[880, 1er décembre – 881, avant le 6 septembre.].

Carloman, à la prière de Hugues l'Abbé, de l'abbé et archichancelier (protocancellarius) Vulfardus et du comte Guy, donne en toute propriété à son chapelain Hervé (Arveus) le manse seigneurial de la « villa » d'Ormoy, comportant, avec une chapelle dédiée à saint Martin, une vigne de trois bonniers et un arpent, cinq bonniers de prés, onze bonniers de bois, trente-deux bonniers et demi de terres arables en quatre lieux, ainsi que cinq autres manses de la même « villa » et un certain nombre de familles serviles.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no61.

A. Original perdu.

B. Copie de l'année 1266, dans le Grand cartulaire de Saint-Germain d'Auxerre, Bibliothèque d'Auxerre, ms. 161 (anc. 142), fol. 28, Carte regum, n° XIV, sous la rubrique : « Karlomagnus de quibusdam rebus datis cuidam capellano nomine Arveo. XIIII ».

C. Copie du xviie s., collationnée le 4 mai 1670 par Noël Damy, notaire de l'officialité, Archives de l'Yonne, H 1010, p. 23, d'après B.

D. Copie du xviie s., par Dom Viole, Mémoires sur l'histoire du diocèse d'Auxerre, t. III, Historia abbatum Sancti Germani Autissiodorensis, Bibliothèque d'Auxerre, ms. 154 (anc. 138), p. 74, d'après B.

E. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Clairambault, vol. 994, fol. 301 d'après B.

F. Copie du xviiie siècle par Dom Pérard, Bibliothèque nationale, Collection de Bourgogne, vol. 69, fol. 37 v°, d'après B.

a. Quantin, Cartulaire général de l'Yonne, t. I, p. 107, n° LVI, d'après B.

Indiqué : Grat, Catalogue, n° 50.

Indiqué : A. Déléage, La vie rurale en Bourgogne jusqu'au début du XIe siècle, passim, mais surtout p. 411, 433, n. 2, 436, 465, 469, 479.

Le protocole final de ce diplôme, comme celui de bien d'autres actes, n'a pas été transcrit par le copiste du Grand cartulaire de Saint-Germain d'Auxerre, source unique de la tradition. Grâce à la mention de l'« archichancelier » Vulfardus, présenté comme intercesseur aux côtés de Hugues l'Abbé, on peut être assuré que l'acte a été expédié avant la mort du premier, décédé le 6 septembre 881. Il aurait pu l'être dès la fin de 880 puisque Vulfardus accéda à l'archichancellariat entre le 30 novembre 880 et le 12 janvier 881. Voir introduction, p. lxviii.

Qui est Hervé, chapelain du roi ? Nous ne pouvons exprimer qu'une hypothèse à son sujet : il pourrait s'agir du futur notaire chancelier d'Eudes et de Charles le Simple. C'est en effet, à côté de l'archichapelain, l'archichancelier lui-même qui intervient ici en sa faveur. Or on connaît les liens entre la chapelle et la chancellerie dans les autres royaumes issus du démembrement de l'empire carolingien. Il est fort possible qu'en qualité de chapelain il ait travaillé à la chancellerie avant même sa nomination officielle de 894. Celle-ci a coïncidé avec l'entrée en fonctions comme archichancelier de l'archevêque de Sens Gautier, or la « villa » d'Ormoy qui est concédée à Hervé par ce diplôme, était précisément située en Sénonais (fait confirmé par d'autres documents du chartrier de Saint-Germain-d'Auxerre). Nous pouvons également noter que le comte Gui (sans doute le comte du Palais) intervient en sa faveur ; or la mère d'Hervé (c'est Flodoard qui nous en informe : Historia ecclesiae Remensis, l. IV, cap. 11 ; éd. M.G.H., SS., t. XIII, p. 475) était sœur du comte Hucbaldus, lequel épousa Gisèle, fille d'Évrard de Frioul ; il était donc cousin de Gui de Spolète. Si notre hypothèse est juste, le chapelain Hervé serait donc le futur archevêque de Reims de 900 à 922 et le plus puissant soutien de Charles le Simple, le dernier frère du roi Carloman à la chapelle de qui il aurait servi dans sa jeunesse.

Dans l'ouvrage cité sous la rubrique Indiqué, André Déléage, qui a étudié de très près ce document et s'en est beaucoup servi, se demande s'il n'a pas été interpolé. Après en avoir donné, p. 411, une analyse très pertinente, il ajoute : « Malheureusement une telle précision, qui fait connaître la contenance totale, le nombre de parcelles, la contenance et la situation particulière de chacune d'elles, est si inhabituelle qu'on peut se demander si le dénombrement n'a pas été introduit après coup par une interpolation de l'acte de tradition ». Revenant à la charge, p. 433, n. 2, il écrit : « Je fais ... toutes réserves sur le dénombrement que contient le diplôme de donation du roi Carloman. Il peut lui être étranger et avoir été inséré dans ce diplôme par les moines de Saint-Germain d'Auxerre, après acquisition de la seigneurie ». G. Tessier, à propos de ce diplôme, s'exprimait ainsi : « Quant à nous, nous faisons nôtres les doutes formulés par A. Déléage tout en renonçant à cerner très exactement les contours de l'interpolation. Il nous semble en tout cas que seule l'énumération finale des mancipia devait faire partie du texte primitif. »

