870, 13 avril. — Compiègne.

Charles le Chauve, à la prière de Baudouin, abbé de Saint-Pierre de Gand, <où repose le corps de la bienheureuse Amalberge>, donne aux moines de ce monastère la «villa» de Tamise sur l'Escaut, au pays de Waas, où <est morte et> a longtemps reposé la dite vierge, <avec l'église du lieu et des basiliques en dépendant>, avec un manse seigneurial.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-877), Vol. 2, Paris, 1955, no337.

A. Pseudo-original de la fin du xe ou du début du xie s. Parchemin avec traces de sceau. Hauteur, 470 mm. à gauche, 490 mm. à droite; largeur, 640 mm. en haut, 643 mm. en bas. Archives de l'église Saint-Pierre, à Gand, iii D a 1.

B. Copie du xiie s., au dos de la partie droite d'un chirographe de donation de l'autel de Littel-Houthem par Simon, évêque de Tournai, en 1140, Archives de la Flandre orientale, à Gand, fonds de Saint-Pierre, carton 2, n° 230, d'après A.

C. Copie du xve s., dans le cartulaire de Saint-Pierre de Gand, dit Parvus liber privilegiorum, Archives de la Flandre orientale, à Gand, Varia D 3132 (anc. Archives du royaume de Belgique, cartul. 93), fol. 37 v°, en tête du chapitre intitulé: «Sequuntur certa privilegia imperatorum et primo privilegium Karoli imperatoris de donatione de Themseca et ejus appendiciis», d'après B ou une copie de B.

D. Copie de l'année 1661, Archives de la Flandre orientale, à Gand, Cartulaire 4 de Saint-Pierre de Gand, fol. 33 v°, d'après C.

E. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 40, fol. 82, «ex archivis abbatie divi Petri in monte Blandinio», d'après la même source que C.

F. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 22, fol. 400, d'après une copie dérivée de B.

G. Copie partielle du xviiie s., Bibliothèque Nationale, Collection Moreau, vol. 284, fol. 268, «tiré d'un cartulaire de ladite abbaye (de Saint-Pierre de Gand), compilé dans le xiiie siècle. Je n'ai point trouvé l'original dans les Archives».

H. Copie du xviie s., dans une histoire de l'abbaye de Saint-Pierre (en flamand), Archives de la Flandre orientale, à Gand, ms. 17, fol. 161.

a. Miraeus, Donationes belgicae, p. 19, publication partielle.

b. Miraeus, Notitia ecclesiarum Belgii, p. 63, publication partielle.

c. Sanderus, Flandria illustrata, 1re éd. (1641), t. I, p. 117, publication partielle, et t. II, auctarium ad tomum primum, p. 37, même texte; 2e éd. (1735), t. I, p. 266, même texte.

d. Acta Sanctorum, julii t. III, p. 82.

e. Miraeus, Opera diplomatica, éd. Foppens, t. I, p. 341, d'après a.

f. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 625, n° ccxxix, d'après a.

g. de Bast, L'ancienneté de la ville de Gand, p. 211.

h. Van Lokeren, Chartes et documents de l'abbaye de Saint-Pierre, t. I, p. 19, n° 13, d'après B.

i. Maurice Prou, Examen d'un diplôme de Charles le Chauve pour Saint-Pierre de Gand, dans Académie royale de Belgique. Bulletin de la Commission royale d'histoire, t. 74 (1920), p. 59, d'après A.

j. Gysseling et Koch, Diplomata belgica ante annum millesimum centesimum scripta(1950), p. 141, n° 52.

Fac-similé : partiel du pseudo-original: O. Oppermann, Die älteren Urkunden des Klosters Blandinium und die Anfänge der Stadt Gent, zweiter Teil, Facsimiles, pl. 1.

Indiqué : Georgisch, Regesta, p. 136.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 289.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1765.

Indiqué : Maurice Prou, Examen..., mém. cité sous la lettre i.

Indiqué : O. Oppermann, Die älteren Urkunden des Klosters Blandinium, p. 35 et 59.

Indiqué : Et. Sabbe, Étude critique sur le diplôme d'Arnoul Ier, comte de Flandre, pour l'abbaye de Saint-Pierre à Gand (941, juillet 8), dans les Études d'histoire dédiées à la mémoire de Henri Pirenne, p. 323 et suivantes.

