éd.), Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, no4.

A. Original perdu.

B. Copie figurée du xe s., par le clerc Fulcarius. Parchemin. Hauteur, 220 mm. à gauche, 225 mm. à droite ; largeur, 800 mm. en haut, et 810 mm. en bas. Archives départementales de Tarn-et-Garonne, G 873, d'après A.

C. Copie du 15 mai 1743, par les notaires Delpech et Philippe. Archives départementales de Tarn-et-Garonne, G 1061, d'après B.

D. Copie de même date, par les mêmes. Archives départementales de Tarn-et-Garonne, sous la même cote, d'après B.

a. Devals aîné, Histoire de Montauban, t. I, preuves n° 1, p. 391, d'après B.

Indiqué : De Foy, Notice des diplômes, p. 149, ann. 767.

Indiqué : Inventaire sommaire des Archives départementales. Tarn-et-Garonne, séries G et H : G 873, p. 275, col. 1 ; et G 1061, p. 346, col. 2.

Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 4.

Nous inscrivons, non sans quelque hésitation toutefois, ce document parmi les actes authentiques. L'archiviste Devals a cependant écrit : « Ce diplôme est évidemment faux, puisqu'il affirme que le corps de saint Théodard reposait dans le monastère de Montauriol à une époque où ce saint personnage n'était pas même venu au monde. » Et notre savant confrère, M. Maurice Jusselin, qui a étudié les notes tironiennes de ce diplôme, déclare l'« acte suspect ». Saint Théodard (sanctus Audardus), second patron de l'abbaye de Saint-Martin de Montauriol, dont le nom finit par supplanter celui de saint Martin dans le vocable du monastère, est en effet l'archevêque de Narbonne qui fut consacré le 15 août 885 et qui mourut le 1er mai 893 ou 895. Devals suppose que cet acte fut fabriqué vers 958 lorsque l'abbaye de Saint-Théodard s'affranchit de la dépendance de Saint-Antonin.

La conclusion serait inattaquable si nous avions ici, comme l'a dit notre confrère, M. René Giard, un « original autrefois scellé ». Tel n'est pas le cas : le document d'archives signalé en B n'est qu'une copie figurée écrite au xe s., comme l'a bien vu M. Jusselin ; et son auteur, le clerc Fulcarius, n'a pas eu la prétention de le faire passer pour l'original : celui-ci nous prévient, — après avoir reproduit le chrismon qui, dans son modèle, précédait la souscription de chancellerie, — que, « selon l'opinion du clerc Fulcarius et d'après le précepte qu'il vient de copier, ce qui est contenu ici dans la lettre de Pépin est ainsi dessiné » ; et il copie tant bien que mal la ruche avec ses notes tironiennes. Il y a là un témoignage de sincérité qui semble devoir faire écarter l'idée de fraude.

Nous sommes, d'autre part, certains que Fulcarius suivait fidèlement un modèle carolingien, même quand il copiait mal, et que ce modèle était bien un diplôme de Pépin Ier appartenant à la période du règne à laquelle répond la date de notre copie figurée ; les formules s'en portent garantes : elles se rencontrent dans les actes souscrits par le diacre Saxbodus en qualité de substitut d'Aldricus. M. Jusselin a retrouvé dans les notes tironiennes assez d'éléments pour proposer cette restitution de la souscription de chancellerie : « [Saxbodus diaconus] ad vicem [Aldrici] recognovi et subscripsi ».

Mais il demeure évidemment possible que les moines de Saint-Antonin aient pris un diplôme authentique de donation pour modèle et aient introduit à la place d'un autre nom celui du monastère de Saint-Théodard pour se procurer ainsi un titre de propriété sur ce monastère, soit qu'ils eussent perdu leur titre authentique, soit qu'ils n'eussent jamais eu de droits légitimes sur Montauriol. Cette dernière supposition peut être, semble-t-il, écartée : ni Devals, ni personne d'autre n'a contesté qu'avant 958 les deux monastères fussent unis. Ces sortes d'unions n'avaient rien d'étonnant : Aniane et Gellone, Conques et Figeac étaient dans la même situation que Saint-Antonin et Montauriol, puisque, dans les trois cas, les monastères unis appartenaient à des diocèses différents. Reste l'hypothèse du titre authentique perdu : dans ce cas, Fulcarius aurait été dans la nécessité de fabriquer un pseudo-original à l'aide d'un modèle ; aurait-il eu la naïveté d'avertir ses lecteurs que son œuvre était une supercherie ?

