838, 25 novembre. — Néris.

Pépin Ier accorde sa protection à l'abbaye de Solignac.

Référence : Léon Levillain et Maurice Prou (éd.), Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, no36.

Diplôme perdu, utilisé par le faussaire qui a forgé le prétendu diplôme du même prince et de même date (ci-dessous, n° XLVII) par lequel Pépin Ier exempte l'abbaye de Solignac de la juridiction de tout archevêque, évêque ou clerc de tout ordre, en prenant ladite abbaye sous sa protection.

A. Original du prétendu diplôme de Pépin Ier, perdu.

B. Copie du xviie s., par Dom Estiennot, dans ses Antiquitates in diœcesi Lemovicensi Benedictinae, pars IIIa, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12748, p. 125, d'après A.

C. Copie de l'an 1746, dans Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France, t. VI, p. 679, n° xxii, « inter schedas D. Claudii Estiennot », d'après une copie incomplète de Dom Estiennot perdue.

D. Copie du xviie s., dans une transcription des Antiquitates in diœcesi Lemovicensi Benedictinae, pars IIIa, de Dom Estiennot, Archives départementales de la Haute-Vienne, fonds de Solignac non classé, cote provisoire H 9240, p. 96, d'après B.

a. Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France. Voir ci-dessus, sous la lettre C.

Indiqué : De Foy, Notice des diplômes, p. 453.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 195.

Indiqué : Böhmer, Regesta Karolorum, n° 2084.

Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 31.

Le diplôme dont nous donnons le texte ci-dessous est un faux. Le formulaire n'est pas en usage dans les chancelleries : la phrase qui tient lieu d'invocation initiale, le pronom « ego » nous mettent en garde dès le début. Nous n'incriminons pas cependant la suscription « Pipinus, gratia Dei rex Aquitanorum » qui est celle des dix ou douze premières années du règne, elle pourrait avoir été reprise exceptionnellement dans la chancellerie même du prince. Mais ce formulaire garde le souvenir de celui d'un modèle authentique, comme dans la formule initiale du dispositif ou la formule de corroboration. Tout l'eschatocole est un emprunt textuel au modèle : tout au plus, pourrait-on signaler comme une rareté la place du monogramme bien que, il est vrai, elle ait pour elle l'autorité du diplôme de Pépin Ier pour Conques.

Un certain nombre d'expressions trahissent leur origine : nous doutons qu'on puisse trouver d'autre exemple, dans les diplômes, de « sub tuitionis nostrae manu », de la référence « etsi nostrae immunitatis habeant praeceptum », de la formule de recours au roi « liceat eis... refugium in nos habere nobisque ad necessitates deservire eorum », etc.

Du reste, le fond ne vaut pas mieux que la forme. La protection royale accordée aux abbayes n'atteignait sans doute les autorités ecclésiastiques que lorsque celles-ci l'avaient elles-mêmes requise. Ici, c'est le roi qui prend sur lui d'interdire aux archevêques, évêques, clercs séculiers de tout ordre, tout exercice de leur autorité légitime sur les moines de Solignac, parce qu'il se souvient des prières que les serviteurs de Dieu font en ce lieu pour la stabilité de son royaume et pour le salut de son âme. Rien que par ce dernier détail, qui renverse l'ordre normal des choses, le privilège s'avère comme un faux incontestable.

Le modèle dont se servait le faussaire n'est pas le diplôme d'immunité de Pépin Ier, auquel il renvoie : nous le possédons, ce diplôme d'immunité, et son formulaire ne convient pas ici. D'autre part, il est certain que ce modèle était un diplôme de 838 souscrit par Albericus à la place d'Isaac : le synchronisme de la souscription de chancellerie et de la date nous autorise à croire que le faussaire n'avait pas changé les nombres que la date du modèle comportait.

Nous pensons que l'acte authentique était une « tuitio » ordinaire : le mot est dans la notification comme il se lit aussi dans la corroboration, et celle-ci (sauf peut-être les mots « voluntatis » et « susceptio ») paraît avoir fidèlement reproduit la formule de son modèle.

Le faux paraît être ancien.


Regnante Domino nostro Iesu Christo, vero Deo et proprio filio Dei in perpetuum, ego Pipinus, gratia Dei rex Aquitanorum. Omnium episcoporum, abbatum, omnium fideliumque sanctae Dei ecclesiae et nostrorum, praesentium scilicet et futurorum, non late ambigimus prudentiam quaedam regni nostri monasteria sub tuitionis nostrae manu consistentia. Unde reminiscentes implorationum quorundam servorum Dei pro regni nostri stabilitate animaeque nostrae salute degentium in monasterio quod dicitur Solemniacus, libenti animo nostrae auctoritatis praeceptum memorato monasterio fratribusque ibi Deo servientibus fieri placuit, etsi nostrae immunitatis habeant praeceptum. Per hoc specialiter volumus atque praecipientes jubemus ut nullus archiepiscopus, episcopus aut quorumcumque ordinum canonicus, nisi propria ordinatio[ne] abbatis ejusdem loci, super servos Dei in eodem loco consistentes existat ; sed liceat eis, una per jussionem jamdicti abbatis absque contradictione quorumcunque aut archiepiscoporum, refugium in nos habere nobisque ad necessitates deservire eorum, nobis conferre necnon et vos per voluntatem secundum dispositionem divinam, Domino auxiliante, in meliorem normis statum easdem deducere. Ut autem haec nostrae voluntatis tuitio atque susceptio ab omnibus fidelibus sanctae Dei ecclesiae ac nostris firmius credatur diligentiusque conservetur, propriae manus subscriptione firmare decrevimus et annulo nostro subter sigillari jussimus.

Signum Pipini (Monogramma) gloriosissimi regis. Albericus clericus ad vicem Isaac recognovi.

Data VII kalendas decembris, indictione I, anno, Christo propitio, XXV regnante domno Ludovico serenissimo augusto et XXIV regni nostri. Actum Nerisio. In Dei nomine, feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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