838, 23 août. — La Garnache (Forêt).
Pépin Ier, à la demande de l'abbé Helias, octroie à l'abbaye de Conques en Rouergue, en raison de la participation du feu comte Gibertus à la fondation de l'abbaye par Dado, une charte de protection royale et une confirmation de tous les biens de ladite abbaye, spécialement de ceux qui furent donnés au monastère par les époux Lautarius et Petronilla et dont les actes de donation ont été soustraits par des malveillants, confirme également la donation faite tout récemment par lui-même du monastère de « Jonante », confère la « villa » de « Fiscella », des manses sis dans la « villa » d'Ambeyrac, l'église de Sainte-Colombe avec la réserve de « Panderemia », les « villae » de Gaillac, de Bournac, de Cussac et de Bouillac, l'église de « Columbangas » avec les églises de Saint-Étienne et de Saint-Loup et le petit manse de « Mons Serenus », et dans le même « pagus », la « villa » de Flagnac, avec trois églises, dont l'une est sous le vocable de Saint-Jean et la seconde sous celui de Saint-Martin, et le manse d'« Alonzinas », églises et manse qui avaient fait l'objet d'un échange avec le comte Witbaldus, et le manse et la vigne donnés par l'évêque Feraldus, exempte du « tortus » les avoués de l'abbaye, permet aux moines de Conques de construire à Figeac le monastère de Nouvelles-Conques, réserve à l'abbaye rouergate la qualité de maison-mère, réunit la congrégation de « Jonante » aux moines conquois établis à Figeac, enfin accorde aux moines la liberté de l'élection abbatiale.
A. Original. Parchemin avec traces de sceau. Hauteur 700 mm. ; largeur 620 mm. Archives de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, à Rodez.
B. Copie de la fin du xie s., Archives départementales de l'Aveyron, H, fonds de l'abbaye de Conques, non classé, d'après A.
a. Bosc, Mémoires pour servir à l'histoire du Rouergue, édition de 1796, t. III, p. 153, d'après AB ; édition de 1879, p. 395, n° ix, d'après a.
b. Gustave Desjardins, Cartulaire de l'abbaye de Conques en Rouergue, p. 411, n° 581, d'après a.
c. Ruthena christiana sive series et historia episcoporum Ruthenensium, art. 11 : Faraldus, publié par Maisonabe dans les Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de Rodez, t. XIV, 1893, p. 351, fragment.
Indiqué : Bonal, Comté et comtes de Rodez, p. 13.
Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 28.
Indiqué : État général par fonds des archives départementales, col. 85.
Le diplôme de Pépin Ier pour l'abbaye de Conques est, de tous ceux qui composent le présent recueil, le seul avec celui de Saint-Julien de Brioude, dont la critique laisse subsister en notre esprit une légère inquiétude. Aussi bien, nous demandons au lecteur la permission de lui présenter le pour et le contre dans le débat de l'authenticité.
A, dont nous avons donné ci-dessus les caractéristiques, est d'une belle écriture caroline diplomatique qui se déroule avec une régularité parfaite sur des lignes tracées à la pointe sèche et qui nous paraît bien appartenir au ixe s., à l'époque de Pépin Ier. La première ligne et les souscriptions du roi et du notaire, en caractères allongés, ont été tracées par le scribe qui a écrit le reste de la teneur : ce que nous constatons aussi dans le diplôme original de Pépin Ier pour Lagrasse. Le monogramme est d'un dessin identique à celui de ce dernier diplôme. La souscription de chancellerie se termine par une ruche qui renferme des notes tironiennes, et à la droite de laquelle se trouve l'incision cruciale qu'entoure la trace circulaire brune du sceau plaqué. La date, rejetée tout au bas du parchemin, est écrite en caroline de manuscrit peu soignée, comme on le constate pour la date d'autres diplômes originaux. Tout cela constitue évidemment, si j'ose m'exprimer ainsi, une atmosphère favorable à l'instrument d'archives, si favorable même qu'après avoir vu l'original nous sommes tentés de nous en tenir là et de conclure avec Gustave Desjardins à « l'authenticité inattaquable » du diplôme de Pépin Ier : considéré du point de vue des caractères externes, l'acte est donc excellent.
Mais, si nous examinons maintenant les caractères internes, nous aurons à signaler des anomalies, ou du moins des singularités qui nous paraissent irrégulières par rapport aux autres actes authentiques de Pépin Ier que nous possédons. Ainsi, par le style de la suscription, comme par celui de la date, notre document est très voisin du diplôme pour Saint-Pierre de Jumièges expédié le 23 avril 838 ; mais, ni dans ce diplôme-ci, ni dans aucun autre de Pépin Ier, nous ne rencontrons le nom de l'empereur suivi des mots « caesaris augusti » ; l'usage constant était de faire précéder de l'épithète « serenissimus » la qualification d'« augustus ».
De même, la souscription royale est tout-à-fait exceptionnelle : « Signum Pippini (Monogramma) precellentissimi regis » est anormal et par la place du monogramme et par l'épithète de « precellentissimus » : dans la chancellerie de Pépin Ier, les deux seules formules que nous trouvons employées ailleurs sont : « Signum (Monogramma) Pippini regis » qui a été en usage jusqu'au 10 mars 828 au moins, et « Signum (Monogramma) Pippini gloriosissimi regis » qui est seul usité depuis le 6 juin 828 au plus tard jusqu'à la fin du règne, selon nos diplômes authentiques. La souscription du diplôme de Conques est celle que nous lisons constamment dans l'eschatocole des actes de Pépin II d'Aquitaine.