Mais de même que J. de Font-Réaulx, nous pensons qu'il serait bien difficile d'établir une différence entre la première et la seconde liste, puisqu'on doit noter que les noms de tous les tenanciers des cinq manses énumérés dans la première se retrouvent dans la seconde (Gervinus, Adalbertus, Aldulfus = Adulfus, Agenbaldus, Adoardus, Ansqualdus = Anscaldus, Arsmirus = Ermirus, Bulfinus = Vulfinus, Girius = Gerois, Albertus = Airbertus, Ricinarus = Raginarus), et on est en droit de penser que les noms des huit chefs de famille qui n'appartiennent pas à la première liste pourraient correspondre à ceux des mancipia chargés de l'exploitation de la réserve seigneuriale et de ses deux condamines, ainsi que du service de la maison : parmi eux on note en effet quatre femmes avec leurs enfants. Si l'on devait admettre une interpolation de la première liste, ce serait en réalité un remaniement complet qu'il conviendrait d'envisager ; la gaucherie de la description du domaine ne suffit pas pour la considérer comme évidente. L'interpolation, si du moins il y a eu interpolation, aurait probablement suivi de très près l'acquisition par les moines de Saint-Germain des biens donnés à Hervé par Carloman. De cette dernière nous ignorons la date exacte, mais nous supposons qu'elle ne s'est pas fait attendre longtemps et qu'elle est antérieure au grand diplôme confirmatif de la mense conventuelle de Saint-Germain d'Auxerre délivré par Carloman le 11 juin 884 et publié plus loin sous le n° 78. Le roi y confirme en effet « quicquid eciam ipsi fratres in Ulmeto fisco adquisiere vel unquam adquirere poterint », et cette phrase est passée sans modification dans les diplômes confirmatifs de Charles le Gros, 28 octobre 886 (éd. P. Kehr, Karl III, n° 145, p. 231-234) et d'Eudes, 11 juillet 889 (éd. R.-H. Bautier, n° 11, p. 57). Elle s'accorde avec le fait que toute la « villa » d'Ormoy n'avait pas été donnée à Hervé et permet d'expliquer la nécessité où s'est trouvé le rédacteur du diplôme de préciser, plus qu'il était d'usage à la chancellerie, le détail des biens fiscaux aliénés.


Texte de B

In nomine Domini Dei eterni et Salvatoris nostri Jhesu Christi. Karlomagnus gratia Dei rex. Si regia sollicitudo ea procuret que ad instauracionem et profectum suorum fidelium pertinere noscuntur, procul dubio magnum regii culminis statum preparare probatur et non solum in presenti stabilimentum regni corroborat, set eciam in futuro premium eterne retribucionis conciliat. Proinde ergo morem videlicet predecessorum nostrorum sequentes, libuit celsitudini nostre, ad deprecacionem Hugonis venerabilis abbatis et Vulfardi eque abbatis atque protocancellarii, necnon et Widonis dilecti nobis comitis, Arveum dilectum nobis capellanum de quibusdam rebus proprietatis nostre et mancipiis honorare atque sublimare. Que siquidem res sunt posite in pago Senonico, in villa que dicitur Olmetum, mansum videlicet indominicatum cum capella in honore sancti Martini, cum aliis mansis quinque, mansum scilicet Gervini et Adalberti et Aldulfi, mansum Agenbaldi et Adoardi, mansum Ansqualdi et Arsmiri, mansum Bulfini et Girii, dimidium quoque mansum ubi commanet Albertus, alterum dimidium ubi commanet Ricinarus. Aspicit autem ad predictum mansum cum capella : vinea, bonoarii tres et aripannus unus ; vinea enim predicti mansi dicitur Super portas. Sunt ibi : de prato, bonarii quinque ; silva in loco Spissalia, bonarii XI. Est ibi cumdomina que dicitur Sub portas : bonarii octo ; alia cumdomina que vocatur In Parcato : bonarii decem et octo ; in alio loco qui dicitur Ad Pissaliam : bonoarii quatuor ; Ad Juncariam : bonoarii duo et dimidium. Sunt in summa de terra arabili bonoarii triginta duo et dimidium. Has enim res superius nominatas per precamina prefatorum virorum, Hugonis scilicet et Vulfardi et Widonis, concedimus in proprietatem cuidam fideli nostro Arveo, dilecto nobis capellano, cum omnibus adjacenciis et ad se pertinentibus rebus atque mancipiis desuper commanentibus his nominibus : Adulfum, Gervinum et uxorem ejus cum eorum infantibus, Adalbertum, Gerois cum infantibus suis, Basiliam cum infantibus suis, Raginarum, Airbertum, Rodoardum, Adoardum, Agenbaldum et uxorem ejus Arluis cum eorum infantibus, Anscaldum et uxorem ejus Ingelrudam cum infantibus suis, Adelelmum, Ermirum cum uxore sua et infantibus, Adelardum, Theogrimum, Aldam cum infantibus suis, Waltidim, Vulfinum et uxorem ejus Ermenjardim cum infantibus suis, Gistradin cum infantibus suis, per preceptum nostre auctoritatis delectabili voluntate in proprietatem condonamus, quatinus ex hoc et in omne tempus faciat ex ipsis rebus quas de jure nostro in jus ejus transferimus quicquid maluerit ; habeat in omnibus tenendi, possidendi, vendendi, commutandi et largiendi liberam et firmissimam potestatem. Ut autem hoc preceptum nostre auctoritatis firmior habeatur, manu propria illud subter firmavimus et de anulo nostro sigillari jussimus.