855, 25 septembre. — «Ad illum Casnum».
Charles le Chauve, à la prière de Raoul, évêque de Bourges, confirme l'affectation faite par celui-ci en faveur d'Evrard (Ebrardus), abbé du monastère de Saint-Sulpice, et de ses moines, pour subvenir aux besoins de ces derniers, des «villae» de Chenevières, Berry, «Gradenacum», Guilly, Buxeuil, Allogny, «Bladenaicum», Salbris, du cens de cent quatre-vingts livres de cire et de huit muids de miel qu'ont perçu le comte Gérard (Girardus) et les titulaires du comté à «Obunciacus», de biens sis à [Saint-Éloi de] Gy et à Vignoux, du bourg entier dans la cité de Bourges avec deux chapelles à l'exception de vingt terrains, de cinq moulins, de vignes attenant au monastère, d'un pré, du marché hebdomadaire et des foires, de Theillay, d'Orçay, de Méry, de Neuvy, de terrains et de biens jadis cédés en précaire à Orléans, de Baugy, de deux manses, l'un à Vasselay (?), l'autre à Vailly [ou Veuilly], d'un manse à «Casputeum», des nones et dîmes de la partie du patrimoine abbatial tenu par le comte, met les moines avec leurs biens sous la protection royale et celle de l'immunité, leur abandonne le produit des droits susceptibles d'être perçus sur leurs biens, leur accorde la liberté des élections abbatiales et le droit de porter directement leurs griefs devant le roi.
A. Original perdu.
B. Copie du xviiie s., par Dom Gérou, Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 2, fol. 7, avec fac-similé de la première ligne, du monogramme et de la ruche, d'après A.
C. Copie collationnée le 15 décembre 1531 par Jean de Morvillier, «lieutenant-général de Mons. le bailly de Berry», dans un Cahier des privilèges de Saint-Sulpice, Archives du Cher, 4 H 130, n° 1, fol. 1, d'après le cartulaire de Saint-Sulpice.
D. Copie du xviie s., peut-être par Dom Turpin, dans un cahier de papier contenant la copie des trente-deux premières chartes du Cartulaire A de Saint-Sulpice, ibidem, 4 H 9, fol. 1, sous le titre: «Carta de dono Caroli regis», d'après le même cartulaire.
E. Copie du xviie s., par Dom Charles Le Boyer, dans l'Historia monasterii Sancti Sulpicii Bituricensis, Bibliothèque nationale, ms. lat. 13871, p. 44, d'après le même cartulaire.
F. Copie informe de la première moitié du xvie s., Archives du Cher, 4 H 126, n° 4, étroitement apparentée à C.
G. Copie collationnée le 22 septembre 1531, ibidem, 4 H 130, n° 3, fol. 1.
H. Copie informe du milieu du xvie s., ibidem, 4 H 126, n° 3.
I. Copie informe de la deuxième moitié du xvie s., ibidem, 4 H 126, n° 2.
J. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 13819, fol. 344.
K. Copie partielle de 1674, par Dom Estiennot, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12743, p. 282, «ex cartulario Navensi».
L. Copie partielle du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12698, fol. 318.
a. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 542, n° cxxxv, «ex chartulario hujus monasterii», vraisemblablement d'après J, mais avec de nombreux amendements et corrections.
b. L. de Kersers, Essai de reconstitution du cartulaire de Saint-Sulpice de Bourges, dans les Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, vol. XXXV (1912), p. 21, n° i, d'après DEJL et une copie de Raynal.
c. J. de Font-Réaulx, Les restaurations de Raoul, archevêque de Bourges. Étude sur deux diplômes de Charles le Chauve, dans les Mémoires de la Société des antiquaires du Centre, vol. XXXVIII (1919), p. 17 du tirage à part, d'après BCDEF et I.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 243.
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1660.
