838, après le 27 février – avant le 25 août. — Ponthion.
Pépin Ier, à la demande de Benedictus, abbé du monastère de Saint-Pierre de Joncels en Béderrès, accorde audit monastère et à ses biens la protection royale et concède aux moines la liberté de l'élection abbatiale.
Diplôme perdu, mais utilisé par le faussaire qui a forgé le diplôme de Pépin le Bref (ci-dessous, n° LXV), par lequel ce roi, à la demande de l'abbé Benedictus donne au monastère de Joncels qu'il a reconstruit des terres du fisc délimitées par une ligne allant de la rivière Pallas jusqu'à la « terra nigra », de là jusqu'à la « fons Alder » et de cette dernière jusqu'à la rivière d'Orb, puis s'inclinant jusqu'au pied du plateau pour revenir enfin à son point de départ, et accorde audit monastère et à ses biens la protection royale, concédant, en outre, aux moines la liberté de l'élection abbatiale.
A. Original du prétendu diplôme de Pépin le Bref, perdu.
B. Copie du commencement du xiie s., Collection particulière de M. Paul Meyer, à Paris, d'après A.
C. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 81, fol. 346, d'après une copie perdue.
D. Copie du xviie s., par Dom Estiennot, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12778, fol. 316, d'après la même source que C.
E. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 81, fol. 351, d'après une copie de B.
F. Copie du xviie s., dans les Anecdota, t. XII, Bibliothèque nationale, ms. lat. 11897, fol. 17, « ex archivo monasterii Juncellensis », d'après la même source que E.
G. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, Collection de Languedoc, vol. 74, fol. 49, d'après a.
H. Copie du xviiie s., pour Dom Bouquet, Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 22210, fol. 17, d'après a.
a. Baluze, Capitularia regum Francorum, t. II, col. 1393, n° xv, (sous la date de 768), d'après CE.
b. Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France, t. VI, p. 676, n° xviii, « ex schedis mss. bibliothecae S. Germani a Pratis », d'après D.
c. Baluze, Capitularia regum Francorum, édition de Chiniac, t. II, col. 1393, n° xv, d'après a.
d. Dom Devic et Dom Vaissète, Histoire générale de Languedoc, édition Privat, t. II, preuves, col. 205, n° 93, d'après Bb.
Indiqué : Inventaire en original des titres, papiers, documents et chartes appartenants à l'abbaye de Jaussels, fait par Me Roquairol, juge royal de Roquecisière et commissaire à ce député par la souveraine Cour du Parlement de Toulouse l'an 1732 et le 28e juillet, art. 195 : « Établissement de l'abbaye de Jaussels par Pépin, en l'an sept cent soixante-deux, en parchemin de nous paraphé et cotté 195 ». Archives départementales de l'Hérault, H, fonds de l'abbaye de Joncels, Inventaire de 1732 (Cf. art. 31 et 163 cités page 128, note 2).
Indiqué : Georgisch, Regesta chronologico-diplomatica, t. I, col. 34, n° 4 (ann. 757).
Indiqué : De Foy, Notice des diplômes, p. 145, ann. 762 et p. 452, ann. 838, avec discussion de la date.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 194, ann. 762.
Indiqué : Böhmer, Regesta Karolorum, n° 2080.
Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 25.
Nous lisons dans un diplôme du roi Eudes, du 22 décembre 890, en faveur de l'abbaye de Joncels : « Proinde comperiat omnium fidelium nostrorum sollertia quia vir venerabilis Audegarius, abbas sancti Petri Juncellensis monasterii, quod est situm in pago Biterrensi, nostris obtulit obtutibus auctoritates praedecessorum nostrorum, Pippini videlicet et Karoli, unde licentiam habebant inter se et abbates eligere et ipsum monasterium secundum regulam S. Benedicti et praecepta regum regere et gubernare, quomodo fecerint olim abbates illorum, Benedictus scilicet et Fructuosus et antecessores eorum absque alicujus blandimento, dum viverent. Idcirco memoratus Audegarius abbas nostram deprecatus est clementiam ut nos denuo praedictas auctoritates nostrae roborationis scripto confirmare dignaremur eique aliquid regio more benigne largiremur. » Nous devons conclure de ce passage qu'il a certainement existé un diplôme d'un roi Pépin requis par un abbé Benedictus concernant l'élection abbatiale : le diplôme d'Eudes confirme l'immunité et la liberté des élections, selon les formules de style.
Le diplôme de Pépin confirmé était-il celui que nous possédons ? On peut, croyons-nous, répondre négativement, mais reconnaître que le diplôme authentique de ce prince soumis à l'examen et à la confirmation du roi Eudes par l'abbé Audegarius a fourni des éléments au faux.
Que l'acte soit un faux, il n'est pas possible d'en douter : l'invocation initiale qui est celle des diplômes de Charles le Chauve, la suscription qui n'est point celle de Pépin Ier, qui pourrait être celle de Pépin II écourtée du nom de peuple, mais qui paraît calquée sur un diplôme de Louis le Pieux, l'adresse qui ne se rencontre jamais dans les actes royaux de cette époque (à moins qu'il ne s'agisse d'une confirmation d'un acte comportant lui-même l'adresse), la souscription royale mal disposée — « gloriosi » pour « gloriosissimi » est à signaler en passant —, enfin la date dont les éléments de jour et d'année ne se liraient pas au bas d'un diplôme carolingien, nous mettent en présence d'un acte qui ne peut être ni de Pépin Ier d'Aquitaine, ni d'aucun autre roi de ce nom, ni même d'aucun souverain carolingien. Dans ces conditions, on ne saurait accepter comme valable et authentique la concession territoriale faite au monastère, et dont la formule par sa précision topographique rappelle plutôt le style des chartes privées que celui des diplômes ; et, par conséquent, la donation étant fausse, le fait qui servait de prétexte à la donation, à savoir la reconstruction du monastère par le roi Pépin, devient fort suspect.
