848, 25 mars, jour de Pâques. — Monastère de Saint-Maixent.

Pépin II accorde aux moines de Saint-Maixent une confirmation de leurs biens et de leurs privilèges de libre élection et d'immunité, leur rend les nones, dîmes et corvées des domaines inféodés, leur reconnaît le droit d'avoir des avoués pour les recherche, recouvrement et défense de leurs biens, exempte leurs transports par terre et par eau des tonlieux et péages, les autorise selon le capitulaire des rois à dénoncer les échanges faits par leurs prédécesseurs et reconnus inutiles, et leur concède trois marchés francs avec le droit de contrainte, à Saint-Maixent « in vetus villa » le samedi et le jour de la fête annuelle de saint Jean et de saint Maixent, à Vanzay le vendredi, et à Périgny en Saintonge dans la viguerie de Bresdon.

Référence : Léon Levillain et Maurice Prou (éd.), Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, no61.

Diplôme perdu, dont la teneur interpolée constitue la partie essentielle du diplôme faux de Pépin Ier (ci-dessus, n° XLIV), donné au monastère de Saint-Maixent, en 828, le jour de Pâques, 25 mars, par lequel ce prince, à la requête des moines de Saint-Maixent, vient célébrer les fêtes de Pâques dans leur monastère, procède à l'installation de l'abbé Abbo qu'il avait nommé, accorde aux moines tout ce que nous avons mis ci-dessus sous le nom de Pépin II, renonce pour lui-même et ses envoyés au droit de gîte et donne encore aux moines les forêts voisines qui avaient autrefois appartenu à l'église de Saint-Pierre de Poitiers ou à l'église de Saint-Maixent et d'où ils pourront tirer tout le bois dont ils auront besoin pour leur église et leur monastère.

A. Original du diplôme faux de Pépin Ier, perdu.

B. Copie du xviiie s., par Dom Fonteneau, Bibliothèque de Poitiers, Collection Dom Fonteneau, vol. XV, p. 53, en partie d'après le Cartulaire de Saint-Maixent perdu, p. 75, et en partie d'après D.

C. Copie du xviiie s., par Dom Col, Bibliothèque nationale, ms. lat. 9196, p. 425, « ex cartul. abbatiae S. Maxentii fol. 16 et seq. ».

D. Copie du xviie s., par Dom Estiennot, dans ses Antiquitates in diœcesi Pictaviensi Benedictini ordinis, pars secunda, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12756, p. 401, « ex cartulario Si Maxentii », en réalité d'après la copie ancienne du Cartulaire qui a servi de source à E.

E. Copie de la première moitié du xviie s., par Dom Anselme Le Michel, Bibliothèque nationale, ms. lat. 13818, fol. 297, « ex veteri transcripto ex veteri cartulario qui jam periit ».

F. Copie de la seconde moitié du xixe s., par P. de Fleury, dans sa transcription de la Collection Dom Fonteneau, Bibliothèque nationale, ms. lat. 18390, fol. 7, d'après B.

a. Alfred Richard, Chartes et documents pour servir à l'histoire de Saint-Maixent, t. I (Archives historiques du Poitou, t. XVI), p. 8, d'après B.

Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 44.

Les données que nous possédons sur la tradition manuscrite de ce document manquent de clarté. Dom Fonteneau nous livre les renseignements suivants dans une note ajoutée à sa copie : « Depuis le commencement de la charte Pipinus jusqu'au mot sanctum inclusivement, tout est tiré du manuscrit de D. Estiennot qui l'a extrait lui-même du Cartulaire de l'abbaye de St Maixent, p. 75. L'écriture de ce Cartulaire est du douzième siècle ou du commencement du treizième. La feuille d'où D. Estiennot a tiré sa copie n'est plus dans le Cartulaire ; elle est perdue, de façon que cette charte commence dans le Cartulaire au mot diem page 75 et depuis ce mot jusqu'à la fin..... La copie de cette pièce est dans les manuscrits (Antiquités Bénédictines) de D. Estiennot, part. II, fol. 401. » Ces propos signifient que Dom Fonteneau trouvait dans le Cartulaire du xiie siècle ou du commencement du xiiie, au folio 75, un fragment de diplôme et que le texte entier de ce diplôme avait été copié par Dom Estiennot. Mais la référence que ce dernier avait extrait le document du Cartulaire, page 75, est une invention de Dom Fonteneau : Dom Estiennot est moins précis ; et la conséquence qu'on était amené à tirer de cette inexactitude, savoir, que le Cartulaire du xiie siècle avait été mutilé à la fin du xviie ou au commencement du xviiie siècle, est privée de tout fondement solide. Nous devons nous contenter de cette seule constatation : Dom Fonteneau a connu un cartulaire, du xiie siècle ou du xiiie siècle, que la perte d'un feuillet avait privé du début de notre diplôme.

La comparaison des leçons des copies de Dom Fonteneau (B) et de Dom Estiennot (D) conduit à penser que la source de B n'est pas la même que celle de D ; et la confrontation de D avec la copie d'Anselme Le Michel (E) permet de croire que Dom Estiennot a utilisé « cette ancienne transcription extraite de l'ancien Cartulaire qui a déjà péri » d'où E a tiré son texte. Ainsi, au commencement du xviie siècle, le Cartulaire ancien passait à tort pour perdu, et, si Dom Estiennot l'a connu, il ne l'a pas utilisé pour ce diplôme-ci, sans doute parce que le texte n'en était plus complet déjà.

Mais voici que Dom Col nous donne à son tour le diplôme intégralement et déclare l'avoir pris dans un cartulaire de l'abbaye, aux folios 16 et suivants : son texte qui ne nous offre pas les variantes caractéristiques de DE et qui paraît intermédiaire entre DE et B vient-il donc d'une troisième source, d'un autre cartulaire comme semblerait l'indiquer la référence au folio ? Quel serait ce cartulaire dont l'existence même aurait échappé aux investigations du plus curieux des historiens de Saint-Maixent, le savant et regretté Alfred Richard ?

