818, 26 juin. — Castillon-sur-Dordogne.

Pépin Ier, à la requête de Rangarius, abbé du monastère de Saint-Pierre de Moissac, confirme le privilège d'immunité de son père, l'empereur Louis le Pieux, pour ledit monastère fondé par saint Amand en Quercy, sur le Tarn, et pour le prieuré de Saint-Pierre de Marcillac, sur le Celé.

Référence : Léon Levillain et Maurice Prou (éd.), Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, no1.

A. Original perdu.

B. Copie de l'an 1746, dans Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France, t. VI, p. 356, n° 1, « inter schedas D. Claudii Estiennot, ex chartulario hujus monasterii », d'après une copie partielle et remaniée.

a. Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France. Voir ci-dessus, sous la lettre B.

b. Léon Levillain, Sur deux documents carolingiens de l'abbaye de Moissac, dans Le Moyen-Âge, 1914, p. 17, d'après B.

Indiqué : De Foy, Notice des diplômes, p. 328.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 158.

Indiqué : Böhmer, Regesta Karolorum, n° 2064.

Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 2.

Le texte que nous livre B représente dans notre recueil le diplôme authentique qui servit de modèle à un faussaire pour fabriquer l'acte de 843 ou 844 dont nous donnons plus loin une édition nouvelle (ci-dessous, n° XLVIII). Mais il n'est qu'un débris informe de ce diplôme : des fragments entiers empruntés au précepte carolingien sont amenés par des formules qui résument celles du modèle dont le faux de 843 se tient plus près. Aussi, dans notre édition, avons-nous jugé bon de donner dans les notes les passages du faux pour suppléer à l'insuffisance de B.

On peut être tenté de croire que B a résumé sous cette forme fragmentaire l'acte supposé de 843 que l'abbé Aimery de Peyrat a introduit en entier dans sa Chronique de Moissac. La rédaction des dates « anno V post decessum Karoli et serenissimi... » et « anno V post decessum domni Ludovici serenissimi... » plaide en faveur de cette hypothèse, d'autant plus que « Karoli » doit être une correction d'érudit qui savait que Pépin Ier avait régné du vivant de son père et non après sa mort.

Mais il y a une chose certaine, c'est que la source de B n'est pas la Chronique de Moissac qu'un érudit comme Dom Estiennot aurait volontiers qualifiée de Cartulaire. B, en effet, qui a relevé dans l'immunité ce qui lui a paru exceptionnel, c'est-à-dire la clause relative à Marcillac, n'aurait point manqué de copier ce qui fait tout l'intérêt du faux de 843, la clause de protection contre les évêques de Cahors signalée dans la marge du manuscrit de l'abbé Aimery par le mot « Nota » écrit au xvie s.

L'auteur du cartulaire vu par Dom Estiennot avait sous les yeux un diplôme qui n'était pas celui que copiait Aimery de Peyrat. B, en effet, dans les passages où il a transcrit littéralement le texte du diplôme, donne une formule meilleure, ou plus complète que celle d'Aimery, ou simplement différente : ainsi, dans l'exposé nous lisons en B : « vir venerabilis Rangarius abbas... adiens praesentiam nostram, obtulit obtutibus nostris immunitatem domni et genitoris nostri Hludovici serenissimi augusti » ; Aimery omet « adiens praesentiam nostram » qui est une leçon excellente et rejette le mot « obtulit » à la fin de la phrase, ce qui n'est pas conforme aux usages carolingiens. Dans la mention de Marcillac, B nous dit que la « cellula » fut « fundata in pago Caturcino et dicata in honore apostolorum ejusdem principis » ; le document d'Aimery abrège « fundata in honore apostolorum ejusdem principis ». Ailleurs B nous livre la leçon « ob cujus rei firmitatem postulavit... », et l'abbé de Moissac, celle de « sed pro rei firmitate postulavit... » qui sont toutes deux également carolingiennes. Enfin, nous n'avons pas le droit de supposer, même en l'état où nous est parvenu B, que l'acte inséré au cartulaire contenait la clause de protection contre l'évêque diocésain.

