838, 25 décembre – 839, 13 décembre (probablement de 839 et de la seconde moitié de l'année). — Monastère de Figeac.

[Pépin II expédie, probablement sous son sceau et sous la responsabilité de son chancelier, le diplôme de son père par lequel :]

Pépin Ier prend sous sa protection le monastère de Solignac dont il a nommé l'abbé, Dructrannus, y maintient la règle bénédictine, défend d'y nommer abbé un clerc séculier ou un laïque et accorde aux moines le droit d'élire comme abbé l'un d'entre eux, confère à l'abbaye l'immunité et abandonne les droits du fisc pour l'entretien du luminaire, pour les aumônes et les besoins des frères, permet enfin que les biens du monastère soient, comme ceux du fisc, défendus ou recouvrés, après enquête, par des avoués.

Référence : Léon Levillain et Maurice Prou (éd.), Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, no49.

A. Original. Parchemin rongé sur les deux côtés, avec traces de sceau. Hauteur, 570 mm. ; largeur maxima, 480 mm. Archives départementales de la Haute-Vienne, fonds de l'abbaye de Solignac non classé, cote provisoire H 4722.

B. Copie du xviie s., par Dom Estiennot, dans ses Antiquitates in dioecesi Lemovicensi Benedictinae, pars IIIa complectens chronica archisterii Sti Petri de Solemniaco ad fluvium Briancia et aliorum monasteriorum eidem subjectorum, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12748, p. 141, « ex orig. », d'après A.

C. Copie partielle de la fin du xviie s., pour Gaignières, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17118, fol. 404, d'après A.

D. Copie du xiiie s., déchirée sur toute la hauteur à droite, Archives départementales de la Haute-Vienne, fonds de l'abbaye de Solignac non classé, sans cote provisoire, probablement d'après A.

E. Copie de l'an 1302, dans le vidimus original du préchantre et official de Limoges donné le 16 février 1302 (n. st.), Archives départementales de la Haute-Vienne, fonds de l'abbaye de Solignac non classé, cote provisoire H 9195, probablement d'après A.

F. Copie de l'an 1364, dans le vidimus original d'Édouard, prince de Galles, donné à Limoges le 18 mai 1364, Archives départementales de la Haute-Vienne, fonds de l'abbaye de Solignac non classé, cote provisoire H 8504, probablement d'après A.

G. Copie de l'an 1443, dans le vidimus original mutilé de Charles VII donné à Bourges en décembre 1433, Archives départementales de la Haute-Vienne, fonds de l'abbaye de Solignac non classé, cote provisoire H 9066, d'après A.

H. Copie du xviie s., dans une transcription des Antiquitates in dioecesi Lemovicensi Benedictinae, pars IIIa, de Dom Estiennot, Archives départementales de la Haute-Vienne, fonds de l'abbaye de Solignac non classé, cote provisoire H 9240, p. 98, d'après B.

I. Copie du xviie s., dans le vidimus de 1364, par Dom Estiennot, dans ses Antiquitates in dioecesi Lemovicensi Benedictinae, pars IIIa, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12748, p. 106, d'après F.

J. Copie du xviiie s., dans le vidimus de 1364, par Dom Fonteneau, Bibliothèque de Poitiers, Collection Dom Fonteneau, vol. 25, p. 736, d'après F.

K. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 1, fol. 133, d'après F.

L. Copie du xviiie s., par Dom Col, dans le vidimus de 1364, Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 1, fol. 134, d'après F.

M. Copie du xixe s., par P. de Fleury, dans sa transcription de la Collection Dom Fonteneau, Bibliothèque nationale, ms. lat. 18400, partie non paginée (p. 736 de la Collection originale indiquée en marge), d'après J.

a. Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 355, n° 1, « ex schedis D. Claudii Estiennot ».

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 198.

Indiqué : Böhmer, Regesta Karolorum, n° 2085.

Indiqué : R. Giard, Catalogue, n° 33.

Le fragment d'A qui nous est conservé présente une page de belle minuscule diplomatique du ixe s. entre la première ligne et la souscription royale qui, elles, sont tracées en caractères allongés d'excellente facture. Jusqu'au Signum du roi inclusivement, tout l'acte est de la main d'un seul et même scribe. La souscription de chancellerie est écrite d'une autre main, ce qui nous permet de croire qu'elle est autographe. La date est en minuscule caroline de manuscrit avec quelques emprunts à l'écriture diplomatique : beaucoup d'originaux de la même époque comportent cette particularité d'écriture pour la date. L'impression première est nettement favorable à l'authenticité de ce document ; et il est, en effet, difficile de douter que la teneur de l'acte ait été écrite dans une chancellerie royale.

