841, 12 janvier. — Bourges.

Charles le Chauve, à la prière de l'évêque de Nevers, Hermand (Herimannus), qui lui a demandé un précepte sur le modèle de ceux que Charlemagne, Louis le Pieux et Pépin Ier d'Aquitaine avaient accordés aux évêques Jérôme et Jonas, lesquels préceptes rappelaient la spoliation de l'église de Nevers «tempore rebellionis» et la perte de ses titres, décide, à l'exemple de son grand-père et de son père, que la dite église jouira des mêmes garanties que si elle avait ses titres de propriété, la confirme dans la possession des biens restitués par Charlemagne à la demande de l'évêque Jérôme et de tous ses autres biens, renouvelle en sa faveur le privilège de l'immunité, <étant entendu que les chanoines seront justiciables de l'évêque, en défendant, sauf dans les actions criminelles, lesquelles seront de la compétence de leur avoué>, et abandonne à l'église de Nevers le produit des droits fiscaux susceptibles d'être perçus sur ses biens.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-860), Vol. 1, Paris, 1943, no2.

A. Original perdu.

B. Copie du xviiie s., par Fontanieu, dans sa transcription du Liber cartarum Nivernensis ecclesie sancti Cyrici, aujourd'hui perdu, Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 7819 (anc. Fontanieu 521), p. 1, sous le titre: «Generale privilegium», d'après la Carta Ia du Liber cartarum.

C. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 63, fol. 42, d'après la Carta Ia, signalée en B.

D. Copie du xviiie s., par Fontanieu, dans sa transcription du Liber cartarum Nivernensis ecclesie sancti Cyrici, Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 7819 (anc. Fontanieu 521), p. 247, sous le titre: «Tertium privilegium de omnibus rebus hujus ecclesie», d'après la carta XXX du Liber cartarum.

E. Copie de l'année 1710, par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 74, fol. 320, «ex chartulario ecclesiae Nivernensis, fol. 4 et 23 v°», d'après la carta Ia signalée en B, avec les variantes de la carta XXX signalée en D.

F. Copie du xviie s., par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 74, fol. 274, «I. II. XXX. conféré l'un sur l'autre», en réalité d'après la carta II du Liber cartarum signalée dans la note critique ci-après, avec les variantes de la carta XXX.

a. Mabillon, De re diplomatica, p. 527, n° lxxxii, «ex chartario Nivernensi», d'après la carta XXX du Liber cartarum signalée en D.

b. Le Cointe, Annales ecclesiastici Francorum, t. VIII, p. 645, d'après la carta Ia et la carta XXX, avec les leçons rejetées par l'éditeur en marge.

c. Gallia christiana, t. XII, instr., col. 297, n° ii, «ex chartulario Nivernensi», d'après la carta Ia.

d. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 428, n° iii, d'après a.

e. R. de Lespinasse, Cartulaire de Saint-Cyr de Nevers, p. 1, n° i, d'après BDE et une copie de la carta II signalée dans la note ci-après.

f. Levillain, Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II, rois d'Aquitaine, p. 67, n° xx, d'après les copies et les éditions signalées ci-dessus et les copies et les éditions de la carta II.

Indiqué : Georgisch, Regesta, t. I, col. 99.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 203.

Indiqué : Böhmer, Regesta Karolinorum, n° 1532.

Indiqué : Lot et Halphen, Le règne de Charles le Chauve, p. 21 et n. 7.

Toutes les copies et les éditions ci-dessus indiquées dérivent du cartulaire de Saint-Cyr de Nevers, Liber cartarum Nivernensis ecclesie sancti Cyrici, disparu dans la seconde moitié du xviiie siècle. Le cartulaire contenait deux textes à peu près semblables du diplôme du 12 janvier 841, la carta Ia et la carta XXX. En outre, la carta II du cartulaire, datée du 12 janvier 843, le reproduisait également, mais avec des additions qui font de cette réplique de notre diplôme un faux manifeste. Ces additions sont assez importantes pour justifier l'édition qui sera donnée de la carta II parmi les actes faux, à la date du 12 janvier 843.

Les leçons de la carta XXX l'apparentent étroitement à la carta II interpolée, et certaines des variantes de la carta XXX ne s'expliquent que si l'on suppose l'existence de la carta II. Le texte le plus voisin de l'original serait donc la carta Ia, bien que la carta XXX soit seule à nous donner la souscription de chancellerie et une formule de date correcte commençant par le mot Data.

