852, 6 septembre. — Angoulême.
Charles le Chauve, à la prière de Launus, évêque d'Angoulême, qui gouverne actuellement le monastère de Saint-Cybard, confirme l'affectation exclusive qu'a faite ce prélat aux besoins des clercs du monastère des biens suivants: en Angoumois, Magnac-sur-Touvre, «Vivenacum», Vénat(?) avec les maisons sises en vue de Saint-Cybard, des terres en friche et des viviers à «Monterio», un manse à Fissac (?), Rouillac sur la Nouère, «Baudidanem villam», à Champmillon les biens provenant de feu Raoul (Radulfus) et ceux qu'ont donnés Dructannus et le diacre Samuel, Genac, «Condolon» avec le Petit-Rouillac (cum Ruliaco minore), l'église et deux manses à Torsac, «Sertorovillam»; en Périgord, «Louon» sur la Lisone et Trémolac sur la Dordogne; en Saintonge, «Montemvillam», Bassac, deux manses à Triac et des terres en friche à «Verlena» données par Adroldus.
A. Original perdu.
B. Copie de la fin du xiie s., dans le cartulaire de l'église d'Angoulême, Archives de la Charente, G 330, fol. 66v°, n° cxl, sous le titre: «De iis que episcopus Launus dedit aecclesie sancti Eparchii».
C. Copie du xie ou du début du xiie s., transcrite à la suite de la chronique d'Adémar de Chabannes, Bibliothèque nationale, ms. lat. 5927, p. 263, sous le titre: «Domnus rex Karolus de castro Fronciaco ad Egolismam revertitur ubi firmavit Sancti Eparchii preceptum».
D. Copie interpolée du xiie s., dans le cartulaire de Saint-Cybard d'Angoulême anciennement côté AAA, Archives de la Charente, H1 1, fol. 16.
E. Copie du xviie s., par Besly, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 841, fol. 27, d'après C.
F. Copie du xviie s., par le P. Jacques Sirmond, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 139, p. 417, d'après C.
G. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 38, fol. 126v° (la suite est au fol. 126r°), d'après C.
H. Copie de l'année 1474, dans le cartulaire de Saint-Cybard anciennement coté G, Archives de la Charente H1 10, fol. 1, d'après D.
I. Copie du xve ou du xvie s., dans le cartulaire de Saint-Cybard anciennement coté CCC, Archives de la Charente, H1 3, fol. 1 (feuillet ajouté), d'après D.
J. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12778 (Miscellanea monastica), fol. 56, d'après D.
K. Copie du xviie s., par A. Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 75, fol. 86, d'après D, probablement par l'intermédiaire d'une autre copie.
L. Copie du 4 mai 1787 par Berthe, feudiste de Saint-Cybard, Bibliothèque nationale, Collection Moreau, t. I, fol. 221, d'après D, avec un fac-similé de quelques mots.
M. Copie du 1er août 1789, Bibliothèque nationale, Collection Périgord, vol. 34, fol. 362, d'après D.
a. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 521, n° cx, «ex schedis mss. Bibliothecae S. Germani a Pratis», édition partielle dérivée de D.
b. Nanglard, Cartulaire de l'église d'Angoulême, p. 128, n° cxxxvi, d'après B.
c. Paul Lefrancq, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Cybard, p. 1, n° 31, d'après D.
d. Paul Lefrancq, ibidem, p. 15 de l'Avant-propos, d'après B, F et a.
Indiqué : Adhémar de Chabannes, Chronique, l. ii, ch. 1, éd. Chavanon, p. 70.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 234.
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1633.
Ce diplôme nous est parvenu sous quatre formes différentes. La chancellerie de Charles le Chauve l'avait sans doute expédié en double exemplaire. Une des deux expéditions originales fut remise à Launus, évêque d'Angoulême, et déposée par lui dans les archives de l'église cathédrale. Cette expédition fut recopiée au xiie siècle dans le cartulaire de l'église d'Angoulême. Nous admettons la sincérité de cette transcription (B) de laquelle le copiste a seulement retranché une formule de style avant la corroboration. L'église d'Angoulême n'avait pas intérêt à provoquer l'interpolation d'un diplôme royal pour faire reconnaître à Saint-Cybard des droits réels ou prétendus outre ceux que l'acte lui reconnaissait en effet.
