849, 25 juin. — Auzainville.
Charles le Chauve, à la demande du comte Lambert, recteur du monastère de Saint-Aubin [d'Angers], confirme l'affectation jadis faite par l'empereur Louis le Pieux à l'usage et l'entretien des chanoines du dit monastère, et éventuellement à la restauration de leurs maisons et cloîtres, de certaines «villae» du patrimoine abbatial, savoir Méron, Trèves (Clementiniacus), les Ponts-de-Cé (Sabiacus), «Papirius», Monnet, Montreuil, une vigne près du monastère, la pêcherie qui s'étend de la porte de Chanzé à l'île de Gilettes (Jurelista), cent muids de sel sur la «villa Justiniaca», à quoi, sur la demande du dit Lambert, il ajoute la «villa» de «Ladriacus» avec sa dépendance de «Pristiniacus», fixant en outre, le nombre des chanoines au maximum de quarante-cinq.
A. Original perdu.
B. Copie de la seconde moitié du xie s., Archives de Maine-et-Loire, H 170.
C. Copie du xiie s., incomplète (la souscription royale et la date seules sont conservées) dans le Cartulaire de Saint-Aubin, Bibliothèque d'Angers, ms. 829 (anc. 745), fol. 5, sous le n° vi et le titre: «Preceptum Caroli regis, cognomine Calvi, filii Hludovici, de confirmatione rerum sancti Albini que sunt Maironnus, Clementiniacus, Papirius, Prunarius, Sabiacus, Multonacus. Monasteriolum, vinea juxta ipsum monasterium, piscatio a porta Canciacense usque ad insulam quȩ nuncupatur Jurelista, C modiis salis ex villa Justiniaco.»
D. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 39, fol. 260, «ex cartul. S. Albini», d'après B.
E. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 39, fol. 280 v°, d'après B.
F. Copie du xviie s., par Sirmond, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 139, p. 336, d'après B.
G. Copie du xviie s., limitée à l'eschatocole, Bibliothèque d'Angers, ms. 830, fol. 22 (anc. p. 43), d'après C.
H. Copie du xixe s. par P. Marchegay, Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 5025, fol. 35, n° 15, d'après B, complété par C.
a. Bertrand de Broussillon, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Aubin d'Angers, t. I, p. 26, n° xv, d'après B et C.
b. A. Giry, Étude critique de quelques documents angevins de l'époque carolingienne, dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXXVI, 2e partie p. 217, n° IV, d'après B et C.
Indiqué : Lot et Halphen, Le règne de Charles le Chauve, p. 204, n. 3.
Ce diplôme est en relation avec une charte du comte Lambert, recteur de Saint-Aubin, dans laquelle celui-ci rapporte qu'à la prière des frères de Saint-Aubin, il s'est rendu auprès du roi Charles pour lui demander de confirmer un précepte de l'empereur Louis, expédié à la demande de l'évêque Evrouin. Ce précepte portait affectation à l'usage des frères de certaines «villae» (les mêmes qui sont énumérées dans le diplôme de Charles le Chauve, dont le texte suit) et limitait leur nombre à quarante-cinq. Le comte demandait en outre an roi de confirmer la concession que lui-même Lambert avait faite aux frères de la villa de «Ladriacus» avec sa dépendance de «Prisciniacus». Et il ajoutait que le roi avait accueilli favorablement sa demande et avait confirmé non seulement le précepte de son père Louis, mais aussi la concession de «Ladriacus», «quod a patre piissimo actum fuerat sua mitissima confirmavit auctoritate, addens insuper, ob nostram deprecationem, postulatam a predictis fratribus villam Ladriacum cum omni integritate.» La charte de Lambert, à cause des souscriptions de l'archevêque de Tours, Oursmer, et de son successeur, Landran, n'a pu être dressée comme l'ont établi René Merlet et Arthur Giry, qu'entre juillet et décembre 846. Malgré le long intervalle de temps entre cette date et celle du précepte royal du 25 juin 849, il est difficile de ne pas considérer celui-ci comme répondant à la requête du comte Lambert. Si on accepte ce rapprochement, il faut admettre que la charte de Lambert est en partie mensongère, en ce sens qu'elle se présente comme postérieure à l'expédition du diplôme royal. Elle suppose même que le droit accordé par Lambert aux chanoines de léguer à leurs parents et à leurs familiers les constructions élevées par eux dans le cloître est ratifié par le souverain «... ita ut [prefatas res omnes]... habeant... sub prefato fratrum numero atque edificiorum concessa potestate, veluti regali continetur auctoritate». Or le diplôme de Charles est muet sur ce point.
