828, 6 juin. — Monastère de Saint-Martial.
Pépin Ier, à la requête de Wilafredus, abbé du monastère de Montolieu (Mallasti) sis en Carcassès, sur la Dure, confirme le diplôme par lequel Louis le Pieux, son père, avait mis sous l'immunité le monastère et la « cellula » de Saint-Martin sur le Lampi, renoncé aux droits du fisc et accordé aux moines la liberté de l'élection abbatiale, étend l'immunité aux « cellulae » de Sainte-Cécile et de Saint-Pierre, sur la Dure, et concède aux moines la « villa Sigarii » et la « villa Addarii » voisines du monastère, le tout à charge de prières pour le roi et le royaume.
A. Original perdu.
B. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Doat, vol. 69, fol. 21, d'après A complété au moyen d'un vidimus du sénéchal de Carcassonne daté du 13 avril 1345 et perdu.
C. Copie de l'an 1677, par Baluze, dans ses Capitularia regum Francorum, t. II, col. 1427, n° xliv, « ex archivo monasterii Montis Olivi », probablement d'après les mêmes sources que B.
D. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Doat, vol. 69, fol. 29, d'après un « rôle du trésor des chartes de la cité de Carcassonne ».
E. Copie du xviie s., par Dom Dulaura, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12687 (Monasticon Benedictinum, t. XXX), fol. 9, d'après une source inconnue.
F. Copie partielle du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12686 (Monasticon Benedictinum, t. XXIX), fol. 335 v°, d'après une source inconnue.
G. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection de Languedoc, vol. 74, fol. 173, d'après une source inconnue.
H. Copie du xviie s., par Dom Dulaura, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12687, fol. 89, d'après E.
a. Baluze, Capitularia regum Francorum. Voir ci-dessus, sous la lettre C.
b. Le Cointe, Annales ecclesiastici Francorum, t. VII, p. 846, d'après a.
c. Bougès, Histoire ecclésiastique et civile de la ville et diocèse de Carcassonne (1741), p. 506, d'après les « archives de Montolieu », en réalité d'après a.
d. Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France, t. VI, p. 667, n° viii, d'après a et le chartrier de l'abbaye.
e. Mahul, Cartulaire et archives des communes de l'ancien diocèse et de l'arrondissement administratif de Carcassonne, t. I, p. 846, fragment, d'après a.
f. Dom Devic et Dom Vaissète, Histoire générale de Languedoc, édition Privat, t. II, preuves, n° 74, col. 165.
Indiqué : Dom Bouquet, [Catalogue manuscrit des diplômes de 775 à 987], Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 22211, fol. 253.
Indiqué : Georgisch, Regesta chronologico-diplomatica, t. I, col. 85, n° 8.
Indiqué : De Foy, Notice des diplômes, p. 387.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 175.
Indiqué : Böhmer, Regesta Karolorum, n° 2071.
Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 11.
Les passages que nous imprimons ci-dessous en petit texte sont empruntés au diplôme de Louis le Pieux qu'il confirme. L'authenticité du diplôme impérial est au-dessus de tout soupçon.
On observe aussitôt que notre document contient deux passages nouveaux, l'un qui ajoute les noms des « cellulae » de Sainte-Cécile et de Saint-Pierre à ceux du monastère et de la « cellula » de Saint-Martin pour enfermer ces quatre établissements dans les limites de l'immunité ; l'autre qui donne aux frères deux « villae » situées auprès du monastère, la « villa Sigarii » et la « villa Addarii ».
Nous sommes, de prime abord, indisposés par l'intercalation de ce second passage dans la formule d'immunité, d'autant plus que l'expression « sicut de caeteris rebus proprietatem faciunt » n'est pas celle dont on se sert ordinairement pour assurer la transmission du droit de propriété. On peut se demander si nous ne sommes pas là en présence d'une interpolation frauduleuse et si, du même coup, l'autre passage concernant les « cellulae » de Sainte-Cécile et de Saint-Pierre ne devient pas suspect à son tour.
La thèse de l'interpolation peut être étayée d'arguments assez forts. La possession des biens dont les noms apparaissent ainsi dans le diplôme de Pépin était venue à l'abbaye avant le 30 juillet 854, il est vrai ; mais, à cette dernière date, le diplôme de Charles le Chauve confirmatif de l'immunité mentionne les « cellulae » et « villae » dont il s'agit : or Charles le Chauve confirme le diplôme d'immunité de Louis le Pieux, et non celui de Pépin Ier pourtant postérieur à l'acte impérial, de telle sorte que notre diplôme du roi d'Aquitaine, tel qu'il nous est parvenu, ne peut être considéré comme la source du diplôme de 854. Reste à vérifier l'hypothèse que l'acte de Pépin a pu être interpolé à l'aide du diplôme de Charles le Chauve : on ne peut guère comprendre autrement — le diplôme de Pépin n'étant pas la source — comment il présente dans son formulaire des leçons que ne fournissait pas le diplôme de Louis le Pieux et qui se retrouvent dans l'acte de Charles le Chauve, à savoir : le « pro his » qui est tout-à-fait exceptionnel dans la formule de préambule, le « cum terminis et adjacentiis » que nous lisons quelques lignes plus loin, la maladroite rédaction du passage « una cum cellulas... » qui précède l'intercalation des noms de Sainte-Cécile et de Saint-Pierre et qui laisserait entendre qu'il y avait plusieurs « cellulae » de Saint-Martin sur le Lampi, enfin le malheureux « piae recordationis » qui accompagne le nom de Louis le Pieux et qui, s'il était à sa place dans le précepte de Charles le Chauve, constitue une erreur historique dans celui de Pépin, puisque ce prince-ci régna du vivant de son père et mourut avant lui.