Le document que nous publions ci-dessous s'encadre dans les formules initiale et finale d'un diplôme et se donne, par conséquent, pour un acte émané d'une chancellerie royale. Considéré comme tel, il est un « faux inepte ». Mais il suffit de parcourir la teneur de ce singulier acte pour constater que l'auteur, usant d'un procédé qui n'est pas sans exemple chez les écrivains du haut moyen-âge, emprunte à l'un des diplômes authentiques de son abbaye une partie des propos qu'il met dans la bouche du roi Pépin pour faire raconter par celui-ci la visite qu'il fit aux moines san-maixentais. Par là s'avère l'existence d'un diplôme qui ne nous est pas connu autrement.

Le diplôme perdu était un diplôme de Pépin II ; la suscription, la formule de corroboration et la souscription à elles seules suffiraient à nous éclairer sur ce point par leur style, si d'autres indications plus précieuses ne venaient non seulement confirmer cette attribution, mais encore permettre de préciser la date du titre authentique et de reconnaître la nature exacte de l'acte.

Notre document comporte deux dates, l'une au commencement, l'autre à la fin. Si nous les comparons, nous n'aurons aucune difficulté à reconnaître que la première est en quelque manière une traduction de la seconde qui, elle, est manifestement empruntée à un diplôme authentique, — son style en est garant. Étudions donc en premier lieu celle-ci qui nous est livrée par nos manuscrits ainsi : « Data VIII kalend. april., in die Pasche, indictione XI, anno XV regnante Pippino inclito rege ». Le 25 mars était bien le jour de Pâques dans la 11e année indictionnelle qui, pouvant être sous le règne de Pépin II 848 ou 863, est ici nécessairement 848 puisque la coïncidence du huitième jour avant les calendes d'avril avec la fête pascale ne s'est produite qu'une seule fois dans le ixe siècle, précisément en 848 : bien qu'un synchronisme de jour soit chose anormale dans un diplôme de cette époque, il convient d'observer que la rareté de la fête de Pâques au 25 mars a pu provoquer l'anomalie. Mais l'année du règne est un élément discordant : la 15e année du gouvernement de Pépin II nous reporterait à 853 qui est la première année de l'indiction, et, à cette date de 853, Pépin II était hors d'état d'émettre un diplôme : il avait été pris l'année précédente par le duc de Gascogne, Sancius, livré à son oncle et rival Charles le Chauve qui, après entente avec l'empereur Lothaire, l'avait fait tondre et enfermer dans le monastère de Saint-Médard, près de Soissons ; en 853, Pépin avait bien tenté de fuir, mais ses deux complices, prêtres et moines de ce couvent, avaient été arrêtés et condamnés à la dégradation ; lui-même, il avait dû jurer fidélité à son oncle, prendre l'habit de moine et, selon la coutume monacale, promettre d'observer la règle. En 854 seulement, il rompait les vœux qu'on lui avait imposés comme des liens de captivité, et regagnait l'Aquitaine.

La présence de ce nombre XV dans la date empruntée au diplôme authentique ne peut être expliquée que par une altération volontaire dont nous allons essayer de chercher la cause, à l'aide de la date du début.

Cette date est ainsi formulée : « Anno ab incarnatione domini nostri Jesu Christi DCCCXXVIII, indictione XI, sub cyclo decemnovenali XIII, luna XV, monarchia Francorum tribus serenissimis regibus, filiis quondam christianissimi imperatoris, divisa, Hlothario videlicet, Hludovico et Karolo, Pipino, inquam, sene, rege Aquitanensium, opitulante superni judicis gratia imperantibus ».

Du moment que les trois fils de l'empereur très chrétien, Louis le Pieux, décédé en 840, ont succédé à leur père défunt, l'année 828 est inadmissible ; elle est, du reste, en contradiction avec les synchronismes qui l'accompagnent : le nombre d'or XIII et l'indiction conviennent à l'année 848, et en 848 le 25 mars, le jour de Pâques est précisément le 15e jour de la lune.

Cependant l'an 828 est ici étayé par la mention de Pépin le vieux, roi d'Aquitaine « Pipino... sene, rege Aquitanensium ». Mais il est évident que l'était est sans solidité : car, si Louis le Pieux est déjà passé de vie à trépas, Pépin Ier ne peut intervenir ici puisqu'il mourut avant l'empereur, son père. Peut-être « sene » qui ne devrait pas être séparé de « Pipino » est-il une altération intentionnelle de « sane » qui, lui, aurait été dans le texte primitif une affirmation du bon droit de Pépin II.

L'exactitude de la date 848 est confirmée par ce passage de l'acte où le roi est censé dire : « Mox quoque cancellario accersito Hilduino, hunc imprevaricabilem nostre auctoritatis preceptum conscribere jussimus et in missam diei asportare quod, videntibus cunctis, confirmavimus ». Le nom du chancelier Hilduinus — la chose n'est pas douteuse — vient en droite ligne du diplôme que le moine san-maixentais avait sous les yeux ; ce chancelier nous est connu par deux diplômes de Pépin II : l'un, en faveur de l'église de Limoges, est daté par nous du 18 janvier 845-848, mais n'est pas d'une authenticité certaine et ne nous a été transmis que par des copies de basse époque ; l'autre, concédé à l'abbaye de Solignac, est du 26 février 848, et celui-ci nous est parvenu en original. Or, entre 845 et 848, la chancellerie d'Aquitaine avait eu à sa tête un certain Gulfardus dont le nom apparaît dans la souscription de deux diplômes authentiques délivrés le 27 mai 847 à l'abbaye de Saint-Florent-le-Vieil et le 25 juillet 847 à l'église de Trêves ; le premier de ces deux diplômes-ci est conservé en original. Hilduinus a donc succédé à Gulfardus le 26 juillet 847 au plus tôt, et un diplôme daté du 25 mars de la 11e indiction et souscrit par lui ne peut être que du jour de Pâques 848.

