852 ou 853, 21 juin. — Ponthion.

Charles le Chauve, renouvelant à la prière de l'abbé Arnoul (Arnulfus) un précepte de Louis le Pieux, confirme au monastère d'Aniane, situé dans le «pagus» de Maguelonne, la possession des biens suivants: dans le «pagus» de Lodève, la «cella» de Gellone avec les lieux appelés «Magaranciate» et «Castra»; dans le Biterrois, le fisc appelé «Miliacus» avec l'église dédiée à saint Pargoire et la «villa Militiano», dans le même «pagus», la «villa» de Cissan; aux confins du Rouergue et du Nimois les alpes appelées «Jaullo» et le lieu dit «Auraria»; dans le «pagus» de Maguelonne, le «castrum» de Montcalmès, sur l'Hérault, avec l'église dédiée à saint Hilaire, Le Causse-de-la-Selle, également sur l'Hérault, [Saint-Jean-de-] Combajargues et «Paliares», à Saugras, la «cella» bâtie par les moines, dans le fisc de Juvignac, Celleneuve et deux moulins sur le Lez; Porquières, entre l'étang [du Grec] et la mer, «Illos segos», la pêcherie et le rivage qui en dépendent, le fisc voisin de Sète, rattaché au «pagus» d'Agde, jusqu'au lieu dit «Caraiacum»; dans le Narbonnais, les salines situées au lieu dit «Ad signa»; dans la ville d'Arles, la «cella» dédiée à saint Martin avec tout ce qui en dépend dans les «pagi» d'Arles et d'Avignon, le lieu appelé «Murenatis» dans le «pagus» d'Orange, la «villa» appelée «Massatia», enfin dans le «pagus» d'Uzès, la «cella» de «Casanova»; accorde au monastère l'immunité, lui abandonne le produit des droits susceptibles d'être perçus sur ses biens par le fisc et concède aux moines la liberté des élections abbatiales.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-860), Vol. 1, Paris, 1943, no155.

A. Original perdu.

B. Copie du xiie s., dans le cartulaire d'Aniane, Archives de l'Hérault, série H, fonds d'Aniane, fol. 20, probablement d'après A.

C. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12660 (Monasticon Benedictinum, t. III), fol. 234, d'après une copie authentique de l'original sous les sceaux de l'officialité et de la cour royale de Montpellier, en date du 8 novembre 1314, déposée au Trésor des Chartes, aujourd'hui perdue.

D. Copie du xviie s., par Jean Besly, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 81, fol. 395, d'après la même source que C.

E. Copie du xviie s., par A. Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 56, fol. 306 bis, d'après la même source que C et D.

F. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 13816, fol. 64 (anc. 54), d'après B.

G. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12660, fol. 61, d'après B.

H. Copie du xviie s., ibidem, fol. 114 v°, d'après G.

I. Copie médiocre du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 19, fol. 163, d'après B.

a. Histoire générale de Languedoc, t. I, col. 100, n° lxxvii, d'après B et la copie perdue de 1314.

b. Recueil des historiens de la France, t. viii, p. 525, n° cxiv, d'après B, probablement par l'intermédiaire de F et G.

c. Teulet, Layettes du Trésor des chartes, t. I, p. 11, n° 9, d'après a.

d. Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. II, col. 290, n° 142 (lxxvii), d'après a.

e. Cassan et Meynial, Cartulaire d'Aniane, p. 57, n° xi, d'après B.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 236.

Indiqué : Böhmer, Regesta n° 1639.

Ce diplôme est daté du 21 juin de la 13e année du règne. Si l'on admet que les notaires de la chancellerie changeaient régulièrement l'année du règne le 20 ou le 21 juin, il faudrait le dater du 21 juin 852. Mais cette rigueur ne semble pas avoir été coutumière. D'autre part, le chiffre 1 convient à l'indiction de 853. Les renseignements fournis par les sources narratives sur l'itinéraire du roi sont insuffisants pour justifier une décision. Il n'est pas contradictoire d'admettre qu'ayant quitté Quierzy où il se trouvait en mai 853, Charles se soit rendu à Ponthion (Marne, arr. Vitry-le-François, con Thiéblemont) et ait gagné ensuite Ouanne (Yonne, arr. Auxerre, con Courson) où il était le 30 juin (voir le diplôme suivant).

