835, 26 octobre. — Doué-la-Fontaine.

Pépin Ier, au pouvoir de qui son père avait soumis le « caput » de la « villa » de Miré, confirme, à la demande du moine Gauzbertus, le diplôme de l'empereur Louis le Pieux reconnaissant au monastère des Fossés la pleine et entière propriété de cette « villa » de Miré, sise en Anjou, dans la centaine de Brissarthe sur la « Brise », que ledit Gauzbertus avait tenue en bénéfice de l'empereur et dont, au moment d'entrer en religion, il avait reçu le droit de disposer en abandonnant au fisc, en échange, des terres patrimoniales ; prend toutes les possessions du monastère situées dans son royaume d'Aquitaine sous sa protection, les met sous le régime de l'immunité et se réserve les procès intéressant les hommes de l'abbaye.

Référence : Léon Levillain et Maurice Prou (éd.), Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, no22.

A. Original. Parchemin scellé. Hauteur, 540 mm. ; largeur, 660 mm. Archives nationales, K 9, n° 83.

B. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 41, fol. 128, d'après A.

C. Copie partielle du 31 mars 1606, par le chanoine Jacques Dubois, Bibliothèque de Carpentras, ms. 1791 (anc. Peiresc XXIII, 1), fol. 424, d'après A.

D. Copie partielle du commencement du xviiie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 17709 (anc. Bouhier 62), p. 120, n° 96, d'après C.

a. Jules Tardif, Monuments historiques, p. 89, n° 128, fragment, d'après A.

Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 19.

Ce diplôme se présente dans des conditions particulières. Dans A, la première ligne et les six premiers mots de la seconde ligne ont été écrits par le même scribe qui a tracé la souscription royale ; le reste de la teneur, écrit d'une écriture diplomatique un peu lourde, paraît être l'œuvre d'un scribe inhabile. La différence des écritures impressionne tout d'abord le lecteur défavorablement ; mais, à la réflexion, elle est moins explicable dans l'hypothèse d'une falsification qu'elle ne l'est si l'on admet l'authenticité du document. Non seulement la souscription de chancellerie qui paraît être autographe et le parchemin scellé, mais aussi la similitude de l'écriture du premier scribe avec celle du scribe à qui nous devons le diplôme original du 3 septembre 838 pour Lagrasse sont favorables à la thèse de l'authenticité.

On pourrait invoquer, il est vrai, l'étrangeté du récit au début, et la singularité de quelques expressions. Mais elles peuvent provenir du cas très particulier qui se présentait au rédacteur de l'acte ; et le défaut d'un formulaire strictement approprié laissait alors à celui-ci une certaine liberté d'expression. Si l'on compare notre diplôme avec celui que Pépin Ier accordait six jours plus tard à l'abbaye de Montolieu, on constate de tels rapports dans la contexture des deux actes qu'il nous paraît difficile de croire à la sincérité de l'un et de ne pas croire à celle de l'autre : or le diplôme pour Montolieu est incontestablement authentique.

Les seules différences notables dans les parties comparables des deux documents sont l'abandon par le roi des droits du fisc au profit de l'abbaye des Fossés — ce qui est fréquent à cette date, — et l'engagement pris par le roi en ces termes : « necnon et quicquid ex rebus pars sepefati monasterii infra regni nostri ditionem habere videtur sub nostro gubernationis ordine statuimus », engagement qui prémunissait l'abbaye lointaine contre l'attribution des biens des Fossés en bénéfice ; d'autres abbayes avaient eu à se plaindre à ce sujet.

Le diplôme des Fossés comporte en outre la clause des cas réservés ; elle est exprimée dans des termes excellents et très voisins de ceux que nous trouvons dans le diplôme de Lagrasse du 3 septembre 838 : il est incontestable que les deux abbayes ont reçu ce privilège judiciaire dès ce moment.

La circonstance qui paraît la plus choquante est que la « villa » de Miré n'appartient point au royaume d'Aquitaine. Mais Pépin Ier s'en explique ainsi : « Miserante divinae propitiationis clementia caput ejusdem ville a piissimi genitoris nostri largitione nostrae ditioni subactum est. » Que faut-il entendre par l'expression « caput ejusdem villae » ? La « villa » de Miré faisait partie d'un domaine, comme les « villae » de Gorce et de Pompejac qui dépendaient de la « curtis » royale de Saint-Germain ; elle a été inféodée à Gauzbertus, et l'empereur, en vertu d'un échange, a permis à celui-ci d'en disposer en faveur des Fossés. Mais l'acte de cession à l'abbaye parisienne ne peut devenir définitif que si celui au pouvoir de qui est le « caput » le confirme ; c'est donc que ce dernier a un droit de propriété éminent. Alors le « caput » nous paraît être quelque chose comme le « mansus indominicatus », le « chef-manse », ou, comme on dira plus tard, le « chef-manoir » d'un fief. Ce n'est donc pas tant en sa qualité de roi d'Aquitaine qu'au titre de propriétaire exerçant son droit éminent que Pépin confirme le « relatum quoddam genitoris nostri roborabiliter manu subnixum », cet acte que Charles le Chauve appellera plus simplement et plus clairement l'« auctoritas » de son père et qu'il confirmera à son tour.

