[871, début de septembre].

Charles le Chauve répond à une lettre du pape Hadrien II au sujet de l'affaire d'Hincmar de Laon. Il proteste avec véhémence contre l'attitude du pape et les termes dont celui-ci use à son égard. Reprenant un à un divers points de la lettre pontificale, il rejette l'accusation de partialité portée contre lui, oppose à la prétention du pape de le constituer séquestre des biens constituant le bénéfice épiscopal d'Hincmar la souveraineté des rois des Francs qui ne sauraient s'abaisser à tenir le rôle de vidames et dénonce celle de faire venir à Rome sans son aveu les évêques du royaume. Le pape exige sous peine d'excommunication l'impunité pour trois sujets du roi qui ont cherché refuge auprès du siège apostolique, Celsanus, Walcon et Bernon. Charles le Chauve fait valoir le caractère exorbitant de la sanction dont il est menacé dans l'occurrence et rappelle que Celsanus l'a accusé mensongèrement de la part d'Hincmar auprès du pape de dilapider le patrimoine ecclésiastique. Quant à Walcon et à Bernon, il a déféré à leur sujet aux volontés pontificales. Aussi bien doute-t-il que la lettre écrite au nom du pape et qui ne convient ni à son auteur, ni à son destinataire ait été rédigée par Hadrien ou par un représentant qualifié de l'église romaine. Le pape reproche au roi de lui avoir écrit une lettre contenant contre Hincmar des accusations abominables, mais le roi s'est contenté de rapporter ce que tout le monde proclamait. Il prie le pape de se référer, pour éclairer sa religion, aux actes du concile [de Douzy] qu'il lui transmet. Si Hincmar n'a pas été jugé sur tous les chefs d'accusation relevés contre lui, c'est que le roi a dû se rendre en hâte auprès de son frère [Louis le Germanique, à Maastricht,] pour réconcilier ses neveux avec leur père. Le pape prendra au sujet d'Hincmar une décision conforme aux canons, mais tant que Charles sera roi, le coupable ne remontera pas sur le siège de Laon. Charles demande au pape d'«incardiner» à l'église de Tours l'évêque Actardus et termine en priant Hadrien II de ne plus lui écrire de lettres offensantes, non plus qu'aux évêques et aux grands.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-877), Vol. 2, Paris, 1955, no350.

Lettre publiée par Delalande, Conciliorum antiquorum Galliae supplementa, p. 264 (éd. reproduite par Migne, Patrologiae [latinae] cursus, t. CXXIV, col. 876). Il ressort du texte qu'elle est au plus tôt contemporaine des entretiens que Charles le Chauve eut à Maastricht avec son frère Louis le Germanique et qui se prolongèrent jusqu'au début de septembre 871. Elle est d'autre part nettement visée dans la lettre d'Hadrien II publiée par Perels sous le n° 35 et datée par lui du 26 décembre 871 (Epistolae Karolini aevi, t. IV, p. 741). La lettre d'Hadrien II à laquelle répond Charles le Chauve n'a pas été conservée. Elle aurait été écrite en 869 (Perels, Epistolae......, t. IV, p. 723, n. 1) et non en 871, comme le voulait Ewald (Jaffé, Regesta, 2e éd., n° 2939*. Addenda et corrigenda, p. 704). — On trouvera un résumé commode de l'affaire d'Hincmar de Laon dans Amann, L'époque carolingienne (Histoire de l'Église publiée sous la direction de Fliche et Martin, t. VI), p. 403 et suiv. L'auteur analyse la lettre de Charles le Chauve. «Il y a bien des chances, écrit-il judicieusement, que la lettre ait été rédigée par Hincmar [de Reims]» (p. 408, n. 7).


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