882, 14 juin. — Saint-Maurice-l'Exil.

Carloman, à la prière de Frotier (Frotarius), archevêque de Bourges, et de l'abbé Gérou, prend sous sa protection le monastère de Beaulieu et l'ensemble de son patrimoine <c'est-à-dire les droits dont l'archevêque Raoul, fondateur de l'établissement, a disposé en sa faveur, les « villae » de Chameyrat et du Saillant données par Charles le Chauve et tous les biens provenant d'autres donations>, interdit aux recteurs tout acte de disposition arbitraire, évoque les causes graves du monastère devant le tribunal royal et décide que les moines pourront élire librement leur abbé.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no62.

A. Original perdu.

B. Copie du xvie s., dans le Cartulaire de l'abbaye de Beaulieu, Bibliothèque nationale, ms. lat. nouv. acq. 493, fol. 11.

C. Copie du xviiie s., par Dom Fonteneau, Bibliothèque de Poitiers, ms. 507 (Collection Dom Fonteneau, vol. 53), p. 45, d'après B.

D. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 22, fol. 326, d'après une copie de B ayant appartenu à Justel.

E. Copie d'octobre 1632, par Dupuy, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 828, fol. 2 d'après la même source que D.

F. Copie de l'année 1660, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12858, p. 18, d'après la même source que D.

G. Copie de l'année 1722, exécutée pour Bouhier, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17089, fol. 595, d'après la même source que D.

H. Copie du xviiie s., par G. Lecointe, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17674 (Diplomata varia), fol. 129 v°, d'après la même source que D.

I. Copie fragmentaire du xviie s., par Dom Estiennot, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12777 (Miscellanea monastica), p. 165, d'après la même source que D.

J. Copie partielle, par G. Lecointe, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17674, fol. 115 v°, d'après H.

a. Gallia christiana, t. II, instrumenta, col. 4, édition partielle, d'après la même source que D.

b. Histoire générale de Languedoc, t. I, preuves, col. 137, n° CX, d'après B.

c. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 426, n° XI, d'après la même source que D.

d. Deloche, Cartulaire de l'abbaye de Beaulieu, p. 20, n° VIII, d'après BFG.

e. Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. II, Preuves, col. 403, n° 202, d'après b.

f. R.-H. Bautier, Les diplômes carolingiens suspects de l'abbaye de Beaulieu en Limousin, dans Bulletin philologique et historique du Comité des travaux historiques et scientifiques (années 1955 et 1956), p. 394, d'après d.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 329.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1858.

Indiqué : Grat, Catalogue, n° 51.

Indiqué : J. de Font-Réaulx, La campagne de Carloman contre Vienne en 881-882 et l'identification de « Lipciacus villa Andegavensis », dans Bulletin philologique et historique du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1928-1929, p. 1-6, surtout p. 4.

Dans le mémoire signalé sous la lettre f, Robert-Henri Bautier a replacé le précepte de Carloman publié ci-dessous dans la série des diplômes royaux concernant le monastère de Beaulieu. Charles le Chauve avait déjà accordé au même établissement un diplôme de mainbour-immunité le 17 juin 859 (Recueil des actes de Charles le Chauve, t. I, p. 524, n° 207). On peut s'étonner que Carloman ne fasse aucune allusion à la concession de son grand-père et que, les deux notions de mainbour et d'immunité étant depuis longtemps confondues, la formule classique d'interdiction aux officiers publics de pénétrer sur les domaines de l'immuniste se soit transformée en une défense de caractère assez vague et dont l'objet est exprimé dans des termes étrangers au formulaire habituel : « praecipientes ut nemo... ulla umquam dona vel redibitiones sive expensas requirere praesumat ». Il serait pourtant téméraire de mettre en doute, sous réserve de certaines retouches, la sincérité globale d'un précepte qui s'insère parfaitement dans la série chronologique et dont la langue, les formules protocolaires et l'ensemble du cadre formel ne soulèvent pas de difficultés irréductibles.

Nous admettons donc avec R.-H. Bautier que le passage concernant Chameyrat et Le Saillant a été interpolé, parce qu'il s'intercale assez maladroitement dans la suite du discours diplomatique, et surtout parce que nous inclinons aujourd'hui à penser que Le Saillant n'appartenait pas encore en 882 au monastère de Beaulieu. Il nous apparaît comme très probable que Charles le Chauve n'a pas donné Orbaciacus (Le Saillant) au monastère le 13 juillet 876 (Recueil, t. II, p. 414, n° 409), et que l'hypothèse formulée par F. Lot (Le diplôme de Charles le Chauve du 13 juillet 876 pour l'abbaye de Beaulieu en Limousin, dans Le Moyen Age, t. XLIV, 1934, p. 88) et consistant à distinguer deux localités appelées Le Saillant auxquelles répondraient deux Orbaciacus est plus ingénieuse que solide. Nous pensons avec R.-H. Bautier qu'il faut en revenir à l'opinion de J. de Font-Réaulx (Diplômes carolingiens de l'abbaye de Beaulieu, dans Le Moyen Age, t. XLI, 1931, p. 4) la prétendue donation d'Orbaciacus au monastère de Beaulieu a été insérée au cours de la première moitié du xe siècle dans le cadre formel d'un précepte de donation à un particulier et elle s'est substituée au contenu primitif dudit précepte.