Cependant nous devons observer que cette thèse de l'interpolation frauduleuse pèche par la base. Quelque choquante que puisse nous paraître l'insertion d'une donation dans la formule d'immunité, nous devons nous rendre à l'évidence que, dans la chancellerie de Pépin Ier, ce qui nous choque paraissait chose normale : exactement à la même place et sous la même formule « Concedimus etiam », nous constatons une intercalation semblable dans le diplôme original de Pépin Ier pour l'abbaye de Lagrasse du 3 septembre 838, et ce diplôme nous indique probablement pourquoi une concession de terres était mise à cet endroit, « ut sint sub nostro mundeburdo vel immunitatis tuitione, sicut cetere alie res eidem monasterio pertinentes ».
D'autre part, l'addition relative aux « cellulae » dans l'énumération des domaines de l'abbaye pour lesquels l'abbé demande le bénéfice de l'immunité n'a rien, en soi, d'anormal : le diplôme de Charles le Chauve de 854 qui allonge encore cette énumération suffit à le prouver. C'était une façon de préciser quelles étaient les limites de l'immunité. La chose n'était pas sans intérêt dans ces régions où les comtes et leurs agents interprétaient dans le sens le plus étroit et le plus favorable à leur autorité le privilège immunitaire et prétendaient même parfois en restreindre l'application aux terres enfermées dans l'enceinte de la clôture.
Il paraît assez peu vraisemblable qu'un faussaire ait imaginé de séparer les données qu'il trouvait réunies dans l'exposé du diplôme original de Charles, pour en intercaler une partie dans l'exposé du diplôme de Pépin, et l'autre partie dans la formule immunitaire, de recréer ainsi, sans le savoir, par hasard, la disposition des documents authentiques de ce prince. N'est-il pas plus sage de considérer le diplôme de Pépin lui-même comme un acte sincère ?
Alors, si le diplôme de Pépin Ier est authentique, il nous faut croire que ce que, dans la thèse contraire, nous regardions comme des emprunts au diplôme de Charles le Chauve est en réalité passé de l'acte de Pépin dans celui de Charles, bien que ce dernier ne déclare confirmer que l'acte de Louis le Pieux.
Il reste à élucider deux points. Est-il possible que Charles le Chauve, confirmant en réalité le diplôme de Pépin, ne fasse allusion dans l'acte confirmatif qu'au diplôme de son père ? Et comment expliquerons-nous le « piae recordationis » ?
Sur le premier point, nous pouvons arguer non seulement de l'inattention toujours possible du rédacteur qui, trouvant dans son modèle la mention du « domni ac genitoris nostri Ludovici », l'aura conservée par inadvertance, mais encore des circonstances historiques qui ont fait que Charles le Chauve paraît avoir évité de mentionner le nom des Pépins d'Aquitaine dans ses confirmations d'actes aquitaniques, toutes les fois que cela était possible, comme s'il voulait faire abstraction de leur règne pour apparaître comme le successeur direct dans les pays d'outre-Loire de Louis le Pieux, son père. Les Aquitains sont en majeure partie fidèles au souvenir des princes sous lesquels ils ont vécu à demi-indépendants ; ils les regrettent ; et en 854, précisément l'année du diplôme de Charles en faveur de Montolieu, ils en donnent une preuve patente. On conçoit que Charles le Chauve ne tienne pas à conserver chez ses sujets, par les propres documents de sa chancellerie, le souvenir des bienfaits de la dynastie qu'il a dépouillée, quand il peut faire autrement.
