833, 6 octobre. — Pierrefitte.

Pépin Ier, à la requête d'Aymo, abbé du monastère de Manlieu en Auvergne, accorde audit monastère l'immunité, confirme aussi aux moines les biens qu'il leur a récemment concédés dans les « villae » de « Dendaus » et de Busséol en Auvergne, tels qu'ils les avaient obtenus au temps des anciens comtes Landricus, Gerbertus et Berengarius.

Référence : Léon Levillain et Maurice Prou (éd.), Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, no18.

A. Original perdu.

B. Copie de l'an 1746, dans Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France, t. VI, p. 671, n° xii, « ex schedis D. Claudii Estiennot ».

C. Copie du xviie s., par Dom Estiennot, dans ses Antiquitates in dioecesi Claromontensi Benedictinae, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12745, p. 547, sans indication de source.

D. Copie du xviie s., par Gratian Capot, pour Doat, Bibliothèque nationale, Collection Doat, vol. 117, fol. 361, d'après un rouleau de parchemin du Trésor des chartes de la Cité de Carcassonne.

E. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 81, fol. 44, d'après un document des « archives royales de Carcassonne », probablement d'après la même source que D.

a. Gallia christiana, t. II, instrumenta, col. 117, « ex regio Carcass. tab. in biblioth. Colb. », d'après D.

b. Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France. Voir ci-dessus, sous la lettre B.

c. Dom Devic et Dom Vaissète, Histoire générale de Languedoc, édition Privat, t. II, preuves, col. 181, d'après BD.

Indiqué : Bibliothèque nationale, Collection De Camps, vol. 100, fol. 115, d'après les Archives de la Chambre des Comptes de Montpellier (anciennes archives de la sénéchaussée de Carcassonne), armoire de la province, B, 6e continuation, n° 3.

Indiqué : Georgisch, Regesta chronologico-diplomatica, t. I, col. 96, n° 2, s. d.

Indiqué : De Foy, Notice des diplômes, p. 417.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 183.

Indiqué : Böhmer, Regesta Karolorum, n° 2074.

Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 16.

Dans le texte que nous publions ci-dessous, nous relevons quelques fautes qui, à défaut d'autre intérêt, auraient pour nous au moins le mérite de montrer qu'aucune de nos copies ne dérive directement d'A. Ainsi l'explication « proprietatis videlicet nostrae », qui commente les mots « in villas, ut diximus, antedicti monasterii sancti Sebastiani », ne saurait être admise comme une affirmation du droit de propriété exercé par le roi sur le monastère et ses biens ; c'est évidemment une glose qui a passé dans le texte. Plus loin, le roi demande des prières « pro nobis et prole seu cuncta domo nostra » ; ces prières réclamées pour tout le palais sont encore bien anormales : d'ordinaire le roi comble de ses faveurs les moines pour qu'il leur plaise d'implorer la miséricorde divine pour lui, pour sa femme et ses enfants, pour la stabilité du royaume, et exceptionnellement à des intentions particulières. Enfin le « subter firmare visi sumus » pour « subter firmavimus » est certainement imputable à un copiste.

Y a-t-il dans ces quelques taches motif à soupçon contre l'authenticité de l'acte ? Notre diplôme, replacé dans la série des diplômes d'immunité de Pépin Ier et comparé aux actes de même nature émanés de la chancellerie impériale, est tout-à-fait exceptionnel avec ses deux formules immunitaires qui se répondent comme un écho dans l'exposé et dans le dispositif — la seconde étant moins développée que la première, — avec aussi son style direct quand le roi s'adresse à ses agents, « Statuentes ergo jubemus ut neque vos neque juniores seu successores vestri... », bien que l'acte soit dépourvu d'adresse et que la notification soit conçue ainsi : « notum sit omnium fidelium magnitudini nostrorum... ». Nous sommes en présence d'un formulaire archaïque, mérovingien, mal adapté par les premiers Carolingiens : tel acte de Pépin le Bref, de Carloman ou de Charlemagne se présente dans les mêmes conditions que le diplôme de Pépin Ier. Ce qui est étonnant, ce n'est donc pas le formulaire en soi, mais c'est de trouver ce formulaire désuet dans un diplôme qui ne se présente pas comme une confirmation d'un privilège ancien qui aurait pu être rédigé dans ce style. Alors, de deux choses l'une, ou bien nous sommes en présence d'un acte authentique rédigé dans le monastère sur le modèle d'un diplôme de Pépin le Bref ou de Charlemagne, — mais alors on avait dans l'abbaye un précepte d'immunité d'un de ces rois et l'on s'étonnera que notre diplôme soit une concession d'immunité et non une confirmation, — ou bien nous sommes en présence d'un faux forgé à l'aide d'un acte des premiers Carolingiens et dont l'objet ne pourrait guère être cherché ailleurs que dans la donation de « Dendaus » et de Busséol —, mais nous avouons ne pas trouver dans le passage qui concerne ces « villae » la raison de style qui justifierait le soupçon. Alors, nous laissons à de plus perspicaces ou de mieux informés le soin de résoudre la question ; en attendant, notre diplôme de Manlieu bénéficiera du doute.