L'autre expédition fut remise à Saint-Cybard et c'est dans les archives de ce monastère qu'en eut connaissance Adhémar de Chabannes ou plus probablement le moine qui interpola la chronique mise sous le nom d'Adhémar et telle que nous l'a transmise le manuscrit latin 5927 de la Bibliothèque nationale (ms. A de Chavanon). L'auteur cite notre diplôme en l'attribuant à Charlemagne et à l'année 769. Reproduisant le texte des Annales Laurissenses majores, il raconte comment Charles, après avoir célébré la fête de Pâques (2 avril) à Rouen, se rendit en Aquitaine pour étouffer la rébellion d'Hunald, construisit le château de Fronsac sur la Dordogne, se fit livrer Hunald et — c'est ici que commence l'addition angoumoisine aux Annales de Lorsch — «rediit ad Egolismam, ubi, postulante Launo episcopo, fecit in monasterio sancti Eparchii auctoritatem precepti de terris que ibi sine contentione erant, id est super fluvium Tolveram Magnacum, Juvenacum (identifié par Chavanon, dont nous suivons l'édition en corrigeant la ponctuation, avec Jovignac, Charente, arr. et con Confolens, cne Oradour-Fanais. Corrigez Vivennacum), Vasnacum, Monterionem, Visacum, Roliacum super fluvium Nostram, Baudidanem villam, Camilon, Cavannacum, Ulciacum, Roliacum minorem, Torciacum, Sertis, Tomolatum super fluvium Dornoniam, Montem villam et Baciaco cum suis attinentiis. Quod preceptum Bartolomeus cancellarius ejus scripsit et ipse dominus rex manu sua firmavit et de anulo suo sigillavit. Erat eo tempore in ipso monasterio sancti Eparchii canonicalis habitus. Inde gloriosus rex Carolus reversus est in Franciam.» Ici reprend le texte des Annales. Les huit premières localités énumérées par le pseudo-Adhémar, jusqu'à Champmillon inclusivement, répondent à celles de la copie B et se suivent dans le même ordre. Cavannacum (Chavenat, arr. Angoulême, con La Vallette) a remplacé Gainacum (Genac, arr. Angoulême, con Rouillac) et Ulciacum, Condolon. Les deux textes mentionnent ensuite Roliacum minorem et Torsac. Adhémar remplace Sertorovilla par Sertis, omet Louon, signale enfin comme le cartulaire d'Angoulême Trémolat, Montville et Bassac. Il omet Triac et Verlana. Les omissions mises à part, comment expliquer les substitutions? Il est possible que les deux mots Sertorovilla et Sertis désignent la même localité. Quant au remplacement de Genac par Chavenat et de Condolon par Uzac, P. Lefrancq a sans doute vu juste en supposant que l'auteur «ne se rendant pas compte du lieu auquel correspondait Gainacum et Condolon les a... remplacés par Cavannacum et Ulciacum» qu'il connaissait fort bien. C'est en somme une identification proposée par le pseudo-Adhémar de deux localités dont les noms n'éveillaient aucune résonance dans son esprit avec deux autres qui faisaient partie du domaine de Saint-Cybard au moment où il écrivait. On ne saurait donc parler ici à proprement parler d'interpolation.
L'interpolation commence sous une forme très discrète avec la copie C transcrite à la suite de la chronique du pseudo-Adhémar. Ne s'apercevant pas ou ne voulant pas s'apercevoir de la substitution de Chavenat à Genac, le copiste a ajouté Chavenat à l'énumération sans supprimer Genac, mais sous une forme maladroite qui trahit sa fraude, «in Cavanaco villam cum suis».