Si donc B est le résidu d'un document d'archives différent du texte forgé, selon nous, au xie s., ce document n'aurait été qu'une copie ancienne — à cause du « post decessum » de la date — ; et c'est sur cette copie ancienne qu'aurait été fabriqué le faux.

L'analyse que nous avons mise en tête du document ne veut rien ajouter à ce que B nous fait connaître ; mais B nous laisse clairement entrevoir un diplôme de Pépin Ier confirmatif du privilège immunitaire de Louis le Pieux comportant même, selon un usage fréquent et comme le montre le diplôme faux de 843, l'abandon des droits du fisc et la liberté de l'élection abbatiale. Il nous reste à voir si nous avons eu raison d'admettre que le prieuré de Saint-Pierre de Marcillac avait reçu de Pépin Ier le bienfait de l'immunité. On a dit que la première mention authentique du monastère de Marcillac était de 960, bien que la tradition le prétendît fondé par Pépin d'Aquitaine. La tradition n'a pas d'autre fondement que le diplôme dont nous nous occupons, et nous la croyons légitime. La présence de la clause relative à Marcillac, sous la forme d'une addition au diplôme confirmé, ne saurait en aucune façon constituer une raison de douter de l'authenticité du document confirmatif : il y a des exemples d'additions toutes semblables dans deux diplômes de Pépin Ier, dont l'un pour l'abbaye de Lagrasse nous est conservé en original et dont l'autre pour l'abbaye de Montolieu a pour lui l'autorité d'un diplôme confirmatif de Charles le Chauve qui nous est parvenu, lui aussi, en original.

La date, telle qu'elle nous est livrée, est diplomatiquement mauvaise. La cinquième année après la mort de Charlemagne répond à l'année 818, et la troisième du règne de Pépin à 817. Le diplôme authentique, comme tous les autres diplômes de Pépin Ier, portait la date ainsi rédigée : « Data IV kalendas julii, anno V imperii domni Hludowici serenissimi augusti et IIII regni nostri ». En présence de l'incohérence des données concernant les années d'empire et de règne, nous donnons la préférence au chiffre des années impériales pour trois raisons : 1° ce chiffre V nous est fourni par B et par le document faux dont nous parlons plus haut ; 2° l'erreur de III pris pour IIII, dans le nombre des années de règne, s'explique très simplement, tandis que celle de V pour IIII, dans le nombre des années d'empire, serait inexplicable ; 3° enfin, au mois de juin 817, où nous conduirait l'adoption du chiffre III pour l'année du règne, Pépin Ier ne portait pas encore le titre de roi, bien qu'il gouvernât déjà l'Aquitaine depuis 814 au nom de son père. C'est au mois de juillet seulement qu'il reçut le titre et l'autorité du « rex ». Nous inscrivons donc la date de 818 en tête du premier diplôme connu de Pépin Ier.


Pipinus, gratia Dei Aquitanorum rex. Si erga loca sanctorum, etc.. Noverint igitur omnes Christi fideles quod vir venerabilis Rangarius, abbas ex monasterio quod dicitur Moissiacum, in pago Caturcino, super fluvium qui dicitur Tarnus, quod olim s. Amandus abbas in honore s. Petri apostolorum principis construxit, adiens praesentiam nostram, obtulit obtutibus nostris immunitatem domni et genitoris nostri Hludovici serenissimi augusti, in qua erat insertum quod non solum idem genitor noster, verum etiam praedecessores reges praedictum monasterium ob amorem Dei tranquillitatemque fratrum ibidem existentium semper sub plenissima tuitione et immunitatis defensione ac honore habuissent. Ob cujus rei firmitatem postulavit a nos praefatus abbas ut praedictum monasterium sub nostra quoque defensione et mundeburdo poneremus. Decernimus ut nullus in praefatum locum exigere praesumat freda etc., unacum cellula sibi subjecta quae est sita in loco nuncupato Marsiliaco super fluvio Celeris atque fundata in pago Caturcino et dicata in honore apostolorum ejusdem principis, etc..

Datum VI kalendas julii, anno V post decessum Karoli et serenissimi augusti et III anno regni nostri, in Castillione castro quod est super fluvium Dordoniae. In Dei nomine, feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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