Nous croyons bien plutôt que l'original de la donation avait eu à souffrir des conditions dans lesquelles il avait été conservé, que l'encre avait pâli, que la souscription de chancellerie en particulier avait souffert au point que Fulcarius n'y pouvait plus lire — et encore difficilement — que le chrismon et la ruche. — Quand les moines de Saint-Antonin voulurent se servir de cet acte pour empêcher les moines de Montauriol de s'émanciper de leur domination, ils durent juger expédient d'en faire faire une copie aussi fidèle que possible ; et certainement le copiste du xe s. ne dut pas croire qu'il manquait à la plus scrupuleuse fidélité en substituant le nom d'Audardus à celui de Martinus et en signalant la présence du corps dans l'église, parce qu'au xe s. l'usage s'était introduit de désigner couramment le monastère de Montauriol par le vocable de Saint-Théodard. Nous pensons que cette altération de la teneur ne suffit pas à justifier une condamnation sans appel, bien que, comme tout ce qui n'est pas absolument net, elle laisse subsister un doute dans l'esprit.

En admettant même que l'acte soit faux en ce qui concerne les rapports des deux monastères, il demeure pour nous comme le témoin d'un diplôme original perdu portant donation de quelque bien à l'abbaye de Saint-Antonin.

Le nom de lieu que renferme la date est resté jusqu'à présent rebelle à l'identification. Nous croyons devoir proposer de traduire « Alberide foreste » par Aureix (Haute-Vienne, canton de Saint-Sulpice-les-Feuilles) dont le nom a l'avantage de pouvoir philologiquement s'expliquer, et qui se trouve dans une région jadis couverte de bois dont certains noms de lieu gardent le souvenir.


Pippinus, gratia Dei rex Aquitanorum. Cum locis divino cultui mancipatis largitionis nostrae munere quippiam conferimus, et ea largitio ad stabilitatem regni nostri et ad aeterne vitȩ praemium capessendum profuturum liquido credimus. Idcirco notum fieri volumus omnium fidelium sanctae [2] Dei ecclesie nostrorumque, prȩsentium scilicet et futurorum, sollertissime quia placuit nobis ob animae nostrae salutem quoddam monasterium quod dicitur sancti <Audardi> quod est situm in pago Caturcino super fluvium Tarnis, <ubi ipse corpore requiescit,> cum omnibus rebus et hominibus ad se presenti tempor[e] justae et legaliter succedentibus vel pertinentibus, ad monasterium quod dicitur [3] Sanctum Antoninum, quod est situm in pago Rutinico, constructum in honore jamdicti sancti Antonini, ubi praesenti tempore venerabilis vir Fedantius abba praesse videtur, tradere et de nostro jurae in jus et dominatione praedicti monasterii et monachis ibidem Deo famulantibus conferre. Hoc itaque monasterium cum ecclesiis, villis, cum domibus, edificiis, mancipiis, [4] vineis, terris cultis et incultis, silvis, pratis, pascuis, aquis aquarumve decursibus, molendinis, adjacentibus, perviis, exitibus et regressis, mobilibus et inmobilibus, quantumcumque ad prȩdictum monasterium sancti <Audardi> pertinere videtur et nostris juris atque possessionis in re proprietatis est, totum et ad integrum praedicto venera-[5]-bili monasterio sancti Antonini et congregacionem ibidem Deo famulanti concessimus, ita videlicet ut quicquid ab hodierna die et tempora rectores et ministri ejusdem monasterii de jamdicto monasterio sancti <Audardi> vel de his quae ad eum pertinent ob utilitatem et necessitatem ejusdem monasterii facere et ordinare atque [6] disponere voluerint, libero in Dei nomine per hanc nostrȩ auctoritatis donacionem perfruantur arbitrio fatiendi quicquid elegerint. Et ut haec auctoritas largicionis atque confirmacionis nostrȩ per futura tempora inviolabilem atque inconvulsam obtineat firmitatem, manu propria subter firmavimus [7] et anuli nostri inpressione sigillari jussimus.

[8] Signum (Monogramma) Pipini regis.  (Chrismon) <secundum Fulcarii clerici sensum et auctoritate preceptorum supra d[es]c[ript]orum, quod hic litteris contineri videtur ita :> Et (Signum recognitionis in quo includuntur verbum subscripsi et notae : [Saxbodus diaconus] ad vicem [Aldrici] recognovi et subscripsi) <exaratum est.>

[9] Data pridie kalendas novembres, anno XII imperii domni Hludovici serenissimi augusti et XI regni nostri. Actum Alberide foreste. In Dei nomine, feliciter. AMEN. (Nota : Amen).