859, 17 juin. — Tusey.

Charles le Chauve, à la prière de Raoul (Rodulfus), évêque de Bourges, fondateur d'un monastère [Beaulieu en Limousin] gouverné par l'abbé Gérou (Gairulfus), prend ce monastère sous sa protection au titre de l'immunité à l'instar des monastères royaux, défend de lui réclamer aucune redevance sur ses moyens de transport et lui accorde la permission d'établir un marché à Sionac.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-860), Vol. 1, Paris, 1943, no207.

A. Original perdu.

B. Copie du xiie s., dans le Cartulaire de l'abbaye de Beaulieu, Bibliothèque nationale, ms. nouv. acq. lat. 493, fol. 8.

C. Copie du xviie s., par A. Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 56, fol. 247, d'après une copie de B.

D. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12858, p. 13, «ex chartul. D. Justel quod nobis concessit D. d'Herouval», d'après une copie de B.

E. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 17089 (ancien Bouhier 36), fol. 592 (p. 12 de la copie du cartulaire), d'après une copie de B.

a. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 555, n° cl, «ex chartulario hujus [Bellilocensis] monasterii», d'après D.

b. Deloche, Cartulaire de l'abbaye de Beaulieu, p. 15, n° v, d'après CDE et subsidiairement B.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 251.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1678.

Indiqué : J. de Font Réaulx, Diplômes carolingiens de l'abbaye de Beaulieu, dans Le Moyen Age, t. XLI (1931), p. 4 et suiv.

Les données de l'itinéraire laissent présumer qu'un diplôme a été réellement expédié par la chancellerie de Charles le Chauve en faveur du monastère de Beaulieu à la date indiquée, mais il est certain que la teneur de l'acte originel a été profondément remaniée au point de rendre méconnaissable la rédaction primitive. Les formules ne sont pas satisfaisantes, depuis le préambule jusqu'à la corroboration qui débute d'une façon tout à fait insolite: «Hoc autem factum nostrum et predicti venerabilis viri postulatio,» et où le monogramme royal n'est pas annoncé, en passant par les deux notifications exprimées l'une et l'autre dans un style étranger à la chancellerie et les deux incises maladroitement insérées dans la trame du discours: «ut jam dictum est», «ut prefatum est». — Raoul demande au roi un diplôme de mainbour. Or, au temps de Charles le Chauve, la protection royale est liée à l'immunité. Cette seconde faveur est bien annoncée par la formule aberrante «sub immunitatis titulo» (à corriger sans doute «sub immunitatis tuitione»), mais la clause d'immunité est remplacée par une formule apparentée à celle des diplômes d'exemption de tonlieux. D'autre part, la permission d'établir un marché à Sionac est une clause suspecte, d'autant plus qu'elle se retrouve dans un diplôme du roi Eudes du mois de juin 889, comme si les religieux obtenaient alors seulement pour la première fois cette autorisation. Notre jugement est donc conforme à celui de J. de Font-Réaulx (mém. cité sous la rubrique Indiqué). D'après le même auteur, le diplôme délivré le 17 juin 859, reconnu vraisemblablement par Folchricus, serait en réalité celui qu'on lira plus loin sous la date du 19 octobre 864, et le texte imprimé ci-dessous aurait eu pour point de départ un diplôme expédié à cette seconde date et souscrit par Hildeboldus. En d'autres termes, le remanieur aurait procédé à «une interversion des souscriptions et formules de chancellerie entre les deux diplômes». Aux arguments que présente l'auteur à l'appui de sa thèse, on peut en ajouter deux autres. Beaulieu est qualifié de cellula en 864, de monasterium en 859. L'ordre inverse serait plus logique. Si l'on admet la date de novembre 860 pour l'acte de dotation de Beaulieu par Raoul, on ne s'explique pas la proposition suivante du testamentum de Raoul: «Pro infestatione vero pessimorum iniquorumque hominum regium exposcimus mundiburdium...» (Deloche, Cartulaire..., p. 5, n° 1). Si le précepte de mainbour a été obtenu en juin 859, pourquoi le demander dix-sept mois plus tard? Concluons: en 859, ou beaucoup plus vraisemblablement en 864, Charles le Chauve, à la prière de Raoul, met le monastère de Beaulieu sous la protection royale et à l'abri de l'immunité. Plus tard, à une époque où la notion de l'immunité carolingienne s'était altérée, un faussaire remania le texte primitif, en altéra les formules, inséra des clauses supplémentaires, enfin intervertit souscriptions de chancellerie et dates.

Les copies CDE ne semblent pas dériver directement de B, mais d'un intermédiaire, probablement assez mal écrit, qui est peut-être le manuscrit de Justel mentionné par D.


In nomine sanctae et individuȩ Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si peticionibus bonorum virorum servitio Dei aptis adsensum prebemus, pre[de]cessorum nostrorum bonorum regum vestigia sectamur ac per hoc divinam clemenciam propensius nobis adesse confidimus. Idcirco noverit omnium, tam presentium quam et futurorum, sequencium nos sollercia quia adiit clementiam serenitatis nostrae venerabilis vir Rodulfus, Biturigȩ sedis antistes, ut monasterium quod ipse proprio sumptu aedificavit et de rebus hereditariis et a parentibus ad se delapsis nobiliter honesteque dotavit pro mercedis augmento et divini timoris et amoris intuitu in nostra defensione et tutela seu mundiburdo reciperemus, simulque ejusdem loci abbatem quem eidem loco prefecit nomine Gairulfum tam ipsum quam et successores ejus in nostro mundiburdo susciperemus. Cujus peticioni admodum quia justa et sancta est nobis adsensum, ut jam dictum est, prebere libuit, et ideo, ut prefatum est, sciat omnis sequens nos posteritas quia eundem locum et successores ejusdem loci sic in nostra protectione sub inmunitatis titulo suscipimus, sicut ea monasteria quȩ sive pre[de]cessores nostri de suo aedificaverunt sive a bonis viris aedificata sibi conservanda susceperunt. Precipimus ȩtiam ut nullus exactor vel judex publicus nec de navibus, nec de saginatibus, vel carris seu quibuslibet exactionibus undecumque fiscus aliquid exigere potest quicquam ab eis accipiat. Concedimus ȩtiam ut in Siviniaco vico sibi licentiam habeant mercatum construendi et quicquid inde exigetur eorum dominio deputetur. Ideoque nulli liceat eidem loco aliquam inferre jacturam vel de hisdem rebus ad eundem locum pertinentibus aliquid diminuere vel presumere, sed liceat vel eidem abbati vel successoribus ejus, seu monachis et presentibus et futuris eundem locum incolentibus, sub quiete et nostra defensione et futurorum regum Domino servire et pro anime nostrae absolutione seu regni stabilitate vel sanctȩ Aecclesie intemerata unitate Dominum enixius deprecari. Hoc autem factum nostrum et predicti venerabilis viri postulatio, ut pleniorem in Dei nomine obtineat vigorem et futuris successoribus nostris verius credatur, anuli nostri impressione jussimus sigillari.

S[ignum] (Karolus) gloriosissimi Karoli regis.

Data XV kl. julii, indictione VII, anno XVIIII regnante Karolo rege gloriosissimo. Actum Tusiaco supra Mosam. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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