Parmi les diplômes de Charles le Chauve il n'en est guère dont la critique soulève plus de difficultés que celui-ci. Que le parchemin mentionné sous la lettre A soit un pseudo-original, Maurice Prou l'a démontré sans peine dans le mémoire cité sous la lettre i. Il en datait la confection de la deuxième moitié du xe siècle ou du début du xie et la donnait en tout cas comme antérieure à la compilation du recueil bien connu sous le nom de Liber traditionum Sancti Petri Blandinensis, publié en 1906 par Arnold Fayen. Otto Oppermann estime que le pseudo-original n'aurait été écrit qu'entre 1056 et 1088 par un scribe dont il propose de reconnaître la main dans des additions au manuscrit du Liber et dans les expéditions de plusieurs autres documents conservés dans le chartrier de Saint-Pierre. Nous ne nous rallierons pas aux conclusions de ce savant dont les arguments paléographiques nous semblent faibles.

Maurice Prou et Otto Oppermann sont d'accord pour admettre que l'auteur du pseudo-original avait sous les yeux un diplôme sincère par lequel Charles le Chauve donnait à Saint-Pierre la villa de Tamise. Maurice Prou (et Oppermann ne le contredit pas sur ce point) rejette tout d'abord le passage concernant la fondation du monastère par saint Amand, mention qui n'apparaît pas dans les chartes sincères de Saint-Pierre avant la deuxième moitié du xe siècle, en tout cas pas avant 941. Mais les interpolations les plus importantes concernent le lieu de la sépulture de sainte Amalberge. Si l'on en croit le Liber traditionum (éd. Fayen, p. 50), le corps d'Amalberge aurait été apporté de Tamise à Saint-Pierre en 870 et à l'occasion de cette translation, le comte Baudouin [Bras-de-Fer] aurait fait don au monastère de la villa de Tamise et de terres sises à Boekhout et à Belcele. Puis le roi aurait confirmé la donation par un précepte donné à Compiègne, la 30e année du règne, c'est-à-dire par notre diplôme. Malheureusement la tradition liturgique place au 27 octobre l'arrivée du corps d'Amalberge à Gand. Si la relique est arrivée à Gand le 27 octobre 870, sa présence ne saurait y être signalée six mois plus tôt, le 13 avril 870. En réalité, le véritable diplôme n'aurait mentionné que la présence du corps à Tamise sous une forme traditionnelle «ubi sancta Amalberga virgo gloriosa humata quiescere dinoscitur», gauchement remaniée par l'interpolateur.

Selon Oppermann, c'est la présence du corps à Gand qui était mentionnée dans le diplôme sincère et il faudrait en rejeter toute mention de la présence du même corps à Tamise. Ses arguments (p. 60) méritent d'être pris en considération. Ils entraînent le rejet de l'autorité des données du Liber traditionum quant à l'année du transfert du corps de sainte Amalberge. Cette conclusion ne nous effraierait pas et c'est donc sous bénéfice d'inventaire que nous nous rallions à la reconstitution proposée par Maurice Prou. Celle-ci est appuyée par la graphie Amulberga de la ligne 4, interprétée comme le résultat d'une confusion du copiste qui avait sous les yeux un a ouvert. D'autre part, nous adoptons pleinement le point de vue d'Otto Oppermann, en ce qui concerne la donation de l'église de Tamise. L'interpolation apparaît manifeste lorsqu'on compare le texte du diplôme de Charles le Chauve avec celui de Louis IV d'Outremer en date du 20 août 950, surtout dans son état primitif (l'édition procurée par Philippe Lauer Recueil des actes de Louis IV, p. 82, n° 36, est celle d'un texte remanié) et même avec la charte d'Arnoul Ier du 8 juillet 941. On se réfèrera pour la démonstration à Ét. Sabbe, dans l'Étude critique mentionnée sous la rubrique Indiqué, pages 324 et suivantes. On ne se dissimulera pas que si l'église de Tamise n'était pas mentionnée dans le diplôme original, l'hypothèse de Maurice Prou devient plus fragile, car la proposition «ubi sancta Amulberga ...» doit se rattacher logiquement à la mention d'une église, plutôt qu'à celle d'une villa.