Mais voici que certaines anomalies nous inclinent à suspendre notre jugement. D'abord, dans la souscription royale, le monogramme est bien construit, mais il est incomplet : les monogrammes des rois Pépin Ier et Pépin II sont bâtis sur deux traits verticaux ; la première de ces verticales constitue la hampe commune de deux P superposés ; la seconde est, dans sa partie supérieure, la hampe d'un troisième P et, dans sa partie inférieure, la branche gauche d'un V ; elles sont reliées par un gros trait oblique destiné à fournir avec elles une N et chevauché par une S ; au-dessus et au-dessous de cette S se trouvent les deux I qui complètent le mot PIPPINVS. C'est l'I d'en bas qui manque ici et dont le tracé, sans doute réservé au roi, devait constituer sa « manus ».

En second lieu, la souscription de chancellerie n'est peut-être pas impeccable si l'acte se présente à nous dans les conditions normales : elle n'est pas précédée d'un chrismon, bien que celui-ci semble avoir été d'un usage constant dans la chancellerie d'Aquitaine, puisque tous nos autres diplômes originaux de Pépin Ier et de Pépin II ont cette invocation monogrammatique devant le nom du chancelier ou devant le nom du notaire qui agit aux lieu et place de celui-ci. Ici l'examen le plus attentif du parchemin original ne décèle pas le moindre trait devant le nom du clerc Ansbertus qui a souscrit.

Ensuite, le sceau plaqué, qui est d'ordinaire à droite et en haut du Signum recognitionis, fut apposé dans notre diplôme immédiatement derrière la souscription royale, l'incision cruciale ayant été pratiquée légèrement au-dessus de la ligne sur laquelle reposent les bases des lettres allongées. Rien n'empêchait le scelleur ou le chauffe-cire de mettre le gâteau de cire à la place accoutumée.

Enfin, l'acte comporte une date qui n'a pas manqué d'attirer l'attention des érudits. Divisée correctement en ses deux éléments de temps et de lieu, cette date carolingienne ne commence pas par le mot « Data » suivi du quantième du mois ; et elle comporte l'emploi de l'année de l'incarnation qui est utilisée comme synchronisme de l'année du règne. L'absence du mot « Data » et du jour du mois peut s'expliquer par l'état du parchemin qui est mutilé ; mais l'année de l'incarnation ne se rencontre dans la date d'aucun autre diplôme authentique de Pépin Ier et de Pépin II, ni d'ailleurs d'aucun autre diplôme carolingien de cette époque.

Sommes-nous donc en présence d'un faux ? Nous ne croyons pas que quelqu'un ose répondre par l'affirmative après avoir vu le parchemin original et l'avoir comparé avec d'autres originaux émanés de la chancellerie des rois d'Aquitaine. Alors, une seule hypothèse est permise : l'acte, rédigé, écrit dans la chancellerie royale et demeuré imparfait, a été achevé après coup, et ses anomalies doivent trouver dans ce fait leur explication.

On constate, tout d'abord que la date fut écrite incontestablement après que le chancelier eut apposé sa signature, et par un autre scribe que celui qui avait écrit la teneur. L'auteur de cette ligne avait mal pris ses mesures ; il n'eut pas la place nécessaire pour achever l'apprécation qui suit les données de l'« Actum » et qui avec les mots « in Dei nomine » vient buter contre la ruche de chancellerie en face de ces traits de plume enlacés dont les chanceliers ou leurs substituts garnissaient les vides de leur ruche. Force fut alors de terminer l'apprécation au-dessous de la ligne : ce qui fut fait en notes tironiennes suivies d'une prière également en notes : « feliciter. Amen. Deo gratias. Misereatur scriptore Deus. » Le scribe qui a tracé cette date n'est pas celui qui a écrit la teneur, bien qu'il implore la miséricorde de Dieu pour le « scriptor » : si, parmi les emprunts à l'écriture diplomatique que nous relevons dans la date, se trouve la ligature reg du mot « regni » qu'on voit trois fois d'un dessin très semblable dans la teneur, et si ce scribe se sert du c à crochet supérieur allongé qui est d'emploi courant, on observe d'autre part qu'il use aussi de l'e diplomatique à crochet dont la teneur n'offre aucun exemple, qu'il donne à ses g une forme lourde qui lui est personnelle, et qu'enfin il n'impose pas au groupe ge la forme ligaturale que ces deux lettres ont constamment dans la teneur. Il y a donc bien eu deux scribes, l'un pour le corps de l'acte, l'autre pour la date ; par conséquent, dualité d'action. A la faveur de cette dualité d'action, l'hypothèse d'un intervalle de temps plus ou moins grand entre la rédaction de l'acte et l'apposition de la date peut intervenir légitimement.