Faut-il encore noter que tous les autres diplômes originaux de Pépin Ier portent la souscription de chancellerie rédigée à la première personne du singulier sous la forme : « (Chrismon). N. diaconus (ou clericus) ad vicem N. recognovi et subscripsi », et que le nôtre est souscrit : « (Chrismon). Albericus clericus ad vicem Isaac recognovit et subscripsit », à la troisième personne ? Quelques diplomatistes ont formulé comme une règle générale que la souscription de chancellerie devait être rédigée à la première personne ; mais il y a des exemples incontestables de souscriptions de notaire à la troisième personne dans les chancelleries carolingiennes contemporaines ; et le nombre des diplômes originaux de Pépin Ier dont nous disposons est trop infime pour que nous puissions dire que les choses ne se passaient pas dans la chancellerie de ce roi comme dans les autres chancelleries. Peut-être y aurait-il lieu d'examiner si, dans les chancelleries où l'on observe cette différence dans les souscriptions d'un même notaire, elle correspond à une signature personnelle ou à une signature administrative, selon le cas : une comparaison de la souscription de notre diplôme conquois avec celle du diplôme pour Lagrasse — qui est de la même année et qui est souscrit par le même notaire Albericus à la place du chancelier Isaac — révèle entre les deux écritures assez de disparate pour qu'on ne puisse croire qu'elles ont été tracées par la même main. Si l'un des deux est de la main d'Albericus, ne serait-ce pas plutôt celle qui est rédigée à la première personne ?
Sans insister outre mesure sur les barbarismes nombreux du texte, il en est un que nous ne pouvons pas ne pas signaler : le nom de l'empereur que nous trouvons toujours orthographié « Hludowicus » dans les diplômes carolingiens de cette époque est déformé en « Ludogvicus » dans la date, c'est-à-dire dans une partie du document qui, étant donnée l'écriture, eût dû être nécessairement rédigée dans la chancellerie.
Certaines expressions, comme « comites illius provinciae » ou « nobiles personas », ne sont pas d'un usage courant au temps de Louis le Pieux dans les actes diplomatiques : toutefois, la seconde, que nous trouvons parfois et anciennement appliquée à des personnages ecclésiastiques, peut être rapprochée de celle de « nobiles laici » ou de « nobiles viri » que nous rencontrons dans les documents authentiques de cette époque. Mais voici qui peut paraître plus grave : à la suite de la clause qui assure aux moines le droit d'élire librement leur abbé, le roi requiert, selon l'usage, des prières pour lui, pour sa femme et ses enfants ; mais, au lieu d'en réclamer pour la stabilité de son royaume, « pro stabilitate regni nostri », comme dans ses autres diplômes, il en demande pour l'empire tout entier, « pro... stabilitate totius imperii. » Cela est bien singulier. Une telle formule est à sa place dans un diplôme impérial. Et c'est aussi d'un diplôme impérial que vient cette formule qui termine la clause écartant toute autorité publique du monastère pour permettre à l'abbé Helias et à ses moines de « quieto ordine possidere et nostro successorumque nostrorum fideliter parere imperio ». La formule qui commande l'obéissance à l'autorité suprême du souverain ne se lit, si nous ne nous trompons, que dans les diplômes émanés de cette autorité suprême à l'époque de Louis le Pieux, c'est-à-dire dans les diplômes impériaux : le diplôme de Conques est le seul des actes de Pépin Ier qui nous présente ce cas. Si nous lisions ces formules dans une confirmation d'un acte de Louis le Pieux, nous pourrions croire à une transposition maladroite d'un diplôme à l'autre ; mais tel n'est pas le cas ; bien au contraire, dans l'acte que nous examinons, Pépin semble, comme à plaisir, avoir voulu effacer tout souvenir de son père, non seulement en ne rappelant pas que l'empereur avait pris lui aussi le monastère de Conques sous sa protection particulière, mais en s'attribuant le mérite de la fondation de cette abbaye.
Pépin se donne, en effet, comme fondateur de cette maison : « Quia ipsum monasterium in nostro proprio constat constructum et nostra auctoritate factum est... », dit-il. Une telle assertion, qui constitue une erreur grave, ne paraît pouvoir s'expliquer encore que par un emprunt maladroit à un diplôme de Louis le Pieux. La fondation de Conques est un événement historique qui eut en son temps assez de retentissement pour être consigné dans le poème qu'Ermoldus Nigellus écrivit, en 826, pour rentrer en grâce auprès de Louis le Pieux et qu'il dédia à l'empereur, à l'impératrice Judith et à Pépin Ier d'Aquitaine. Ermoldus rapporte que le monastère de Conques fut fondé par Louis (qui n'était encore que roi d'Aquitaine) et par Datus, un pieux ermite réfugié en ce lieu désert. La fondation avait eu lieu après une incursion des Maures.
Le témoignage du poète est confirmé par un diplôme de Louis le Pieux, donné à Aix-la-Chapelle le 8 avril 819 : cet acte expose qu'un saint homme, le vénérable Dado, cherchant la solitude pour y vivre avec Dieu, s'établit sur les bords du Dourdou, à Conques en Rouergue, où des chrétiens, fuyant devant les Sarrasins qui dévastèrent la région et en firent quasiment un désert, construisirent un tout petit oratoire. Dado défricha le sol de ses mains. Peu de temps après, un autre ermite, Medraldus, vint l'y rejoindre. Bientôt leur réputation de sainteté attira auprès d'eux quantité de gens qui, abandonnant le siècle, voulurent vivre de leur vie et se confièrent à leur direction. Une église fut alors édifiée en l'honneur du Sauveur. Mais Dodo, désireux de vivre seul, gagna un lieu plus retiré, Grandvabre, et Medraldus devint abbé d'une congrégation régulière que le roi prit sous sa « défense » et sauvegarde particulière.