Il y a une conséquence importante à tirer de là : le faussaire qui a su calculer les divers synchronismes qu'il fournit de la date du 25 mars 848 n'a été conduit à inscrire en tête de son œuvre 828 et à altérer dans l'eschatocole le nombre qui exprime l'année du règne que postérieurement à sa conception première du faux et en vue de vieillir les privilèges à des fins que les historiens de l'abbaye pourront rechercher. C'est chose notable que la concordance du « Pipino sene » avec l'année 828 et la quinzième année du règne de Pépin Ier. Au premier abord on imagine mal qu'un faussaire lisant dans une date « anno X » écrive « anno XV » pour vieillir le document qu'il fabrique ; mais il est à noter que ce faussaire trouvait dans les archives de son monastère deux diplômes de Pépin Ier datés respectivement des XIIe et XIIIe années du règne, que, le plus ancien des diplômes étant de 825, un faux mis en DCCCXXVIII (au lieu de DCCCXLVIII) devait être pour son auteur de la 15e année du règne.

Nous concluons que : 1° le faux, après avoir été conçu par le moine qui l'a forgé comme un acte de Pépin II, a été par son auteur transformé en un acte de Pépin Ier, et que la date à lui attribuer est celle qui est exprimée par l'année de l'incarnation ; 2° que le diplôme-modèle était un diplôme de Pépin II, souscrit par le chancelier Hilduinus ou en son nom par le substitut de celui-ci (c'était alors le diacre Joseph), daté du 25 mars, jour de Pâques, 848.

Arrivés à ce point de notre examen, et avant de chercher quelle était la nature du document authentique, nous noterons que la fixation de la date de ce diplôme au jour pascal de 848 n'entraîne pas par voie d'inférence l'exactitude de l'« Actum in monasterio sancti Maxentii », et nous devons nous demander si Pépin II pouvait être à cette date en ce lieu. Au premier abord la présence de ce prince à Saint-Maixent le 25 mars 848 paraît peu vraisemblable, si l'on sait qu'en 845, par le traité de Saint-Benoît-sur-Loire, Charles le Chauve, abandonnant le gouvernement de toute l'Aquitaine à son neveu Pépin II, s'était expressément réservé le Poitou, la Saintonge et l'Angoumois, comme en témoignent les Annales de Saint-Bertin : Saint-Maixent appartenait soit au « pagus Pictavus » soit au « pagus Briocensis », tous deux dans le Poitou. Mais le texte de l'annaliste se révèle, ici comme ailleurs, vrai dans le général et imprécis dans le détail, car, après la convention de 845, il y avait encore une partie du Poitou qui obéissait à l'autorité de Pépin, comme en fait foi une lettre d'Hincmar. Le jeune roi d'Aquitaine pouvait donc être dans son propre royaume quand il venait à Saint-Maixent. La certitude où nous sommes que les moines sanmaixentais avaient obtenu du prince un diplôme nous permet d'affirmer que l'abbaye poitevine n'avait pas pris part au mouvement anti-dynastique qui agitait alors l'Aquitaine : Pépin II se voyait abandonné par les Aquitains au début de 848 au profit de son oncle Charles qu'ils appelaient. Pendant le carême, le roi de France dirigeait une expédition contre les Normands qui assiégeaient Bordeaux ; au retour de cette expédition, il vint à Limoges tenir un plaid général et il célébra les fêtes de Pâques dans cette ville. La défection des Aquitains à sa cause surprit Pépin II dans la région limousine : il était à Solignac, à 12 kilomètres au sud de Limoges, le 26 février qui était le troisième dimanche du carême. Il ne paraît guère douteux que ces circonstances difficiles constituent les dures « nécessités » qui avaient obligé le roi d'Aquitaine à gagner l'ouest de son royaume, à se réfugier en Aunis où la diversité des lieux lui fournissait le moyen de tenir la campagne et d'échapper à une poursuite possible, « nostris necessitatibus in Alnisio pago pro locorum varietate commorantes ». Cette explication géographique que nous lisons dans le préambule du faux est tellement vraisemblable, s'applique si bien aux faits historiques connus que nous pouvons difficilement croire qu'elle a été imaginée par le faussaire. Celui-ci ne l'aurait-il pas extraite du diplôme authentique qui prendrait place dans la série de ces diplômes trop rares dont l'exposé contient des allusions aux circonstances dans lesquelles ils ont été octroyés, ou même des données précises ? Contentons-nous de dire que l'« Actum in monasterio sancti Maxentii » n'a rien d'invraisemblable, que nous n'avons aucune raison de mettre en doute sa véracité.

Arrivons maintenant à l'étude de la teneur du document faux pour connaître la nature du document authentique, pour faire le discrimen veri ac falsi qui est la fin de toute étude diplomatique.

Donc, le roi d'Aquitaine est venu à Saint-Maixent ; mais, nous dit le moine qui a imaginé de lui faire raconter sa visite, il a voulu s'assurer que sa venue ne causerait ni trouble ni gêne, et les moines se sont empressés de le prier d'entrer chez eux. Quiconque a la moindre notion de l'histoire ecclésiastique se doute bien que nous abordons une question délicate et brûlante des rapports de l'Église et du pouvoir séculier. Le souci du roi de ne pas prendre gîte au monastère de peur de troubler la vie régulière conduit à la décision qu'il prend dans la suite d'ajouter à la concession d'immunité l'interdiction pour lui et ses envoyés d'élire domicile en ce saint lieu et dans toutes ses dépendances : « Nec etiam nos ipsi aut missus discurrens in hoc sancto mansionaticum accipiat nec in vestris rebus... juste et legaliter ad vos pertinentibus, sed remota inpulsione seculari Deo famulemini sine alicujus impeditione. » La précaution prise par le faussaire de nous préparer à lire ce passage dans le corps de l'acte nous met en garde contre cette exemption si absolue : nous doutons fort qu'on puisse exhiber un texte authentique qui formule ainsi l'interdiction faite au roi par le roi lui-même d'exercer le droit de gîte dans un monastère. Passe encore pour les agents du roi ! Du reste, on remarquera le désaccord du « nos ipsi », qui a pris la place de quelque « comes aut judex publicus », avec le verbe « accipiat ». Toutefois si le dispositif du modèle ne semble pas avoir livré au faussaire une exemption totale du droit de gîte, nous ne serions pas autrement surpris que l'exposé du diplôme fît allusion à une semblable prière, en fait non exaucée par le roi, comme nous voyons que le cas s'est produit dans le même temps pour le monastère de Solignac. Nous lisons, en effet, dans l'exposé du diplôme expédié le 26 février 848 en faveur de cette dernière abbaye ceci : « Et nullus regum praedictum locum adisset ad placitum tenendum et mansionaticos exigendos nisi tantum causa orationis ». Mais cette requête ne reçoit pas de réponse dans le dispositif. A nos yeux, du moins, le privilège de l'exemption du droit de gîte ne se présente pas avec toutes les garanties voulues ; mais nous pouvons croire que le diplôme-modèle touchait à cette question dans les mêmes conditions que le diplôme de Solignac.

