869, 21 juillet. — Pîtres.
Charles le Chauve, à la prière d'Isaac, évêque de Langres, qui désirait restaurer le monastère de Saint-Bénigne, situé près du «castrum» de Dijon, et y établir des moines de l'ordre de saint Benoît, affecte à l'entretien de ceux-ci, en leur en confirmant la propriété, les terres adjacentes au monastère, la réserve (forestem) de la pêche depuis le pont du «castrum» jusqu'à Fleurey, six moulins, des terres en friche, dix colonges avec le marché et le bourg [de Saint-Bénigne], des colonges à Larrey, à Bissey (?), à Colonges, à Saligny, «in Scontio», à Velars, à Lantenay, à Giron, entre Corcelles et Flavignerot, à Domois, à Prouhois, à Chambœuf, entre Marsannay et Perrigny, à Quétigny, à Sacquenay (?), à Cromois, une chapelle et un manse et demi à Saint-Apollinaire (Aguliacus), des colonges encore à Ruffey, à Barges, à Messigny et à Norges, une chapelle avec des terres, des prés et un moulin à Aiserey, un manse seigneurial et une église à Villecharles, un manse seigneurial à Prenois.
A. Original. Parchemin autrefois scellé. Hauteur, 700 mm. à gauche, 710 mm. à droite; largeur, 578 mm. en haut, 574 mm. en bas. Archives de la Côte d'Or, H 2, n° 3.
B. Copie de la fin du xie s., avec addition du monogramme du roi Robert, dans le cartulaire à la suite de la Chronique de Saint-Bénigne, Bibliothèque de Dijon, ms. 348, fol. lxxi.
C. Copie de la fin du xie s., postérieure à B, interpolée et avec addition du monogramme du roi Robert, dans le même ms., fol. lix.
D. Copie du xviiie s., par Dom Villevieille, Bibliothèque nationale, ms. fr. 33092, fol. 122, suivie d'observations sur l'état et la paléographie de l'original, d'après A.
E. Copie de l'année 1721, faite pour Bouhier, dans le Cartularium privilegiorum..... ecclesiae Sti Benigni Divionensis ex ipsis autografis (sic) [a Joann. Bouhier, senat. Divion.] desumptum, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17080, fol. 13 v°, d'après A.
F. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12662, fol. 256, d'après B.
G. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12662, fol. 242, d'après B.
H. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Mélanges Colbert, vol. 47, fol. 530, d'après C.
I. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12821, fol. 49, d'après C.
J. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12662, fol. 248, d'après une copie de C.
K. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection de Bourgogne, vol. 11, fol. 747 v°, d'après une copie de C.
L. Copie du xviie s., de la même main que K, Bibliothèque nationale, Collection de Bourgogne, vol. 12, fol. 120, d'après la même source que K.
a. Labbe, Alliance chronologique, t. II, Éloges historiques des rois de France, p. 470, fragment.
b. Pérard, Recueil de plusieurs pièces curieuses, p. 149, «ex chartul. Benign.».
c. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 618, n° ccxx, d'après b.
d. Pierre Gautier, Étude sur un diplôme de Robert le Pieux pour l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon, dans Le Moyen Âge, 2e série, t. XIII (1909), p. 278, d'après A.
Fac-similé : de l'original: Lot, Lauer et Tessier, Diplomata Karolinorum, IV, pl. xl.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 286.
Indiqué : Böhmer. Regesta, n° 1759.
Ce diplôme dont on ne saurait contester l'importance pour les moines de Saint-Bénigne, aux yeux desquels il pouvait passer pour un acte de fondation, fut présenté par eux au roi Henri Ier pour qu'il le confirmât par l'apposition de son monogramme, qui figure au bas du parchemin au-dessous de celui de Charles le Chauve. Le texte en a été longuement analysé dans la Chronique de Saint-Bénigne composée au milieu du xie siècle. L'analyse est d'accord avec le texte de l'original jusqu'au mot Rufiaco (A, ligne 9), sauf que le chroniqueur ajoute au mercatum et au burgus (l. 7) le districtus, comme le texte interpolé (C), rapporté à la suite de la chronique, et à peu près dans les mêmes termes: «mercatum pariter et burgum simul et districtum»; le texte interpolé porte: «burgum quoque mercatum pariter et districtum.» Cependant le chroniqueur n'a pas fait son analyse d'après ce texte interpolé; car, dans l'énumération des biens donnés aux moines il intercale une série de localités dont ni l'original du diplôme ni le texte interpolé ne font mention, savoir des biens à Échirey (Scoriacus), Chaignay (Casnedum), Courcelles (Corcellae), Gissey (Jussiacus), Champagny (Campaniacus), Athée (Ateis). Or, toutes ces localités se retrouvent dans une charte d'Isaac, évêque de Langres, qu'il convient de rapprocher du diplôme royal.
