847, 27 mai. — « Floriniaco villa super Carum ».

Pépin II, à la requête de Dido, abbé du monastère de « Glomna » (Saint-Florent-le-Vieil), confirme les diplômes d'immunité concédés audit monastère par Louis le Pieux, Pépin Ier d'Aquitaine et Charles le Chauve, y maintient l'institution monastique, défend d'y nommer abbé un clerc séculier ou un laïque, prend le monastère sous sa protection spéciale, étend l'immunité aux biens récemment acquis aussi bien qu'à ceux possédés par l'abbaye sous les abbés Ansaldus et Gautbertus, réserve expressément le droit de contrainte dans les domaines du monastère au « mundatarius » du lieu, abandonne les droits du fisc pour l'entretien du luminaire, pour les services de l'hospice des pauvres et ceux de la mense conventuelle, autorise l'abbaye à se faire représenter en justice pour la défense de ses biens par des avoués et dispense ceux-ci du « tortus », exempte des péages et tonlieux les navires du monastère et proclame la liberté de l'élection abbatiale.

Référence : Léon Levillain et Maurice Prou (éd.), Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, no53.

A. Original. Parchemin mutilé, avec traces de sceau. Hauteur du côté droit, 500 mm. ; largeur 660 mm. Archives départementales de Maine-et-Loire, fonds de l'abbaye de Saint-Florent de Saumur, H 1834.

B. Copie figurée du xie s., dans le Rouleau des diplômes, n° 3, Archives départementales de Maine-et-Loire, fonds de l'abbaye de Saint-Florent de Saumur, H 1836, d'après A.

C. Copie partielle du xviiie s., par Dom Housseau, extraite d'un vidimus de Charles V en date de 1375, Bibliothèque nationale, Collection d'Anjou et de Touraine, vol. 1, p. 49, d'après un registre de la Chambre des Comptes perdu.

D. Copie de la seconde moitié du xie s., dans le Cartulaire de l'abbaye appelé Liber niger, sous le titre rubriqué « Praeceptum Pipini regis Aquitanorum », Bibliothèque nationale, ms. lat. nouv. acq. 1930 (anc. Phillipps, n° 70), fol. 3 v°, d'après B.

E. Copie du xiie s., dans le Cartulaire de l'abbaye appelé Codex argenteus, sous le titre rubriqué « Privilegium Pipini regis antiquorum », Archives départementales de Maine-et-Loire, fonds de l'abbaye de Saint-Florent de Saumur, H 3714, fol. 25, d'après D.

F. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 41, fol. 108, d'après D.

G. Copie du xviiie s., par Dom Housseau, Bibliothèque nationale, Collection d'Anjou et de Touraine, vol. 1, fol. 72, n° 59, d'après D.

H. Copie du xviiie s., par Dom Housseau pour Bréquigny, Bibliothèque nationale, Collection Bréquigny, vol. 46, fol. 54, d'après D.

I. Copie du milieu du xixe s., par Marchegay, collationnée au xxe s., par Saché, dans une transcription intégrale du Livre noir, Archives départementales de Maine-et-Loire, fonds de l'abbaye de Saint-Florent de Saumur, non coté, fol. 5, d'après D.

J. Copie du xiiie s., dans le Cartulaire de l'abbaye appelé Codex rubeus, sous le titre rubriqué « Privilegium Pipini regis de Sancto Florentio veteri », Archives départementales de Maine-et-Loire, fonds de l'abbaye de Saint-Florent de Saumur, H 3715, fol. 20, d'après E.

K. Copie du xve s., Bibliothèque nationale, ms. lat. nouv. acq. 1931 (anc. Phillipps n° 10470), fol. 6, d'après J.

L. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 13817, fol. 314 v°, d'après J.

M. Copie partielle du xviiie s., par Dom Huynes, dans son Histoire de Saint-Florent manuscrite, Archives départementales de Maine-et-Loire, fonds de l'abbaye de Saint-Florent de Saumur, non coté fol. 13 v°, d'après J.

N. Copie partielle du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12671, fol. 2 v°, d'après J.

a. Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 360, n° vii, « ex schedis mss. bibliothecae S. Germani a pratis », probablement d'après L.

b. M. Saché, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Florent de Saumur (en cours de publication), p. 5, n° iv, d'après AB.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 222.

Indiqué : Böhmer, Regesta Karolorum, n° 2091.

Indiqué : Marchegay, Le Livre noir de Saint-Florent de Saumur (Archives d'Anjou, t. I, 1843) p. 238, charte n° v (ann. 860).

Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 39.

Indiqué : Inventaire sommaire des Archives départementales. Maine-et-Loire. Série H, par M. Saché, t. I (en cours d'impression).