Les moines, continue notre auteur, reçoivent le roi avec le cérémonial d'usage, le samedi saint. Après l'office de la nuit, comme le roi s'apprêtait à sortir de l'église, ils l'entourent, se jettent à ses pieds, et l'un d'eux, Gundacher, tout en larmes, expose au prince la triste situation de ce monastère autrefois si riche, maintenant pauvre et délabré. Et de quoi se plaint-il ? D'abord, de ce que jadis le monastère touchait la dîme de plus de quinze mille manses, et qu'aujourd'hui un millier de manses seulement acquittent cette redevance entre les mains des moines. Ensuite, l'abbaye est restée longtemps sans abbé : ce saint lieu est tombé aux mains des laïques et même l'abbé Abbo que le roi a nommé n'a pas été institué selon la règle de saint Benoît. Puis, les moines auraient voulu construire un monastère digne de la réputation du lieu, mais ils en sont empêchés par le manque de matériaux : ils ne possèdent pas de forêts et ils n'osent couper la moindre branche dans les forêts voisines. Enfin, on n'observe plus le privilège de l'immunité concédé par les ancêtres les plus lointains du roi.

Ces plaintes sont inspirées au faussaire en partie par le diplôme de Pépin II qui naturellement n'avait pas toujours la précision du faux. Les réponses du roi à ces plaintes le prouvent.

Voici comment le roi résout la question des dîmes : « Sed et de portione rerum predicti monasterii quam adhuc constat esse in beneficium, propter quandam utilitatem sive necessitatem regni nostri que modo imminet, presentaliter reddere nequimus, nostro regio imperio precipimus atque demandando expresse sancimus ut supradicto monasterio rectoribusque suis nonas et decimas atque opera pleniter persolvantur, donec, Domino adjuvante, eedem res ad jamdictum monasterium revertantur ». Or nous lisons les mêmes expressions dans le diplôme de Pépin Ier donné le 11 janvier 828 au monastère de Saint-Maixent lui-même, diplôme qui pourrait être la source de notre faussaire ; mais elles se trouvent dans deux parties différentes du discours diplomatique, au lieu d'être combinées et comme ramassées sur elles-mêmes en une phrase unique. Le raccourci du discours prêté au roi convient à un diplôme de confirmation générale ; et nous supposerons volontiers que Pépin II avait renouvelé les décisions paternelles en cette matière, avec d'autant plus de vraisemblance que la suite de notre examen nous conduit à croire que le diplôme de Pépin II pour Saint-Maixent appartenait, par la diversité des sujets traités, à la même série d'actes que les préceptes de ce prince pour Saint-Chaffre, Manlieu, Solignac et Saint-Florent-le-Vieil qui vont maintenant nous fournir des pièces de comparaison de haut intérêt.

Parmi ces sujets divers, nous rangeons sans hésitation la question de l'élection abbatiale qui apparaît dans notre document sous deux aspects : le cas d'espèce, et le cas général.

Le roi est censé raconter comment il a résolu le cas d'espèce : il se fait apporter la règle de saint Benoît, demande aux moines s'ils consentent à prendre Abbo pour abbé, et, sur leur réponse affirmative, il procède à l'installation du personnage. « Nos vero volumus eidem Abboni, sicut mos est regibus monasteria regularia commendare cum gregibus, [hunc monasterium commendare] ut in die judicii cum Domino rationaturus existeret nisi abbatis officium in eodem monasterio juxta regulam sancti Benedicti explesset. Volumus insuper... omne monasterium cum omnibus suis rebus ad se pertinentibus quas antecessores eorum et ipsi monachi habuisse et habere videntur, sicut ipsi habuerunt de quorum manibus ad Abbonem pervenerunt, sic Abbo venerabilis abbas et ipsa congregatio omnibus seculis teneant atque possideant. »

Nous ne pouvons pas dire dans quelle mesure ce passage sur l'installation de l'abbé et sur la prise de possession des biens a pu être en connexion avec le texte authentique du diplôme de Pépin II ; mais le fond n'a rien en soi d'inacceptable. Déjà Pépin Ier avait rétabli la règle en matière d'élection abbatiale vingt ans auparavant en des termes qui auraient pu évidemment inspirer au faussaire son récit de l'élection d'Abbo. Il est cependant possible que Pépin II ait installé un abbé régulier et que son diplôme de 848 en eût conservé le souvenir dans une phrase comme celle que nous lisons dans un diplôme de Pépin Ier pour Solignac : « ...monasterium Solemniacense quod nostra munificentia sub regularis ordinis disciplina noscitur regi et gubernari, quo venerabilem virum Dructrannum abbatem fore constituimus ». Et le passage relatif aux biens présente une évidente analogie de facture avec celui-ci que nous empruntons au diplôme de Pépin II pour Saint-Florent-le-Vieil de date toute voisine. « Et nemo umquam canonicorum aut laicorum ibi abba constituatur... Sed, sicut sepedictum est, ipse locus cum omni suo grege regularem degens vitam, ut venerabilis abba prefatus, Dido nomine, apud magnificentiam regiae dignitatis nostram obtinuit, sic perseverabiliter in omnibus seculis sub regali maneat defensione cum omnibus suis rebus quas Ansaldus et Gautbertus abbates ejusdem loci sub suorum potestatibus tenuerunt. »

Quant au cas général, le roi concède aux moines la liberté électorale : « Concedimus insuper vobis vestrisque successoribus post discessum Abbonis abbatis habere licentiam ex vobis ipsis eligendi abbates secundum vite meritum et regule disciplinam ». Cette concession fréquente est exprimée en des termes qui varient presque d'un diplôme à l'autre par quelques détails, mais qui demeurent à peu près constants dans la partie essentielle de la formule. Le diplôme authentique de Pépin II pour Saint-Maixent était certainement, sur ce point, d'une rédaction très voisine de celle que nous livre le diplôme de ce roi pour Manlieu : « Post obitum vero praefati Ayraldi concedimus ut praedicti monachi habeant licentiam ex se ipsis eligendi abbates, quemcumque utiliorem in eodem loco invenerint qui secundum regulam sancti Benedicti regere audeat atque ordinare ».

