881, 4 juin. — Pouilly[-sur-Loire].

Carloman, sur l'intervention de Hugues l'Abbé et à la prière de Sigebodus, archevêque de Narbonne et de Razès, qui a fait valoir auprès de lui la pauvreté de son diocèse et le délabrement tant de sa cathédrale que des églises de la cité et lui a rappelé les libéralités consenties en sa faveur par Louis [II le Bègue] à la demande du pape Jean VIII, à Troyes, concède à l'église Saint-Just et Saint-Pasteur ainsi qu'à l'église Saint-Paul [ou plutôt leur confirme], en considération de la démarche passée de Jean VIII à la requête de Hugues l'Abbé, le monastère de Saint-Laurent[-de-la-Cabrerisse], à charge de maintenir la consistance de la part des moines. Il concède en outre la moitié des droits sur les salines, du tonlieu, du « portaticus », de la « rafica » et du « pascuarium » perçus tant en Narbonnais qu'en Razès, les fiscs dits « Cesaranus » et « villa Arsegii » « juxta Bassianum », la « villa » de Limoux en Razès, avec Sainte-Eulalie et Flassac, Villelongue avec l'église dédiée à saint Félix, tout ce que doivent au fisc les « hostolenses » et les Espanols installés dans ces domaines. Il prescrit la restitution de tous les biens sis en Biterrois qui ont été usurpés par les comtes au préjudice de l'église Saint-Paul et renouvelle la concession de l'immunité.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no54.

A. Original perdu.

B. Copie du xviie s., par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 374, fol. 233, d'après A ou une copie plus ou moins figurée de A.

C. Copie du xviiie s., Bibliothèque de la ville de Toulouse, ms. 626, fol. 402, « ex arch. Narbon. archiep. ».

a. Baluze, Concilia Galliae Narbonensis, p. 68, d'après B.

b. Histoire générale de Languedoc t. II, preuves, col. 18, « ex archiv. Narbon. ».

c. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 421, n° V, d'après a.

d. Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. V, col. 68 d'après b.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 327.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1853.

Indiqué : Grat, Catalogue, n° 43.

Indiqué : E. Griffe, Histoire religieuse des pays de l'Aude, t. I, p. 151.

En ce qui nous concerne, nous tenons pour certaine l'expédition d'un précepte de Carloman pour l'église de Narbonne le 4 juin 881. Les formules protocolaires sont régulières et le cadre rédactionnel généralement correct. La date de lieu ne saurait d'autre part avoir été inventée. Comment un clerc narbonnais aurait-il soupçonné l'existence d'un Pauliacus vicus, localité d'où un diplôme pour Saint-Florent devait être expédié le lendemain ? Mais ce diplôme est-il sincère en toutes ses parties ?

Robert-Henri Bautier a publié dans le Recueil des actes d'Eudes, p. 103-116, n° 24, un diplôme de ce roi pour l'église de Narbonne, qui porte la date du 26 juin 890. Après avoir comparé l'acte d'Eudes avec celui de Carloman et les trois préceptes de Charles le Simple pour l'église susdite, il conclut : « En résumé, nous admettons la sincérité du diplôme d'Eudes de 890 ; mais nous considérons les diplômes de Carloman (881) et de Charles le Simple (898, 899, 922) qui nous ont transmis un texte identique, avec les variantes et additions que nous avons examinées, comme des documents remaniés, vraisemblablement interpolés au milieu du xie siècle ».