R.-H. Bautier dénonce aussi comme interpolées la clause Jubemus etiam... presumat, interdisant à l'abbé d'aliéner sans juste motif les biens donnés au monastère, et la clause Si autem adversus eos... consequantur évoquant les causes graves du monastère devant le tribunal royal. Nous reconnaissons que la première s'insère mal dans le contexte grammatical, mais, considérée à part, elle ne soulève aucune objection ni quant au fond, ni quant à la forme. Aussi réservons-nous sur ce point notre jugement. En ce qui concerne la seconde, nous la rapprocherons avec J. de Font-Réaulx de celle que nous offre la formule 32 des Formulae imperiales (Formulae merowingici et karolini aevi, éd. Zeumer, p. 312) et nous nous refuserons « à la condamner comme une évidente interpolation ».

Toutes les copies du xviie et du xviiie siècle, à l'exception de C, dérivent directement ou indirectement de la transcription de B faite par Justel ou ayant appartenu à cet érudit. On reconnaît leur origine à des leçons communes : « Frotarius archiepiscopus Bituricensis... denique submissis utilibus... aquis aquarumve decursibus... redditiones... in Dei nomine. Amen ».


Texte de B :

In nomine Domini Dei ęterni et Salvatoris nostri Jhesu Christi. Karlomannus, gratia Dei rex. Si utilitatibus locorum divinis cultibus mancipatorum servorumquę Dei necessitatibus in eisdem degentium, aurem nostrae cęlsitudinis accomodamus, regium procul dubio exercemus numen, ac per hoc ad ęternam beatitudinem capessendam venturos nos minime titubamus. Idcirco noverit fidelium omnium sanctę Dei Aecclesię nostrorumque, tam presentium quam et futurorum, industria qualiter accedentes venerabiles viri ad nostre altitudinis clemenciam Frotharius, Biturigensis archiepiscopus, necnon et Gerulfus, Belliloci monasterii abba, innotuerunt quomodo quondam Rodulfus, ejusdem primę sedis archiepiscopus, in sui juris sueque proprietatis rebus in pago Lemovicino sitis, monasterium in honore beati Petri principis apostolorum, quod supra commemoratus dicitur Bellus locus, construxit ob amorem Dei, et inibi monachos Deo famulantes pro suorum absolutione peccatorum constituit ; denique submissis vultibus nostrae serenitatis clementiam humili postulaverunt prece ut idem monasterium pro malorum hominum infestacione sub tuicionis nostrae mundeburdo ac munimine defensionis, cum rebus omnibus et mancipiis ad eundem locum pertinentibus, recipere ac retinere dignaremur. <Hoc sunt jura jamdicti archiepiscopi Deo et eidem loco oblata, necnon villę quas divinę recordationis avus noster Karolus per auctoritatem sui precepti : id est Cameracum et Orbaciacum cum omnibus rebus et mancipiis ad se pertinentibus, sive ętiam collationes bonorum hominum, tam preteritorum, presentium atque futurorum, undecumque juste et digne advenientes>. Quorum, inquam, preces racionabiles esse intellegentes, hoc nostrae altitudinis mundeburdi scriptum fieri iussimus, per quod monasterium jamdictum cum eodem abbate Gerulfo et monachis presentibus et futuris, cum aecclesiis et utriusque sexus mancipiis, cum terris cultis et incultis, vineis, pratis, silvis, pascuis, molendinis, aquis et earum decursibus omnibusque ad idem monasterium jurae pertinentibus, sub nostrae defensionis ac tuicionis mundeburdo recepimus ac retinemus, precipientes ut nemo sanctę Dei Aecclesie fidelium, nostris aut futuris temporibus, non comes vel vicecomes aut missus discurrens seu quilibet reipublicę minister ab ejusdem loci abbatibus sive monachis per tempora labentia ulla umquam dona vel redibiciones sive expensas requirere presumat. Jubemus ętiam ut nullus rector ejusdem loci a nobis sive a bonis hominibus res ejusdem sancti loci collatas in aliorum usus, nisi justa exigente causa, transferre presumat, sed liceat eis omni tempore, inquietudinibus omnibus semotis, Domino famulari ejusque clementiam, pro nostris ac patrum nostrorum excessibus ac statu sanctę Dei Aecclesie continuis precibus exorare concessa bone pacis quiete. Si autem adversus eos causae orte fuerint quę habeant gravis dispendii expensam, ad nostram reserventur presentiam ibique finem consequantur. Statuimus preterea ut ex sese post hunc venerabilem virum Gerulfum ejusdem loci patrem abbatem eligendi abeant potestatem. Ut autem nostrae roborationis auctoritas omni tempore vigeat, et vigens stabilis perseveret, manu nostra subter firmavimus et de anulo nostro sigillari jussimus.

Karlomannus. S. Karlomanni gloriosissimi regis.

(Chrismon) Norbertus notarius post obitum magistri sui Vulfardi jussione regis.

Datum XVIII kl. jul., anno IIII regni Karlomanni gloriosissimi regis, indictione XV. Actum apud Lipciacum villam Andegavensem. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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