Si donc un doute peut subsister dans l'esprit au sujet de l'élection particulière d'Abbo, aucun ne peut exister en ce qui regarde le droit reconnu aux moines de choisir parmi eux celui qu'ils veulent mettre à leur tête.

La plainte de Gundacher et de ses confrères touchant les forêts paraît, dans le récit du faussaire, assez mal amenée. La réponse du roi nous procure aussi quelque inquiétude ; elle s'intercale entre la clause des marchés et celle des annulations d'échanges, et elle accorde aux moines les forêts encloses qui, ayant appartenu aux églises de Saint-Pierre de Poitiers et de Saint-Maixent, ont passé en d'autres mains, pour qu'ils y exercent envers et contre tous le droit d'usage non seulement pour les besoins de l'église, mais aussi pour ceux du monastère. Et comme ce passage comporte une clause spéciale de pénalités, nous avons là un témoignage de l'importance que l'on attachait à la concession et une raison de rester sur nos gardes. Inutile d'ajouter que nous ne trouvons pas, dans les autres diplômes de Pépin II, de répondants auprès de nous d'une telle faveur qui, si elle eût été réellement consentie aux moines, leur eût permis de barrer le chemin aux revendications légitimes de l'évêque de Poitiers. Nous mettons là, semble-t-il, le doigt sur le point douloureux... et litigieux.

Ce n'est pas assurément la dernière plainte des San-Maixentais qui nous peut conduire à la découverte de l'objet réel que se proposait d'atteindre le faussaire. Se plaindre de la violation de l'immunité, c'est introduire dans la réponse du roi la formule de confirmation d'immunité qui est de tous points excellente.

Si cette formule comporte un développement du « nullus judex publicus... » courant, le fait n'est pas sans autre exemple dans la diplomatique de Pépin II, comme le montre le rapprochement des deux cas suivants :

La comparaison du reste de la clause immunitaire avec le passage correspondant d'autres diplômes d'immunité de même style nous révèle une autre exception. Très rares furent les actes de cette nature qui énuméraient, parmi les défenses faites aux agents publics, celle d'exiger le ban, l'hériban, le service militaire et les corvées : dans le consciencieux dépouillement des diplômes d'immunité de Louis le Pieux qu'il a fait, M. Stengel n'a pas relevé un seul cas d'une exemption aussi complète. On ne saurait cependant douter de la parfaite légitimité du passage dans notre diplôme de Pépin II puisque, par celui des empereurs Louis et Lothaire du 10 octobre 827 et par le diplôme de Pépin Ier de 828, l'abbaye de Saint-Maixent avait été exemptée de tout service public : « eum... ab expedicione exercitali et bannis atque heribannis vel operibus publicis sive paratis absolutum et quietum esse omnimodis precipimus ». Mais alors, du fait de l'inscription de ce privilège en pleine formule d'immunité, nous pouvons déduire que le diplôme-modèle était bien, comme nous l'avions entrevu à propos de la question des dîmes, une confirmation générale de privilèges.

Nous n'aurons, par conséquent, pas lieu de nous étonner de la quantité de sujets que traitait le diplôme perdu et dont notre faussaire a fait son profit pour noyer en quelque sorte dans la masse des droits réels les droits fictifs.

Le roi reconnaît aux moines le droit d'avoir des avoués. C'est là, à cette date de 848, une faveur assez rare ou du moins assez rarement mentionnée dans les diplômes ; mais le style de notre document a le mérite de trouver sa justification dans les extraits rapprochés de deux autres diplômes du même souverain :

De tous les préceptes de Pépin II qui nous sont connus, le diplôme de Saint-Maixent était celui qui donnait aux avoués les droits les plus étendus : droit de rechercher, droit de recouvrer, droit de défendre les biens du monastère, pour en assurer la conservation.

A ces privilèges juridiques, le roi avait ajouté des privilèges économiques : l'exemption des tonlieux pour tous transports dans toute l'étendue du royaume, l'exemption des péages exigés des bateaux sur tous les cours d'eau de l'Aquitaine, la concession de marchés avec le droit de contrainte dans ces marchés.

Si nous ne trouvons pas dans nos diplômes des rois aquitains le premier de ces privilèges, nous savons que d'autres souverains carolingiens l'ont quelquefois accordé en des termes auxquels ceux de notre texte font songer. Qu'on en juge :

Les deux rédactions s'inspirent de la même pensée ; et l'on ne voit pas que la première ajoute quelque chose à ce que concède la seconde. Nous n'avons aucune raison de douter a priori que le monastère de Saint-Maixent ait pu être doté d'un privilège de cette nature, d'autant que ce privilège est lié dans les deux cas à un autre de même sorte concernant les transports par eau. Et avec celui-ci, nous retrouvons l'appui des autres diplômes de Pépin II que rien ne saurait remplacer avec avantage :

Ce sont, dans les deux cas, on le voit, les mêmes expressions en même temps que les mêmes péages. L'énumération de quelques fleuves particuliers suivie de l'indication générale de tous les autres fleuves du royaume, dans notre document, ne doit pas nous arrêter : il y en a des exemples contemporains, témoin ce diplôme par lequel Pépin Ier, le 18 mai 826, accorda aux moines de Saint-Philbert de Noirmoutier le droit de faire circuler librement six navires sur tous les cours d'eau de son royaume et nommément sur cinq d'entre eux : « per Ligerem, Helarium, Carim, Dordoniam, Garonnam etiam et per caetera flumina regni nostri ».

