[866-871].

Charles le Chauve, à la prière du comte Aleran (Aledrannus), confirme le monastère dédié à saint Pierre, appelé «cella» de Saint-Bobin (Montier-la-Celle), situé à l'ouest de la ville de Troyes et gouverne par l'abbé Bon (Bodo) dans la possession de tous ses biens sis dans le Troiesin, à Herbigny, «Cresciacum», Argentole, Breban, Croncels, Prunay, Bouilly, «Brinnia», Ruvigny, Cerres(?), Isle[-Aumont]; dans le Tonnerrois, à Saintes-Vertus et Fyé; dans le Sénonais, à Fleury et Champlost; dans le Lassois, à Bourguignons et à [La Chapelle d']Oze; dans le Briennois, à Gigny et Coclois; dans l'Arcesois, à Rilly[-Sainte-Syre] et Pouan; dans le Morvois, à Resson; dans le Provinois, «in villa Livurno», et le garantit contre toute tentative d'éviction de la part des comtes de Troyes ou de n'importe quelle autre personne.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-877), Vol. 2, Paris, 1955, no356.

A. Original perdu.

B. Copie du xvie s., par Pierre Pithou, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 227, fol. 4, sous le titre: «Carta regis Karoli de cessione comitis Aledranni», «Extrait de l'ancien chartulaire de Monstier-la-Celle».

C. Copie du xviiie s., dans l'Inventaire général des chartres... de Montier-la-Celle, Archives de l'Aube, 7 H 1, fol. 41 v° (68 v° à l'encre rouge), n° 7, d'après le «cartulaire en parchemin, fol. 148 v°».

D. Copie du xviiie ou du xixe s., Bibliothèque nationale, Collection du Vexin, vol. 11, fol. 56v°, d'après b.

a. Camuzat, Promptuarium sacrarum antiquitatum Tricassinae diœcesis, fol. 20, sous le titre: «Charta Caroli regis de cessione comitis Aledranni», «ex chartario ... monasterii».

b. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 642, n° ccxlvii, d'après a, «circa an. 872».

c. H. d'Arbois de Jubainville, Histoire des ducs et des comtes de Champagne, t. I, p. 498, n° viii, d'après a et b, «avant 854».

d. Lalore, Cartulaire de Montier-la-Celle, p. 193, n° 187, d'après C.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 296 (année 872).

Le diplôme ci-dessous a été expédié à la demande d'un comte Aleran au temps où le monastère de Montier-la-Celle était gouverné par l'abbé Bon. Comme l'a démontré Ferdinand Lot (Notes historiques sur Aye d'Avignon, dans Romania, 33e année, 1904, p. 156), la mention de cet abbé oblige à placer la date de l'expédition dans la deuxième partie du règne de Charles le Chauve. Bon ne saurait être que le successeur d'Haldegingus, lequel était encore abbé le 10 janvier 859 (n° 201). L'existence de Bon est attestée en 872. Il devait mourir évêque de Troyes dans les dernières années du règne d'Eudes. On ne saurait donc faire remonter le terminus a quo du diplôme au delà de l'année 859 et le comte Aleran ne saurait être le comte de Troyes Aleran Ier, certainement mort avant le 25 avril 855 (n° 171), peut-être en 852 (Lot, mém. cité, p. 148-149). Il ne peut s'agir que d'Aleran II, dont la biographie a été retracée par Ferdinand Lot (mém. cité, p. 149-153) et dont le nom apparaît pour la première fois en avril 868 comme membre du tribunal royal (n° 314). Il fut peut-être comte de Troyes de 866 à 871. Bien que cette dernière hypothèse ne repose que sur le diplôme ci-dessous, nous en admettons volontiers le bien fondé pour assigner ces deux termes extrêmes à l'expédition de l'acte royal. On le fera d'autant plus volontiers que celui-ci présente des analogies de formulaire avec des diplômes expédiés dans le même laps de temps et notamment avec le diplôme du 27 décembre 867 (n° 307). On se reportera aussi aux diplômes des 5 septembre 867 (n° 302), 18 octobre 867 (n° 303), 27 mars 868 (n° 313), 28 février 869 (nos 320 et 321), 9 septembre 869 (n° 328), etc.

Ferdinand Lot (mém. cité, p. 156) émet l'opinion que l'acte a été refait au xie ou au xiie siècle. Il «a certainement subi des altérations graves. La formule d'immunité est détestable. L'énumération des biens de l'abbaye est suspecte. On s'explique mal que le pauperrimum monasterium de 859 (n° 201) se soit si subitement enrichi (la liste de ses domaines dans l'acte est longue)». Ailleurs, (Le Moyen Âge, t. XIX, 1906, p. 203, n. 4), il signale la «fausseté criante» de la formule nulli comitum Tricassinorum. Tout en admettant parfaitement la possibilité d'additions dans la liste des biens et l'interpolation probable du mot Tricassinorum, nous ne croyons pas que le remaniement ait été aussi complet qu'on pourrait le penser. Il n'est pas question d'immunité et d'autre part le qualificatif pauperrimum en 859 ne saurait être pris à la lettre.


Texte établi d'après B C a. Sauf indication contraire, l'orthographe est celle de B.

In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Quicquid pro Dei amore sanctorum reverentia agimus, profuturum nobis ad presentis vitae curricula felicius transigenda et ad futurae beatitudinis premia facilius obtinenda non dubitamus. Comperiat igitur omnium fidelium sanctae Dei Ecclesiae nostrorumque, presentium ac futurorum, sollertia, quia, ad deprecationem et salubrem admonitionem dilecti nobis Aledranni, illustris comitis et ministerialis nostri, libuit celsitudini nostrae monachis monasterii sancti Petri apostolorum principis quod dicitur cella domni Bobini ad occidentalem plagam Trecassinae urbis siti, cui Bodo abba preesse dignoscitur, omnes res et mancipia a regali munificentia et quibuslibet Deum timentibus pro animarum redemptionibus sibi collatas et in futurum conferendas nostrae auctoritatis precepto perpetim habendas et absque cujuslibet inquietudine canonice regulariterque ordinandas confirmare. Unde hoc altitudinis nostrae preceptum fieri eidemque monasterio dari jussimus, per quod prefatas res et mancipia, id est quicquid in pago Trecassino, in villa Albiniaco et Gresciaco et Argentilla et Bracbancto et Crunscello et Prunido et Boliaco et Brinnia et Ruviniaco et Sandris et Insula; et in pago Tornetrensi, in villa Salviniaco et Fiaco; et in pago Senonico, in villa Floriaco et Camblosco; et in pago Latsensi, in villa Bulgundione et Ausa; et in pago Brenensi, in villa Gengiaco et Corteclaudia; et in pago Arciacensi, in villa Reliaco et Potente; et in pago Morrivensi, in villa Rosonto; et in pago Pruvinensi, in villa Livurno et in aliis quibuslibet ditionis nostre locis a quibuslibet Deum timentibus eidem monasterio collatum est et in futuro conferetur, hoc nostrae auctoritatis precepto eis jure ecclesiastico canonice regulariterque eternatim habendas, possidendas et ordinandas confirmamus, ut nulli comitum <Trecassinorum> aut quarumlibet aliarum personarum liceat ex eisdem rebus quicquam subtrahere vel minuere, quatinus servi Dei inibi Deo famulantes quietius devotiusque pro nobis, conjuge et prole totiusque regni nostri statu Deum jugiter exorent. Ut autem haec nostrae confirmationis auctoritas inviolabilem obtineat firmitatem, anuli nostri impressione subter eam jussimus sigillari.