843, après le 24 juin – 847, avant le 2 décembre.

Pépin II restitue aux moines de Saint-Martin de Vertou et à leur abbé Raimbaldus (ou Rainaldus) Branssat avec toutes ses dépendances donné en bénéfice à Landricus qui a requis le diplôme, et ordonne au comte de Poitou de leur faire rendre le monastère d'Ension (Saint-Jouin de Marnes) retenu injustement par de clercs séculiers et leur chef Fulradus et d'y rétablir l'observance de la règle bénédictine.

Référence : Léon Levillain et Maurice Prou (éd.), Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, no55.

A. Original perdu.

B. Analyse de la fin du xe s., par Letaldus, dans les Miracula et translatio sancti Martini abbatis Vertavensis, ch. 9.

a. Dom Mabillon, Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, saec. I, p. 689.

b. Acta sanctorum Bollandiana, octobre, t. X, p. 814, 2e colonne.

c. Bruno Krusch, dans les Monumenta Germaniae historica, Scriptores rerum merovingicarum, t. III, p. 573.

Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 35.

Nous n'avons aucune raison de refuser notre confiance aux Miracula : leur auteur, Letaldus, qui vivait à la fin du xe siècle, est maintenant bien connu pour le soin méticuleux qu'il mit à rechercher les documents d'archives à l'aide desquels il étayait ses récits hagiographiques. Et nous ne voyons aucune raison de douter de la véracité du diplôme concernant Branssat.

La date approximative de ce diplôme nous est fournie par le contexte. Les moines de Saint-Martin de Vertou avaient fui devant les pirates normands qui venaient de piller et saccager Nantes, et de tuer au pied des autels l'évêque de cette ville, Gunhardus, le 24 juin 843 ; ils avaient emporté les reliques de leur saint patron et s'étaient arrêtés pendant quelque temps à Saint-Varent ; de là, ils gagnèrent la « cella » d'Ension qui était une dépendance de leur monastère passée aux mains des chanoines. Ceux-ci refusent de recevoir les moines dont ils ne reconnaissent pas les droits, et leur ordonnent de vider les lieux. L'abbé Raimbaldus et ses religieux se rendent alors en Auvergne pour soumettre ce différend et d'autres procès au jugement de Pépin qui, en ce temps-là, était roi d'Aquitaine. Après avoir obtenu le diplôme qui leur restituait Branssat, et l'« auctoritas » qui ordonnait au comte de Poitou de leur faire rendre Ension, ils regagnent le Poitou ; ils déposent le corps de saint Martin auprès de celui de saint Jouin, d'où ils le transportèrent peu après dans l'église de Saint-Pierre le 2 décembre d'une année indéterminée.

Notre diplôme se place, par conséquent, entre 843, après le 24 juin, et l'année où les moines rentrèrent à Ension, avant le 2 décembre. Le fait que Pépin II a pu prononcer sur la question d'Ension et commander au comte de Poitou a paru suffisant pour légitimer cette conclusion que « la cérémonie du 2 décembre ne peut se placer qu'en 843 ou 844, le Poitou et ses dépendances ayant cessé d'appartenir à Pépin II au traité de Saint-Benoît-sur-Loire en juin 845 ». Mais nous savons de façon certaine que, même après le traité de 845, le roi d'Aquitaine continua d'exercer son autorité dans une ou plusieurs régions du Poitou ; et nous ne voyons pas qu'on eût pu avec quelque certitude fixer un autre terme final à l'expédition de notre précepte que celui de l'activité même de la chancellerie quand eut pris fin le régime institué à Saint-Benoît-sur-Loire en juin 848, si la date du 2 décembre ne nous avait permis de ramener ce terminus ad quem à 847.

Nous devons même dire que le terminus a quo pris en 843 paraît peu vraisemblable, non seulement parce qu'un délai de cinq mois à peine paraît un peu court pour tout ce que les moines durent avoir à faire (voyage aller et retour avec arrêt un peu prolongé à Saint-Varent et plus court à Ension, séjour en Auvergne, aménagement de l'église de Saint-Pierre d'Ension), mais aussi parce qu'alors Pépin II était en guerre avec Charles le Chauve et que le comte de Poitou, Ramnulfus, paraît bien avoir été un partisan du roi de France, comme l'évêque de Poitiers, Ebroinus. Le 14 juin 844, le roi d'Aquitaine en personne infligeait en Angoumois une défaite totale à l'armée franque qui allait renforcer l'armée de Charles le Chauve sous les murs de Toulouse assiégée. Par là, il obligeait le roi de France à lever le siège de cette ville et à rentrer dans ses états au mois d'août. Des négociations s'entamèrent entre le vainqueur et le vaincu, peut-être dès la fin de 844. Notre diplôme pourrait, à l'extrême rigueur, appartenir à cette époque ; et l'on serait tenté de faire remarquer que Letaldus a donné à l'invasion normande dans le Nantais et à l'exode des moines de Vertou la même date et les a placés en DCCCLXIIII, que cette erreur peut provenir d'une faute de transcription d'un copiste pour DCCCXLIIII, et que ce dernier nombre aurait pu être la traduction du nombre des années de règne inscrit sur notre diplôme. Mais tout cela est trop hypothétique pour que nous nous croyions autorisés à restreindre les limites chronologiques du précepte autrement qu'entre 843 (après le 24 juin) et 847 (avant le 2 décembre).

