883, 11 août. — Miannay.

Carloman, à la prière de l'évêque Gautier, appuyée par Hugues l'Abbé et les grands du royaume, tant laïques qu'ecclésiastiques, confirme en faveur de l'église d'Orléans les dispositions concernant les élections épiscopales contenues dans les privilèges pontificaux et les préceptes royaux qui ont disparu dans l'incendie allumé par les Normands et accorde en même temps l'autorisation de solliciter du Siège apostolique une confirmation analogue. Il confirme aussi la restitution des « villae » de Bazoches et d'Ormoy consentie par Charles le Chauve, la donation faite par lui-même de la « villa » de Chaon à la demande de Hugues l'Abbé et les libéralités dont l'évêque Gautier avait gratifié l'église cathédrale et les monastères qui en dépendent, telles qu'elles sont consignées dans le « testamentum » établi à cet effet, avec affectation au luminaire et à la mense canoniale.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no71.

A. Original perdu.

B. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 2, fol. 215, d'après A.

C. Copie du xviiie s., par Polluche, Bibliothèque d'Orléans, ms. 552, p. 274, d'après A.

D. Copie du xviiie s., annotée par Dom Grenier, Bibliothèque nationale, Collection de Picardie, vol. 177 bis, fol. 89, « [ex] autographo ecclesiae [sanctae] Crucis Aurelianensis », d'après A.

E. Copie du xviiie s., ibid., vol. 233, fol. 63, d'après A ou d'après D, avec de menus amendements.

F. Copie du xviie s., par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 78, fol. 19, d'après le Cartularium vetus ecclesiae Aurelianensis, n° XXXVI.

G. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 17674, fol. 170, d'après la même source que F.

a. Baluze, Concilia Galliae Narbonensis (1668), appendice, p. 71, n° III « ex chartulario ecclesiae Aurelianensis », d'après F.

b. Dom Luc d'Achery, Spicilegium, 1re édition (in-4°), t. VIII (1668), p. 148 « ex chartulario Aurelianensi a domino d'Herouval ».

c. Dom Luc d'Achery, Spicilegium, éd. de La Barre (in-fol.), t. III (1723), d'après b.

d. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 431, n° XV, « ex autographo ».

e. J. Thillier et E. Jarry, Cartulaire de Sainte-Croix d'Orléans, p. 70, n° XXXVI, d'après F.

Indiqué : Nouveau traité de diplomatique, t. IV, p. 120 (dessin du sceau).

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 332.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1569.

Indiqué : Grat, Catalogue, n° 56.

A lire le texte de ce précepte, on est frappé par son allure exceptionnelle : appel aux Écritures et à la législation canonique pour justifier la proposition banale énoncée dans le préambule, notification adressée spécialement aux évêques et commandée par le mot compertum, solennité de l'exposé à laquelle s'oppose la brièveté du dispositif, anomalies de la formule de corroboration avec la juxtaposition des trois verbes vigeat, relegatur, ametur. D'autre part, autant la clause relative à la liberté des élections abbatiales est à peu près de style dans les préceptes d'immunité délivrés en faveur des monastères, autant est rare, à notre connaissance, une clause analogue concernant les élections épiscopales. En laissant au clergé diocésain la liberté du choix de son évêque, le roi se privait d'une de ses prérogatives les plus précieuses. Deux circonstances plaident cependant en faveur de la sincérité de l'acte. Il est daté de Miannay (Somme, arr. Abbeville, con Moyenneville), dans le comté de Vimeu. Or nous savons par les Annales Vedastini que Carloman, aux prises avec les Normands, établit précisément son quartier général dans la même localité vers l'automne de 883 : « Circa autumni vero tempora Karlomannus rex in pago Vithmau villa Melnaco contra Latverum cum exercitu ad custodiam regni resedit... » (éd. Simson, p. 54). On objectera que le 11 août ne se situe pas encore en automne, mais la coïncidence est trop frappante pour être négligée, et on peut imaginer que Carloman se trouvait dans la région plus tôt que l'annaliste ne le laisse supposer. En second lieu, on ne saurait guère douter que les copistes de BCDE aient eu sous les yeux l'original scellé. Ils en ont reproduit le monogramme et celui de B nous a laissé un dessin du sceau dont le type et la légende semblent parfaitement corrects. De tout cela on conclura que nous sommes probablement en présence d'un diplôme sincère, mais rédigé par un clerc de l'église d'Orléans. L'évêque a sans doute profité de la circonstance providentielle de l'incendie de son chartrier pour faire confirmer à son église un privilège dont elle n'avait sans doute jamais joui auparavant. En tout cas, le texte exclut une participation du notaire Norbert à son élaboration.

