884, 20 février. — Ver.

Carloman, à la prière d'Adalgardis, abbesse de Sainte-Croix à Poitiers, confirme les préceptes d'immunité que ses prédécesseurs et notamment Charlemagne, Louis le Pieux et Pépin Ier d'Aquitaine ont accordés au monastère, <interdit de donner celui-ci en bénéfice à une reine ou à qui que ce soit, de lui réclamer dons ou services, d'exiger des religieuses aucune prestation d'un caractère public ou privé, conformément aux dispositions d'un précepte de Louis le Bègue, maintient toutefois à la charge des bénéficiers libres l'obligation du service militaire, sauf pour trois d'entre eux désignés par l'abbesse,> sanctionne toute infraction de l'immunité par une amende de <trois cents> sous d'or et confirme la liberté des élections abbatiales, à charge de prières.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no74.

A. Preudo-original perdu.

B. Copie du xviiie s., par Dom Fonteneau, Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 3, fol. 1, d'après « une très ancienne copie qui est dans les archives de l'abbaye de Sainte-Croix de Poitiers où l'original ne se trouve plus. Cette copie est en bonne forme et n'aurait besoin que du sceau du prince pour porter tous les caractères d'un original ».

B1. Double de la copie précédente, Bibliothèque de Poitiers, ms. 459 (Collection Fonteneau, t. V), p. 535.

C. Copie du xive s., dans la transcription d'un vidimus confirmatif de Charles V donné à Paris le 7 juillet 1377, Archives nationales, JJ 111, fol. 86 v°, n° CLXIX.

D. Copie du xviie s., par Besly, Bibliothèque nationale, ms. lat. 6007, in fine, fol. 30, « ex archivis S. Crucis Pictavensis ».

E. Copie du xviie s., par Dom Estiennot, dans Antiquitates in dioecesi Pictaviensi Benedictini ordinis, pars 1a, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12755, p. 418.

F. Copie du xixe s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 18380, p. 362, d'après B.

G. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 54, fol. 490, d'après C.

H. Copie du xviiie s., par Dom Fonteneau, dans la transcription de vidimus successifs de Louis XII (août 1498), de Charles VIII (mars 1486, n. st.), de Louis XI (février 1462, n. st.) et de Charles VII (20 avril 1438), de « quasdam originales... Carlomanni », Bibliothèque de Poitiers, ms. 510 (Collection Fonteneau, t. LVI), p. 264, d'après un cartulaire de Sainte-Croix.

I. Copie du xvie s., dans la transcription de vidimus successifs de François Ier (juillet 1515), de Louis XII (août 1498), celui-ci signalé sous la lettre H et ainsi de suite, Archives nationales, X1A 8165, fol. 129.

J. Copie du xviiie s., exécutée pour la Chambre comptes, Arch. nat., K 184, n° 1, d'après le vidimus de François Ier signalé sous les lettres H et I.

K. Copie du xviiie s., exécutée pour Dom Bouquet, Bibliothèque nationale, ms. lat. 18380, p. 362.

a. J. Besly, Roys de Guyenne, opuscule publié à la suite de l'Histoire des comtes de Poictou et ducs de Guyenne, p. 40, d'après D.

b. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 433, n° XVIII, d'après a.

c. P. Guérin, Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la chancellerie de France, dans Archives historiques du Poitou, t. XXI, p. 37, n° DCXI, d'après C.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, I, p. 333.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1867.

Indiqué : Grat, Catalogue, n° 59.

Nous avons longtemps hésité à insérer le texte ci-dessous dans la série des diplômes présumés sincères, à cause des dispositions aberrantes qu'il contient. Il nous paraît impossible de justifier la présence de clauses aussi insolites et aussi étrangement exprimées que l'exemption de toute prestation d'un caractère privé, à l'intérieur et à l'extérieur [de l'enceinte du monastère (?)], « ut... ab omni exactione publica atque privata interius exteriusque immunis existat », que l'interdiction formulée à l'adresse des rois à venir de donner le monastère en bénéfice à leur femme, l'exemption du service militaire accordée à trois vassaux de l'abbaye, étant entendu que les autres bénéficiers accompliront leurs obligations « pro persona libertatis suae », « pro persona ingenuitatis suae », on notera aussi la classique réduction de l'amende de 600 à 300 sous d'or. A tout cela s'ajoute la référence à un précepte de Louis le Bègue, « sicut in suprascripta (?) preceptione domni ac genitoris nostri continetur ». Or ce précepte ne saurait être le précepte de Louis II publié sous le n° 13, qui n'est d'ailleurs pas visé dans l'exposé du présent précepte, mais le faux dont lira le texte sous sous le n° 95. Nous inclinons cependant à penser que nous sommes en présence d'un diplôme interpolé dans la majeure partie de ses dispositions, plutôt que d'un diplôme entièrement supposé. En effet, les clauses injustifiables sont insérées dans le contexte d'un précepte d'immunité dont le formulaire est à peu près calqué sur celui du diplôme expédié le 30 août 816 pour Saint-Martin de Tours par la chancellerie de Louis le Pieux et reproduit dans le recueil des Formulae imperiales, sous réserve de certaines inadvertances qui laissent entrevoir l'intervention d'un remanieur assez gauche. Au surplus, la clause comportant une demande de prières à l'intention du roi, de ses pères et de tout le peuple chrétien est caractéristique du règne de Carloman.