La fondation de Conques se place entre l'année 793 en laquelle se produisit l'invasion sarrasine dont parlent nos deux sources, et l'an 801 où, dès le mois de février, l'abbé Medraldus et ses moines recevaient d'un certain Leutadus un domaine à Saint-Martin de Larzac. Elle est même de 799 ou de 800, si le récit que nous en fait Ermoldus est à sa place chronologique dans l'œuvre du poète courtisan. Il n'y a donc pas de doute possible : le monastère existait à la fin du viiie siècle, et Pépin d'Aquitaine ne fut pour rien dans sa fondation.
Cette erreur sur la personne du fondateur se trouve dans le passage qui concerne les avoués, et non dans le récit de la fondation que le diplôme de Pépin contient dans sa notification. Ce récit, s'il n'est pas absolument conforme aux précédents sur l'invasion sarrasine, ne les contredit pas, mais ajoute aux renseignements qu'ils nous ont livrés un détail important : « Le vénérable homme Dado reçut un certain lieu appelé Conques, dévasté et rendu désert par les Sarrasins, situé dans le Rouergue et pris sur le fisc royal par permission du feu comte Gibertus. Il y fonda le monastère et les autres édifices et il y rassembla une troupe de moines pour y mener la vie religieuse. » L'intervention du comte nous est pour la première fois signalée ; elle n'a rien en soi que de vraisemblable. D'après les sources que nous venons de consulter, l'abbaye de Conques a ses origines dans une adprisio, c'est-à-dire dans une occupation de terres incultes et inhabitées. Mais ces terres désertes, abandonnées, appartenaient au fisc : le roi seul en pouvait disposer, et l'adprisio, mode intermédiaire de possession du sol entre la tenure en bénéfice et la pleine propriété, ne constituait en fait qu'un titre auprès du souverain à une concession définitive. Cette occupation ne se pouvait faire qu'avec la permission du roi ou celle du comte. Plus ou moins longtemps après, le roi qui avait autorisé l'adprisio consolidait les droits des détenteurs en plaçant leurs biens sous sa « tuitio » : c'est ce que Louis le Pieux avait fait par son diplôme de 819, et sans justifier l'octroi de sa protection par une intervention du comte. Aussi est-on un peu étonné qu'en 838 seulement cette intervention du comte Gibertus soit invoquée par un roi qui s'attribue faussement le mérite de la fondation, qu'elle le soit pour expliquer la décision de ce prince d'enlever tout pouvoir au comte sur le monastère afin de prévenir tout conflit entre les « rectores praefati monasterii » et les « comites illius provinciae. » Cette dernière préoccupation nous apparaît après coup comme presque divinatoire, car Conques aura sujet de se plaindre au xe s. de comtes qui violeront précisément le diplôme de Pépin en divisant ce qu'il avait uni. Faut-il croire qu'elle n'était au contraire que la conséquence des rivalités qui se seraient déjà produites entre comtes et abbés avant 838 et dont l'écho très affaibli nous parviendrait par la voie de notre diplôme ? Ne serait-ce pas déjà le monastère de Figeac qui aurait été l'objet de ces querelles, ce monastère au sujet duquel notre acte prend la précaution de réserver à l'abbaye de Conques la « dignitas prioratus atque antiquitatus reverentia », comme s'il prévoyait qu'un jour Figeac en viendrait à réclamer pour lui cette dignité de priorité et ce respect d'ancienneté ? Il est possible, en effet, que Figeac ait tenté au lendemain de sa fondation de se rendre indépendant sous l'abbé Haigmarus.