Pour l'identification du nom de lieu « Branziacus », nous avons préféré Branssat (Allier, canton de Saint-Pourçain) à Brassac-les-Mines (Puy-de-Dôme, canton de Jumeaux) qui a été proposé par le dernier éditeur des Miracula, parce que Letaldus nous montre les moines de Saint-Martin de Vertou gagnant l'Auvergne, « Arvernicum expetunt pagum », et que Brassac est dans le Brivadois (Brivatensis pagus) tandis que Branssat est dans le « pagus Arvernicus ». Il semble, du reste, ressortir du texte que les moines sont allés chercher asile dans ce prieuré de leur maison et que c'est à cette occasion qu'ils en obtinrent la restitution.

On a contesté que le comte à qui le roi envoie son précepte pût être le comte de Poitou, pour cette raison qu'Ension se trouvait dans le Thouarsais et non dans le Poitou. Mais il est possible qu'à cette date déjà le « pagus Toarcensis » eût été réuni au « pagus Pictavus » sous l'autorité d'un seul comte. On ne rencontre, en effet, nul comte du Thouarsais à cette époque, et l'on sait que, dans la seconde moitié du ixe siècle, les différents comtés qui, dans leur ensemble, répondaient à l'ancienne « civitas Pictavorum » finirent par se trouver réunis sous le gouvernement d'un comte unique. Or cette concentration de l'autorité dans les mains d'un seul comte pour toute cette région était en voie d'accomplissement à l'époque où se place notre diplôme de Saint-Martin : nous constatons, par exemple, que l'appellation de « pagus Pictavus » s'étendait en 847 à la région des Mauges, le monastère de Saint Florent-sur-Loire étant à cette date expressément mis « in pago Pictavo ». Ce groupement des « pagi » n'est pas alors chose exceptionnelle, puisque dans le même temps nous voyons tout près de là que le comté d'Herbauge et le comté de Nantes étaient ainsi confiés aux mains du comte Rainaldus. Notre diplôme a donc pu être adressé au comte de Poitou qui était alors Ramnulfus, bien qu'Ension fût dans le Thouarsais.

Sous l'impression sans doute de l'analyse incomplète donnée par le Catalogue de M. Giard nous nous sommes demandé si le texte des Miracula ne se rapportait pas à deux documents distincts : un diplôme restituant Branssat à l'abbé Raimbaldus, et un mandement adressé au comte de Poitou pour lui ordonner de réintégrer les moines dans leur maison d'Ension et d'y rétablir la règle. Mais il nous a semblé, en définitive, que Letaldus avait visé un seul acte : le verbe « misit » a pour complément direct le mot « praeceptum », et c'est à ce « praeceptum » que s'applique l'expression « qua auctoritate ». Pour qu'il y eût deux actes, il faudrait donner au verbe un sens intransitif qu'il n'a pas et rapporter le « qua auctoritate » à l'idée de diplôme qu'évoque le membre de phrase « Ensione eis monasterium reddi praecipiens ». Nous croyons donc qu'il n'y a eu qu'un diplôme qui rendait Branssat aux Vertaviens et qui, ordonnant de leur restituer aussi le monastère d'Ension, chargeait le comte de Poitou de l'exécution de cet ordre.

Nous reproduisons ci-dessous le texte de c.


Qui (Pipinus) Branziacum cunctis cum appendiciis eis reddidit, et, rogante Landrico qui his rebus eatenus beneficiatus fuerat, praeceptum regiae auctoritatis ex hoc fieri praecepit misitque ad comitem Pictavorum, Ensionense eis monasterium reddi praecipiens, et canonicorum qui monachicum habitum voluissent manerent, qui vero noluissent pellerentur. Qua auctoritate, fratres animaequiores facti, Pictavum pagum repetunt...