Léopold Delisle, consulté par M. Prou et par moi, avait examiné le document et exprimé l'avis que l'écriture de la date, tracée d'une main rapide, pouvait être considérée comme un spécimen graphique de la fin du ixe ou du commencement du xe s. C'était aussi l'avis de son éminent confrère de l'Institut, M. Émile Chatelain, qui, sollicité par M. René Giard d'interpréter les notes tironiennes, faisait suivre sa transcription de la communication suivante : « Les signes à droite de la ruche semblent un peu fantaisistes et pourraient confirmer l'opinion que la charte est plutôt du xe que du ixe s. » Nous nous sommes fait nous-mêmes jadis l'écho de cette opinion, d'autant plus facilement que l'année de l'incarnation avait fait, à la fin du ixe s., son apparition dans les dates des diplômes carolingiens et qu'alors la souscription de chancellerie n'a plus de chrismon. Et c'est là une solution qui, par sa simplicité, reste séduisante. Néanmoins elle ne nous paraît plus aussi satisfaisante qu'elle nous avait paru.

D'un examen minutieux de la date, auquel nous nous sommes livrés sur A, M. Prou et moi, chacun de notre côté, et de la comparaison de notre document avec d'autres diplômes originaux, ses contemporains, il est résulté à nos yeux que l'écriture pouvait bien être de 839. Une observation vient corroborer, à notre avis, ce résultat : nous avons dit que la date avait été écrite sur A d'une main rapide ; elle a été tracée par un scribe familiarisé avec l'écriture diplomatique à laquelle il emprunte, sans le chercher, des caractères ou des groupes en ligature. Elle a dû être mise au bas du document dans une chancellerie, et non dans l'abbaye destinataire par un moine quelconque, ce qui serait le cas, si elle avait été inscrite dans l'acte un demi-siècle après l'expédition du titre. L'addition de la date au xe s. ne suffit pas, d'autre part, à rendre compte de toutes les anomalies. La souscription de chancellerie paraît être autographe, et le clerc Ansbertus est bien le premier chancelier connu de Pépin II : l'année 839, la première année du règne, et le nom d'Ansbertus constituent un synchronisme parfait.

Si la souscription de chancellerie et la date ont été apposées sur le parchemin en 839, l'emploi de l'année de l'incarnation ne pourrait-il répondre à une préoccupation du jeune roi d'Aquitaine et de son entourage ? On sait que le vieil empereur Louis le Pieux ne reconnut pas comme héritier du royaume de son fils Pépin Ier son petit-fils Pépin II. Or Pépin Ier avait donné dans les dates de ses derniers diplômes le triple synchronisme de l'indiction, des années impériales de son père et des années de son règne ; Pépin II lui-même, après la mort de Louis le Pieux, demandera un élément de la date de ses diplômes au règne impérial de Lothaire. On peut croire qu'en 839 le synchronisme par l'année de l'incarnation fut employé pour suppléer à celui des années impériales dont on ne voulait plus se servir : on a souvent remarqué avec raison que la rédaction des dates dans les actes publics ou privés fournissait des indications précieuses sur les opinions politiques du milieu où l'acte avait été écrit. Dans le cas présent, l'élimination des années impériales peut être une protestation contre l'ostracisme qui frappait injustement la descendance légitime du roi Pépin Ier d'Aquitaine : pour cela, il faut que notre date ait été ajoutée du vivant de Louis le Pieux, c'est-à-dire, comme elle nous l'enseigne elle-même, en 839.

Mais alors comment se fait-il que le monogramme soit incomplet, que le sceau soit à une place anormale, et qu'Ansbertus n'ait pas tracé un chrismon devant sa souscription ? C'est probablement que la date et la souscription de chancellerie ont été mises au bas d'un diplôme de Pépin Ier.