En raison de la décision prise d'enlever au comte tout pouvoir sur l'abbaye, le dispositif commence par une formule qui, en tête des agents publics qu'on écarte du monastère, désigne spécialement le comte. Certes, si nous avions affaire à un diplôme d'immunité, comme on l'a quelquefois prétendu, on s'étonnerait de trouver la mention du comte en cet endroit : car l'on sait que les formules alors en usage dans les actes de cette nature ne nomment plus le comte ; les comtes, représentants du souverain dans leurs comtés, ont dans leurs attributions de faire respecter le privilège de l'immunité. Mais notre document est un acte de mainbour qui, à défaut même de la formule positive « sed liceat memorato... abbati... res et mancipia... sub nostra tuitione atque defensione, remota totius juditiariae potestatis inquietudine, quieto possidere », se reconnaîtrait à la formule négative caractéristique qui la précède « jubemus ut nullus comes... ullam injustam calumniam aut infestationem vel contrarietatem facere... audeat ». Et, dans des actes qui contiennent les termes essentiels de la formule, parce que, sans être spécifiquement des actes de protection royale, ils assurent à leurs destinataires les avantages de cette protection, nous trouvons le comte figurant en tête de l'énumération des agents publics. Exemple : « ... per quam decernimus atque jubemus ut nullus comes aut judex publicus sive actor imperialis aut qualibet potestate praedita persona ab hac die in futurum memorato viro venerabili illo vel successoribus ejus pro eisdem ecclesiis vel rebus ad eas nostra liberalitate concessis repetitionem facere aut ullam calumniam ingerere praesumat. » Dans un diplôme original de protection royale octroyé, à la requête du métropolitain de Mayence, Lull, aux moines de Hersfeld par l'empereur Charlemagne le comte est expressément écarté du monastère protégé : « ...neque comes neque judex publicus neque missi nostri discurrentes in vilabus eorum nec in rebus eorum se presumant aliquid contingere neque mansionaticus preparandum nec ullum impedimentum eos facere presumant. » Nous ne devons pas, par conséquent, nous étonner de voir apparaître le comte en ce passage de la teneur de notre diplôme ; pas plus, du reste, que de trouver un peu plus bas une énumération des péages dont le comte, ses agents ou toute autre personne ne doivent exiger le paiement, — ce qui encore une fois serait exceptionnel dans une immunité. « Les cens en argent sur la terre, les services en nature sur les hommes de l'adprisio, charrois, corvées, prestations, fournitures de chevaux » sont prohibés en vertu même de la « defensio et tuitio ». Qu'il nous suffise de reproduire ici la première partie de la formule impériale suivante : « Omnibus episcopis, abbatibus, comitibus, vicariis, centenariis seu ceteris ministerialibus nostris notum sit quia iste Hebreus, nomine Abraham, habitans in civitate Cesaraugusta, ad nostram veniens praesentiam, in manibus nostris se commendavit, et eum sub sermone tuitionis nostre recepimus ac retinemus. Propterea hanc praesentem auctoritatem nostram ei fieri jussimus, per quam decernimus atque jubemus ut neque vos neque juniores seu successores vestri memoratum Judeum de nullis quibuslibet illicitis occasionibus inquietare aut calumniam generare neque de rebus suis propriis vel negotio seu aliquid abstrahere aut minuare ullo unquam tempore praesumatis et neque teloneum aut paravereda aut mansionaticum aut pulveraticum aut cespitaticum aut portaticum aut salutaticum aut trabaticum exactare ; sed liceat illi sub mundeburdo et defensione nostra quiete vivere et partibus palatii nostri fideliter deservire absque alicujus illicita contrarietate. » Une telle énumération est donc bien à sa place dans notre diplôme.
Le précepte de Pépin Ier est en même temps qu'une charte de mainbour une confirmation de biens comportant l'abandon des droits que le fisc pouvait exiger au sujet de ces biens. Comme la « tuitio », la confirmation des biens est un moyen de prévenir les rivalités entre les recteurs du monastère et les comtes : le roi le déclare expressément. Cela revient à dire que les comtes ne pourront disposer de l'une quelconque des possessions de l'abbaye qui vont être énumérées par le diplôme. Malheureusement l'histoire des domaines énumérés ici nous échappe presque complètement ; quand le voile qui nous la cache se soulève, nous voyons les moines figeaciens du xie s. en disputer à Conques quelques-uns, « villae », églises et manses — du moins ceux dont les noms n'ont pas été estropiés — comme ayant fait partie de la dotation du monastère de « Jonante », et invoquer des faux audacieux à la base desquels on retrouve notre diplôme conquois. Et, en définitive, tout se ramène ici à la question des rapports de Conques et de Figeac ; il s'agit encore de savoir si le diplôme de Pépin Ier nous conserve l'écho de luttes antérieures à celles qui nous sont connues par les pièces du procès du xie s. Il est certain que l'insistance que le rédacteur de ce diplôme met à parler de certains biens et du monastère de « Jonante », sans aller jusqu'à créer en l'esprit de l'inquiétude, ne laisse pas de paraître un peu singulière. Les biens, ce sont ceux qui ont été donnés par un certain Lautarius et sa femme Petronilla et dont les titres de propriété ont été soustraits par des pervers. Le roi confirme d'abord aux Conquois la propriété de ces biens et la donation du monastère de « Jonante » qu'il avait faite lui-même tout récemment à l'abbaye de Conques. Puis, après toutes les autres confirmations, quand le roi a déjà déclaré que tous les biens dont il a été question doivent demeurer en la possession de l'abbaye rouergate « absque alicujus contrarietate aut infestatione », il ajoute qu'il faut redouter par-dessus tout que quelque injustice ou quelque empêchement vienne troubler les moines dans la possession de tous ces biens et nommément du monastère de « Jonante » et des biens donnés par Lautarius et Petronilla ; et ce passage-ci est conçu de telle sorte que, détaché de son contexte, il pouvait donner la tentation, à laquelle les Figeaciens ne devaient pas résister, d'attribuer les donations faites par les « nobiles personas » non pas à Conques, mais à « Jonante » : « Et nullam deinceps calumniam aut aliquod impedimentum a quoquam de prephato monasterio Jonantae neque de rebus a Lautario et uxore sua Petronilla ibidem conlatis neque de reliquis possessionibus suis quas moderno tempore juste et legaliter in quibuslibet paginis et territoriis quieto ordine tenet vel possidet monasterium... penitus pertimescat. » Or, une troisième fois, il est question de « Jonante », et de nouveau le roi rappelle qu'il a donné ce monastère récemment à l'abbaye de Conques. Et cette dernière mention se trouve dans le récit de la fondation de Figeac, récit sur lequel s'appuyait la prétention des Figeaciens d'être les héritiers des moines de « Jonante ». « Cependant, dit le diplôme, parce que le monastère de Conques s'élève en des lieux très âpres et très étroits, que cette étroitesse l'empêche d'être plus peuplé et que cette aspérité rend difficile son ravitaillement, il a plu à notre sérénité de construire un monastère en un lieu appelé Figeac qu'il nous a plu pour cela d'appeler Nouvelles-Conques, afin que ledit monastère de Conques soit soustrait à l'étroitesse du lieu et à la pénurie de porteurs d'aliments, que ses habitants puissent librement et agréablement y servir Dieu et implorer plus activement la divine miséricorde pour la stabilité de notre royaume. Pourtant, pour conserver au premier monastère de Conques la dignité attachée à la primauté et le respect dû à l'ancienneté, que l'abbé veille à y maintenir autant de moines que ce lieu peut en nourrir sans difficulté. Nous décrétons que les moines de “Jonante” que nous avons donné au monastère de Conques par l'autorité de notre précepte, se réunissent là, c'est-à-dire à Nouvelles-Conques, pour y servir Dieu avec les autres frères venus de Conques. »
Au cours de la querelle qui mit aux prises Conques et Figeac au xie s., les Figeaciens prétendirent n'avoir jamais été soumis à Conques et tentèrent même de renverser les rôles, en accusant leurs adversaires conquois de vouloir « faire que la tête fût la queue, et la queue, la tête » ; et, le débat s'étendant à la question d'ancienneté, les Figeaciens, qui nous montrent les ermitages conquois élevés à la dignité de prieuré de Figeac par le fondateur de leur propre maison, s'assurèrent une antiquité plus haute en donnant Clovis pour fondateur à « Jonante », la maison primitive que leur monastère avait remplacée. Évidemment notre diplôme de Pépin Ier, s'il était faux, ne pourrait pas être reporté jusqu'à l'époque où de telles prétentions furent émises par le monastère cadurcien. Mais si déjà, au ixe s., Figeac avait tenté de se séparer de Conques et y avait réussi, nous inclinerions à voir dans notre diplôme la preuve des efforts qu'auraient faits les moines de Conques pour replacer Figeac sous la juridiction de leur abbaye.
Un autre passage des confirmations de biens pourrait être invoqué, dans une certaine mesure, pour montrer qu'il avait pu exister un autre diplôme dont celui que nous possédons ne serait qu'une copie fautive et remaniée : dans la donation de Flagnac, le roi mentionne trois anciennes églises et il n'en cite que deux : « villam Flaginiacum cum tribus quondam ecclesiis quarum una sub honore sancti Johannis, altera sub honore sacri Martini constat. » Or, voici comment l'un des diplômes faux que les Figeaciens mirent sous le nom de Pépin le Bref transcrit la même mention : « villam Flaniacum cum tribus ecclesiis quarum una sub honore sanctae Mariae, alia sub honore sancti Johannis, alia sub honore sancti Martini constat ». Admettons donc pour un instant que les Figeaciens aient conservé un exemplaire de l'acte de Pépin Ier — car, en somme, cet acte était leur titre de fondation —, un exemplaire indépendant du diplôme conquois qui nous est parvenu, un exemplaire qui nous livrerait un meilleur texte concernant Flagnac. Mais alors, par choc en retour, le diplôme faux de Figeac servirait à établir l'excellence de la formule de protection terminée par la réserve des devoirs envers l'empereur, puisque alors l'ancien exemplaire qui lui aurait servi de modèle l'aurait contenue dans les mêmes termes que notre diplôme de Conques. Mais non, à Figeac, on ne possédait pas cet exemplaire ancien, et c'est l'acte conquois que nous publions ci-dessous qui fut copié et c'est sur la copie qu'ils s'en procurèrent, je ne sais comment, qu'ils travaillèrent pour forger leur diplôme de Pépin le Bref. Et, si le faussaire a inscrit trois églises là où le rédacteur de son modèle n'avait bien voulu en inscrire que deux comme le prouvent les mots « una..., altera... » dont il s'est servi, c'est que ce faussaire a été choqué de voir trois églises annoncées et de ne trouver que les noms de deux d'entre elles : il a corrigé arbitrairement le texte.
Desjardins voyait dans un autre passage du diplôme de Conques la preuve incontestable que ce document était d'une authenticité parfaite : les moines de Conques dans leur rivalité avec ceux de Figeac n'auraient pas osé se servir de ce diplôme parce qu'il assurait au monastère figeacien une indépendance à terme, si je puis m'exprimer ainsi, en permettant aux frères de Nouvelles-Conques d'élire un abbé particulier après la mort de l'abbé Helias et de son successeur. Incontestablement, si le diplôme de Conques ne pouvait avoir été versé aux débats parce qu'il aurait plutôt servi la cause de Figeac que celle de Conques, il y aurait là, en effet, un argument dont on ne pourrait nier la valeur. Mais cela n'est pas ; M.W. Pückert a le premier signalé l'erreur de Desjardins. Non seulement l'acte ne vise pas les seuls moines de Figeac quand il parle de l'élection abbatiale, mais il ne fixe pas un terme au delà duquel les Figeaciens auraient le droit d'élire leur abbé propre.
