829, 23 juillet. — « Vodevogilo ».
Acte faux
Pépin Ier vidime un diplôme de Charlemagne par lequel celui-ci, à la requête de l'abbé Nampius, avait donné au monastère de Leuc, sur le Lauquet, où repose saint Saturnin, les terres désertes contiguës audit monastère et les avait exemptées de toutes redevances.
A. Original du faux perdu.
B. Copie partielle de l'an 1660, par Besse, Histoire des ducs, marquis et comtes de Narbonne, autrement appellez princes des Goths, ducs de Septimanie et marquis de Gothie, p. 438, d'après une copie ancienne d'A perdue.
a. Besse, Histoire des ducs, marquis et comtes de Narbonne. Voir ci-dessus, sous la lettre B.
b. Mahul, Cartulaire et archives des communes de l'ancien diocèse et de l'arrondissement administratif de Carcassonne, t. V, p. 58, d'après B.
c. E. Mühlbacher, Monumenta Germaniae historica, Diplomata Karolina, t. I, p. 457, n° 304, d'après B.
Le diplôme de Pépin Ier dont il est ici question ne nous est connu que par la transcription partielle et fautive de Besse. C'est un faux.
Mühlbacher et ses collaborateurs ont spécialement examiné le diplôme de Charlemagne vidimé. Après avoir déclaré que c'était une « Fälschung ohne echt Vorlage », ils ont cependant reconnu que le faussaire avait utilisé un diplôme authentique auquel il avait emprunté la suscription et l'adresse, et probablement certaines expressions qu'on lit dans d'autres diplômes, et qu'en définitive ce modèle pouvait être l'acte par lequel, selon la confirmation de Louis le Pieux (Böhmer-Mühlbacher, Regesta, n° 563 [544]), Charlemagne avait pris le monastère de Saint-Hilaire sous sa protection à la demande de l'abbé Nampius. Nous n'avons pas à revenir sur tout cela qui nous paraît très juste.
Si le diplôme de Charlemagne est faux, le diplôme de Pépin Ier ne l'est pas moins. Ni le protocole initial, ni la date ne sont de style, bien que le faussaire ait certainement emprunté les éléments de ce protocole et de cette date à un diplôme authentique.
Pour Mühlbacher, le faux appartient au haut moyen-âge parce qu'il témoigne qu'on avait encore intérêt à s'assurer la possession contestée des terres désertiques qui entouraient le monastère. Mais le point de vue auquel s'est placé l'érudit allemand n'est pas heureusement choisi : la chose importante pour les moines n'était pas tant la possession des déserts voisins que l'occupation de Leuc qui leur était disputée sans aucun doute. Les diplômes authentiques de Louis le Pieux et de Pépin Ier ne nous disent pas que le « monastère de Saint-Hilaire construit en l'honneur de saint Saturnin et où repose le corps du saint confesseur Hilaire » était construit à Leuc sur le Lauquet : ce qui serait inexact ; mais notre diplôme nous parle d'un prétendu monastère différent et antérieur, celui où saint Saturnin repose, et dont l'existence, si elle pouvait être contrôlée, expliquerait le titre de Saint-Saturnin que portait le monastère de Saint-Hilaire et prouverait surtout les droits anciens des moines de Saint-Hilaire sur Leuc et les terres adjacentes.
Notre diplôme est nécessairement d'une époque où l'usage des vidimus royaux était constant ; la falsification ne peut être antérieure au xiie s. Or, au siècle suivant, les abbayes qui avaient eu à souffrir dans leur temporel, travaillaient à le reconstituer. Malheureusement, nous ne pouvons suivre ce travail de reconstitution à Saint-Hilaire puisque les archives anciennes de ce monastère ont presque entièrement disparu ; mais nous pouvons ici invoquer un titre d'une abbaye voisine. Au mois de juin 1282, par lettres patentes, le roi Philippe III le Hardi confirma la sentence prononcée le 24 août 1215 par Tédise, évêque d'Agde, Isarn d'Aragon, archidiacre de Carcassonne, et Pierre Martin de Castelnaudary, en vertu de laquelle le monastère de Lagrasse et l'abbé Guillaume avaient été déclarés propriétaires de tous les lieux que les lettres royaux énumèrent et que Simon de Montfort, vicomte de Carcassonne et de Béziers, avait occupés en raison de l'hérésie des tenanciers. Parmi les biens que l'abbaye de Lagrasse avait ainsi recouvrés se trouvait le « castrum de Leugo ». On est donc assez fondé à supposer qu'entre 1215 et 1282 il y avait eu contestation entre les deux grandes abbayes de Lagrasse et de Saint-Hilaire au sujet de ce « castrum », et que c'est à cette occasion que fut forgé notre vidimus.
Pipinus, Dei gratia Aquitanorum rex. Etc.
In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Carolus, Dei gratia rex Francorum et Longobardorum et patritium Romanorum, omnibus episcopis, abbatibus, ducibus, comitibus, vicariis, centenariis sed et cunctis fidelibus sanctaeque ecclesiae et nostris, praesentibus et futuris. Notum sit fidelitate nostra quod vir venerabilis Nampius, abbas ex monasterio quod est constructum in pago Carcasensi in loco nuncupato Leuco super rivum qui vocatur Leucus in quo sanctus Saturninus ubi est, veniens ante praesentiam nostram petierit dari sibi et monachis suis terras heremas quae sunt contiguae ad dictum monasterium, ad agros novandos omni integritate unde in servicio Dei et sanctae Saturnine sustentari et vivere possint. Quapropter placuit serenitati nostrae ut aliquid de causa nostra fiscali predicto monasterio daremus. Damus igitur quod et jamdicto monasterio et praesentia venerabili Nampii et successoribus suis et omnibus monachis ejusdem loci, praesentibus et futuris, ipsas terras heremas quȩ sunt contiguae dicti monasterii cum omnibus suis terminis vel pertinentiis suis et silvis, arbis fructiferis et infructiferis, aquis aquarumque decursibus, fontibus, rivis et cum omnibus viis, et quantum ille vel de heremo traxerit vel occupaverit ad extricandos agros laborandosque, vineas plantandas et domos edificandas, omni integritate hȩc omnia concedimus et per nostram clementiam, ut habeat ille abbas et successoribus suis et monachus dicti monasterii presentis et futuris absque ullo censu aut inquietudine.....
Nos autem omnia et singula in preinsertis litteris contenta, etc.
Actum apud Vodevogilo, die X kalend. august., anno XVI imperii Ludovici piissimi augusti et XV regni nostri in totam Aquitaniam.