La concession des marchés, qui se parfait du droit de contrainte, est encore d'un style excellent. Pour nous en convaincre, confrontons le texte san-maixentais et le diplôme de Pépin II pour Saint-Chaffre :

Le droit de contrainte sur les marchés est une extension, ou mieux une application spéciale du privilège de l'immunité : il n'est pas sans intérêt de signaler que, dans le diplôme de Saint-Florent de 847, ce droit de contrainte exercé dans toute l'étendue des domaines immunisés est exprimé dans les mêmes termes en tête de la formule ordinaire de l'immunité.

Aux deux marchés cités ci-dessus, l'acte en ajoute in fine un troisième. Ces additions de la dernière heure sont assez fréquentes dans les diplômes les meilleurs pour que, le style aidant, nous n'ayons aucune objection de principe à élever contre celle-ci.

Dans tout l'acte, il ne nous reste plus à signaler que le droit reconnu aux moines d'annuler les échanges inutiles ou nuisibles faits par leurs prédécesseurs et de rentrer en possession des biens échangés sans réclamation possible des autres parties contractantes, « secundum capitulare regum ». Or les pères du concile de Beauvais avaient pris en cette matière une décision qui fut confirmée en 845 par le concile de Meaux et approuvée sans doute en 847 par Lothaire, Louis le Germanique et Charles le Chauve au colloque de Meerssen ; et cette décision autorisait le successeur d'un évêque ou d'un abbé à réformer les échanges de biens ecclésiastiques consentis inconsidérément par son prédécesseur. Nous avons, dans notre diplôme, une application particulière de cette règle de droit canonique.

Après cet examen détaillé, nous pouvons conclure que le fond de son document a été fourni au faussaire par un document authentique de Pépin II, daté du 25 mars 848, et de même nature que les quatre diplômes pour Saint-Florent-le-Vieil, Solignac, Manlieu et Saint-Chaffre ; que ce faussaire a élargi l'exemption du droit de gîte jusqu'à interdire l'entrée du monastère au roi, s'il plaît aux moines ; qu'il a voulu assurer à son abbaye des forêts qui n'avaient jamais appartenu aux abbés et aux moines de Saint-Maixent ou qui avaient cessé de leur appartenir ; qu'à cet effet il a composé un récit où il entremêle assez adroitement le faux et le vrai, où il fait parler directement le roi, développe par des procédés oratoires certaines parties du discours diplomatique comme les imprécations, par exemple ; enfin qu'après avoir mis correctement sous le nom de leur auteur, Pépin II, les concessions et privilèges, il a cru devoir, pour vieillir les droits supposés de sa maison, attribuer l'octroi de ces faveurs à Pépin Ier et modifier la date de l'incarnation et l'année du règne sans se croire tenu de faire concorder les autres éléments chronologiques.

Nous avons adopté partout, au lieu d'ae, l'e simple que nous donne B, même dans la partie de son texte où B s'est cru autorisé à corriger sur ce point son modèle D ; c'est, en effet, la physionomie du texte du Cartulaire, prototype de toutes nos copies que nous devons nous efforcer de reproduire ; et il n'est pas douteux qu'un cartulaire de la fin du xiie ou du commencement du xiiie siècle donnait partout l'e simple. Nous ne relevons la variante ae que lorsque nous aurons une raison de la signaler, ou que B lui-même la donne.