Quant au « piae recordationis », ou bien il est le résultat d'une inadvertance du rédacteur qui trouvait la formule dans l'acte de Louis le Pieux dont il transcrivait le texte littéralement, ou bien il a été introduit par un copiste qui avait l'habitude de le rencontrer là (peut-être l'auteur du vidimus de 1345), car l'absence de ces deux mots dans C laisse supposer que C qui a probablement connu A mutilé ne les aurait point trouvés dans A : on peut même se demander dans quel état se trouvait A quand il fut transcrit dans le vidimus de 1345. La déformation du monogramme, telle que nous la révèlent EF, l'altération des noms du notaire et du chancelier, la transcription fautive de la clause des prières où il nous a fallu restituer « ipsos monachos qui ibidem Deo famulantur » d'après le diplôme de Louis le Pieux et qui n'avait point à subir de retouche en passant de ce diplôme de Louis dans celui de Pépin — elle devait assurer des prières « pro nobis et conjuge proleque nostra » et non pas seulement « pro nobis », puisque à cette date Pépin Ier était marié et avait des enfants, — tout cela tendrait à montrer qu'A avait déjà subi les atteintes du temps et que le rédacteur du vidimus avait pu lire dans certains cas, et dans celui de notre « piae recordationis » en particulier, avec les yeux de l'habitude.
Nous concluons à l'authenticité du diplôme de Montolieu, sans réserve pour les passages qui ne se trouvaient pas dans le diplôme de Louis le Pieux et qui sont confirmés, à nos yeux du moins, par le diplôme de Charles le Chauve de 854.
Pipinus, gratia Dei rex Aquitanorum. Cum petitionibus servorum Dei justis et rationabilibus divini cultus amore favemus, superna nos gratia pro his muniri non dubitamus. Proinde noverit omnium fidelium nostrorum tam praesentium quam futurorum sagacitas quia vir venerabilis Wilafredus, abba ex monasterio quod nuncupatur Mallasti, quod est situm in territorio Carcassensi super fluvium Duranum constructum in honore sancti Johannis Baptistae, cum terminis et adjacentiis suis, obtulit obtutibus nostris quandam auctoritatem domni ac genitoris nostri Ludovici piae recordationis serenissimi augusti in qua erat insertum qualiter antecessor suus ipsum monasterium a novo construxisset opere et propter ejus defensionem vel propter pravorum hominum illicitas infestationes in manu ejusdem domni imperatoris una cum monachis ibi degentibus se commendavit, ut sub ejus tuitione licuisset eos cum rebus et hominibus eorum quiete vivere ac residere, et deprecatus est clementiam regni nostri ut praedictum monasterium una cum cellulas quae nuncupantur sancti Martini, praedicto monasterio subjectas, quae sunt sitae in eodem pago super rivulum Lampi, sive sanctae Ceciliae et sancti Petri, quae sunt super fluvium Duranum, cum omnibus rebus et adjacentiis sive terminis suis, sub nostra susciperemus defensione et immunitatis tuitione. Cujus precibus, ob amorem Dei et reverentiam divini cultus, libenter aurem accommodare placuit et hoc nostrae auctoritatis praeceptum immunitatis atque tuitionis gratia fieri decrevimus, per quod praecipimus atque jubemus ut nullus judex publicus vel quislibet ex judiciaria potestate in ecclesias aut loca vel agros seu reliquas omnes possessiones praedicti monasterii quas moderno tempore juste et rationabiliter possidet vel quae etiam deinceps in jure ipsius sancti loci voluerit divina pietas augeri, ad causas audiendas aut freda exigenda aut mansiones vel paratas faciendas aut fidejussores tollendos aut homines ipsius monasterii tam ingenuos quam et servos super terram ipsius commanentes injuste distringendos nec ullas redhibitiones aut illicitas occasiones requirendas nostris nec futuris temporibus ingredi audeat vel ea quae supra memorata sunt penitus exigere praesumat. Concedimus etiam eisdem fratribus juxta ipsum monasterium villas duas, quarum haec sunt nomina villa Sigarii et villa Addarii, cum omni integritate, ut, sicut de caeteris rebus proprietatem faciunt, ita de eisdem facere et ordinare vel disponere valeant. Et quidquid de rebus praefati monasterii fiscus sperare poterit, totum nos pro aeterna remuneratione praefato monasterio concedimus ut in alimonia pauperum et stipendia monachorum ibidem Deo famulantium perpetuo proficiat in augmentum. Et quando quidem divina vocatione supradictus abbas vel successores ejus de hac luce migraverint, quamdiu ipsi monachi inter se tales invenire potuerint, qui ipsam congregationem secundum regulam sancti Benedicti regere valeant, per hanc nostram auctoritatem licentiam habeant eligendi abbates, quatenus pro nobis et totius regni nostri stabilitate a Deo nobis concessi jugiter Domini misericordiam exorare delectet. Et ut haec auctoritas a fidelibus sanctae Dei ecclesiae et nostris verius credatur et diligentius conservetur, manu propria subter firmavimus et anuli nostri impressione signari jussimus.
Signum (Monogramma) Pipini gloriosissimi regis.
Candidus diaconus ad vicem Hendrici recognovit.
Datum octavo idus junii, anno decimo quinto imperii domini Ludovici serenissimi augusti et decimo quarto regni nostri. Actum in sancti Martialis monasterio. In Dei nomine, feliciter. Amen.