Pépin II, le 26 février 848, donnait aux moines de Solignac et à leur abbé Silvius une confirmation des diplômes d'immunité « a Dagoberto scilicet rege Francorum usque ad genitorem nostrum bonae memoriae Pippinum regem. » A cette époque encore, les confirmations étaient souvent, dans leur partie essentielle, de véritables copies du dernier document qu'elles mentionnent ; c'est ici précisément le cas : le diplôme de 848 reproduit textuellement le dispositif du diplôme de 839. Et comme, si Pépin II avait concédé un diplôme de même nature entre celui de Pépin Ier et celui de 848, il aurait très certainement tenu à honneur de rappeler la grâce déjà consentie par lui au monastère, autant que les moines à l'en faire se souvenir, on peut inférer légitimement que c'est le diplôme de 839 qui a servi de modèle au rédacteur de 848 et que ce diplôme est expressément désigné par Pépin II comme étant un acte de Pépin Ier.

La souscription royale vient confirmer cette conclusion. Tous les diplômes de Pépin II nous donnent : « Signum (Monogramma) Pippini praecellentissimi regis » ou « Signum Pippini (Monogramma) praecellentissimi regis. » La formule de notre précepte : « Signum Pippini (Monogramma) gloriosissimi regis » est une de celles que nous lisons au bas des actes expédiés par la chancellerie de Pépin Ier pendant la dernière partie du règne de ce prince.

Nous sommes, par conséquent, en présence d'un acte singulier : une charte octroyée par Pépin Ier, rédigée et préparée pour être expédiée par la chancellerie de ce roi, mais en définitive expédiée sous le sceau de Pépin II probablement après avoir été reconnue par le chancelier de celui-ci, dans la première année du règne qui est l'an 839 de l'incarnation. C'est, en dernière analyse, un cas qui a sa place dans la doctrine de Sickel sur la discordance de l'acte juridique et de la documentation : l'abbé Ductrannus avait un intérêt personnel à ce que le diplôme de Pépin Ier fût expédié, même après la mort du prince ; il devait sa promotion à l'abbatiat de Solignac au roi qui avait assuré par son précepte le maintien de la vie monastique dans l'abbaye, et le diplôme était, en quelque sorte, l'acte de nomination délivré à Dructrannus.

Mais alors, il n'est plus étonnant que notre diplôme porte bien une souscription royale et ne soit pourtant pas signé par le roi qui l'a donné. Pépin Ier étant mort avant l'expédition du document, le chancelier de Pépin II n'a pas complété le monogramme royal, parce qu'il n'avait jamais reçu de Pépin Ier une délégation à la signature.

De même, si Ansbertus n'a pas fait précéder sa souscription du chrismon, ce n'est peut-être pas simple oubli, mais bien omission volontaire, intentionnelle. Par sa souscription, le chancelier atteste qu'il a reconnu l'acte : il se porte garant de son contenu auprès du souverain ; il donne à sa garantie un caractère sacramentel par le chrismon : on n'invoque pas sans péril le nom de Dieu. Mais, ici, Ansbertus pouvait-il imposer à sa souscription ce caractère religieux quand, ignorant officiellement tout des conditions dans lesquelles la faveur avait été obtenue du roi et l'acte commandé à la chancellerie, il ne pouvait garantir autre chose que la forme, la rédaction de style ?

Enfin ce n'est sans doute pas non plus par pur accident que le sceau, — probablement celui de Pépin II, — fut accolé à la souscription royale incomplète. N'a-t-il pas plutôt été plaqué à cet endroit pour donner au « Signum » du roi le caractère d'authenticité qui lui manquait, pour lui conférer la même valeur de validation que lui eût assurée la « manus » royale ?

Tout cet échafaudage de déductions s'effondrerait si, « du vivant de Louis le Pieux, Pépin II, fils de Pépin Ier d'Aquitaine », avait été retenu à la cour impériale en « France ». Mais les textes contemporains nous prouvent le contraire. A la mort de Pépin Ier, les Aquitains s'étaient divisés en deux camps, et tandis que les uns attendaient, pour s'y conformer, la décision de l'empereur au sujet du royaume aquitanique et des fils du roi défunt, les autres, irrités de ce qu'ils avaient appris que l'empereur avait transmis le royaume d'Aquitaine à son jeune fils Charles, s'étaient révoltés, s'étaient emparés de l'aîné des fils de Pépin Ier et, sous son nom, exerçaient l'autorité royale. Cette révolte avait précédé de peu la publication du traité de Worms, par lequel Louis le Pieux partagea, le 28 mai 839, son empire entre ses fils Lothaire et Charles. C'est de Worms aussi, sans doute, qu'il lança la convocation du plaid général qui fut tenu à Chalon-sur-Saône le 1er septembre. Le biographe de l'empereur que nous désignons sous le pseudonyme de l'Astronome, après avoir rapporté ces faits, se lance dans une plaidoirie pour défendre l'empereur contre l'accusation d'avoir dépouillé son petit-fils par pure cruauté ; et c'est ce plaidoyer qui se termine par la phrase : « Volebat piissimus imperator pie et rationabiliter educari puerum, ne vitiis prostitutus nec sibi nec aliis praeesse et prodesse postea posset. » Cette phrase, replacée dans son contexte, n'indique pas du tout que cette volonté de l'empereur, si tant est qu'il l'ait jamais eue, ait reçu même un commencement d'exécution.

