[Fin de 869 – 874, octobre].
Charles le Chauve, renouvelant, à la prière de Frotier (Frotarius), abbé du monastère poitevin de Charroux, un précepte de Louis le Pieux, met sous la protection de l'immunité cet établissement jadis donné à Charlemagne par son fondateur le comte Roger, et lui abandonne le produit des droits fiscaux susceptibles d'être perçus sur ses biens.
A. Original perdu.
B. Copie du xve s., dans une transcription du Liber de constitutione de l'abbaye de Charroux, Bibliothèque de la Société éduenne, à Autun, fol. 16v°, d'après le Liber de constitutione, du xiie s., perdu.
C. Copie du xvie s., dans une autre transcription du même ouvrage, Bibliothèque nationale, ms. lat. 5448, fol. 30, d'après B ou d'après la même source que B.
D. Copie du xviie s., par Jean Besly, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 841, fol. 25, d'après la même source que B et C, «pag. 23».
E. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 2, fol. 103, d'après la même source que B C et D.
F. Copie du xviie s., par André Du Chesne, dans une transcription du Liber de constitutione, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 44, d'après la même source que B C D E ou d'après C.
G. Copie du xviie s., par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 72, fol. 358v°, d'après la même source que B C D E ou d'après C, directement ou par l'intermédiaire de F.
H. Copie du xviiie s., par Dom Fonteneau, Bibliothèque municipale de Poitiers, Collection Fonteneau, vol. 4, p. 33, d'après un vidimus du 8 septembre 1313, inséré «dans le gros cartulaire en écriture du xve siècle de l'abbaye de Charroux, folio 78».
I. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 2, fol. 102, d'après la même source que H.
J. Copie fautive du xviiie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12664 (Monasticon Benedictinum, t. VII), fol. 78v°, d'après une transcription officielle du Liber de constitutione exécutée en 1665.
K. Copie du xixe siècle, Bibliothèque nationale, ms. lat. 18379, p. 10, d'après H.
a. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 646, n° cclii, «inter schedas Mabillonii», d'après J ou d'après la source de J.
b. Dom de Monsabert, Chartes et documents pour servir à l'histoire de l'abbaye de Charroux (Archives historiques du Poitou, t. XXXIX), p. 45, d'après B.
Bien que Frotier soit qualifié ici simplement d'homme vénérable et d'abbé, il ne semble pas téméraire de l'identifier avec l'archevêque de Bordeaux du même nom qui fut précisément pourvu par le roi dès 868 de l'abbaye de Saint-Hilaire de Poitiers et dont les rapports avec le Poitou furent particulièrement intimes (Auzias, L'Aquitaine carolingienne, p. 377-378). Si le diplôme synodal délivré en faveur de Charroux le 30 avril 869, à Verberie (Monsabert, ouvr. cité, p. 20), est digne de foi, Frotier n'était pas encore à cette date abbé du monastère. Le titulaire de la charge était Guillaume, déjà nommé comme tel parmi les souscripteurs du diplôme synodal délivré en faveur de Saint-Denis par les Pères du concile de Soissons en 862 (Tardif, Cartons des rois, n° 187). D'autre part une donation datée d'octobre 874 (Monsabert, ouvr. cité, p. 88, n° II), nous montre que l'abbé s'appelait alors Grimpharius. Par là, se justifient les deux termes assignés à l'expédition de ce diplôme. — Les passages imprimés ci-dessous en petit texte sont empruntés à un diplôme de Louis le Pieux en date du 12 février 815 (Böhmer-Mühlbacher, Die Regesten, n° 573 [553]; publié dans le Recueil des historiens de la France, t. VI, p. 474, n° xxvi, et par Monsabert, ouvr. cité, p. 13). Le texte du diplôme de Charles le Chauve est tronqué, non seulement parce qu'il est démuni de tout protocole final, mais encore à cause de l'omission de la clause concernant la liberté des élections abbatiales qui figure dans le diplôme de Louis le Pieux.