L'existence d'un diplôme de Charles le Chauve en faveur de l'abbaye d'Aniane délivré à la date indiquée et portant confirmation de biens, de l'immunité et de la liberté des élections abbatiales ne saurait être sérieusement contestée. Mais on peut se demander si ce même diplôme n'a pas été remanié et interpolé, au moins dans la partie où sont énumérés les biens de l'abbaye. Il se situe dans la série de ceux que la querelle entre Aniane et Gellone a rendu suspects et que les moines du premier établissement auraient plus ou moins refaits en vue de refuser à Gellone son indépendance. Ce n'est pas ici le lieu de retracer cette querelle à laquelle W. Pückert a consacré un volume compact (Aniane und Gellone..., Leipzig, 1899) et dont P. Tisset a repris le récit (L'abbaye de Gellone au diocèse de Lodève..., Paris, 1933). Les deux érudits donnent tort à Aniane et concluent au bien-fondé des prétentions de Gellone à l'indépendance. Si l'on se rangeait à leur opinion, il faudrait considérer comme interpolés non seulement le passage «quandam cellam nuncupantem Gellonis...», mais l'énumération des biens qui se retrouvent dans le patrimoine de Gellone. Il suffira ici de considérer le diplôme de Charles en lui-même et de le rapprocher du diplôme de Louis le Pieux en date du 21 octobre 837 (Böhmer-Mühlbacher, Die Regesten, n° 970 [931]; publié dans le Recueil des historiens de la France, t. VI, p. 615, n° ccxxxi), qu'il confirme et dont il reproduit les termes en les abrégeant quelque peu. Les arguments invoqués par Pückert (ouvr. cité, p. 165-166) et P. Tisset (ouvr. cité, p. 67-68) contre la sincérité du diplôme de Charles le Chauve se ramènent à ceci. L'auteur du diplôme mis sous le nom de Charles a négligé de faire les transpositions et les adaptations nécessaires. Dans le passage «quantumcumque in eisdem locis genitor noster quondam ad suum habuit opus», Charles prend à son compte ce qui n'était vrai que dans la bouche de Louis le Pieux relativement à Charlemagne. Plus loin, Charles emploie l'expression «cellam juris nostri» à propos de la cella de Saint-Martin d'Arles, alors que cet établissement, donné à Aniane par Louis le Pieux, ne lui avait jamais appartenu. Comment Charles d'autre part aurait-il pu confirmer le monastère dans la possession de biens situés dans les «pagi» d'Arles, d'Avignon, d'Orange et d'Uzès, et leur étendre le bénéfice de l'immunité alors que ces territoires échappaient à sa souveraineté? L'inadvertance semblerait trop forte pour être expliquée par une simple bévue du rédacteur. Si l'on ajoute que le diplôme de Louis le Pieux confirmé prête lui aussi à la critique, on conclura que les deux textes ont été refondus en même temps et harmonisés. Un jugement définitif ne saurait être porté qu'après une révision attentive de tout le dossier de la querelle entre Aniane et Gellone.

Les copies CDE représentant une tradition indépendante de B, nous avons tenu compte de leurs leçons bien qu'elles s'avèrent moins bonnes que celles de B. L'orthographe est celle de B, sauf indication contraire. Les passages imprimés en petit texte sont empruntés au diplôme de Louis le Pieux signalé plus haut.