A moins qu'on admette que la falsification soit le fait d'un auteur tardif et érudit et que celui-ci ait copié seulement au xive siècle une formule tirée d'un recueil de la bibliothèque de son monastère, il faut bien accepter que cet acte ait une base empruntée à un acte réellement expédié, en dépit de la notification adressée aux évêques, abbés, comtes, centeniers, etc. (tout à fait insolite à cette époque) et malgré l'absence invraisemblable de la recognition de la chancellerie. De plus l'indication topographique contenue dans la formule de date, s'accorde avec la présence de Carloman au palais de Ver au début de mars 884 (cf. n° 75).

En tout cas, le précepte de Louis le Pieux qui a servi de modèle à celui de son arrière petit-fils est perdu, tout comme celui de Charlemagne, et aussi celui de Charles le Chauve confirmé par Louis le Bègue le 4 juillet 878 (n° 13), ni l'un ni l'autre de ces deux derniers diplômes n'était d'ailleurs explicitement rappelé. Par contre, le texte du diplôme de Pépin Ier d'Aquitaine en date du 1er avril 825 (éd. Levillain, Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II, rois d'Aquitaine, p. 9, n° III) est parvenu jusqu'à nous. Ce n'est pas un précepte d'immunité et sa rédaction soulève des difficultés. Pas plus que le diplôme de Carloman, il n'était conservé en original dans les archives de Sainte-Croix ou de Sainte-Radegonde. — Contrairement à ce que nous avons fait pour le n° 13, nous avons dû compléter ou rectifier la double copie de Dom Fonteneau (B et B′) au moyen de C et de D, dont la source commune ne semble pas coïncider avec celle de C et de D. Nous respectons cependant l'orthographe de B et de B′.

Tout ce qui est imprimé en petits caractères, est emprunté aux Formulae imperiales.