Malgré les singularités du présent diplôme, nous ne nous sentons pas suffisamment armés, dans l'état de nos connaissances, pour conclure à l'inauthenticité. Nous tenons l'acte pour sincère.


(Chrismon). Pippinus, ordinante divinae majestatis gratia, Aquitanorum rex. Petitiones denique fidelium nostrorum, quas bone voluntatis intentio nostris auribus infert, tanto facilius nostra clementia sunt jure faciende quanto eas nostri intellectus juditio [2] a divinae voluntatis probamus nutu minime discrepare. Idcirco contempletur devota omnium fidelium Dei seu nostrorum, praesentium scilicet et futurorum, dilectio quia vir quidam venerabilis, Gauzbertus nomine, mansuete celsitudinis nostrae sublimitatem adiens nostris detulit obtutibus relatum quoddam genitoris nostri [3] roborabiliter manu subnixum, quo continere perspeximus qualiter idem praefatus Gauzbertus, a genitore nostro licentia sumta ut ex ejus voratis seculi fluctibus ad meliorem vite tramitem inmuteretur, quasdam res propriis sui juris pro commertio ad fiscum ejusdem genitoris nostri delegavit [4] ut aliqua villa, nomine Mairiacus, quam ante beneficialiter habuerat a genitore nostro, loco, quo ipse voluntatis suae propositum observare spopondit, per caesareum suum edictum inrefragabiliter confirmaretur. Sed quia super hoc genitoris inenarrabilem [5] pietatem favisse cognovimus, libuit ut et serenitas nostra praeces ipsius adsensum praebere nullatenus differre et pro eo quod, miserante divinae propitiationis clementia, caput ejusdem ville a piissimi genitoris nostri largitione nostrae ditioni [6] subactum est, per hos regales apices eodem loco quo nobis postulatum est, qui vocatur Fossatis, suprascriptam villam, sitam in pago Andecavo, in centena Briosartense, super fluvium Brise, ob devotissimi obsequii praefati Gauzberti [7] gratiam praecumque suarum inestimabilem functionem, liberaliter confirmamus, cum omnibus videlicet quae ad ejusdem ville integritatem pertinere noscuntur, tam in aedificiis quam et in mancipiis seu in agris vel in silvis [8] necnon in cunctis abjacenciis juris ipsius ville mancipatis, eo scilicet ordine ut deinceps eadem villa, quam praedicto monasterio Fossado nostra delegavit pietatis serenitas cum omnibus suis appendiciis pro anime nostrae aemolumento [9] vel ipsius cujus in hoc negotio laudabilem obsequimus voluntatem, de jure fisci nostri in praefati sancti loci potestatem transferatur atque confirmetur, ita ut abhinc in futurum pars ipsius monasterii vel rectores qui in ipso loco per tempora fuerint [10] per hoc nostrae confirmationis scriptum habeant, teneant atque lege perpetua possideant, eisdem ex rebus nullo unquam tempore a quoquam quaerelam pati pertimescant, sed ipsi sancta loco ac Deo delecte congregationi proficiat [11] in augmentum, qualiter, pro stabilitate nostra et totius regni nostri a Deo nobis conlati, et pro ipsius culpis cujus petitionem nos haec fecisse memoravimus, omni tempore Dei omnipotentis clementiam exorare propensius delectet. [12] Reminiscentes insuper in his similibus actis peccaminum nostrorum pondus in aliquo minuendo deficere, easdem res sub nostro mundeburdo ac tuitionis defensione suscipimus, necnon et quicquid ex rebus pars sepefati monasterii infra [13] regni nostri ditionem habere videtur sub nostro gubernationis ordine statuimus, praecipientes immo et per hos regales apices omnimodis decernentes ut deinceps easdem res, quocumque infra nostrum site sint, nullus judex publicus [14] aut aliquis ex judiciaria potestate infra easdem res, ad causas audiendas aut mansionaticos exigendos vel paratas aut veredos requirendos, ullo unquam tempore ingredi audeat, aut a degentibus in eisdem locis quicquam [15] quod ad fiscum nostrum adtinet exigere praesumat. Et si aliquae causae adversus homines inibi commanentes surrexerint vel orte fuerint quae intra pagum vel infra patriam absque gravi et iniquo dispendio definite [16] esse nequiverint, volumus atque omnimodis sancimus ut usque in praesentiam nostram sint suspensae vel reservatae, quatinus inibi secundum equitatis ordinem finitivam accipiant sententiam. Et ut haec [17] cessionis, confirmationis praeceptionisque nostrae merces a fidelibus sanctae Dei ecclesiae et nostris firmius credatur diligentiusque conservetur, manu propria subter firmavimus et anuli nostri impressione [18] subter eam jussimus sigillare.

[19] Signum (Monogramma) Pippini gloriosissimi regis.

[20] (Chrismon). Isaac clericus ad vicem Dodonis recognovi et s. (Signum recognitionis, cum notis inclusis : Isaac clericus atque notarius invicem Dodonis recognovit et subscripsit.) (Sigillum, cum notis sub sigillo : Dodo in Christo ambasciavit).

Data VII kl. novembres, anno XXII imperii domni Hludowici serenissimi augusti et XXI regni nostri. Actum in Teotuadum palatium nostrum. In Dei nomine, feliciter. AMHN. (Nota : Amen).


Image de l'acte

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Cliché Archives nationales de France.


Localisation de l'acte

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