R.-H. Bautier constate que Carloman en 881 et Eudes en 890 font état dans les mêmes termes de la « ruine de la cathédrale de Narbonne » et « de la nécessité de procéder à sa restauration ». Il trouve naturel qu'en 890 l'archevêque Théodard ait présenté à Eudes sa cathédrale comme proche de la ruine, alors qu'il en achevait la reconstruction. « Est-il vraisemblable, ajoute-t-il, que, quatre ans avant l'élection de Théodard, Carloman ait déjà octroyé, dès 881, un diplôme dans les mêmes termes et aux mêmes fins à son prédécesseur ? », alors que les sources font précisément honneur à Théodard d'avoir pris l'initiative, en 886, de reconstruire sa cathédrale. Pour notre part, nous estimons tout à fait normal que Sigebodus ait présenté à Carloman ses doléances sur la pauvreté de son évêché et lui ait exposé « quemadmodum sua sedes et pene omnes aecclesiae ejusdem civitatis ruinae jam proximae existebant, ita ut per ipsum nullatenus possent restaurari ». Ces plaintes étaient au contraire bien moins à leur place dans la bouche ou sous la plume de Théodard, qui avait déjà mené à bien son œuvre de restauration.

L'éditeur s'étonne en outre de la donation consentie par Carloman des villae de Limoux et de Villelongue avec les églises qui en dépendent. En effet, ces deux domaines ne sont mentionnés ni dans le précepte d'Eudes, ni dans le premier de Charles le Simple, alors que ces actes sont, quant au reste, calqués sur celui de Carloman. On ne les retrouve que dans ceux de 899 et de 922. D'où l'impression que le rédacteur a interpolé le précepte de Carloman en y insérant à cet endroit les noms de deux villae qui n'y figuraient pas primitivement, impression justifiée « par l'emploi de membrum pour désigner des domaines dépendant d'une villa », mot qui « semble bien aberrant au ixe siècle ».

Nous n'ignorons ni les falsifications dont le chartrier de l'église de Narbonne a été la victime, ni les incertitudes de la tradition manuscrite. Aussi admettons-nous comme vraisemblable la présence d'une interpolation concernant Limoux, Villelongue et leurs dépendances, mais nous n'estimons pas que les remaniements aient été plus étendus.

Le monastère de Saint-Laurent de la Cabrerisse est bien connu, grâce à un précepte original de Charles le Chauve expédié en sa faveur le 20 mai 844 (Recueil des actes de Charles le Chauve, t. I, p. 111, n° 41). Nous pensons qu'il fut donné par Louis le Bègue (diplôme perdu, mentionné plus haut sous le n° 22) à l'église de Narbonne, qui devait s'en dessaisir en 1090 en faveur de l'abbaye de La Grasse.

Il est probable que le texte du précepte de Carloman reproduit en partie celui du diplôme de Louis le Bègue. La formule d'immunité est ici la même que dans le diplôme de Louis le Pieux du 29 décembre 814 (Böhmer-Mühlbacher, Die Regesten, n° 557 ; Recueil des historiens de la France, t. VI, p. 469, n° XIX) et celui de Charles le Chauve du 20 juin 844 (Recueil, t. I, p. 139-143, n° 49). Le préambule et la notification reproduisent les parties correspondantes du diplôme du même souverain du 15 février 857 (ibid., p. 501-503, n° 193). Nous avons fait imprimer le tout en petits caractères.


Texte établi d'après B et C. L'orthographe est celle de B.