Que Charles le Chauve de passage à Bourges le 12 janvier 841 ait accordé un diplôme à l'église de Nevers, nous le conclurons des données fournies par l'itinéraire du roi à la fin de 840 et au début de 841. Venant d'Orléans, Charles se rend à Nevers, et c'est là sans doute qu'Hermand sollicite le renouvellement des privilèges de son église, puis à Bourges où il rencontre Bernard de Septimanie (Nithard, II, 5, éd. Lauer, p. 50-51. Cf. Lot et Halphen, ouvr. cité, p. 21). Mais la carta Ia ne représente pas exactement le diplôme délivré par la chancellerie le 12 janvier 841. Comme l'a remarqué L. Levillain dans son Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II, p. 70, la clause d'immunité contient une interpolation manifeste, à savoir la mention explicite des chanoines parmi les bénéficiaires de ce privilège. Plus étrange encore apparaît la juridiction conférée à l'évêque dans les actions civiles intentées contre les chanoines avec réserve de la juridiction de l'avoué dans les causes criminelles, d'autant plus que la réorganisation du chapitre de Nevers n'aurait été opérée par l'évêque Hermand qu'en 849 (Lespinasse, ouvr. cité, p. 7, n° 3). On ne saurait condamner formellement le reste du texte. La confiance qu'il inspire n'est pourtant pas illimitée. On remarquera notamment l'incorrection du préambule qui apparaît comme une amplification incohérente d'un préambule normal (cf. n° 4), et la rédaction en partie double de l'exposé et du dispositif: «Quocirca notum sit... qualiter vir venerabilis... deprecatus est serenitatis nostrae potestatem ut... Pro quo nos sancimus...», et plus loin: «Postea domnus et avus equivocus noster... Proinde ergo petiit magnitudinem nostram prenominatus vir... ut... Nos denique... quod deprecatus est non negavimus...». Un remaniement paraît probable, peut-être la fusion en un seul acte de deux instruments distincts.

Les diplômes de Charlemagne, Louis le Pieux et Pépin Ier sont perdus.