In nomine Domini Dei aeterni et Salvatoris nostri Jhesu Christi. Karlomannus gratia Dei rex. Cum locis divino cultui mancipatis ob divinae servitutis amorem opem congruam conferimus, et regium morem decenter implemus et id nobis profuturum ad aeternae remunerationis praemia capessenda veraciter credimus. Ergo notum esse volumus cunctis fidelibus nostris, episcopis, abbatibus, comitibus, vicariis, centenariis eorumque junioribus necnon missis nostris per universum regnum nostrum discurrentibus seu etiam caeteris fidelibus sanctae Dei Ecclesiae nostrisque, praesentibus scilicet et futuris, quia adiit serenitatem culminis nostri Adalgardis, venerabilis abbatissa ex monasterio sanctimonialium quod est constitutum in honore sanctae Crucis, situm infra muros civitatis Pictavensis, quod scilicet quondam monasterium sancta et venerabilis Radegundis a fundamentis construxit et normam regularem ibi constituit, ferens gestas manibus immunitates priscorum regum praedecessorum nostrorum, seu etiam atavi nostri sanctae recordationis Karoli augusti, necnon et praeceptum piissimi caesaris Hludowici proavi nostri pariterque et praeceptum Pippini avunculi nostri, quibus idem monasterium quiete in Dei servicio degere sanxerunt et omnes res praefati monasterii in universo regno nostro, [Christo] largiente, in quibusdam pagis vel territoriis consistentes, quae non solum ab orthodoxis principibus, verum etiam caeteris fidelibus collatae vel per quoslibet contractus et munimina cartarum eidem legaliter tradita sunt monasterio, sub immunitatis suae devotione consistere et ab omni publica functione et juridica exactione immunem liberumque reddidissent. Pro firmitatis namque studio hujuscemodi beneficium erga prefatum venerabile monasterium nostra auctoritate humiliter praefata Adalgardis abbatissa postulavit fieri. Cujus petitionibus ob amorem Dei et venerationem ipsius sancti loci libenter assensum praebere nobis usquequaque libuit. Quapropter volumus atque decernimus ut omnes res ejusdem monasterii cum omnibus sibi adjacentibus sub nostrae devotionis munimine modis omnibus consistant, <ut idem ordo regularis perpetim atque regulariter nostris futurisque temporibus, sicut in praecepto domni atavi nostri continetur, Deo annuente, conservetur atque custodiatur, ut sicut nunc, ita in futuro ab omni exactione publica atque privata interius exteriusque immunis existat. Hanc nostrae firmitatis auctoritatem circa idem venerabile monasterium ejusque congregationi fieri jussimus, per quam decernimus atque sancimus et nostros successores monemus ut nec reginae suae nec cuilibet praedictum monasterium in beneficio detur aut committatur, et nec dona nec servitium aliquod aut opera tam a sanctimonialibus ibidem servientibus quam a rebus praefati monasterii nec a nobis nec a successoribus nostris nec a quibusdam superioris aut inferioris ordinis reipublicae procuratori bus aut quibuslibet missis discurrentibus exigatur aut fieri praecipiatur, sed, sicut in suprascripta praeceptione domni ac genitoris nostri continetur, et sanctimoniales in praedicto monasterio Deo militantes et res ibidem aspicientes ab omni functione tam publica quam privata interius et exterius securae et immunes perpetim inviolabiliterque consistant. Si vero quaelibet persona libera a praelatis praescripti monasterii ex rebus ejusdem quippiam beneficiario munere assecuta fuerit, pro persona libertatis suae iter exercitale sicut ceteri homines faciat. Et iterum et hoc concessimus et perpetuo inviolabiliter esse mansurum volumus ut ex his personis quae ex praefato monasterio beneficium habent, qualescumque abbatissae ejusdem monasterii voluerint, tres domi remaneant propter necessitates earumdem Deo militantium procurandas, caeteri vero pro persona ingenuitatis suae, sicut diximus, itinera hostilia exerceant. Iterum iterumque> praecipientes jubemus atque praecipimus ut nullus judex publicus aut quilibet ex judiciaria potestate ad causas audiendas in ecclesias aut villas seu reliquas possessiones, quas moderno tempore in quibuslibet pagis aut territoriis nostri regni juste et legaliter tenent vel quae deinceps in jure ipsius monasterii divina pietas voluerit augeri, ingredi praesumat, nec freda aut tributa aut mansiones aut paratas aut telonea per pontes aut portus aut fidejussores tollere, aut homines tam ingenuos quam servos super terram ipsius monasterii commanentes distringere, nec ullas publicas functiones aut redibitiones aut inlicitas occasiones requirere, quibus in aliquo idem monasterium sibique subjecti aliquod injuste patiantur incommodum, nostris futurisque temporibus quisquam temerarius existat, qui faciendi inlicitam sibi potestatem attribuere audeat. Quicquid ergo ex rebus praefati monasterii fiscus sperare poterat, totum nos pro aeterna remuneratione eidem concedimus monasterio, scilicet ut in alimoniis pauperum et stipendiis earumdem sanctimonialium proficiat in augmentis. Si quis autem in tantam prorumpere ausus fuerit audaciam ut hujus praecepti nostri violator extiterit, non solum in offensam nostram, verum etiam trecentorum solidorum auri ad purum excocti se noverit poena multandum. Dignum namque justumque est ut tot piorum regum decessorum nostrorum nostrique praecepti violator hujuscemodi subeat poenam, ut et se tantae temeritatis merito argui cognoscat, et caeteris ne id agere quolibet pertemptet timorem incutiat. Et quandoquidem divina vocatione supradictam Adalgardim abbatissam vel successores ejus ab hac luce contigerit discedere, licentiam habeant in eadem sanctimoniales, qualem meliorem et digniorem elegerint vel invenerint inter se eligere abbatissam, qualiter congregatio ibidem per tempora labentia pro nobis patrumque nostrorum seu successorum ac totius populi christiani salute Domini misericordiam adtentius exorare delectet. Et ut hoc nostrae auctoritatis inviolabiliter praeceptum firmius in Dei nomine habeatur ac per futura tempora diligentius asservetur, manu propria illam subter firmavimus et anulo nostro postmodum insigniri jussimus.

Signum Karlomanni (Monogramma) gloriosissimi regis.

Datum X kal. martii, anno VI regnante Karlomanno gloriosissimo rege, indictione II. Actum Verno palatio. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

Make this Notebook Trusted to load map: File -> Trust Notebook