L'original de ce document a été tout entier écrit par le scribe qui a tracé aussi la souscription royale ; mais la souscription de chancellerie est autographe ; elle est de la même encre que la date et que le nom de l'impétrant, Beraldus, qui se lit en minuscule à droite et en tête de la ruche.

Le sceau, qui se trouvait à droite du signum recognitionis, ne fut apposé qu'après que le notaire eut tracé sa signature et qu'on eut inscrit le nom de Beraldus : l'incision cruciale, en effet, a été pratiquée dans le parchemin déjà parafé, et la cire du sceau a débordé sur la ruche et recouvert la mention de l'ambasciator.

Notre document est, à n'en pas douter, un original parfaitement authentique. C'est à tort que Giry l'a suspecté. Il est incontestable, il est vrai, que le dictator a pris les plus grandes libertés avec les formulaires en usage dans les chancelleries contemporaines ; mais ce n'est pas une raison suffisante pour contester l'authenticité de l'acte : cette gaucherie de rédaction n'existe qu'au regard des autres chancelleries.

D'autres diplômes de Pépin II présentaient, en effet, les mêmes dispositions de style, les mêmes recherches d'élégance de langage familières sans doute au notaire Joseph qui était un lettré, nous le savons. Nous avons affaire à un diplôme qui vise à assurer à l'abbaye bénéficiaire tout un ensemble de privilèges qu'en dehors des diplômes de Pépin II on ne rencontre pas d'ordinaire réunis dans la teneur des actes royaux carolingiens. Il n'y avait sans doute pas de formulaire consacré qui répondît à tant d'exigences ; et le notaire Joseph a rédigé cet acte, comme ceux de Manlieu, de Saint-Chaffre et de Saint-Maixent, en adaptant aux fins du diplôme nouveau des bribes du formulaire d'actes divers : ainsi nous lisons dans le diplôme de Pépin II pour l'église de Trèves la formule du dispositif, « Unde hos nostrae magnitudinis regales apices fieri decrevimus, per quos rata inviolabilisque omnibus seculis ejus maneat peticio », que nous retrouvons ici suivie de la formule « per hanc nostrae preceptionis auctoritatem, ob amorem Dei venerationemque sanctorum, ...statuimus quod et perpetualiter observandum a successoribus nostris rogamus et obsecramus, scilicet ut prefatum monasterium deinceps (= semper) sub regulari... ordine consistat et nemo ab eodem ordine eundem locum quocumque modo deviare presumat, sed in omnibus adjutor et defensor monachorum ibidem Deo servientium esse studeat et nemo unquam canonicorum aut laicorum ibidem abbas constituatur », que nous voyons employée, mot pour mot, dans les deux diplômes originaux de Pépin Ier et de son fils pour l'abbaye de Solignac. Le singulier document qui nous a conservé en grande partie la teneur du diplôme que Pépin II octroya le 25 mars 848 au monastère de Saint-Maixent nous livre, pour la formule de l'immunité, pour la clause relative aux avoués et pour celle de l'exemption des tonlieux sur les cours d'eau du royaume, une rédaction très voisine de celle que nous avons dans l'acte de Saint-Florent, avec même cette singularité du « per quoscumque alveos » en ce passage où les rédacteurs dans les autres chancelleries disent plus prosaïquement « per flumina ».

Nous signalerons particulièrement à l'attention du lecteur la juxtaposition des deux formules de la protection royale et de l'immunité, la première visant les agents publics, les envoyés du roi et les comtes, selon l'usage ; la seconde s'adressant aux seuls « judices publici », comme il convient. Le fait est intéressant pour quiconque étudie la question de la protection royale et de l'immunité à cette époque. La situation politique en Aquitaine, qui est sans doute pour quelque chose dans l'octroi de ces diplômes généreux aux abbayes qui semblent avoir été les derniers centres de fidélité vivace au malheureux roi d'Aquitaine, peut aussi expliquer que la chancellerie de ce prince ait tenu à ne pas accorder la protection royale par une simple « immunitas », comme cela est le cas ordinaire : nous observons, en effet, que les abbayes de Saint-Florent et de Saint-Maixent sur lesquelles les diplômes de Pépin II interdisent aux comtes de rien prétendre se trouvaient dans ses « pagi » que Charles le Chauve s'était expressément réservés dans la convention de Saint-Benoît et où, par conséquent, les comtes étaient les agents du roi de la Francia occidentalis et non ceux du roi d'Aquitaine.