Le parchemin conservé au xviiie siècle dans les archives de l'abbaye de Saint-Sulpice et considéré comme le titre original n'était en réalité qu'un pseudo-original. Les renseignements que nous possédons sur ses caractères externes ne suffiraient peut-être pas pour l'affirmer, encore que le format de la feuille, plus haute que large, — anomalie qui ne se rencontre que pour un petit nombre de diplômes sincères —, la place du monogramme intercalé selon B entre Karoli et gloriosissimi, la suppression de la conjonction et dans la souscription de chancellerie après le mot recognovit légitimeraient une certaine défiance. Celle-ci s'accroît surtout à la lecture du texte. L'incorrection grammaticale dépasse la mesure commune. La marche du discours est insolite et certaines clauses sont au moins surprenantes. «Dès les premières lignes, à la première mention du monastère, le roi rappelle que ce sont lui et ses prédécesseurs qui l'ont construit et ordonne que ce monastère restera toujours sous la protection royale. C'est là manifestement un passage interpolé, le premier fait étant d'ailleurs une erreur historique et la place d'une semblable clause n'étant jamais en un tel lieu». J. de Font-Réaulx à qui nous empruntons ces lignes tirées d'une pénétrante étude citée plus haut sous la lettre c aurait pu insister davantage encore sur la formule «eundemque locum nostro regimini addiximus», répétée à la fin du diplôme. Elle semble indiquer que le roi, non content de prendre le monastère sous sa protection, s'en était réservé l'administration. Or l'ensemble du texte semble bien prouver qu'avant l'intervention libératrice du métropolitain de Bourges le monastère de Saint-Sulpice n'était qu'un monastère épiscopal.
Le diplôme publié ci-après a deux objets distincts, une confirmation de donation et d'attribution à la mense conventuelle et en second lieu une concession d'immunité. Sur toute la première partie plane une équivoque. Il nous est dit que Raoul a donné «delegasset» les biens énumérés. Il s'agirait donc d'une véritable dotation. D'autre part, certains biens nous sont présentés comme faisant déjà partie du patrimoine du monastère «quicquid habet sanctus Sulpitius in Gaico et Vinogilo... nonas et decimas de parte ipsius abbacie quam comes possidet». Il ne peut être question dans ce cas que d'affectation à la mense conventuelle. Tout ceci ne s'explique que si l'on considère le monastère de Saint-Sulpice comme un monastère jusque-là épiscopal dont le patrimoine était à la disposition de l'évêque. Celui-ci s'en interdit désormais la jouissance et l'usage. Dans ce sens, on peut parler de dotation.
En ce qui concerne les interpolations dont le texte a été la victime, nous renvoyons à la dissertation de J. de Font-Réaulx. Pour apprécier celles qui ont trait au bourg de Saint-Sulpice, situé en réalité hors des murs de la cité, aux foires annuelles et au marché hebdomadaire, à l'exemption du portaticum, du rotaticum et du foraticum, il faut rapprocher le diplôme de Charles le Chauve d'un faux mis sous le nom de Clodomir (L. de Kersers, Essai de reconstitution..., n° ii, p. 28), d'un autre faux attribué à Louis le Pieux (ibidem, n° xxxix) et d'un diplôme de Louis VII de 1168-1169 (ibidem, n° lxxv; cf. Luchaire, Études sur les actes de Louis VII, n° 552). — Nous nous associons également à la condamnation portée par J. de Font-Réaulx contre les deux dernières clauses, recours au roi et prière adressée aux évêques de Bourges, moins à cause de leur nature que des termes dans lesquels elles sont formulées.
Quelles que soient l'étendue et la portée des remaniements et des interpolations, il semble bien qu'il y ait eu un diplôme réellement expédié par la chancellerie le 25 septembre 855 confirmant une dotation consentie par Raoul au monastère de Saint-Sulpice, le plaçant sous la protection royale et à l'abri de l'immunité et lui conférant la liberté des élections abbatiales. Sa caution réside dans le diplôme pour Saint-Benoît-sur-Loire (n° 177), reconnu par le même notaire et daté du même jour et du même lieu, sans qu'on puisse discerner aucun emprunt de formulaire d'un des deux actes à l'autre. J. de Font-Réaulx perçoit également dans le diplôme pour Saint-Sulpice un écho de l'instruction donnée aux missi à Soissons en avril 853, mentionnée plus haut sous le n° 152 (Capitularia, t. II, p. 266) dont l'article 1er prescrit la restauration des monastères appauvris. Ce capitulaire serait le «constitutum nostrum» qui aurait incité Raoul à assurer la subsistance des moines. A l'article 6 du même capitulaire, prescrivant aux missi de faire une enquête sur les biens ecclésiastiques [détenus par des laïques], «unde nonae et decimae solvi debent et non solvuntur; ut persolvi ab easdem res retinentibus faciant» se rattacherait le dernier terme de l'énumération des biens et droits reconnus à Saint-Sulpice. Peut-être la proposition relative, «ex quibus [monachis] non modicam turbam inibi nostrae auctoritatis consensu collegeramus (Corrigez collegerat)» est-elle une allusion à une autre disposition: «Numerum... monachorum... nobis referant ut... ubi minor numerus fuerit, nostra auctoritate addamus.»