Parmi les difficultés qui restent encore à résoudre, il y a la mention du comte Baudouin comme abbé de Saint-Pierre. Le diplôme de Charles n'est pas d'accord ici avec le Liber Traditionum et il faut beaucoup de bonne volonté pour se rallier à l'interprétation ingénieuse de Maurice Prou que Baudouin, abbé le 13 avril 870, aurait résigné sa fonction en faveur de Robert, cité par le Liber comme ayant présidé à la translation [le 27 octobre] 870. Nous croyons toutefois qu'en tout cas sur ce point l'autorité du diplôme, même dans son état actuel, est plus solide que celle du Liber.

En résumé, il y a bien eu le 13 avril 870 un diplôme de donation en faveur de Saint-Pierre de Gand. Charles le Chauve se trouvait d'ailleurs à Compiègne à la date indiquée. Ce diplôme a probablement été délivré à la demande du comte-abbé Baudouin et avait probablement aussi pour objet la villa de Tamise. C'est toute la substance historique qu'on en peut tirer.

Malgré les réserves que nous avons cru devoir formuler, nous reproduisons ci-dessous le texte publié par Maurice Prou en rejetant en outre comme interpolé tout le passage concernant l'église de Tamise et en rattachant par une ponctuation différente l'accusatif mansum à une seconde phrase et au verbe tradere. À l'exemple de Maurice Prou, nous signalons en note les variantes et corrections de la copie B, à l'exclusion des variantes purement graphiques.

(Chrismon) In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Notum esse volumus omnibus sanctae Dei Ecclesiae fidelibus ac nostris, presentibus scilicet et futuris, quia vir venerabilis Balduinus, abba monasterii [2] quod vocatur Blandinius <a sancto Amando in vico Gandavo> constructus, in honore sanctorum apostolorum Petri et Pauli <consecratus, et ubi modo corpus beate Amalberge virginis quiescere dinoscitur> qualiter pro remedium animae nostrae fratribus in eadem ecclesia digne Deo [3] militantibus, ut aliquas res per auctoritatem praecepti nostri daremus, quod ita et fecimus. Dedimus praefatis Deo servientibus in pago Wasi, super fluv[ium] Scaldi, villa quae vocatur Temsica <cum ecclesia bene ornata et in honore sanctae [4] Mariae et sancti Petri, apostolorum principis consecratam,> ubi sancta Amulberga virgo gloriosa <migravit de seculo a Christo et ubi> corpore hu[matio]nis <multis diebus> quiescere dinoscitur <cum aliis basilicas ibi aspicientes>. Mansum indominicatum cum omnibus appendicibus [5] suis, cum culturis et terris, pratis, aquis, piscatoriis, silvis ibi aspicientibus, pro mercedis nostrat augmento et reverentia ipsius loci a nobis adquiescere libuit ad praefatam cȩnobiam cum jam dicta villa secundum divisionem suam [6] presentialiter tradere libuit. Quapropter volumus adque jubemus ut per nostram auctoritatem, nostris videlicet et futuris temporibus, [pre]dicta ecclesia et predicti fratres eorumque successores supradictas res in nostra elemosina concessas habeant adque jure [7] perpetuo in ditione [fratrum predictorum consistant, ita demum ut quicquid de ipsis ob utilitatem et profectum ipsorum fratrum jure ecclesiastico facere voluerint libero in omnibus perfruan]tur arbitrio fac[iendi per nostram quippe auctoritatem] [8] ut pleniorem in Dei nomine optineat vigorem et a fidelibus sanctȩ Dei Ecclesiae ac nostris verius credatur et diligentius conservetur, de anulo nostro subter jussimus sigillari.

[9] Signum (Monogramma) Karoli gloriosissimi regis.

[10] (Chrismon) Hildeboldus notarius ad vicem Gosleni recognovi et s. (Signum recognitionis, in quo notae deformatae). (Locus sigilli).

[11] Data id. april., indictione tertia, anno XXX regnante Karolo gloriosissimo rege. Actum Conpendio palatio regio. In Dei nomine feliciter.


Localisation de l'acte

Make this Notebook Trusted to load map: File -> Trust Notebook