Cette charte est datée du mois de mai de la 32e année du règne, 5e indiction, c'est-à-dire de mai 872. Elle a pour objet la restauration et la dotation du monastère de Saint-Bénigne. Elle se termine par les souscriptions d'évêques réunis en synode. L'évêque Isaac rapporte qu'ayant entrepris, en la 31e année du règne de Charles, 4e indiction, c'est-à-dire en 871, d'accord avec ses fidèles, de rétablir la règle dans les monastères, il s'est rendu dans celui de Saint-Bénigne, que le roi l'avait souvent invité à restaurer, puis, que, sur le conseil de ses fidèles, il a résolu de supplier le roi de l'aider à relever le monastère, et que, lui ayant fait connaître les décisions prises, il a obtenu l'approbation royale en vertu de quoi il a concédé aux moines de Saint-Bénigne la libre élection de l'abbé et un certain nombre de biens. Quoique la charte épiscopale ne mentionne pas expressément la délivrance d'un diplôme royal, on ne peut guère douter qu'Isaac, en déclarant qu'il a obtenu du roi la réalisation de ses desseins, n'ait eu en vue le précepte de Charles le Chauve qui nous est parvenu et qui, en effet, a été expédié à la demande de cet évêque.
Mais il y a des difficultés à concilier le récit de la charte épiscopale avec le précepte royal. En effet, ce dernier document est daté du 12e jour des calendes d'août de la 30e année du règne, 2e indiction, tous éléments qui nous reportent au 21 juillet 869. Or l'évêque dit que c'est seulement en 871 qu'il a commencé de traiter avec ses fidèles de la restauration de Saint-Bénigne.
Quoi qu'il en soit, ce privilège épiscopal, tout en reproduisant en partie, pour ce qui concerne la dotation de Saint-Bénigne, le privilège royal, en diffère par trois points: 1° la clause concernant l'élection de l'abbé, laquelle ne figure pas dans le privilège royal; 2° la concession du districtus également ajoutée; 3° l'addition de biens-fonds.
Si nous rapprochons le privilège épiscopal de l'analyse du privilège royal donnée par les chroniqueurs de Saint-Bénigne, nous constatons que la clause concernant le marché, le bourg et le districtus est formulée, dans l'un et l'autre texte, exactement dans les mêmes termes: «mercatum pariter et burgum simul et districtum». Et quant aux terres ajoutées par le chroniqueur à celles qui sont mentionnées dans l'original du diplôme de Charles le Chauve, ce sont les mêmes que nous retrouvons dans la charte épiscopale. D'où il suit que le chroniqueur, analysant le diplôme royal, y a introduit des éléments empruntés à la charte épiscopale qu'il connaissait, puisqu'il la mentionne brièvement après le diplôme, et seulement pour en retenir la clause ayant trait à l'élection de l'abbé.
Nous n'envisageons pas l'hypothèse d'une interpolation, d'ailleurs possible, du privilège d'Isaac. Il suffit d'avoir établi que le chroniqueur de Saint-Bénigne a fait passer une partie de sa substance dans l'analyse qu'il a donnée du précepte de Charles le Chauve.