L'erreur de Desjardins repose en partie sur le texte fautif de son édition : il connaissait bien l'existence d'A, mais il ne s'est point servi de cet original pour l'établissement de son texte ; il s'est borné à reproduire a qui donne, en effet, comme b, « supradictus abba vel successor ejus » là où A porte sans contestation possible « supradictus abba vel successores ejus ». Notre diplôme pouvait donc bien servir à combattre les prétentions de Figeac à posséder un abbé particulier, puisqu'il affirmait que les Figeaciens avaient pour chef élu l'abbé de Conques : or toute l'Historia monasterii Figiacensis n'est qu'un long factum destiné à établir que Figeac avait eu dès ses origines des abbés indépendants de l'abbaye de Conques. Du reste, le diplôme de Pépin a réellement servi aux Conquois dans leur différend avec les moines de Figeac, puisqu'il est expressément invoqué dans la charte de Bego de Calmont et dans le Chronicon monasterii Conchensis qui furent versés aux débats.
Mais, si notre diplôme peut être un faux, dans ce cas il doit être attribué à Pépin le Bref ; nous raisonnons ainsi : les moines de Conques n'ignoraient pas que leur fondateur était, avec Dado, le roi Louis d'Aquitaine qui devint l'empereur Louis le Pieux. En taisant l'intervention de ce prince dans le récit qu'ils nous ont fait ici de la fondation de leur abbaye, en plaçant dans la bouche du roi la phrase « quia ipsum monasterium in nostro proprio constat constructum et nostra auctoritate factum est », ils ont voulu sans doute nous donner le change sur le temps où fut fondée leur maison et sur le nom de leur fondateur. Il n'y a pas d'exemple de moines cherchant à rajeunir leur monastère, parce que l'ancienneté donne à toutes choses un caractère vénérable : donc, un roi Pépin antérieur à Louis le Pieux ne peut être que Pépin le Bref. Il semble que d'assez bonne heure on ait considéré notre diplôme comme un acte du premier roi carolingien ; dans la charte de Bego de Calmont, qui est du 3 janvier 1061 ou 1062, en tête de l'analyse du diplôme, nous lisons : « Gubernante summo rege Pippino regnum Francorum, multa a fundamentis construxerat coenobia multaque reaedificavit diruta ». Et il est certain qu'on a fini par croire à Conques qu'il s'agissait bien d'un diplôme de Pépin le Bref, puisque, au xviie s. encore, malgré la mention de Louis le Pieux dans la date, un moine inscrivait au dos de l'original la date de 768 ; et il n'est pas moins sûr que c'est en invoquant notre diplôme que les Conquois purent prétendre dès la fin du xie s. avoir pour fondateur de leur maison Pépin le Bref.
Toutefois cela n'aurait-il pas dû être un fait indiscuté, admis les yeux fermés par les moines de Conques du xie s., que leur monastère possédait dans ses archives l'acte de fondation de leur abbaye par Pépin le Bref ? L'auteur du Chronicon monasterii Conchensis, qui écrivait en 1095 ou 1096, replace pourtant notre diplôme à son rang chronologique, sinon à sa date, et n'ignore pas que Pépin est le fils du « glorieux empereur Louis ». On hésitait au xie s. et dans l'abbaye de Conques elle-même, sur la personne qui avait donné le précepte ; et ces hésitations, comme il semble, venaient non pas de l'ignorance où l'on aurait été de la vérité historique, mais bien du désir qu'on avait de vieillir l'institut monastique de Conques. Feintes ou réelles, seraient-elles naturelles si le diplôme avait été forgé comme un acte de Pépin le Bref et s'il avait été depuis plus de deux siècles en possession de cet état civil ?
En somme, un fait, la participation de Pépin à l'acte de la fondation, ne paraît pas concorder, dans l'état de nos connaissances, avec ceux que l'histoire enregistre sans contestation possible ; des dispositions prises par le souverain nous ont semblé devoir se rapporter plutôt à un conflit passé ou actuel qu'à un conflit probable ou seulement même possible ; des anomalies de style diplomatique, des barbarismes et autres incorrections qui nous étonnent surtout par leur fréquence excessive ont été relevés qui devaient être signalés : voilà les éléments d'un réquisitoire qui pourrait entraîner une condamnation si nous ne possédions pas l'original du diplôme. Mais, en définitive, ne se pourrait-il pas que tel événement, comme une construction nouvelle, par exemple, ou même simplement l'achèvement des travaux entrepris par son père, eût permis à Pépin Ier de dire que le monastère avait été construit par son « auctoritas » ? ou que sa qualité royale le fît participant à l'œuvre paternelle et lui permît de se dire le fondateur de l'abbaye conquoise ? Nous songeons à un cas analogue : le roi Pépin le Bref avait entrepris la construction d'une nouvelle basilique de Saint-Denis qui ne fut terminée que par Charlemagne ; ce dernier, dans le diplôme qu'il accorde à l'abbaye à l'occasion de la dédicace, s'attribue tout le mérite, sans faire la moindre allusion à son père ; et, si nous n'avions pas le texte des Miracula sancti Dionysii, nous pourrions croire que Charlemagne avait été l'initiateur des nouvelles constructions. D'autre part, nous ne trouvons pas trace au ixe s. du conflit qui expliquerait la fabrication d'un faux de cette nature. Quelques-unes des anomalies de style supposeraient, si nous avions affaire à un faux, une transposition de formules d'un diplôme impérial de protection dans le diplôme de Pépin : mais de quel diplôme de Louis le Pieux pourrait-il bien s'agir, puisque le diplôme de mainbour délivré par Louis le Pieux à Conques nous est parvenu et que ses formules ne répondent pas aux exigences de style de notre acte ? Ne devons-nous pas croire que la chancellerie de Pépin avait adopté pour les préceptes de mainbour une formule empruntée aux formulaires en usage dans la chancellerie impériale ? Quant aux autres anomalies, qui ne sont telles que par rapport aux chartes connues, elles ne pourraient être considérées comme vraiment anormales que si nous avions d'autres raisons irréfutables de rejeter l'authenticité de l'original conquois, parce que nos documents de comparaison ne sont pas assez nombreux et que nous ne sommes point suffisamment informés des conditions dans lesquelles fonctionnait la chancellerie de Pépin Ier. Enfin, s'il est exact que dans certaines abbayes comme à Saint-Denis ou à Fulda il se soit trouvé des scribes assez habiles pour transcrire en des copies figurées extraordinairement fidèles des modèles diplomatiques difficiles à imiter, comme le sont des diplômes mérovingiens ou des diplômes des deux premiers Carolingiens, nous ne voyons pas cependant qu'on puisse comparer la dextérité de ces copistes à celle que supposerait la fausseté d'A, où, dans un document de cette dimension, l'examen le plus pénétrant ne décèle pas une hésitation de plume, pas une distraction qui ramène, sous la plume, au milieu de cette caroline diplomatique, des formes de la minuscule des manuscrits. Pour nous, il n'est pas douteux qu'un tel acte ait été écrit dans une chancellerie par un scribe familiarisé avec l'écriture diplomatique.
