828, 9 juin, mardi. — Chasseneuil.

Pépin Ier délivre à l'avoué Agenus et au prévôt Magenarius de l'abbaye de Saint-Paul de Cormery la notice du jugement par lequel le tribunal royal a rejeté la demande des colons de cette abbaye habitant le domaine d'« Antoniacus », qui accusaient l'abbé Jacob et ses agents de lever sur eux plus de cens et de redevances qu'ils n'en devaient, l'avoué et le prévôt susdits ayant invoqué la prescription trentenaire et produit un état des redevances dues par cette « villa » dressé, manse par manse, d'après les déclarations des habitants reçues sous serment, sous l'abbatiat d'Alcuinus, en la 34e année du règne de Charlemagne et établissant que rien n'avait été exigé qui n'était dû.

Référence : Léon Levillain et Maurice Prou (éd.), Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, no12.

A. Original. Parchemin avec traces de sceau. Hauteur, 325 mm. à gauche et 297 mm. à droite ; largeur, 590 mm. en haut et 610 mm. en bas. Bibliothèque nationale, ms. lat. 8837, fol. 17 v° (anc. Collection Baluze, Chartes des rois, n° 4).

a. B. Guérard, Polyptique de l'abbé Irminon, t. II, p. 344, d'après A.

Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 9.

Dans ce document d'un si grand intérêt, une petite difficulté naît de la date indiquée pour la « discriptio ». La trente-quatrième année du règne de Charlemagne s'étend du 9 octobre 801 au 8 octobre 802 ; et, même en admettant que, dans l'abbaye tourangelle, on ait compté l'année de l'avènement de Charlemagne, 768, pour une année complète, l'état des redevances d'« Antoniacus » est encore de 801. Or, à cette date, Charles était empereur depuis le 25 décembre 800, et le texte porte « regnante Carolo rege ». Aussi le titre de roi conservé au souverain autorise-t-il à penser — étant donné le caractère de surprise qu'eut l'événement de l'an 800 à Rome — que cet état des redevances devait être des premières semaines de l'an 801, avant que la nouvelle du couronnement impérial eût été connue en Touraine.

Nous devons dire pourquoi nous n'avons pas identifié « Antoniacus ». Trois localités, situées au sud de la Loire, par leur nom et leur situation géographique, pourraient prétendre à être cette « villa » carolingienne ; ce sont Antogné, hameau de la commune de Châtellerault dans la Vienne, Antogny, commune du canton de Sainte-Maure dans l'Indre-et-Loire, et Antoigné, village du canton de Montreuil-Bellay en Maine-et-Loire.

Une première observation permet peut-être d'écarter Antogny. « Antoniacus » est du royaume d'Aquitaine puisque ses habitants portent leur procès devant le tribunal de Pépin Ier. Antogny appartient à une région de la Touraine qui ne semble pas avoir fait jamais partie du royaume aquitanique.

Restent donc en présence Antogné et Antoigné. Notre « Antoniacus » est une propriété de Saint-Paul de Cormery : non seulement les habitants sont des « coloni sancti Pauli de villa Antoniaco ex monasterio Cormaricum », mais encore la « villa ex monasterio Cormaricum » est l'une des quatre « villae » dont Pépin Ier confirme la pleine propriété à ce monastère par son diplôme de 838. Cette « villa » peut-elle être Antoigné, quand nous savons qu'Antoigné a fait partie du temporel de Saint-Martin de Tours ? Dans les documents qui nous ont été conservés du chartrier de Saint-Martin, nous rencontrons souvent, du viiie au xiiie siècle au moins, le nom d'« Antoniacus » ; et il est certain que, dans quelques-uns d'entre eux qui sont postérieurs au diplôme de Pépin, ce nom doit être traduit par Antoigné. Mais Cormery n'était qu'une « cella » abbatiale de la célèbre collégiale tourangelle, et la congrégation cormaricienne pouvait avoir reçu la propriété d'une partie d'Antoigné : un diplôme de Charlemagne de 775 atteste qu'une « villa Antoniaco » était déjà affectée aux besoins des frères de Saint-Martin. Rien donc d'impossible à ce que cette « villa » ait dû contribuer à l'entretien de ceux de ces frères pour lesquels l'abbé Iterius avait fondé la « cella » de Cormery, qu'elle ait continué sa contribution aux moines que l'abbé Alcuinus appela de Gothie dans cette « cella », et que peu après le même Alcuinus ait attribué le fonds d'une partie de la « villa » primitive à Cormery, de cette partie dont il fixa la quotité des redevances manse par manse. A Antoigné, il y aurait eu la « villa » de Saint-Martin et la « villa » de Saint-Paul. Nous ne pouvons donc pas écarter Antoigné de nos possibilités d'identification.