La question de la tradition manuscrite a besoin d'être élucidée. Les plus anciens documents de l'abbaye de Charroux nous ont été transmis dans une sorte de cartulaire historique, fort utilisé par les érudits poitevins et généralement connu sous le nom de Liber de constitutione. Du Liber de constitutione il existe deux copies anciennes, l'une qui semble être du xve siècle, d'aucuns disent du xive, actuellement propriété de la Société éduenne, à Autun, l'autre, postérieure et qui paraît plutôt du xvie que du xve siècle, conservée à la Bibliothèque nationale. Contrairement à ce qu'insinue Dom de Monsabert, nous croyons que l'exemplaire originel du Liber, compilé au xiie siècle, existait encore au xviiie siècle. En effet, Dom Fonteneau se réfère à «un petit cartulaire dont l'écriture est semblable à celle du xiie siècle» (Bibliothèque municipale de Poitiers, Collection Fonteneau, vol. 4, p. 34. Cf. Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 2, fol. 104). D'autre part, la pagination donnée par Besly (copie mentionnée sous la lettre D) ne répond ni à celle du cartulaire d'Autun, ni à celle du cartulaire de Paris. C'est donc au cartulaire du xiie siècle que se rattachent directement ou indirectement les copies B à G. Quant au vidimus du xive siècle transcrit dans le gros cartulaire perdu, on peut être sûr qu'il ne reproduit pas l'original, puisque le texte ne comporte pas de protocole final et que le dispositif lui-même est aussi tronqué que celui de la copie du cartulaire du xiie siècle. L'édition procurée par Dom de Monsabert (b) ne semble pas reproduire exactement le texte de B.
Texte établi d'après les copies B à I. L'orthographe est celle de B.
In nomine sancte et individue Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si erga loca divinis cultibus mancipata propter amorem Dei eorumque in eisdem locis sibi famulantes beneficia opportuna largimur, premium nobis apud Deum eterne remunerationis rependi non diffidimus. Noverit interea sagacitas seu utilitas omnium fidelium nostrorum, tam presentium quam et futurorum, quia vir venerabilis Frotarius, abba ex monasterio Karrof quod est constructum in honore Domini et Salvatoris nostri Jesu Christi, situm in pago Pictavensi prope fluvium Karantona, obtulit obtutibus nostris auctoritatem immunitatis domni et genitoris nostri Ludovici bone memorie piissimi augusti, in qua erat insertum quod ipsum monasterium Rotgerius quondam comes in suo edificaverit proprio et cum omnibus rebus et ornamentis ecclesie seu et cum omnibus appendiciis et adjacenciis suis avo nostro cesari Karolo per cartulam delegaverit donationis et quod ad ejus peticionem ob inquietudinem judiciarie potestatis sub sua defensione et immunitatis tuitione consistere fecerat. Pro firmitatis namque studio deprecatus est nos predictus Frotarius abba et omnis congregatio ibidem Deo serviens ut paternum morem sequentes hujuscemodi nostre immunitatis preceptum circa ipsum monasterium fieri censeremus. Quorum peticioni libenter assensum prebuimus et hoc nostre auctoritatis preceptum erga ipsum monasterium immunitatis atque tuitionis gratia pro divini cultus amore et anime nostre remedio fieri decrevimus, per quod precipimus atque jubemus ut nullus judex publicus nec quislibet ex judiciaria potestate aut ullus ex fidelibus nostris, tam presentibus quam futuris, ecclesias aut loca vel agros seu reliquas possessiones quas moderno tempore in quibuslibet pagis et territoriis infra ditionem regni nostri juste et legaliter possidet vel ea que deinceps in jure ipsius sancti loci aut per nos aut per alios voluerit divina pietas augeri, ad causas audiendas vel freda aut tributa exigenda, aut mansiones vel paratas faciendas, aut fidejussores tollendos aut homines ipsius monasterii tam ingenuos quam et servos super terram ipsius commanentes distringendos, nec ullas redibitiones aut illicitas occasiones requirendas, nostris nec futuris temporibus ingredi audeat nec ea que supra memorata sunt penitus exigere presumat. Quicquid etiam de prefatis rebus monasterii jus fisci exigere poterat, in integrum pro eterna remuneratione eidem concedimus monasterio, scilicet ut perhemnibus temporibus in alimonia pauperum et stipendia monachorum ibidem Deo famulanium proficiat.....