Il y a une analogie frappante entre ce diplôme et le diplôme pour Dèvre (n° 42) que nous avons daté de mai 844. Dans les deux cas, la disposition générale est la même, les préambules, notifications, formules du dispositif sont superposables. L'analogie est d'autant plus évidente que les mêmes anomalies se retrouvent de part et d'autre. La clause annoncée par les mots sed liceat qui figure en général dans les diplômes d'immunité après l'interdiction aux officiers royaux de pénétrer dans les domaines de l'immuniste est reportée ici et là avant la clause d'interdiction et est introduite d'une façon différente «sed cum omni integritate». Dans les deux cas, le mot fiscus est supprimé dans la formule d'abandon des droits fiscaux.
Trois solutions sont possibles. Ou bien le diplôme pour Dèvre est un faux dont le rédacteur a utilisé le diplôme pour Saint-Sulpice; ou bien c'est celui-ci qui est un faux bâti sur le modèle de celui de Dèvre; ou bien, et c'est l'opinion de J. de Font-Réaulx à laquelle nous nous rallions, le diplôme pour Dèvre, simple monastère épiscopal, a été apporté par Raoul à la chancellerie qui s'en est inspirée pour rédiger le diplôme pour Saint-Sulpice, à moins que le texte, rédigé sur le modèle de celui de Dèvre, n'ait été apporté tout préparé.
Le même auteur place les interpolations et la confection du pseudo-original dans la deuxième moitié du xe siècle, époque «où l'abbaye n'eut guère à se louer des successeurs de Raoul... En 983... l'archevêque Hugues restituait à l'abbaye les églises de Berry, Saint-Éloi-de-Gy, Allagny, Vasselay dont justement il est fait mention dans le diplôme... Ces biens lui avaient été enlevés par Richard Ier (953-956) et Hugues, son neveu, s'était fait complice de sa faute». Il est certain d'après le texte du diplôme que les moines appuient leurs revendications contre les prétentions archiépiscopales sur l'autorité royale à l'abri de laquelle ils se placent (voir plus haut).
In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Dum justis et rationabilibus servorum Dei [2] postulationibus benignum commodamus assensum, regie dignitatis debitam exercemus consuetudinem, apud eternam vitam et beatitudinem etiam hoc ipsum rependi non dubitamus. Quapropter comperiat omnium sancte Dei Ecclesie nostrorumque fidelium, presentium scilicet futurorumque, solertia quia adiens nostram mansuetudinem Rodulphus, Bituricensis ecclesie venerabilis episcopus, intulit mentionem serenitati nostrae de monasterio almi presulis Sulpitii quod situm est in suburbio Biturige civitatis, <quod dudum nos et antecessores nostri reges Francorum construxeramus eundemque locum nostro regimini addiximus semperque eum sub nostra omniumque regum tuitione esse volumus et confirmamus,> scilicet quod quasdam villas in eodem cenobio ad stipendia monachorum <ex quibus non modicam turbam inibi nostrae auctoritatis consensu collegeramus> delegasset, ex quibus jam illis privilegium sua multorumque procerum manibus secundum constitutum nostrum corroboraverat, ordinans ut venerabilis eorum abba Ebrardus ejusque successores haberent unde eorum utilitatibus et stipendiis necessaria satis subministrare potuissent, hoc est Canabarias cum omnibus appenditiis, Bariacum cum appenditiis et ecclesia, Gradenacum cum appenditiis et quinque ecclesiis, Gilliacum cum appenditiis et duabus ecclesiis, Buxogilum cum appenditiis et ecclesia, Oliniacum cum appenditiis et ecclesia, Bladenaicum cum capella, Salebrivas cum appenditiis et ecclesia, <censum quod Girardus comes sive quicunque comitatum habuerint de Obunciaco villa, id est CLXXX libras cere et VIII modios mellis, quicquid habet sanctus Sulpitius in Gaico et Vinogilo, burgum totum in civitate Bituricas cum capellis duabus, exceptis areis XX, molendinos quinque, vineas ipsi monasterio adherentes et pratum et mercatum septimanarium et feras totas,> Teileidum cum appenditiis et ecclesia, Orciacum cum capella, Madiracum cum ecclesia, Novum vicum cum appenditiis et ecclesia, <areas in Aurelianis civitate cum appenditiis et ecclesia, precarie que retro facte fuerunt>, Balgiacum et ecclesia cum duobus mansis, mansos medionarios II in Basilica et Vidiliaco, mansellum