In nomine Domini Dei aeterni et Salvatoris nostri Jhesu Christi. Karlomannus gratia Dei rex. Si sacris ac sanctis locis divino cultui mancipatis aliquid de rebus regni nostri seu facultatibus conferre studemus, non solum in hoc regiam exercemus consuetudinem, sed maximum regni nostri munimen, auxiliante divina gratia, esse nullatenus dubitamus. Quapropter noverit omnium fidelium sanctae Dei Ecclesiae nostrorumque, tam praesentium quam et futurorum, sollertia quia accessit ad clementiam serenitatis nostrae Sigebodus, sanctae matris Narbonensis ac Redensis ecclesiae archiepiscopus, et innotuit nobis de paupertate sui episcopatus et quemadmodum sua sedes et pene omnes aecclesiae ejusdem civitatis ruinae jam proximae existebant, ita ut per ipsum nullatenus possent restaurari, narrans etiam qualiter jamdudum, deprecante domno apostolico Johanne apud Trecas civitatem, per genitorem nostrum piissimum regem Ludovicum quaedam receperit ad augmentum suae aecclesiae beneficiola a se suisque successoribus perpetualiter optinenda. Cujus petitionem necessariam et rationabilem esse cognoscentes, placuit celsitudini nostrae, pro remedio animae genitoris nostri et nostrae et pro tanta deprecatione apostolici Johannis seu et karissimi nostri venerabilis abbatis Hugonis, quatinus ad eandem aecclesiam sancti Justi et sancti Pastoris necnon et sancti Pauli confessoris, ubi ipse venerabilis vir corpore requiescit, abbatiam sancti Laurentii cum omnibus suis cellulis et villis atque terminis cum summa integritate locorum, veluti in praeceptis monachorum ab antecessoribus nostris piissimis regibus factis perpetualiter concederemus, eo videlicet tenore ut stipendia monachorum ibidem degentium juxta vires praesulis non deficiant. Concedimus praeterea medietatem salinarum, telonei, portatici et raficae atque pascuarii ad eandem praefatam aecclesiam tam in Narbonensi quam in Redensi comitatu, undecumque comes vel ejus missus receperit vel recipere debuerit aliquid exactionis. Donamus etiam fiscos juxta Bassianum villam, qui vocantur Cesaranus et villa Arsegii. Concedimus etiam ipsi aecclesiae in Redensi comitatu villam quae dicitur Limosus cum suis aecclesiis et sanctae Eulaliae atque Flactiano vel cum sua integritate ac membris sibi pertinentibus atque farinariis. Donamus etiam ibi Villam longam cum sancti Felicis ecclesiam et cum suis omnibus villaribus atque adjacentiis cunctis. Si vero infra istas villas homines hostolenses vel Hispani fuerint, quicquid jus fisci inde exigere debet, totum ad opus sanctae matris aecclesiae Narbonensis jure perpetuo concedimus optinendum. Fiscos vero qui sunt in Biterrensi comitatu, sancto Paulo confessori a longo tempore collatos et a potestate comitali injuste usurpatos, plenissime reddidimus atque eidem ecclesiae, sicut dignum est, per hoc nostrae auctoritatis praeceptum confirmavimus, per quod decernimus atque jubemus ut nullus judiciariae potestatis nec ullus ex fidelibus nostris in ecclesias aut loca quae deinceps jure et potestate ipsius aecclesiae divina pietas voluerit augere, ad causas audiendas vel freda seu tributa exigenda, aut mansiones vel paratas faciendas, aut fidejussores tollendos aut homines ipsius aecclesiae tam ingenuos quam servos distringendos, aut ullas redibitiones aut illicitas occasiones requirendas, nostris futurisque temporibus ingredi audeat, vel ea quae supra memorata sunt penitus exigere praesumat, sed liceat memorato praesuli suisque successoribus sub nostra defensione quiete residere et nostrae parere jussioni. Et quicquid jus fisci exinde exigere poterat, totum nos pro aeterna remuneratione eidem concedimus aecclesiae ut perpetuis temporibus clericis ibidem Deo servientibus proficiat in augmentum, quatenus rectores ipsius aecclesie cum omnibus ad se pertinentibus, cum clero et populo sibi subjecto, pro nobis ac totius regni nostri stabilimento Domini misericordiam alacriter exorare delectet. Et ut hoc praeceptum nostrae auctoritatis inviolabile aeternum optineat vigorem, manu propria subter firmavimus et annulo nostro insigniri jussimus.

Signum (Monogramma) Karlomanni gloriosissimi regis.

Norbertus notarius ad vicem Vulfardi recognovit.

Datum pridie nonas junii, anno tertio regni Karlomanni gloriosissimi regis, indictione XIII. Actum apud Pauliacum vicum. In Dei nomine feliciter. Amen.

Hugo venerabilis abbas hoc ambasciavit.


Localisation de l'acte

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