Il n'est pas douteux que le monastère de Manlieu avait reçu un diplôme de Pépin Ier : le protocole et tout l'eschatocole nous en sont garants, bien que le monogramme qui nous est livré par D ne soit ni à sa place ni d'un dessin fidèle. Un faussaire n'aurait su imaginer ni une suscription si voisine de celle que nous livrent les diplômes authentiques, ni une souscription de chancellerie avec le nom du chancelier de Pépin Ier, Dodo, ni la date avec son synchronisme des années d'empire de Louis le Pieux et des années de règne de Pépin.

La date de ce diplôme, 6 octobre 833, nous reporte à une époque où, l'empereur Louis le Pieux ayant été détrôné par ses fils, le gouvernement de l'empire avait passé aux mains de Lothaire : le 1er octobre, ce dernier avait tenu à Compiègne un plaid et il y avait fait figure d'empereur, se réservant, du reste, tous les bénéfices de la fonction. Si le Pierrefitte où réside Pépin Ier est bien celui de l'Oise, nous pouvons croire que le roi d'Aquitaine était venu à l'assemblée de Compiègne et que la date par les années de l'empire de Louis le Pieux est, à ce moment, dans ce diplôme, la manifestation du mécontentement que Pépin ressentit de voir Lothaire accaparer pour lui seul les honneurs et les profits de l'empire.

Quant au notaire Fridugisus, il est inconnu. Mais si, par impossible, il fallait l'identifier avec le personnage de ce nom qui fut abbé de Saint-Martin de Tours et de Saint-Bertin et chancelier de Louis le Pieux, nous trouverions entre la date et la souscription de chancellerie un synchronisme heureux.


Pipinus, annuente divinae majestatis gratia, Aquitanorum rex. Si sacerdotum ac servorum Dei justis suggestionibus aurem libenter accommodaverimus et petitiones eorum, quas nobis pro necessitate sua vel eorum qui sub manu ipsorum in Dei servitio consistunt insinuaverint, ad effectum perducimus, non modo regiam in hoc consuetudinem exercemus, sed etiam ad aeternae retributionis mercedem nobis talia facta profutura confidimus. Igitur notum sit omnium fidelium magnitudini nostrorum, praesentium scilicet et futurorum, qualiter nos, ad petitionem viri venerabilis Aymonis, abbatis ex Magniloci monasterio quod est constructum in honore sancti Sebastiani gloriosissimi martyris et est situm in pago Arvernico, quo sanctus Cassius, Christi confessor, corpore requiescit, tale pro reverentia ipsius sancti ac pro aeterna retributione beneficium visi fuimus concessisse ut in villas ecclesiae ipsius sancti Sebastiani quas moderno tempore aut nostro aut cujuslibet munere videtur habere vel deinceps in jure ipsius sancti loci divina pietas ampliare voluerit nullus judex publicus ad causas audiendas vel freda exigenda nec mansiones aut paratas faciendas aut homines, qui legibus sperare per eos videntur, distringendos aut fidejussores tollendos ullo unquam tempore ingredi praesumat ; sed praedictus Aymo abbas et successores sui qui fuerint rectores per tempora ipsius loci, propter nomen Domini, sub integra emunitate quiete vivere ac residere debeant. Statuentes ergo jubemus ut neque vos neque juniores seu successores vestri vel quislibet ex publica judiciaria potestate, in villas, ut diximus, antedicti monasterii sancti Sebastiani <, proprietatis videlicet nostrae,> quas moderno tempore intra regna, Christo propitio, nostra juste et rationabiliter tenere et possidere videtur aut inantea divina pietas inibi cum justitia et aequitate augmentare voluerit, ingredi ad causas audiendas aut freda exigenda nec mansiones aut paratas faciendas ullo unquam tempore praesumatis ; sed quidquid exinde fiscus noster sperare poterat ex nostra indulgentia pro futura salute in luminaribus ipsius ecclesiae sancti Sebastiani perpetualiter proficiat in augmentis, quatinus melius delectet ipsos servos Dei qui ibidem Deo famulantur pro nobis et prole <seu cuncta domo> nostra jugiter Domini misericordiam implorare. Libuit praeterea celsitudini nostrae inseri jubere ut res, quas eis nuper in praedicto pago consitas in villis quae vocantur Dendaus et Buxogilus habendas concessimus, praesenti quoque auctoritate plenius confirmaremus. Idcirco volumus atque confirmamus ut, sicut tempore quondam Landrici, Gerberti Berengariique comitum easdem res cum omni integritate visi sunt obtinuisse, ita abhinc absque ullius contrarietate cum omnibus eisdem rebus appendiciis attinentibus quiete eis liceat ad praedicti partem monasterii, praedicto videlicet abbati ejusque successoribus, possidere. Et ut haec nostrae auctoritatis praeceptio nostris et futuris temporibus inviolata, Deo adjutore, valeat perdurare, manu propria subter firmare visi sumus et de anuli nostri impressione sigillare jussimus.

Signum Pipini gloriosissimi regis (Monogramma).

Fridugisus diaconus atque notarius ad vicem Dodonis recognovi.

Data pridie nonas octobris, anno XX imperii domini Hludowici serenissimi augusti et XVIIII regni nostri. Actum in Petraficta. In Dei nomine, feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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