Enfin, le diplôme a été complètement remanié après la transcription signalée ci-dessus, peut-être au temps de l'abbé Hugues (1098-1130). (Cf. J. de La Martinière, Saint-Cybard, étude critique d'hagiographie, vie-xiie siècles, p. 249-250, et Lefrancq, ouvr. cité, p. 19). Dans le dessein de faire remonter à Charlemagne à qui le diplôme était attribué les titres de propriété du monastère, on y inséra pêle-mêle les noms des localités qui à l'époque du remaniement faisaient partie du patrimoine de l'établissement ou au moins de la mense conventuelle. C'est dans cet état qu'il fut transcrit dans le cartulaire de Saint-Cybard (D). On ne saurait dire si les trois gloses narratives concernant l'inhumation des parents de saint Cybard à Trémolat (Adhémar de Chabannes, Chronique, l. 3, ch. 36, éd. Chavanon, p. 159), la fondation du monastère de Saint-Étienne de Bassac et le miracle de Dignac ont été incorporés au texte au moment du remaniement ou lors de la transcription dans le cartulaire.
Texte établi d'après BCD. Nous suivons l'orthographe de B.
In nomine sanctȩ et individuȩ Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Quicquid pro utilitate servorum Dei efficere contendimus, profuturum nobis ad futurȩ felicitatis vitam obtinendam nullatenus dubitamus. Itaque notum sit omnibus sanctȩ Dei Aecclesiȩ fidelibus et nostris, presentibus atque futuris, quia venerabilis vir Launus, Aequalismȩ episcopus aecclesiȩ, ad nostram accedens excellentiam, innotuit qualiter sancti Eparchii monasterii, sui siquidem regiminis, clericis villas quasdam usibus eorum habendas contulerit et stipendiis eorum perpetua lege tenendas deputaverit. Unde firmitatis gratia altitudinis nostrȩ quoque peciit ex eodem negocio preceptionem. Nos, inquam, rationabilem petitionem ejus clementer audientes, confirmationis preceptum hoc fieri jussimus et easdem res eidem inscribi pleniter fecimus, hoc est: in pago Ȩqualismense, super fluvium Tolveram Magnacum, Vivennacum, Vasnacum cum eorum appendiciis, mansiones etiam que sunt in aspectu ipsius sancti Eparchii monasterii, et in Monterione terras apsas cum piscinis, in Visaco mansum unum, Roliacum quoque super fluvium Noiram cum suis attinenciis, Baudidanem villam, et de Camelon collationem quondam Radulfi et illas res quas Dructannus et Samuel diaconus per instrumenta cartarum eidem monasterio contulerunt, Gainacum siquidem et Condolon cum Ruliaco minore et in Torciaco aecclesiam cum mansis duobus, Sertorovillam cum suis appendiciis; in pago vero Petragorico, super fluvium Nisonnam Louon cum suis appendiciis, Tomolatum super fluvium Dordoniam, et in pago Sanctonico, Montemvillam et Baciacum cum suis attinentiis, et in Triaco mansos duos, et in Verlena terras apsas, collationes Adroldi. Has denique res superius dictas sancti Eparchii monasterii clericorum usibus et stipendiis haberi deputatas omnino confirmamus, videlicet ut nulli liceat aliquo modo, supradictȩ civitatis episcopo aut alii cuilibet personȩ, exinde aliquid ab eis subtrahere aut minuere, sed quicquid ex eisdem rebus juste ac rationabiliter fieri potest secundum proprii pontificis canonicam administrationem usibus et stipendiis atque diversis utilitatibus supradicti loci clericorum perpetua lege inviolabiliter delegentur, quatinus sine aliqua intolerabili necessitate pro nostra et omnis populi christiani salute divinam misericordiam cotidianis precibus eos exorare delectet. Ut autem hec altitudinis nostrȩ confirmatio semper in Dei nomine meliorem habeat vigorem, manu nostra eam subter firmavimus et de anulo nostro eam sigillari jussimus.
Bartholomeus ad vicem Ludovici recognovit.
Data VIII id. septembr., indictione XV, in anno XIII regni Karoli gloriosissimi regis. Actum est in Equalisma civitate. In Dei nomine. Amen.