Pippinus, ordinante divinae majestatis gratia, Aquitanorum rex. In nomine sancte et individue Trinitatis, anno ab incarnatione domini nostri Iesu Christi DCCC°XX°VIII°, indictione XI, sub cyclo decemnovenali XIII, luna XV, monarchia Francorum tribus serenissimis regibus, filiis scilicet quondam christianissimi imperatoris, divisa, Hlothario videlicet, Hludovico et Karolo, Pipino, inquam, sene rege Aquitanensium, opitulante superni judicis gratia, imperantibus, perlustratis quibusdam regni nostri civitatibus instantibus, quadragesimi temporis diebus a nobis et a cuncta ecclesia summa religione colendis dum festus dies pasche sanctissimus atque saluberrimus, scilicet resurrectionis domini nostri Iesu Christi, appropinquabat, nostris necessitatibus in Alnisio pago pro locorum varietate commorantes, hesitavimus ad quem locum voluissemus pervenire et ibi tantum diem resurrectionis Domini summo conamine et honore celebrare. Instabat enim prope nos monasterium regulare sancti Maxentii, ubi ipse dignus veneratur et humatus jacet necnon sanctus Leodegarius gloriosissimus martyr corpore intus quiescit, utrique sua corpora sibimet jungentes quo in loco ab omni populo custodiuntur et adorantur. Sed nos pro impeditione monachorum et molestia animorum terruimus ibi venire. Tamen, legato a nobis ibi transmisso quid queque ageremus, veluti servi Dei omnia pro nomine Christi sustinentes, deprecati sunt ut nullo modo nostrum adventum non pretermitteremus. Unde gratias omnipotenti Deo referentes, sabbato ante pascha Domini, hora tertia, regio more, absque signorum pulsione et consuetudine cantus, sub silentio cum crucibus et cereis nobis occurrerunt atque receperunt, sive usque etiam ad sepulchra sanctorum prefatorum orando nobis produxere. Regredientibus vero nobis ab eadem ecclesia, corpus humano more lavimus atque regio nutu induimus. Adveniente vero hujus diei hora, in eadem ecclesia devotissime officium expetivimus. Dum vero surreximus in noctis officium, idipsum prout potuimus religiosissime consummavimus ; eoque finito, dum reverteremus ab eadem ecclesia, antequam ostium exissemus, occurrerunt nobis servi Dei, videlicet ipsius ecclesie monachi ; lacrimabiliter ad pedes nostros humo se projecerunt, quos ego pavens surgere innui et quid cause quererent latere dixi. Tum unus eorum, Gundacher nomine, lacrimabiliter vix in hec verba prorupit : « O rex ! inclita proles, senior et domine hujus regni, venisti ad hunc sanctum locum olim religiosissimum tam sanctum diem videlicet pasche celebrandum ; sed, moerore confecti atque habundantissima tristicia et ab omni gaudio terreno privati, vix tuum possumus sustinere adventum. Fuit enim ejus temporibus hec ecclesia, quam oculis cernitis, summa dignitate et munificentia regum nimis exaltata ; sed de primo ditationis flore pene adnullata et concussa habetur. Nam quindecim milium mansuum ex eo amplius abadia hec viguit, sed modo nec de unius miliarii decimam habere probamus : unde concutitur die cotidie et quassatur undique interius et exterius, et a pravis hominibus opprimitur ut nec ipsa paupertas rerum ibi dimittatur. Et quid dicam ? Nil perdendi habemus nisi has quas in honore horum duorum sanctorum quorum sepulchra a nobis parata tali honore videntur macerias diripiant, ut non relinquatur lapis super lapidem : unde, heheu ! jam tractabamus ut ipsa corpora a nobis hinc deferrentur et in regnum christianorum asportarentur. Est et aliud malum insidens cordibus nostris. Nam hec talis religio sub abbate inviolabilis debet permanere ; et absque abbate nil faciendum aut agendum, a quo multis jam transactis annis alieni mansimus. Et, heheu ! in laicalium manus hic locus Deo sacratus pervenit, nec habuimus abbatem monachum qui hanc abbadiam secundum regulam sancti Benedicti haberet traditam : unde hoc gravissimum atque molestissimum inest nobis. Misistis etiam hunc abbatem, Abbonem nomine, super nos ; sed nullo modo videtur nobis abbas, quia non habuit hunc locum sic traditum veluti sanctus Benedictus abbates regulares jussit instituere. Tercium vero malum nos opprimit, quoniam volueramus hunc locum pro modulo suo exaltari ; sed nullo modo possumus, quoniam silve desunt, nec quicquam operum possumus operari nisi ab emptione nummorum nostrorum. Nam hinc inde habundant largissime silve, sed non audemus nec unum pauculum lignum nobis excidere pro pravorum hominum incursione que hinc inde flagellatur atque concutitur. Et donaverunt insuper predecessores xpistianissimi reges a primo germinis vestri origine et confirmaverunt, sicut mos est in omnibus religiosissimis locis a largitate regum perdonare querelosas atque varias exactiones que, ut pravius fiat, omnimodis non observatur nec a quolibet custodiuntur. Unde, rex, percipe corde et animo si est locus in universo orbe terrarum ita attritus ex tanta sublimitatis veluti iste modo. » Et iterum provoluti ceciderunt in terram. Ad quos rex commotus et ad lacrimas usque perveniens : « Surgite », dixit ; et placido ore vultuque sereno hec verba subsecutus est : « Omnia que nobis flendo modo necessitate conpulsi protulistis, que emendanda sunt, emendare pleniter volumus et absque retardatione emendata perficere et per merita horum duorum sanctorum qui ibidem corporaliter quiescunt, qui ad nostrum salutis auxilium venimus ut celebraremus hunc diem sanctum pasche, obtestamur quia, que incorrupta in hoc loco fore videntur, corrigere volumus et secundum vires hunc locum exaltari atque nostra largitate ditari. » Jussimus namque venire regulam sancti Benedicti, et preceptum inibi confirmatum, accipientesque eandem regulam sancti Benedicti interrogavimus eos si optassent Abbonem sibi habere abbatem ; qui una voce se velle dixerunt. Nos vero volumus eidem Abboni, sicut mos est regibus monasteria regularia commendare cum gregibus, ut in die judicii cum Domino rationaturus existeret nisi abbatis officium in eodem monasterio juxta regulam sancti Benedicti explesset. « Volumus insuper, ait, omne monasterium cum omnibus suis rebus ad se pertinentibus quas antecessores eorum et ipsi monachi habuisse et habere videntur sicut ipsi habuerunt de quorum manibus ad Abbonem pervenerunt, sic Abbo venerabilis abbas et ipsa congregatio omnibus seculis teneant atque possideant. Sed et de portione rerum predicti monasterii quam adhuc constat esse in beneficium, propter quandam utilitatem sive necessitatem regni nostri que modo imminet presentaliter reddere nequimus, nostro regio imperio precipimus atque demandando expresse sancimus ut supradicto monasterio rectoribusque suis nonas et decimas atque opera pleniter persolvantur, donec, Domino juvante, eedem res ad jam dictum monasterium revertantur. Concedimus insuper vobis vestrisque successoribus post discessum Abbonis abbatis habere licentiam ex vobis ipsis eligendi abbates secundum vite meritum et regule disciplinam. Et hoc vobis concedimus ut habeatis licentiam advocatos habere in vestris omnibus rebus qui res vestras defendant atque recipiant. Et ob remunerationis nostre premium certum ei perdonamus et, sicut res nostre a nostris defenduntur et adquiruntur advocatis, ita a