In nomine sancte et individuae Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si bene gesta erga loca divinis cultibus mancipata progenitorum nostrorum auctoritatis nostre preceptionibus confirmamus, regie celsitudinis opera frequentamus. Itaque notum sit omnibus sancte Dei Ecclesie fidelibus et nostris, presentibus atque futuris, quia Arnulfus venerabilis abba monasterii quod dicitur Aniana, situm in pago Magdalonense, in nostram veniens presentiam, obtulit reverentie nostre quoddam preceptum per quod domnus et genitor noster dive memorie Ludovicus imperator quasdam res prenominato monasterio ob amorem Dei et reverentiam sanctorum quorum ibi coluntur reliquie in jus ecclesiasticum tenendas delegavit atque contradidit, id est quandam cellam nuncupantem Gellonis, sitam in pago Lutovense, cum loco qui dicitur Magaranciate seu et qui vocatur Castra cum terminis et adjacentiis suis; et in pago Biterrense fiscum qui dicitur Miliacus cum ecclesia sancti Paragorii et Militiano villa cum omnibus apendiciis et adjacentiis suis, et in eodem pago villam Cincianum cum apendiciis et adjacentiis suis; et inter confinia de pago Rutenico seu Nemausense alpes quas dicunt Jaullo et locum qui dicitur Auraria ab omni integritate cum terminis et adjacentiis suis; et in pago Magdalonense castrum quod dicitur Monte Calmense situm juxta fluvium Araur cum ecclesia sancti Hylarii, et super prefatum fluvium Caussinum cum villulis et aspicientiis suis, et in alio loco Commaiacas seu Paliares cum finibus et adjacentiis suis, et in loco qui dicitur Sogradus cellulam quam ipsi monachi aedificaverunt, et in ipso pago in fisco nuncupante Juviniaco locum qui vocatur Nova Cella et molina duo infra ipsius fisci terminum super fluvium Leto, et inter mare et stagnum locum qui vocatur Porcarias, et in ipso pago Illos segos cum piscatoria et plagis maris, et fiscum adherentem illis qui nuncupatur Sita, qui est inter mare et stagnum et subjungit pago Agatensi cum mancipiis et omnibus piscatoriis et aspicientiis seu adjacentiis suis usque ad locum qui dicitur Caraiacum quantumcumque in eisdem locis genitor noster quondam ad suum habuit opus; et in pago Narbonense salinas que sunt in loco nuncupante Ad signa cum terminis et laterationibus suis; insuper et cellam juris nostri que est constructa in honore sancti Martini infra muros civitatis Arelatensis cum omnibus que ad eam in eodem pago Arelatensi vel Avinionensi pertinent, et locum qui est in pago Arausione vocabulo Murenatis, quicquid ad ipsum locum pertinet, et villam que dicitur Massatia cum omnibus apenditiis suis habentem plus minus mansos quadraginta, et est ex ratione predicte celle sancti Martini; et in pago Ucetico donavit genitor noster cellam suam que nuncupatur Casanova cum rebus sibi pertinentibus. Has denique res omnes cum apendiciis et adjacentiis earum a premisso domno et genitore nostro augusto Hludovico supra prefato monasterio collatas atque contraditas sine cujuspiam contradictione aut minoratione perpetuo a rectoribus ejusdem tenendas concedimus et altitudinis nostre precepto hoc confirmamus, precipientes atque jubentes ut nullus ex fidelibus sancte Dei Ecclesie ac nostris de prescriptis rebus prefato monasterio vel congregationi ibidem degenti a genitore nostro concessis aliquid abstrahere, ut supra signatum est, aut minuere temptet nec in ecclesias aut loca vel agros seu reliquas possessiones predicti monasterii quas moderno tempore per donationes genitoris nostri ac nostram confirmationem seu ceterorum fidelium juste possidere videtur in quibuslibet locis, quicquid ibidem propter divinum amorem collatum fuit queque etiam deinceps in jure ipsius sancti loci aut per nos aut per alios voluerit divina pietas augeri, ad causas audiendas vel freda exigenda, aut mansiones vel paratas faciendas, aut fidejussores tollendos nec homines ipsius monasterii tam ingenuos quamque servos qui super terram memorati monasterii residere videntur distringendos, nec ullas redibitiones aut inlicitas occasiones perquirendas, ullo unquam tempore ingredi audeat vel exactare presumat; et quicquid de rebus prefati monasterii fiscus sperare poterat, totum nos pro eterna remuneratione predicto monasterio concedimus, ut perpetuis temporibus in alimonia pauperum et stipendia monachorum ibidem Deo famulantium proficiat in augmentum; et quandoquidem divina vocatione supradictus abba et successores ejus de hac luce migraverint, quamdiu ipsi monachi inter se tales invenire potuerint qui ipsam congregationem secundum regulam sancti Benedicti regere valeant, per hanc nostram auctoritatem et consensum licentiam habeant semper eligendi abbates, quatinus ipsis servis Dei qui ibidem Deo famulari videntur pro nobis et conjuge proleque nostra et stabilitate tocius regni a Deo nobis commissi vel conservandi jugiter Domini misericordiam exorare delectetur. Et ut hec auctoritas confirmationis nostris futurisque temporibus, Domino protegente, valeat inconvulsa manere, manu propria subscripsimus et anuli nostri inpressione signari jussimus.

Signum (Monogramma) Karoli gloriosissimi regis.

(Chrismon) Bartolemeus notarius ad vicem Hludowici recognovit.

Data XI kl. julii, indictione I, anno XIII regnante gloriosissimo Karolo rege. Actum in Poncione fisco regio. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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