[882, septembre – 884, 10 décembre] (sans doute : 883, octobre – 884, décembre).

Carloman concède au comte Hilduin un fisc sis dans la cité même de Tournai.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no86.

Diplôme perdu, cité dans la cession, sans date, de ce fisc par le comte Hilduin à l'évêque de Noyon-Tournai Hedilo et publié par Miraeus, éd. Foppens, Opera diplomatica t. III, p. 9 :

La date de cette cession par le comte Hilduin doit se placer postérieurement à la mort de Carloman et antérieurement à une confirmation de la possession de ce fisc par l'église de Tournai que fit Charles le Simple (Ph. Lauer, Recueil des actes de Charles le Simple, n° ii, p. 3, l. 20-22 : 893-903). Le problème a été étudié par H. Pirenne (Le fisc royal de Tournai, dans les Mélanges... offerts à Ferdinand Lot, Paris, 1925, p. 641-648), lequel place le diplôme de Charles le Simple vers 898. La question a été reprise depuis lors par maint historien belge, et en particulier par P. Rolland (Topographie tournaisienne..., dans les Annales de l'Académie royale de Belgique, t. 75, 1929, p. 77 et s. ; Les origines de la commune de Tournai, Bruxelles, 1931, surtout p. 28-33 ; Histoire de Tournai, 1956).

P. Rolland a estimé que la donation du fisc de Tournai par Carloman à Hilduin dût intervenir peu avant l'arrivée des Normands dans cette ville au printemps de 881, le roi s'étant ainsi débarrassé d'un fisc difficile à défendre, au profit d'un comte qui l'avait peut-être déjà dans son « ministerium ». Hilduin se serait hâté de s'en désaisir à son tour en échange de biens plus sûrs, sis autour de Noyon où précisément les Tournaisiens se réfugièrent. Cette hypothèse ne tient pas, puisque c'est seulement en septembre 882 que Carloman succéda à son frère Louis III dans les provinces septentrionales du royaume.

Les circonstances historiques permettent de préciser la date de l'acte de Carloman. A l'annonce de la mort de Louis III, les Normands, qui venaient de conclure en juillet un traité avec Charles le Gros, vont établir leur camp à Condé (octobre 882) ; puis, passant par la Thiérache, ils traversent l'Oise et se dirigent vers Reims d'où l'archevêque Hincmar s'enfuit ; ils sont rejoints au nord de Reims par Carloman qui les attaquent à Avaux, sur l'Aisne. Carloman passe l'hiver à Compiègne, en abandonnant aux Normands, établis à Condé, tout le nord du royaume (omne regnum usque Hisam ferro et igne devastant) ; ils atteignent même, dans leurs raids, le Beauvaisis : au retour, ils sont attaqués par Hugues l'Abbé et Carloman dans la forêt de Vicogne, non loin de Condé, mais ils ripostent en brulant Saint-Quentin et Arras, ainsi que Saint-Amand. Durant l'été de 883, ils ravagent toute la Flandre qu'ils quittent en octobre en contraignant l'armée royale à se replier au-delà de l'Oise, eux-mêmes établissant leur camp à Amiens d'où ils mènent des expéditions jusqu'à la Seine. C'est alors que Carloman accepte de leur payer un tribut de 12.000 livres d'argent : une trêve intervient en février 884 à l'assemblée de Compiègne pour les mois de février à octobre. Finalement les Normands lancent leurs attaques à l'est de l'Escaut, puis, en octobre ils gagnent les uns Boulogne et l'Angleterre, les autres Louvain.

Ce rappel des faits rend évident que ce ne peut être entre septembre 882 et février 884 que le roi put s'occuper du fisc de Tournai : pratiquement tout le nord du royaume était alors abandonné aux bandes normandes. Au contraire, après le retour au calme, le roi eut, selon l'usage, à récompenser de leurs services ses fidèles : c'est sans doute alors que le comte Hilduin reçut le fisc de Tournai. Nous plaçons donc l'acte royal au plus tôt après octobre 883, mais beaucoup plus vraisemblablement entre février 884 et la mort du roi au début de décembre 884.


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