Le texte du précepte de Louis le Pieux auquel font allusion la charte de Lambert et le précepte de Charles le Chauve, est perdu. Mais sa transcription dans le Cartulaire de Saint-Aubin est constatée par la table des Cartae regum où cet acte est indiqué sous le n° V: «Preceptum Hludovici regis impetratum ab Ebroino, Pictavensium episcopo, de confirmatione rerum beati Albini et ordinis in ipsius monasterio constituti.»
Le dispositif du précepte de Charles le Chauve se retrouve en grande partie dans un précepte de Charlemagne de mai 769 (éd. Mühlbacher, Diplomata Karolinorum, t. I, p. 84, n° 58). C'est à tort que l'on a pu croire à des emprunts faits au précepte de Charlemagne par le rédacteur du precepte de Charles le Chauve. Comme l'a démontré Mühlbacher, c'est au contraire, à l'aide de l'acte de Charles le Chauve que celui de Charlemagne a été longuement interpolé.
Texte établi d'après B et C.
In nomine sancte et individue Trinitatis. Karolus gracia Dei rex. Cum peticionibus servorum Dei justis et rationabilibus divini cultus amore favemus, superna gracia muniri non difidimus. Notum sit igitur omnibus fidelibus sancte Dei Ecclesie et nostris, presentibus scilicet atque futuris, quia illuster comes noster Lambertus et monasterii sancti Albini rector, culminis nostri adiens sublimitatem, humiliter petiit ut quasdam villas ejusdem abbatie, per preceptum imperialis auctoritatis domni et genitoris nostri Hludowici piissimi augusti canonicis ipsius loci deputatas, denuo per celsitudinis nostre scriptum nos etiam eisdem usibus perpetua lege habendas easdem confirmare dignaremur. Quarum scilicet villarum ista sunt nomina: Maironnus, Clementiniacus, Sabiacus, Papirius, Multonacus, Monasteriolum et vinea que infra consistit monasterium, piscationem a porta Canciacense usque ad insulam que nuncupatur Jurelista, et hoc pro annis singulis constituit ut dentur pretaxatis fratribus ex villa Justiniaca de sale modios centum. Preterea etiam, ad peticionem ejusdem dilecti nobis comitis, addidimus ipsis his villis etiam que app[e]llatur Ladriacus cum appendicio suo Pristiniaco. Unde etiam, veluti presignatum est, altitudinis [nostre] preceptum hoc fieri jussimus, per quod precipimus atque firmamus ut prenominate res, cum omni integritate et sine cujuspiam rectorum prefati loci minoratione, usibus et stipendiis Dei servorum in eodem loco Christo famulantium deputate habeantur nullique liceat eas in alios preterquam a nobis constituitur usus retorquere, sed quicquid exinde rationabiliter fieri aut exigi potest necessitatibus ipsorum omnimodis prebeat supplementum et domibus claustrisque eorum prosint, si forte deciderint, in restauramentum. Interea etiam constituimus ut numerus fratrum ultra quadragenarium et quinarium numerum ab aliquo eorum abbate ullo umquam tempore non augeatur. Et ut hoc nostre auctoritatis preceptum firmius habeatur et per futura tempora a successoribus illius et fidelibus sancte Dei Ecclesie melius credatur et diligentius conservetur, de anulo nostro subter jussimus sigillari.
....................................et s. (Signum recognitionis)
Signum (Monogramma) Caroli gloriosissimi regis.
(Locus sigilli).
Data VII kal. julii, anno X regnante Carolo gloriosissimo rege, indictione XII. Actum Ausenivilla. In Dei nomine feliciter. Amen.