884, 13 mars. — Compiègne.
Carloman, à la requête de l'évêque Bernon, qui s'est montré très fidèle envers lui dès le début de son règne, et sur la prière d'Angelwinus, évêque de Paris, et du comte Thierry, restitue à l'église Saint-Étienne de Châlons-sur-Marne, la petite abbaye de Saint-Sulpice, sise dans un faubourg de la cité, près du pont de la Marne, tenue actuellement en bénéfice par son vassal et « juge » Rothard, sous cette réserve que ce dernier la gardera jusqu'à ce qu'à sa mort ou jusqu'à ce qu'il ait été dédommagé par un autre bénéfice.
A. Original perdu.
B. Copie de la fin du xie ou du début du xiie s. par le chantre Guérin dans le Grand Cartulaire de Saint-Étienne de Châlons, Archives de la Marne, G IV 462, fol. 17 r°, sous le titre : « Item preceptum Karlomanni regis de abbatia sancti Sulpicii », peut-être d'après A.
C. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, Collection de Champagne, vol. 9, fol. 95, d'après B.
D. Copie de l'année 1753, Bibliothèque de Châlons-sur-Marne, ms. 250, p. 242, d'après B.
E. Copie du xviiie s., par Dom Jean François, Pièces justificatives des recherches historiques sur la ville, cité et principaux lieux du diocèse de Châlons, Bibliothèque de Châlons-sur-Marne, ms. 1263, p. 125, d'après B.
a. P. Pélicier, Cartulaire du chapitre de l'église cathédrale de Châlons-sur-Marne, par le chantre Warin (1897), p. 21, d'après B (sous la date du 13 mars 880).
Indiqué : Grat, Catalogue, n° 60.
L'abbatiola de Saint-Sulpice avait déjà fait l'objet de deux restitutions à l'église de Châlons-sur-Marne, la première fois, le 12 août 859 (Recueil des actes de Charles le Chauve, t. I, n° 212, p. 537-538) et la deuxième fois, le 9 juin 875 (ibid., t. II, n° 381, p. 352-356). En 859, le détenteur était un certain Bernard, et en 875, un certain Geoffroy. Sans doute ces restitutions n'avaient-elles eu aucun effet pratique. Le précepte de Carloman, sans reproduire textuellement le deuxième diplôme de Charles le Chauve, en reprend la clause en vertu de laquelle le bénéficiaire actuel gardera l'abbatiola jusqu'à sa mort ou au moins jusqu'au moment où il pourra être dédommagé par l'octroi d'un autre bénéfice. Dans la première moitié du xie siècle, l'évêque de Châlons, Roger Ier (1009-1042) donnait à son chapitre l'autel de Saint-Sulpice (Pélicier, éd. citée du cartulaire du chapitre de Châlons, p. 44-45). On en conclura que l'église de Châlons avait fini par récupérer cet élément de son patrimoine.
Le signum royal fait défaut dans la copie, mais le compilateur du cartulaire a systématiquement omis toutes les souscriptions royales.
Le rédacteur a daté le précepte de la deuxième année du règne de Carloman « in Frantia », par conséquent de la deuxième année après la mort de Louis III. Cette manière insolite de compter les années du règne, jointe à l'allure générale du formulaire, invite à penser que ce diplôme, comme beaucoup de ceux de Charles le Chauve pour l'église de Châlons, n'a peut-être pas été rédigé à la chancellerie.
In nomine Domini Dei ęterni et Salvatoris nostri Jhesu Christi. Karlomannus gratia Dei rex. Si locis divino cultui mancipatis opem nostrę liberalitatis impendimus aut etiam res ecclesiasticas ad eadem jure pertinentes per desidiam pastoralem, immo per pravorum hominum labia dolosa et linguam falsiloquam a progenitoribus nostris olim abstractas legaliter restituimus, id animabus predecessorum nostrorum ad peccatorum veniam promerendam et nobis ad presentis regni nostri statum divinitus protegendum et cęlestis regni coronam adipiscendam profuturum esse non dubitamus. Quocirca notum sit omnibus sanctę Dei Ecclesię fidelibus nostrisque, tam presentibus quam futuris, adisse serenitatem nostram Bernonem venerabilem episcopum Cathalaunensem, qui nobis in principio regni nostri et consilio et auxilio satis proficuus et fidelis extitit atque in eadem fidelitate perseverare decrevit nobisque innotuisse abbatiolam sancti Sulpicii, quam vassallus et judex noster Rothardus in beneficium tenet ab ecclesia beati Stephani prothomartyris injuste ablatam fuisse et ut ei eandem restitueremus suppliciter postulasse, hoc idem quoque cum eo suggerentibus et deprecantibus fidelibus nostris, venerabili scilicet Angelwino Parisiorum episcopo et Teuderico comite valde nobis dilecto. Faventes igitur illorum petitionibus, reddimus prefatam abbatiolam, in suburbio civitatis juxta pontem super ripam Maternę fluminis sitam, prefatę ecclesię beati Stephani, ut nos et regnum nostrum suis precibus gloriosis protegat atque a paganorum infestatione defendat, ea scilicet ratione et conditione ut eandem abbatiolam tamdiu jure beneficiario per consensum venerabilis episcopi Bernonis jam dictus Rothardus teneat donec ei congruam pro ea vicem beneficii rependamus. Postquam vero prefatus vassallus noster vicissitudinem beneficiariam receperit aut sorte humanę conditionis ab hac vita fortasse decesserit, mox ecclesia prefata rebus eisdem utpote suis libere potiatur sine ulla refragatione vel reconsignatione. Unde hoc celsitudinis nostę preceptum fieri jussimus per quod prenominatas res cum omni integritate ecclesię beati Stephani refundimus, videlicet cum mancipiis utriusque sexus desuper commanentibus aut ad easdem jure pertinentibus et terris cultis et incultis, vineis, pratis, farinariis, pascuis, exitibus et regressibus, silvis et omnibus legitimis terminationibus, ut eas, ceu prediximus, jure et legaliter sicuti ceteras res ecclesiasticas teneat atque possideat et canonice secundum voluntatem suam disponat. Ut vero haec nostra restitutio inviolabilem per succedentia tempora obtineat vigorem, manu nostra subter firmavimus et anuli nostri impressione muniri jussimus.
Norbertus notarius ad vicem Gauzlini recognovit.
Data III idus martii, indictione II, anno II regni Karlomanni regis in Frantia. Actum Compendio palacio. In Dei nomine feliciter. Amen.