Concluons : il nous a paru que nous ne devions pas taire les raisons qui avaient jeté dans notre esprit un doute sur l'authenticité du document, même si, en dernière analyse, après avoir bien pesé le pour et le contre, nous étions conduits à proclamer bon et loyal l'instrument d'archives qui est le joyau des collections de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron ; et c'est à ce dernier parti que nous nous sommes arrêtés, puisque aussi bien nous ne pouvions pas ne pas conclure : nous admettons donc l'authenticité de l'acte.
Il nous a paru intéressant de donner les variantes de B : cette copie nous a servi à combler les quelques lacunes d'A, comme elle avait servi à Bosc qui ne la signale cependant pas. Contemporaine de celle qui nous a conservé le diplôme de Louis le Pieux, elle avait dû, comme celle-ci, prendre place dans le dossier que les Conquois avaient formé à la demande du pape Urbain II qui voulait confronter les prétentions de Conques et celles de Figeac au concile de Nîmes en 1096 : Conques n'exposait pas, sans doute, ses originaux aux périls d'un voyage aussi long. A ce titre, B peut intéresser les historiens.
(Chrismon). Pippinus, gratia preordinante divinae majestatis, Aquitanorum rex. Igitur si erga loca divino cultui mancipata regali more beneficia largimur [2] oportuna, id nobis procul dubio ad animae nostrae salutem et regni nostri stabilitatem proficere minime dubitamus. Itaque notum sit omnibus sanctae Dei ecclesiae et nostris, presentibus scilicet et futuris, qualiter olim vir venerabilis Dado quemdam locum qui dicitur Concas, desertum atque a Sarracenis depopulatum, [3] in pago Rotinico, per licentiam Giberti quondam comitis de ratione fisci regis accepit et monasterium vel cetera aedificia a fundamentis construxit atque monachorum turmam sub cultu religionis ibidem congregavit et, divina miserante clementia, per nonnullas nobiles personas ipse locus rebus et mancipiis est ditatus, ubi nunc vir venerabilis Helias, [4] auctore Deo, abba preesse dinoscitur. Nos vero predictum monasterium cum omnibus rebus et mancipiis ad se juste et legaliter adtinentibus per nostram auctoritatem sub nostra defensione constituimus ac retinemus. Sed ne in futuro aliquod scandalum inter rectores prefati monasterii et comites illius provinciae, eo quod prius per licentiam ipsius comitis idem monasterium [5] fundatum est, possit oriri, placuit nobis omnem dominationem et potestatem comitis a predicto auferre monasterio et sub nostra successorumque nostrorum, regum videlicet Aquitanorum, plenissime tuitione atque defensione constituere, et omnes res, que ibidem, temporibus antecessorum nostrorum vel nostro, tradite et condonate fuerunt, per hanc nostrae auctoritatis [6] preceptionem perpetualiter ad possidendum confirmare. Et ideo hos nostros regales apices circa ipsum monasterium ejusque congregationem fieri jussimus, per quos specialiter decernimus atque jubemus ut nullus comes aut quislibet ex ministris ejus nec alia quelibet extranea persona in predicto monasterio aut rebus vel mancipiis ad se legaliter pertinentibus aliquam [7] dominationem aut potestatem exercere presumat, [nec u]llam injustam calumniam aut infestationem vel contrarietatem facere nec para[tas vel] paraveredos vel etiam freda aut ... um aut rotaticum aut teloneum au[t ul]las redibitiones ingere audeat, sed liceat memorato Helias abbati suisque successoribus [res et mancipia predicti] [8] monasterii, cum omnibus sibi subjectis et rebus vel hominibus ad se legaliter aspicientibus vel pertinentibus, sub nostra tuitione atque defensione, remota totius juditiariae potestatis inquietudine, quieto ordine possidere et nostro successorumque nostrorum fideliter parere imperio. Confirmamus etiam eidem monasterio per hanc nostram auctoritatem res quas quidam homo [Lautarius videlicet] [9] et uxor sua Petronilla, in domni et genitoris nostri et nostra suaque elemosina, eidem contulerunt monasterio, de quibus, sicut idem abbas asserit, per pravorum hominum fraudes strumenta chartarum abstracta sunt, vel abhinc in futurum, sic ipse res a rectoribus ipsius monasterii teneantur et defendantur sicuti per eadem strumenta, si perdita non fuissent, legibus defendi poterint. Similiter et[iam] [10] confirmamus ibidem monasterium quod dicitur Jonante quod nuperrime ad idem monasterium, cum omnibus rebus et mancipiis ad se pertinentibus vel aspicientibus, solemni donatione contulimus. Necnon similiter conferimus villam nostram que dicitur Fiscellam et mansi in villa Ambariaco seu et ecclesia