Pour trouver un texte qui nous montre Pépin II aux mains de son grand-père, il faut descendre jusqu'au xiie s., où dans une addition à la Chronique d'Adémar de Chabannes, nous lisons que l'empereur, après la mort de son fils, « décida » de faire élever son petit-fils Pépin auprès de lui en « Francia », qu'il vint à Poitiers d'où il chassa Emeno qui avait voulu porter le jeune prince au trône, qu'il fit régner son fils Charles en Aquitaine et qu'il emmena avec lui le petit Pépin en France pour l'élever à sa cour. Il est incontestable que l'interpolateur d'Adémar a disposé de sources anciennes aujourd'hui perdues ; mais, en ce qui concerne Pépin II d'Aquitaine, il n'a fait que paraphraser le texte de la Vita Hludowici pii imperatoris, et il a commis dans sa paraphrase quelques inexactitudes assez graves.

L'empereur tint donc un plaid général à Chalon-sur-Saône le 1er septembre et, à la tête d'une armée, envahit l'Aquitaine. A une lieue environ de Clermont-Ferrand, il établit son camp où les Aquitains de son parti le rejoignirent : il leur fit prêter le serment de fidélité à son fils Charles et à lui-même, et décida d'envoyer en avant celui-ci avec sa mère Judith à Poitiers. Quant à lui, il marchait sur Carlat où la garnison des « complices » de Pépin II assiégée dut capituler ; et, de là, il portait la guerre dans la région de Turenne et dispersait les rassemblements ennemis. Mais la maladie se mettait dans ses troupes ; une partie de l'armée succombait, et le reste opérait une retraite très difficile. Louis le Pieux licenciait ses hommes et venait hiverner à Poitiers. Il célébra dans cette ville les fêtes de Noël, de l'Épiphanie et de la Purification de la Vierge ; il s'efforçait alors d'apaiser la rébellion des Aquitains, quand, à l'approche du carême (qui commença le 12 février en 840), on lui apprit la révolte de son fils Louis le Germanique : laissant à Poitiers l'impératrice et Charles, il gagna Aix-la-Chapelle où il célébra la fête de Pâques (28 mars).

L'annaliste quasi-officiel, Prudence de Troyes, a peine à dissimuler que la campagne de 839, commencée par un succès en Carladez, s'était terminée par un échec en Tournès. La route que Louis le Pieux avait dû suivre pour aller du Carladez dans le « pagus » de Turenne passait à peu de distance au nord de ce monastère de Figeac fondé par Pépin Ier et d'où Pépin II fit expédier le diplôme paternel pour Solignac. Ainsi, non seulement les documents historiques les plus sûrs ne nous ont pas appris que Pépin II était tombé au pouvoir de son grand-père, mais ils nous ont ramenés dans cette région des Causses du Quercy qui paraît avoir été la citadelle du parti nationaliste aquitain et où notre diplôme nous montre le jeune roi d'Aquitaine exerçant l'une des prérogatives de l'autorité royale.

Mais il y a plus, l'exposé des événements que nous venons de faire peut, dans une certaine mesure, nous aider à dater l'acte dont nous nous occupons. Les données chronologiques de ce document sont au nombre de trois. L'année de l'incarnation commençait, au ixe s., le 25 décembre : l'an 839 s'étend donc du 25 décembre 838 au 24 décembre 839. La première année du règne, calculée du jour ou du lendemain de la mort de Pépin Ier s'étend du 13 ou du 14 décembre 838 au 12 ou 13 décembre 839. Enfin l'indiction II, qui est bien celle de 839, peut avoir été calculée selon l'un quelconque des trois computs du 1er septembre, du 24 septembre et du 25 décembre : les diplômes de Pépin II ne permettent pas de choisir entre ces trois manières de compter. Notre diplôme est donc daté du 25 décembre 838 au plus tôt et du 13 décembre 839 au plus tard. Nous avons vu, tout-à-l'heure, que la révolte des Aquitains, partisans de Pépin II, avait éclaté peu de temps avant le partage de Worms du 28 mai 839, et que les rebelles avaient proclamé roi le jeune prince pour protester contre le bruit qui courait de la dépossession de Pépin au profit de Charles. C'est alors seulement, selon toute vraisemblance, que l'on constitua une chancellerie de Pépin II et c'est à partir de ce moment que le diplôme put être délivré à l'abbé de Solignac.