Toutefois, les formules du préambule, de la notification et de la ratification s'inspirent d'un acte carolingien. Nous avons vu par le diplôme d'Eudes qu'il y avait un diplôme d'un roi Pépin ; le diplôme de Pépin était un diplôme de Pépin Ier, car le faussaire lui a emprunté sa souscription de chancellerie « Isaac clericus advicem Hermoldi recognovit et s(ubscripsi) » qui est devenue sous sa plume « Isachar notarius ad vicem Ermoldi recognovit et signavit. » Cette souscription nous fournit une date approximative du diplôme de Pépin Ier : Hermoldus n'était pas encore chancelier le 27 février 838, il ne l'était plus le 29 juin suivant, si toutefois on est en droit d'appliquer cette date du 29 juin à l'année 838 dans l'acte en faveur d'Heccardus (voir le n° XXXVII) ; en tout cas, il ne l'était certainement plus le 25 août.
Maintenant, que le faussaire ait voulu faire un diplôme supposé de Pépin le Bref, c'est ce que semble indiquer sa précaution de ne pas reproduire la suscription de son modèle : le roi Pépin ne nous est pas présenté comme un roi d'Aquitaine, mais comme un roi de France. Il nous est signalé comme le second fondateur du monastère : on peut supposer que le faussaire pensait donner à son abbaye un fondateur illustre, Pépin le Bref. Il est enfin certain qu'à Joncels on a voulu faire remonter la reconstruction du monastère à ce prince, comme l'indique l'addition sur la copie du xiie siècle des mots « anni Domini DCCLXII. »
Il n'y a pas, pour le diplôme de Pépin Ier, à tenir compte de la date fournie par notre acte, puisque, par son style, elle se condamne elle-même. La vingt-sixième année ne répond à rien non plus pour le règne de Pépin le Bref qui est mort dans la dix-septième année de sa royauté, à moins que l'on fasse partir le calcul de la mort de Charles Martel, du 21 octobre 741, ce qui nous donnerait 767, juin, mardi (= 7, 14, 21 ou 28 juin, la lettre dominicale étant B) : on peut donc attribuer au faux cette date de 767, 7-28 juin, mardi.
Quant au nom de lieu, « Pons Ugonis », il peut avoir été emprunté par le faussaire au diplôme de Pépin Ier : c'est, en effet, Ponthion (Marne, canton de Thieblement), qui était une résidence des souverains carolingiens. Si cela est exact, ce diplôme de Pépin Ier pourrait avoir été de juillet ou d'août, voire de juin comme le faux nous inviterait à le croire, car les Annales contemporaines nous apprennent que Pépin Ier vint assister au plaid général de Quierzy-sur-Oise le 15 août, et ce serait à l'aller ou au retour que le roi d'Aquitaine serait passé à Ponthion.
Bien que EF ne doivent pas être utilisés pour l'établissement du texte, nous leur avons emprunté deux indications utiles.
In nomine sanctȩ et individue Trinitatis. Pipinus, divina ordinante providentia, rex, <universis fidelibus>. Cum locis Deo dicatis eisque inibi Deo servientibus quipiam muneris conferimus, id nobis procul dubio ad ȩterni regni premium consequendum profuturum cognoscimus. Quamobrem noverit sollercia cunctorum sanctȩ Dei ȩcclesiȩ filiorum, quia adiens nostri culminis serenitatem Benedictus, abbas sancti Petri Juncellensis monasterii quod est situm in territorio Biterrense, peciit ut ipsum monasterium restrueremus et de nostris regalibus [villis] augeremus. Cujus denique preces clementer audivimus et ad meliorandum locum ipsi servisque Dei illic militantibus benigne aliquid largimur, <scilicet de fonte Pallagii usque ad terram nigram, abhinc ȩtiam usque ad fontem Alder et inde usque ad fontem Orbi, et descendit ad terminum tabule et inde iterum usque ad fontem Pallagii>, ut necessitatibus eorum supplementum conferatur. Predictum autem Juncellense monasterium, cum hac nostra largicione vel cum reliquis possessionibus quas in presenti possidet vel queque deinceps in jure ipsius monasterii aut per nos aut per alios quosque divina pietas augere voluerit, sub nostro mundeburdo nostrȩque libertatis defensione omni tempore persistere mandamus, et propterea jubemus ut nulla potestas neque quislibet hominum ipsas possessiones presumat aliquando a potestate sive dominacione jam dicti monasterii minuere vel subtrahere, sed liceat Benedicto abbati et successoribus suis cum ipsius loci congregacione sine alicujus amiracione quiete integerrimeque possidere, et per nostram ȩtiam auctoritatem monachi ibi Deo servientes liberam semper abeant potestatem ex se ipsis abbates eligere secundum beatissimi Benedicti regulam, quatinus pro stabilitate tocius nostri regni misericordiam Dei implorare delectent. Ut autem hȩc largicio et libertas nostrȩ magnificentiȩ rata et inconvulsa omni tempore permaneat, manu propria subter notavimus et anuli nostri inpressione sigillare fecimus. Signum Pipini gloriosi regis (Monogramma). Isachar notarius ad vicem Ermoldi recognovit et signavit. Datum mense junio, feria IIIa, anno XXVI Pipini regis. Actum villa Pons Ugonis. In Dei nomine. <Anni Domini DCCLXII.>