(Chrismon) In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si reverendorum pontificum petitionibus quibus pro sacris locis sibi commissis nostram supplicaverint clementiam aurem libenter accomodamus easque ad effectum perducimus, regiam exercemus [2] consuetudinem et ob id eos in nostrae fidelitatis obsequiis devotiores efficimus et ad animae nostrae salutem nobis profuturum omnino confidimus. Comperiat igitur omnium fidelium sanctae Dei Ecclesiae nostrorumque, praesentium ac futurorum, sollertia quia carissimus nobis [3] Isaac, venerabilis Lingonensis matris ecclesiae episcopus, ad nostram accedens altitudinem innotuit qualiter monasterium ubi sanctus Benignus martyr corpore requiescit, juxta Divionis castrum situm, quondam religiosorum turma monachorum refertum, nunc pessundatum et pene adnul-[4]-latum, divino cooperante adminiculo, restruere et restaurare, et monachos ibi sub regula sancti Benedicti jugiter Deo militaturos statuere, et ad pristinum statum reducere, ac suae sepulturae locum ibi velit praeparare, humiliter efflagitans ut quasdam ejusdem potestatis [5] res et mancipia ad ipsum monasterium restaurandum et in usus ac stipendia monachorum inibi Deo famulaturorum deputaremus et deputando perpetim habendas confirmaremus, id est in eodem pago in prospectu ipsius monasterii terram dominicatam ubi possunt semi-[6]-nari modii ducenti quinquaginta, vineas ubi possunt colligi vini modii quingenti, prata ubi possunt colligi feni carra quinquaginta, silvam ubi possunt saginari porci sexcenti, forestem piscium in aqua a ponto Divionis castri usque ad Floriacum, farinarios sex, terras apsas [7] ubi possunt seminari modii centum quinquaginta, colonicas decem, cum mercato et burgo, et in Lariaco colonicas decem, in Biciaco colonicas sex et dimidiam, in Colonicis colonicas sex, in Siliniaco colonicam unam, in Scontio colonicas quatuor et dimidiam, in Villari colonicas tres et fa-[8]-rinarios duos, in Lentiniaco colonicam unam et dimidiam, in Giron[e] colonicas duas, inter Corcellas et Flaviniacum colonicam unam, in Dicmise colonicam dimidiam, in Proviso colonicam dimidiam, in Cambo[io] colonicam dimidiam, inter Marciniacum et Patriniacum colonicam [9] unam, in Quintiniaco colonicas duas, in Sarconico colonicam unam, in Cromaco colonicas duas, in Aguliaco cappellam cum manso uno et dimidio, in Rufiaco colonicam dimidiam, in Bargis colonicam unam, in Misciniaco colonicas tres, in Norgis colonicam unam, in Asiriaco [10] cappellam cum colonica una, in ipsa villa colonicas sex et dimidiam et farinarium unum et terram dominicatam ubi possunt seminari modii centum et prata ubi possunt colligi feni carra centum quinquaginta, in villa Karli mansum dominicatum cum ecclesia et quicquid ibi aspicit, [11] in Prunide mansum dominicatum et quicquid ad ipsum beneficium pertinet, cum omnibus earundem rerum appendicibus cunctisque sibi pertinentibus rebus et mancipiis. Cujus justis et rationabilibus animaeque nostrae proficuis postulationibus libentissime fa-[12]-ventes, hoc altitudinis nostrae praeceptum fieri eidemque sancto loco dari jussimus, per quod prefatas res cum ecclesiis, domibus, aedificiis, curtiferis, viridiariis, ortis, vineis, terris, silvis, pratis, pascuis, aquis aquarumve decursibus, piscatoriis, farinariis, mancipiis utriusque sexus desuper commanentibus [13] vel ad easdem res juste et legaliter pertinentibus ad ipsum locum restaurandum et in jus ac stipendia monachorum inibi Deo famulaturorum jure ecclesiastico aeternatim tenendas deputamus et confirmamus, ita ut ejusdem monasterii abbas ejusque futuri successores ipsas res et mancipia cum omni in-[14]-tegritate regulari et canonica auctoritate teneant, et nulli praefatae matris ecclesiae antistitum ejusdemque monasterii abbatum liceat ex eisdem rebus quicquam subtrahere aut minuere aut in alios preter quos constituimus usus retorquere, et quicquid divina pietas per quoslibet se metuentes ibi in futuro augere volu-[15]-erit sit eisdem monachis in supplementum, ut pro nobis, conjuge et prole totiusque regni nostri statu continuis precibus Dei misericordiam implorent. Ut autem haec nostrae confirmationis auctoritas inviolabilem obtineat firmitatem, manu propria subter eam firmavimus et anuli nostri impressione sigillari jussimus.
[16] Signum (Monogramma) Karoli gloriosissimi regis.
Signum (Monogramma: HEINRICI).
R
E
G
I
S
[17] (Chrismon) Hildeboldus notarius ad vicem Goslini recognovi et subscrip. (Signum recognitionis). (Locus sigilli).
[18] Data XII kal. augusti, indictione II, anno XXX regnante Karolo gloriosissimo rege. Actum apud Pistas villam. In Dei nomine feliciter. Amen.