in villa Casputeum, nonas et decimas de parte ipsius abbacie quam comes possidet. Unde petiit isdem pontifex nostre celsitudinis clementiam ut predicto Ebrardo et monachis sub se consistentibus nostre auctoritatis preceptum super hanc suam constitutionis delegationem facere dignaremur, quatenus ipsi monachi eorumque successores perpetualiter memoratas res omnesque alias quas fideles pro Dei amore et sancti Sulpitii eidem loco condonaverint deinceps absque cujuslibet inquietudine aut diminoratione tenere valerent eosdemque monachos cum omnibus rebus eorum et mancipiis more paterno sub nostre deffensionis mundeburdo et immunitatis tuicione recipere dignaremur. Cujus petitionem ob amorem Dei et reverentiam prelibati sancti confessoris Sulpitii libenter amplexi sumus et hanc nostram auctoritatem illis fieri jussimus, per quam statuimus atque firmamus ut predicti monachi suprascriptas res cum omni integritate ad eorum stipendia deputatas perpetuo teneant atque possideant, remota totius inquietudinis molestia, simul etiam propter divinum amorem et monachorum ibidem degentium quietem suscepimus eos cum omnibus rebus eorum, quas presenti tempore habere noscuntur et quas deinceps divina pietas augere voluerit, sub plenissima deffensione et immunitatis tuicione nostra, ita duntaxat ut successores memorati episcopi, qui Biturigensem ecclesiam post eum sub sui regiminis cura habituri sunt, nichil de suprascriptis rebus habeant minuendi licentiam, scilicet <neque de modernis neque de in futura Dei dispensatione dandis vel monachorum labore recipiendis, sed> cum omni integritate sub pretextu nostre majestatis eas quiete possideant et in eorum usus perpetuo jure consistant, remoto inique dominationis fastu. Interea precipientes jubemus ut nullus judex publicus neque quislibet ex judiciaria potestate nec ullus fidelium nostrorum in ecclesias vel loca vel agros seu possessiones predicti loci quas moderno tempore possidere noscuntur vel quas deinceps adepturi sunt in quibuslibet pagis et territoriis ad causas audiendas vel freda exigenda, aut mansiones vel paratas faciendas, vel ad fidejussores tollendos nec homines illius loci tam ingenuos quam et servos qui supra terram sancti Sulpitii residere videntur distringendos, nec ullas reddibitiones aut illicitas occasiones requirendas, ullo unquam tempore ingredi audeant vel ea que supra memorata sunt <portaticum vel rotaticum vel foraticum> penitus exigere presumat; quicquid vero ex rebus prefati sancti exigi vel adquiri poterit, concedimus perhennis temporibus ut ad stipendia monachorum ibidem Deo famulantium et alimoniam pauperum proficiat in augmentum; et quandoquidem divina vocatione supradictus abba vel successores ejus de hac luce migraverint, per hanc nostram auctoritatem regiam cunctis temporibus licentiam habeant eligendi abbates secundum regulam sancti Benedicti, quatinus ipsos servos Dei qui ibidem Deo famulari videntur pro nobis, conjuge proleque nostra ac stabilitate regni nostri a Deo nobis collati adtentius Domini misericordiam exorare delectet. <Concessimus preterea jam dictis Dei famulis ut, si quis aliquam lesionem illis vel loco contra hanc nostre auctoritatis preceptionem inferre presumpserit, liceat illis cum fiducia regiam proclamare auctoritatem et palatium petere suamque querimoniam regiis auribus impune patefacere. Inter hec vero cunctos Biturige urbis episcopos obsecramus et per divinum judicium obtestamus ut, quia tantum locum nostro regimini addiximus, illum semper digna veneratione excolant ejusque abbatis vel monachorum vitam vel ordinem non conturbent, immo consolentur, juvent et foveant ut ex hoc non supplicium, immo nobiscum premium a pastore pastorum accipere valeant.> Et ut hec nostre providentie auctoritas nostris futurisque temporibus Deo favente manere valeat inconvulsa, manu propria eam subter firmavimus et anuli nostri impressione adsignari jussimus.
Signum Karoli (Monogramma) gloriosissimi regis.
(Chrismon) Gislebertus notarius ad vicem Hludovici recognovit (Signum recognitionis).
Data VII kal. octob. anno XVI, indictione III, regnante Karolo gloriosissimo rege. Actum ad illum Casnum. In Dei nomine feliciter. Amen.