Mais, d'autre part, nous ne pouvons pas affirmer l'identité des deux « Antoniacus » de Saint-Paul de Cormery et de Saint-Martin de Tours. S'ils sont différents, Antogné intervient ; et l'on peut observer alors que le voisinage d'Antogné et de la résidence royale de Chasseneuil où se tenait le tribunal du roi explique peut-être que les colons de Saint-Paul, profitant de la présence de la cour près de chez eux, aient délégué quatre des leurs pour les représenter et soutenir leurs intérêts devant la juridiction royale.

A a été écrit de la main du scribe Nectarius, comme celui-ci nous en informe dans sa souscription. La souscription de Deotimius, l'un des assistants du comte du palais, Johannes, au tribunal royal, qui a reconnu l'acte au nom dudit comte, paraît bien avoir été tracée par le même scribe.

On notera l'extraordinaire barbarie du latin de ce document rédigé dans la chancellerie du comte du palais. Nous n'avons pas cru devoir proposer de corrections grammaticales ou orthographiques à ce texte dont le sens n'est pas douteux.


Pipinus, gratia Dei rex Aquitanorum. Cum nos, in Dei nomine, die martis. Casanogilo villa palatio nostro in pago Pictavo secus alveum Clinno, ad multorum causas audiendum rectaque judicia terminandas resideremus, ibique venientes aliqui homines [2] nomen Aganbertus, Aganfredus, Frotfarius et Martinus, tam ipse quam eorum pares coloni sancti Pauli de villa Antoniaco ex monasterio Cormaricum sive Jacob abbate, ibique se proclamabant incontra ipso abbate vel suum advocatum nomine Ageno, eo quod [3] jam dictus abba vel sui missi eis super querissent vel exactassent amplius de censum vel de pro soluta quam ipse per drictum facere nec solvere non debebant nec eorum antecessores antea ad longum tempus non fecerant nec solserant nec talem legem eis non conserva-[4]-bant quomodo eorum antecessores habuerant. Sed ipse Agenus advocatus et Magenarius prepositus ex ipso monasterio de presente adstabant et taliter incontra ipsos intendebant quod jam dictus abba nec ipsi nullas functiones nec redibutiones eis non exactaverant nec exactare [5] jusserant, nisi quale ipsi per drictum vel per triginta annos partibus ipsius monasterii tam ipsi quam et eorum antecessores desolserant ; et discriptionem ibidem optulerunt ad relegendum, in quo continebatur quomodo sub tempus Alcuino abbate ipsi coloni ex ipsa villa, qui ad [6] presente adstabant unacum eorum pares, cum juramento dictaverunt quid per singula mansa ex ipsa curte desolvere debebant et habebant daturum : ipsa discriptio, anno trigesimo quarto regnante Carolo rege. Interrogatum fuit ad jam dictis colonis qui ibidem [7] de presente adherant si ipsa discriptione dictaverant vel ipsa redibutione per annorum spacia dissolserant, sicut in ipsa continebatur, aut si ipsa discriptio vera aut bona adherat, aut si contra ipsa aliquid dicere aut opponere vellebant, an non. Ipsi ipsam discriptionem veram [8] et bonam dixerunt vel recognoverunt, et hoc minime denegare non potebant quod ipsa redibutione per annorum spacia non desolsissent vel ipsam discriptionem ipsi non dictassent vel antecessores eorum. Proinde nos taliter unacum fidelibus nostris, id sunt Himmoni [9] comiti, Dadeno, Bobilone, Launaldo, Dodone, Sigoino, Gyrlebaldo, Hisario, David, Helinberto, Adalberto, Acsindo, Amalfredo, Joseph, Arcambaldo, Erinfredo, Geraldo, Ruben, Rotgaudo, Leotgario, Ingilberto, Deotimio, Salacone seu et Johanni comiti palacii nostri vel reli-[10]-quis quampluris, visi fuimus judicasse ut, dum ipsi coloni taliter se recognoscebant, sicut superius est insertum, ut ipsa discriptione, sicut ipse dictaverant vel conscripta adherat, vel ipse ipsa redibutione per spacia annorum fecerant, ita et per singulos annos partibus ipsa casa Dei facere vel dis-[11]-solvere debeant. Propterea jubemus ut, dum ac causa sic acta vel perpetrata esse cognovimus, ut memoratus Agenus advocatus sive Maginarius prepositus tale scriptum partibus ipsa casa Dei exinde recipere deberet, quod ita et de presente manifestum est fecisse.

[12] (Chrismon). Deotimius ad vicem Johanni comiti palacii recognovi et subs. (Signum recognitionis cum notis inclusis : Deotimius ad vicem Johanni comiti recognovi et subscripsi.) (Locus sigilli).

[13] (Chrismon). Datum quinto idus junio in anno XV imperium domni Hludowici serenissimi imperatoris.  (Chrismon). Nectarius scripsit et subs. (Signum recognitionis.)


Localisation de l'acte

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