A la formule de protection le rédacteur a ajouté celle qui reconnaît au « mundatario » du lieu le droit de contrainte, « districtio », dans toute l'étendue de l'« immunitas » : l'idée est d'ordinaire contenue dans la formule de protection ; elle est ici exprimée dans les termes dont se servent les diplômes par lesquels le roi accorde le droit de tenir un marché franc et abandonne l'exercice du droit de contrainte au représentant local du bénéficiaire. Ce n'est en somme qu'un cas particulier de la défense plus générale faite à toute personne investie d'une parcelle de l'autorité publique d'exercer un pouvoir quelconque sur les terres de l'abbaye protégée. Là encore nous trouvons sous la plume du rédacteur quelques mots recherchés : « immunitas » pris dans l'acception de « territoire immunisé » qu'on lui trouve un peu plus tard ; « reus repertus fuerit vel dictus » qui doit concerner les deux cas de flagrant délit et de dénonciation ; « mundatarius » qui désigne celui qui a le « mundium », qui représente l'abbaye, soit l'avoué, soit le prieur.

Le désordre où toutes ces choses sont dites, ces formules qui s'entrecroisent et se brisent les unes les autres pourraient porter à croire que le diplôme a pu être rédigé exceptionnellement hors de la chancellerie, si nous avions affaire à une chancellerie bien organisée comme celle de Louis le Pieux ou celle de Charles le Chauve. Mais nous ne devons pas perdre de vue que les conditions précaires dans lesquelles s'exerçait l'autorité royale de Pépin II et fonctionnaient les services d'une cour qui ne semble même pas avoir eu de résidences en propre peuvent expliquer que la chancellerie de ce prince errant ait laissé péricliter l'organisation compliquée des autres chancelleries carolingiennes. Entre celles-ci et leurs productions, d'une part, et celle-là et ses produits, d'autre part, il n'y a plus de commune mesure.

Le nom de lieu que fournit la date n'a pas été identifié. On a proposé un Fleury-sur-Cher qui s'il existait, ne pourrait traduire « Floriniaco » ; ou encore Saint-Florent-sur-Cher. Cette dernière identification mérite d'être signalée particulièrement ; nous ne l'adoptons pas cependant pour la raison suivante : nous n'avons aucune preuve que « Floriniaco » ait appartenu à l'abbaye de Saint-Florent ni qu'en ce lieu se soit élevée une église ou une chapelle sous le vocable de Saint-Florent ; l'une de ces deux circonstances seule légitimerait le changement de « Floriniacus » en « Sanctus Florentius ».

Nous avons restitué entre crochets carrés, au moyen de BC, les passages qui avaient disparu dans A. Nous avons pensé qu'il n'était pas sans intérêt de donner les variantes de ces deux manuscrits dans les passages conservés d'A, puisque en définitive elles montrent la valeur qu'on peut accorder aux restitutions.