Texte établi d'après BCDEabc, en suivant de préférence les leçons de la carta Ia

In nomine sancte et individue Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si igitur congruis et opportunis <negotiis fidelium nostrorum cum sacris> petitionibus <pro commoditate rerum et exaltatione vel stabilitate regni nostri,> sive efflagitationibus servorum Dei aurem celsitudinis nostre accommodare non differimus et ea que pro utilitate sancte Dei Ecclesie sive eorum necessitate nobis indixerint ad effectum usque perducimus, ad honorem regni nostri nobis a Deo collati pertinere non diffidimus ac per hoc divinam majestatem nostris excessibus propitiari manifeste credimus. Quocirca notum sit omnium sancte Dei Ecclesie fidelium atque nostrorum, tam presentium quam futurorum, magnitudini qualiter vir venerabilis Herimannus, Nivernensis ecclesie pontifex, celsitudinis nostre adiens clementiam, deprecatus est serenitatis nostre potestatem ut preceptum auctoritatis sive immunitatis ei fieri juberemus regali celsitudine corroboratum, sicut suis antecessoribus Hieronymo et Jone pontificibus insignis prosapia nostra fieri decrevit, videlicet avus noster bone memorie invictissimus augustus et equivocus necnon et genitor noster piissimus imperator germanusque Pipinus devotissime fecerunt, per quod res memorate ecclesie firmiter <in omnibus mundanis actionibus> ac <querelis> quiete tenere ac defendere legaliter potuissent. Unde et in auctoritatibus predecessorum nostrorum continetur qualiter memorata ecclesia tempore rebellionis expoliata fuisset rebus et mancipiis, ac plene nec ad Dei servitium peragendum anminiculari nec clericis ibidem Deo servientibus subsidia prebere potuissent, ac partim casu, partim incuria, sive incendii raptu, sive neglegentie cultu, strumenta cartarum per que res vel mancipia eidem sancte Dei ecclesie collate fuerunt ea tempestate in eadem perierunt urbe. Pro quo nos sancimus, sicut avus ac genitor decreverunt in suis auctoritatibus, ut per hanc nostram firmitatis cartam ita defendi ac teneri res memorate ecclesie possint quasi ipsa strumenta presentialiter adessent. Postea domnus et avus equivocus noster, sicut in auctoritate genitoris nostri continetur, ad petitionem Hieronymi, quondam ejusdem civitatis episcopi, pro commercio anime sue ac remuneratione ipsius, sancto loco ejusdem ecclesie ex ipsis rebus propriis villas ac cellulas reddidit cum mancipiis vel aliis facultatibus que dudum abstracte fuerunt, quibus et ipse locus melius subsistere potuisset et Dei servitium et sibi suisque successoribus liberius ibidem peragi. Postmodum domnus et genitor noster Ludovicus invictissimus augustus necnon et Pipinus germanus noster auctoritatem gloriosi avi nostri Karoli cum summa auctoritate confirmaverunt et ea que ibi reddidit libenti animo concesserunt et scriptis corroboraverunt, et prescripte ecclesie cum omnibus rebus et omnibus ibi juste legaliterque attinentibus per idipsum sue tuitionis mundeburdo defensionis munimine scriptum receperunt. Proinde ergo petiit magnificentiam nostram prenominatus vir Herimannus, sepedicte ecclesie presul, ut prefatam auctoritatem regaliter stabilientes per nostre mansuetudinis preceptum confirmare denuo dignaremur. Nos denique, ut divinam super nos in hoc utcumque provocemus misericordiam, quod deprecatus est non negavimus, sed prompto animo satisque libenti concessimus, auctoritatisque hoc scriptum speciali conditione fieri jussimus, per quod eas res que antiquitus videntur pertinere et quas avus equivocus noster Hieronymo pontifici reddidit et postea adquisivit et que moderno tempore possidet sive divina pietas ibi largiendo voluerit augere ei delegantes denuo confirmamus, nostris etiam futurisque temporibus mansurum esse volumus ut ipse et successores sui quiete teneant sub jure ac potestate nostre firmitatis cum ecclesiastica institutione, precipientes atque jubentes ut nullus judex publicus aut quislibet judiciariam exercens potestatem seu ullus fidelium nostrorum, tam instantium quam futurorum, in ecclesias aut loca vel agros seu reliquas possessiones infra ditionem regni nostri quas moderno tempore juste legaliterque possidet in quibuslibet pagis vel territoriis, sive ea que deinceps in jure ipsius sancti loci aut per nos aut per alios quoscumque divina pietas largiendo voluerit augere, ad causas audiendas vel freda exigenda, aut mansionaticos sive paratas faciendas, aut fidejussores alicui tollendos aut <canonicos> ipsius matris ecclesie <seu eorum facultates sive ceteros> homines tam ingenuos quam et servos super ipsam terram commanentes vel consistentes vel alios ingenuos qui antiquitus sub defensione ipsius ecclesie constiterunt distringendos vel inquietandos, nec ullas redibitiones aut inlicitas occasiones requirendas, nostris neque futuris temporibus ingredi audeat <nec a degentibus supra ipsius sacri loci terram quibuscumque ex censu plus quam priscorum usus se habet, educere temptet. Si que autem cause adversus supradicte ecclesie fuerint orte canonicos, a proprio distringantur episcopo, nisi forte criminalis fuerint actionis de quibus ratiocinandum proprio eorum advocato.> Sed et quicquid de prefati venerandosi loci rebus fiscus noster exigere poterat, eterno pro compendio eidem in integre totum concedimus ecclesie, scilicet ut perpetualibus temporibus in stipendiis fratrum inibi Deo famulantium et alimoniis pauperum proficiat in augmentum, quatenus pro nostra incolumitate ac regni nostri stabilitate clementissimam Dei miserationem eos in perpetuum exorare delectet. Hec vero auctoritatis nostre prescriptio ut meliorem optineat firmitatem, manu nostra eam subs cripsimus et ex anulo nostro sigillari jussimus.

Signum Karoli (Monogramma) gloriosissimi regis.

Jonas notarius ad vicem Hluduici recognovit.

Data pridie idus januarii, anno primo, indictione IIII, regnante Karolo gloriosissimo rege. Actum Bituricas civitate. In Dei nomine feliciter.


Localisation de l'acte

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