vestris advocatis res vestre adquirantur sive defendantur. Et donamus insuper vobis theloneum ut nullo umquam tempore in Alnisio de carris vestris, saumariis aliisque honeribus ac redeuntibus nulla vobis et a vestra potestate habeat licentiam theloneum recipiendum, sed penitus non solum de Alnisio sed de omnibus regni nostri aliis comitatibus, mercatis atque locis concessum habeatis et a nullo exactetur aut requiratur nec quislibet recipere audeat. Naves quin etiam vestras per quoscunque alveos discurrentes, nullus ab eis cespaticum, ripaticum, pulveraticum, pontaticum vel theloneum aut ullam exactionem temptet inquirere, sed quiete in Carantino fluvio, Geronna, Dordonia ceterisque ripis reliquis et aquis licentiam habeant discurrere quiete atque regredi secure. In vestris etiam villis, rebus atque territoriis nullus comes nec judex publicus aut quislibet ex judiciaria potestate, vicarius et centenarius ad causas audiendas vel freda seu tributa exigenda aut mansiones vel paratas faciendas necnon fidejussores tollendos seu etiam homines eidem monasterii tam ingenuos quam et servos supra ipsius commanentes distringendos nec ullas redibitiones aut occasiones requirendas nostris neque futuris temporibus ingredi presumat, nec bannum sive heribannum aut exercitalem exercitationem neque opera publica vel ea que supra memorata sunt penitus exigere presumat ; sed liceat huic abbati Abboni successoribusque suis res hujus monasterii sub inmunitatis nostre defensione quieto ordine tenere ac gubernare ; et quicquid exinde fiscus sperare potuerit, totum nos eterna pro remuneratione vobis concedimus in alimonia pauperum et stipendia vestra ut ibidem omnibus seculis proficiat in augmentis. Nec etiam nos ipsi aut missus noster discurrens in hoc sancto loco mansionaticum accipiat nec in vestris rebus... juste et legaliter ad vos pertinentibus, sed remota omni inpulsione seculari Deo famulemini sine alicujus impeditione. Volumus denique ut mercata que in vestris villis, unum pertinens de illa portaria sancti Maxentii et nunc consistit et aggregatur die sabbato in vetus villa, vel etiam in revolutione anni ad missam sanctorum Johannis vel beati Maxentii, alterum in villa Vontiaco sexta feria, vestre sint potestati vel dominationi omnibus temporibus ut nullus ex judiciaria potestate in eis licentiam habeat aliquid dominandi aut distringendi seu contradicendi vel commutandi. Si vero in eisdem mercatis reus fuerit repertus, a nullo distringatur nisi a vestra potestate. Demandamus insuper atque vobis perdonamus silvas undique circum septas videlicet sancti Petri Pictavensis sedis vel etiam sancti Maxentii in aliorum manus translatas, seu ex quacumque potestate vel dominatione esse videantur, ut licentiam habeatis sufficienter excidere et in vestris necessitatibus non tantum ecclesiasticis sed etiam monasterialibus deferri. Quicumque vero hanc nostram preceptionem quam vobis ex omnibus silvis perdonamus infringere voluerit, sciat se damnabilem a nostra potestate suisque rebus privari omnibus. Insuper petierunt celsitudini nostre ut commutationes huic loco inutiles ex hoc monasterio factae ab antecessoribus abolerentur secundum capitulare regum. Quod omnibus omnimodis assensimus ut omnes commutationes incommode vel inutiliter factas haberent licentiam absque ulla retardatione infringere atque diripere suorumque res ad se pleniter revocare et in suorum dominium absque ulla recontradictione retinere. Quicumque vero ausu temerario hec jura nostri precepti que in hac ecclesia sanctorum, scilicet sancti Maxentii confessoris et Leodegarii martyris, adstantibus omnibus monachis consulibusque nostris ceterisque nobis famulantibus perdonamus, in aliquo infringere voluerit, veniant super eum detestabiles maledictiones quas in veteri lege Dominus imprecatus est legis sue contemptoribus, id est maledictus sit in civitate, maledictus sit in agro, maledictus ante et retro, maledictus in exitu et regressu, maledicta viscera ejus et omnia interiora ventris illius et cum Dathan et Abiron, quos vivos obsurbuit terra, portionem accipiat societatis ; insuper omnipotentis Dei et domini nostri Jesu Christi iram, qui passus est pro salute generis humani, hodie de sepulchro victor surrexit, iram incurrat, necnon etiam sancti Maxentii confessoris et sancti Leodegarii martyris, quorum jura non expavit infringere, supplicium non evadat, sed ab eis in tormento positus multisque cruciamentis afflictus intereat ; insuper sancti Petri principis apostolorum numquam sentiat solutionem, sed ejus ligaminibus religatus cum Beelzebud in sinu ejus in ultricibus flammis requiescat perurendus, aliorumque apostolorum et omnium sanctorum anathemate feriatur et eterno supplicio omnibus seculis tradatur cruciandus. » Et ad hec verba per singulas dictiones omnes monachi ceterique adstantes una voce responderunt : « Amen. » — « A nostra vero regali potestate dampnatus sciat se suis omnibus rebus privari. » Mox quoque, cancellario accersito Hilduino, hunc imprevaricabilem nostre auctoritatis preceptum conscribere jussimus et in missam diei asportare ; quod, videntibus cunctis, confirmavimus. Et, ante sanctorum prefatorum sepulchra adstantes, hec verba protulimus : « O sancti Dei, ad quorum veni auxilium, has peticiones vestris monachis a nobis concessas et confirmatas vobis tradimus et consignamus ut quicumque hec jura a nobis conserta inserta vobis aut monachis vestris tollere desideraverit, precor, per merita vestra supplicia jam dicta incurrat, sicque monachi vestri regulariter quiete vivant et securissime consistant et pro nobis cunctisque criminibus nostris vestram misericordiam ante vos implorent. » Hec dicens supra sepulchra prelibatorum sanctorum hoc preceptum posuimus et ibidem omnibus seculis permanere demandavimus. Tamen post supradictas monachorum petitiones a nobis concessas et devotissime confirmatas, placuit nostre dignitati parvam eorum inserere huic precepto peticiunculam omnibus temporibus inviolabilem absque alicujus impulsu permanere, id est ex auctoritate hujus nostri precepti et confirmatione nostra per supradictas obtestationes concedimus eis ut ad necessitates populorum fulciendas mercandi gratia habeant licentiam adgregandi feria tertia super alodum suum ubicumque eis libuerit in villa Patriniaco in pago Sanctonico et in vicaria Bracidununse ; et inde vectigalia exigere monasterio profutura, et veluti in prenominatis mercatis perdonavimus, ita etiam et in isto plenissime sancimus ut nemo judicum ullam potestatem distringendi aut judicandi preripere audeat. Hec vero precellentie nostre auctoritas ut semper in Dei nomine majorem obtineat firmitatis vigorem et ab omnibus fidelibus sancte Dei ecclesie melius diligentiusque inviolabiliter observetur, monogramma nostrum inserere curavimus ac de annuli nostri inpressione insigniri subter jussimus.

Signum Pippini (Monogramma) precellentissimi regis.

Data VIII kalend. april., in die pasche, indictione XI, anno XV regnante Pippino inclito rege. Actum in eodem monasterio sancti Maxentii.


Localisation de l'acte

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