[1-4] [(Chrismon). Pippinus, divina ordinante majestatis gratia, Aquitanorum rex. Cum petitionibus fidelium nostrorum justis et rationabilibus maximeque servorum Dei quorum provisu ordo monasticus regitur ac vigilanti custodia gubernatur ob divini cultus amorem favemus, procul dubio non tantum temporaliter ad presens nostri fastigium pertinere credimus, sed etiam supernum donum nobis a Domino inpertiri non dubitamus. Proinde comperiat omnium sanctae Dei ecclesiae fidelium nostrorum, videlicet presentium sive futurorum, industria quia vir venerabilis adeo nobis dilectissimus Dido, abba ex monasterio quod vulgari nomine dicitur Glomna super alveum Ligeris sito, in quo sanctus confessor opimus Florentius corpore humatus jacet, quod est situm in pago Pictavo, veniens ad nostram regiam magnificenciam obtulit obtutibus nostris inprevaricabilia precepta predecessorum nostrorum regum, videlicet Hludovici imperatoris atque genitoris nostri, filii sui, quondam Pippini regis necnon et avunculi nostri invictissimi Karoli, in quibus decernitur qualiter eundem monasterium sub nostrorum ditione atque inmunitate tenuerunt.] Ideoque deprecatus est ut, veluti ipsi, eundem monasterium et congregationem [ibidem Deo] sub regulari habi[tu servientem] [5] [ac rebus omnibus vel hominibus inibi juste et legaliter presenti tempore aspicientibus vel pertinentibus sub nostra regali defensione ac inmunitatis tuitione reciperemus. Cujus petitionem favorabili clementia denegare noluimus utpote Dei servo juste petenti et ob animae nostrae emolumentum liberaliter adquievimus. Unde hos nostrae magnitudinis regales apices fieri decrevimus, per quos rata] inviolabilisque omnibus seculis ejus maneat petitio, sive per hanc nostrae precepti[onis auctoritatem, ob] [6] [amorem Dei venerationemque sanctorum maximeque illius cujus patrocinia ibidem presentialiter adsunt, ut nostra suis intercessionibus sublevet crimina et quandoque post digressum hujus aevi ad beatitudinem aeterni regni nos faciat pervenire, statuimus, quod et perpetualiter observandum a successoribus nostris rogamus et obsecramus, scilicet ut prefatum monasterium deince]ps s[ub regulari, sicut a]ntiquitus, ordine consistat, et nemo ab eodem ordine eundem locum quocumque modo deviare presuma[t], [7] [sed in omnibus adjutor et defensor monachorum ibidem Deo servientium esse studeat, et nemo umquam canonicorum aut laicorum ibi abba constituatur, neque ullus comes in ipso monasterio ullum sibi inperium vindicare presumat. Quod qui fecerit, anathema sit ! Sed, sicut sepedictum est, ipse locus cum omni suo grege regularem degens vitam, ut venerabilis abba prefatus, Dido nomine,] apud magnificentiam regiae dignitatis nostram obtinuit, sic perseverabil[iter] in omnibus seculis [8] [sub regali maneat defensio]ne c[u]m omnib[us suis] rebus [quas Ansaldus et Gautbertus abbates ejusdem loci sub suorum potestatibus tenuerunt, necnon et inca]rtat[io]nibus omn[ium bonorum hominum quas idem habuerunt et in antea divina pietas auxit cum omnibus juste et rationabiliter ibidem aspicientibus atque inmu]nitatis tui[tione], ita ut [nullus judex] puplicus nec [quislibet ex judiciaria potestate neque vicarius aut] centenarius [9] seu missus noster discurrens nec quisquam comes in eisdem rebus potestatem exercendi ingrediatur nec aliquid i[m]perare presumat, sed per hanc nostram auctoritatem confirmamus ut, sicut sub defensione ac tuitione predecessorum nostrorum regum idem monasterium ac res ad se pertinentes con[stitit, ita deinceps cum rebus quas divina] pietas in jure ipsius loci augere voluerit, sub nostra regali defensione perpetualiter consistat. [10] Si vero in eadem inmunitate reus repertus fuerit vel dictus, a nemine distringatur nisi a jam dicti loci mundatario, nisi forte exinde ipsius latronis fuerit ejectio ; nec quisquam judicum ad causas audiendas vel freda aut tributa exigenda aut mansiones seu paradas faciendas necnon et fidejussores toll[endo]s [aut hom]ines tam ingenuos quam et servos supra terr[am] ipsius commanentes distringendos vel ullas redibitiones nec illicitas occasiones [11] requirendas, nostris neque futuris temporibus ingredi audeat vel quae supra memorati sumus paenitus [exig]ere p[re]sumat. Sed quicquid exinde fiscus noster [exige]re poterit, totum nos pro aeternae retributionis proemio in lumi[naribu]s ejusdem ecclesi[a]e et receptionem pauperum a[tque] stipendiis servoru[m Xpisti ibide]m Deo famulantium concedimus. Et, sicut res fis[co]rum nostrorum a nostris defenduntur aut inquiruntur advocatis, ita et res ejusdem monasterii [12] ab advocatis propriis defendantur sive inquirantur et, ob nostrae magnitudinis amorem, ejusdem monasterii advocatis tortum dimittimus. Concedimus etiam immo et per hanc regiam nostram auctoritatem confirmamus ut naves ejusdem loci onera deferentes per quoscumque alveos discurrentes nullus cespaticum seu ripaticum vel pulveraticum aut herbaticum necnon teloneum ab eis exquire[re] audeat, sed secure ubique per regnum nostrum discurrere valeant. [13] Cum vero divina vocatione jam dictus abba ex hac luce migraverit, quamdiu ipsi monachi inter se tales invenerint qui eos secundum regulam sancti Benedicti pastorali cura regere valeant, habeant potestatem eligendi ex se abbates. Et ut haec nostrae preceptionis auctoritas semper inviolabilis om[nibu]s seculis valeat permanere, monogramma nostrum inserere curavimus ac de anuli nostri impressione insigniri subter jussimus.

[14] Signum Pippini (Monogramma) praecellentissimi regis.

[15] (Chrismon). Joseph subdiaconus ad vicem Gulfardi recognovit et s. (Signum recognitionis, cum notis inclusis : Joseph subdiaconus ad vicem Gulfardi recognovit et subscripsit.) (Extra signum Beraldus cum nota sub sigillo : impetravit.) (Locus sigilli.)

[16] Data VI kl. junii, indictione X, anno VIIII regnante Pippino inclito rege. Actum Floriniaco villa super Carum sita, in generali placito. In Dei nomine, feliciter. AMHN. (Nota : Amen).