Les Normands avaient brûlé Orléans en 865, sauf la cathédrale Sainte-Croix, à laquelle ils n'avaient pas alors réussi à mettre le feu (Annales Bertiniani, éd. F. Grat, p. 117). Mais l'incendie auquel le texte fait allusion doit être celui qui fut allumé au cours de l'automne de l'année 879 (Miracula sancti Benedicti, dans Monumenta Germaniae historica, Scriptores, t. XV, p. 499). — On se demande quels sont les préceptes royaux et les privilèges pontificaux concernant les élections épiscopales que Carloman entend confirmer et même s'ils ont jamais existé. Par contre, le pape auquel l'évêque pourra s'adresser pour obtenir un nouveau privilège ne saurait être que le successeur de Jean VIII, Marin Ier, qui régna du 16 décembre 882 au 15 mai 884. L'acte pontifical et le diplôme de Carloman furent présentés simultanément à Hugues Capet pour être confirmés : « Attulit etiam nobis praefatus pontifex [Arnulfus] privilegium sanctae romanae ecclesiae, a domno Marino orthodoxo factum et confirmatum, et praeceptum gloriosissimi regis Karlomanni, in quibus continebatur ecclesiae Aurelianensis privilegia sive praecepta in eligendis sibi pontificibus auctoritate apostolica et antecessorum nostrorum confirmationibus habuisse firmata » (Diplôme de Hugues Capet daté de novembre 990, publié dans Recueil des historiens de la France, t. X, p. 556, n° IX, et par Thillier et Jarry, op. cit., p. 78, n° XXXIX). — Le précepte de Charles le Chauve restituant Bazoches et Ormoy est perdu (Recueil des actes de Charles le Chauve, t. II, p. 504, n° 449) ainsi que celui de Carloman portant donation de Chaon (voir plus haut, p. 180, n° 70) et le testamentum de l'évêque Gautier.

Le texte ci-dessous a été établi d'après les copies BCDE en suivant de préférence et sauf indications contraires les graphies de B. Le texte du cartulaire représenté par F, G, a, b, c et e se reconnaît à des leçons assez différentes de celles de l'original : adjutoris au lieu de Salvatoris dans l'invocation, ingenio au lieu de ingenua, Gauterius au lieu de Vualterius, sibi divinitus commissam au lieu de sibi commissam, etc. De plus, le signum royal et la souscription de chancellerie avaient été omis par le compilateur.


In nomine Domini Dei aeterni et Salvatoris nostri Jhesu Christi. Karlomannus gratia Dei rex. Scripturarum divinarum fluenta sedulo requirentibus ingenua necnon promulgata canonum sollicite relegentibus perfacile patet quod quicumque principum utilitatibus aecclesiasticis consulunt, non solum reipublicae stabilimenta quae permaxime sunt necessaria construunt, verum etiam aeternae beatitudinis inenarrabile praemium sibi praeparant possidendum. Compertum siquidem non solum episcoporum sollertiae ad quorum notitiam quae inferius subnectenda sunt prae omnibus pertinent, verum etiam cunctorum fidelium nostrorum notitiae esse volumus, qualiter venerabilis Vualterius, sanctae Aurelianensis aecclesiae episcopus, nostram adiens celsitudinem, una cum consultu venerabilis Hugonis abbatis totiusque regni nostri utriusque ordinis procerum, significavit aecclesiam sibi commissam quondam privilegia sive praecepta in eligendis sibi pontificibus tam auctoritate apostolica quam patrum nostrorum confirmatione habuisse firmata, quod lamentabili Normannorum persecutione cum multis aliis ejusdem aecclesiae librorum ac testamentorum copiis concrematione deperisse incendii non solum veridicorum fidelium nostrorum testatur relatio, verum etiam ipsius matris aecclesiae basilica a supradictis regni persecutoribus concremata certissimis praetendit indiciis. His igitur venerabilis Vualterius episcopus anxius, considerans suis diebus memorata instanti persecutione et aecclesiam concrematam et permaxime tanti ac singularis privilegii sive praecepti damnum, universarum utilitatum ipsius aecclesiae cupidus restaurator, juncto suis precibus inclito ac venerabili Hugone abbate, tutore nostro ac regni nostri maximo defensore, cum reliquis nostris fidelibus, sapientissime nostram magnitudinem exoravit ut nostrae auctoritatis praeceptum super hoc suae denuo reconfirmassemus aecclesiae atque liberam a nostra parte licentiam eidem concessissemus antiquam auctoritatem more canonico a sede apostolica impetrandi. Petiit quoque memoratus venerabilis episcopus ut de villis Basilica scilicet et Ulmeto, quas piae memoriae avus noster Karolus imperator suae restituit aecclesiae, atque de villa Cadanno quam suae per depraecationem Hugonis venerabilis abbatis concessimus aecclesiae cum omnibus appenditiis ad easdem pertinentibus, necnon de omnibus rebus quas praefatus praesul tam in luminaribus quam etiam in omnium canonicorum usibus, tam scilicet matri aecclesiae quam reliquis sibi pertinentibus monasteriis, hactenus per testamentum delegavit et deinceps Deo propitio delegaturus canonice est, nostri praecepti confirmassemus auctoritate, quatinus futuris temporibus in usus et stipendia et utilitatem fratrum suprascriptae aecclesiae vel monasteriorum sibi pertinentium, sicut idem pontifex canonice testamento disposuit, permanendo consistant. Hujus igitur humillimas petitiones cum consultu fidelium nostrorum curiosius pertractantes omnibus esse gratissimas primo omnium pro Dei amore et ipsius sacratissimi loci veneratione qui speciali ac divina benedictione per manus scilicet Domini apparitionem noscitur esse consecratus necnon etiam sepedicti venerabilis abbatis petitionibus ac commonitionibus exhortati, fieri quod praemissum est libenter decrevimus. Et ut deinceps hoc nostrae celsitudinis praeceptum per succedentia tempora vigeat, relegatur, ametur, manus excellentiae nostrae subter firmavimus et anuli nostri impressione sigillari jussimus.

Signum Karlomanni (Monogramma) gloriosissimi regis.

Norbertus notarius ad vicem Gauzleni recognovit (Locus sigilli).

Datum III idus augusti, anno V regnante Karlomanno gloriosissimo rege, indictione prima. Actum apud Melnacum villam in Vimnau comitatu. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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