que dicitur Sancta Columba una cum foreste nostra que nominatur Panderemia ; pari modo, [11] alia villa que vocatur Galliacus cum mancipiis et omnibus appenditiis suis. Concedimus vero similiter alias villas nostras Bornago et Cutiago necnon et Buliago, cum omnibus appenditiis eorum ; similiter et ecclesia que nominatur Columbangas cum quibusdam duabus ecclesiis quae dicuntur Sanctus Stephanus et Sanctus Lupus una cum mansello qui dicitur Mons Serenus cum omni integritate ; [12] equo quidem tenore et eodem in pago villam Flaginiacum cum tribus quondam ecclesiis quarum una sub honore sancti Johannis, altera sub honore sacri Martini constat, vel etiam mansum qui dicitur Alonzinas cum omni scilicet integritate, quas quidem ecclesias vel mansum cum Witbaldo comite nostra auctoritate commutaverunt, et mansum vel vinea quod Faraldus episcopus condonavit cum omnibus adjacentiis eorum. Et in dictione [13] prefatu monasterii Concas ejusque rectorum absque alicujus contrarietate aut infestatione perpetim permaneant. Et nullam deinceps calumniam aut aliquod impedimentum a quoquam de prephato monasterio Jonantae neque de rebus a Lautario et uxore sua Petronilla ibidem conlatis neque de reliquis possessionibus suis quas moderno tempore juste et legaliter in quibuslibet [14] paginis et territoriis quieto ordine tenent vel possidet monasterium, sive quod in antea, divine largiente gratia, ibidem conlatum fuerit, sed habiturum penitus pertimescat ; sed per hanc nostrae auctoritatis confirmationem perpetuo firmiter et quiete rectores et ministri supranominati monasterii teneant atque possideant et qu[icquid, ob utilitatem et necessitatem] [15] ejusdem monasterii et congregationis ibidem Deo fa[mulantis, disponere et ordina]re voluerint, libero in omnibus perfruantur arbitrio faciendi ; et quicquid de rebus et [mancipiis pr]ephatu monasterii jus fisci exigere poterat, totum nos in aelemosina nostra ei[dem concessimus monasterio ut perpetu]is temporibus in alimonia pauperum et stipendia mo[nachorum ibidem Deo militantium proficiat] [16] in augmentis. Volumus quidem ut, quia ipsum monasterium in nostro proprio constat constructum et nostra auctoritate factum est, a nullo quolibet nostris et nec futuris temporibus tortus advocatis eju[s]dem monasterii ullo modo requiratur. Interea nostrae serenitati placuit ut, quia idem monasterium in arduis atque asperrimis necnon angustissimis locis est constitutum ita ut pro sua angustia plurimorum obsit habitationi et pro asperitate victualia [17] prohibet illuc deferri, ut in loco cujus vocabulum est Figiacus, quem tamen adhinc Novas Concas nobis vocari placuit, monasterium construatur, quatenus, ab angustia et penuria portandorum alimoniorum idem locus sublevatus, liberius atque delectabilius ibidem habitantes Deo servire possint et pro nostri stabilitate regni promptius divina misericordia deprecari, ita tamen ut priori monasterio Concas dignitas prioratus atque antiquitatus reverentia reservetur, et abbatis [18] providentia sit ut tot fratres ibidem maneant quot isdem locus absque ulla difficultate sustinere valeat. Decernimus etiam ut fratres ex monasterio Jonante, quod nuper Concas monasterio per nostrae preceptionis auctoritatis contulimus, illuc, id est et Novas Concas, conveniant quatenus ibidem cum fratribus reliquis de Concas Deo famulentur. Et quando quidem divina vocatione supradictus abba vel successores ejus de hac luce migraverint, quamdiu ipsi monachi [19] inter se tales invenire poterint qui eos secundum regula sancti Benedicti regere valeant, per hanc nostram auctoritatem et consensum licentiam habeant eligendi abbatem, qualiter melius delectet eis pro nobis et conjuge proleque nostra atque stabilitate totius imperii adtentius Domini misericordiam exorare. Et ut haec auctoritas nostris futurisque temporibus, Domino protegente, valeat inconvulsa manere et a fidelibus sanctae Dei ecclesiae [20] et nostris verius cercius credatur et diligentius conservetur, manu propria subter firmavimus et anuli nostri impressione sigillari jussimus.
Signum Pippini (Monogramma) precellentissimi regis. (Chrismon, cui annectitur nota : Amen.) Albericus clericus ad vicem Isaac recognovit et s. (Signum recognitionis cum notis inclusis : Albericus clericus ad vicem Isaac recognovit et subscripsit.) (Locus sigilli, cum notis sub cera :..... impetravit).
Data X kalendas septembres, indictione I, anno XXV imperii Ludogvici caesaris augusti et regni nostri XXII[I]I. Actum in Guanapii foreste. In Dei nomine, feliciter. AMHN. (Nota : Amen).