Nous concluons ainsi : le diplôme est vraisemblablement un acte de Pépin Ier, expédié sous le sceau de Pépin II et sous la responsabilité du chancelier de celui-ci ; daté d'un jour compris entre le 25 décembre 838 et le 13 décembre 839, il appartient à l'année 839 et probablement à la seconde moitié de l'année.


[(Chrismon). Pippinus, gratia pra]eveniente divinae majestatis, Aquitanorum rex. Petitionibus denique fidelium nostrorum, quas bonae voluntatis intentio nostris auribus infert, tanto facilius [nostra clementia [2] sunt jure faciende quanto eas] nostri intellectus juditio a divinae voluntatis nutu probamus minime discrepare. Idcirco contempletur devota omnium fidelium Dei seu nostrorum, presentium scilicet et futurorum, dilectio qualiter monasterium Solemniacense quo[d nostra [3] munificentia sub regularis ord]inis disciplina noscitur regi et gubernari, quo venerabilem virum Dructrannum abbatem fore constituimus, sub nostra tuitione ac defensione pro mercedis nostrae aemolumento necnon facinorum nostrorum relaxatione suscipimus. Unde et p[er hanc nostrae [4] preceptionis auctoritatem] ob amorem Dei venerationemque seculorum statuimus quod et perpetualiter observandum a successoribus nostris rogamus et obsecramus, scilicet ut prefatum monasterium deinceps sub regulari ordine consistat, et nemo ab eod[em ordine [5] eumdem locum quocumque m]odo deviare presumat, sed in omnibus adjutor et defensor monachorum ibidem deservientium esse studeat, et nemo umquam canonicorum aut laicorum ibidem abbas constituatur, sed nostra successorumque nostrorum auctoritate [quandocumque [6] ejusdem monaster]ii abbas discesserit, idem monachi potestatem habeant ex se eligendi qualemcumque meliorem ac religiosiorem inter se reppererint. Volumus etiam immo et per hanc nostram auctoritatem omnimodis confirmamus ut, sicut sub defens[ione ac [7] tuitione predecessorum nos]trorum regum idem monasterium ac res ad se pertinentes constitit, ita et deinceps, cum rebus quas in jure ipsius divina pietas augere voluerit sub plenissima defensione ac nostrae immunitatis tuitione consistat. Precipientes ergo ju[bemus [8] ut nullus judex publicus vel quislibet ex judiciaria potesta]te, ad causas audiendas aut freda vel tributa exigenda aut mansiones vel paratas faciendas necnon et fidejussores tollendos aut homines tam ingenuos quamque et servos super terras eo[rum commanentes [9] distringendos nec ullas red]ibitiones aut inlicitas occasiones requirendas, nostris nec futuris temporibus ingredi audeat, vel ea quae supra memorati sumus penitus exigere presu[mat]. Sed quicquid inde fiscus noster exigere potest, totu[m nos pro eterne [10] retributionis premio in lu]minaribus ejusdem ecclesiae et receptione pauperum atque stipendiis servorum Xpisti ibidem Deo famulantium concedimus. Et, sicut res fiscorum nostrorum a nostris defenduntur aut adquiruntur advocatis, ita et res ejusdem mona[sterii [11] ab advocatis adquira]ntur eorum aut defendantur. Et ut haec nostrae auctoritatis preceptio firmior habeatur et nostris nostrorumque temporibus successorum inviolabilius conservetur, manu nostra subter firmavimus et anuli nostri inpressione adsig[nari jussimus].

[12] Signum (Monogramma) Pippini gloriosissimi regis. (Locus sigilli).

[13] Ansbertus clericus recognovi et s. (Signum recognitionis).

[14] Anno incarnationis Domini nostri Ihesu Xpisti octingentesimo trigesimo nono, indictione II, anno primo regni nostri. Actum monasterio quod vocatur Figiacus. In Dei nomine [15] (Notae : feliciter. Amen. Deo gratias. Misereatur scriptore Deus).


Localisation de l'acte

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