844, 14 mai. — Saint-Sernin de Toulouse.

Charles le Chauve, à la prière de l'abbé Lazare (alias Eléazar) accorde au monastère de Saint-Pierre de Cubières en Razès un précepte concernant tous ses biens, acquis à titre de don, d'achat ou d'échange, le prend sous la protection royale, lui confère l'immunité, permet de disposer en sa faveur, lui garantit la paisible possession de son patrimoine et accorde aux moines la liberté des élections abbatiales.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-860), Vol. 1, Paris, 1943, no39.

A. Original perdu.

B. Copie du xiie s., dans un fragment de cartulaire de l'archevêché de Narbonne, Bibliothèque nationale, ms. lat. 11015 (anc. Colbert 5080), fol. 12.

C. Copie du xiie s., dans le même cartulaire, ibidem, fol. 17.

D. Copie du xviie s., par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 374, p. 445 «ex chartulario archiepiscopi Narbonensis, fol. 17», probablement d'après un autre cartulaire que le précédent.

E. Copie de la fin du xviie ou du début du xviiie s., par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 69, fol. 326, d'après B.

a. Histoire générale de Languedoc, t. I, preuves, col. 79, n° lx, «ann. 843. Bibl. du roi, ms. de Baluze coté Schedae Narbonenses, et archives de l'église de Narbonne».

b. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 441, n° xix, d'après a (année 843).

c. Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. II, preuves, col. 226, n° 109, d'après B.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 209 (année 843).

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1555.

Indiqué : Lot et Halphen, Le règne de Charles-le-Chauve, p. 101 et n. 4.

Tel qu'il se présente à nous aujourd'hui, ce diplôme n'a pu être expédié par la chancellerie de Charles le Chauve. La langue en est très mauvaise. La latinité du texte publié dans l'Histoire générale du Languedoc (a) est, il est vrai, un peu moins barbare que celle du texte de la tradition manuscrite. Mais il faut voir là, semble-t-il, le résultat d'amendements introduits par les éditeurs. Dans l'impossibilité d'identifier avec certitude les sources dont ils se sont servis, nous avions le devoir de tenir compte des leçons qu'ils ont adoptées, mais un coup d'œil jeté sur les notes critiques permettra de s'apercevoir de la barbarie du texte primitif. Malgré les corrections, bon nombre de fautes ou d'expressions inusitées subsistent: emploi fort gauche de la conjonction quemadmodum avec le sens de de laquelle façon, «quemadmodum et facimus»; causa pris au sens de chose, «de omnibus causis sibi pertinentibus»; emploi de la forme adverbiale commote, etc. La composition du texte est insolite. L'abbé commence par demander au roi de lui accorder un précepte concernant les biens du monastère et les rapports de celui-ci avec le fisc (?), «de alodibus suis seu de fisco nostro». Le souverain accède à cette requête «quemadmodum et facimus...». Puis l'abbé insiste et prie le roi de prendre le monastère sous sa protection. Viennent alors les clauses énumérées dans notre analyse. Celle qui concerne l'octroi de l'immunité est exprimée d'une façon tout à fait anormale. On remarquera tout d'abord que ni dans l'exposé ni dans le dispositif n'est employée la formule habituelle «immunitatis nostrae defensio». L'interdiction aux officiers publics d'entrer sur les domaines de l'immuniste est formulée d'une manière extraordinaire: mention du vilicus, intercalation d'un passage inintelligible, «illis partibus... insurgere vel», etc. Notons encore le renvoi à un capitulaire inconnu. Il serait superflu d'insister sur l'anomalie de la place assignée au monogramme. De la correction de la date (compte tenu de l'erreur commise dans le calcul de l'indiction dont le chiffre doit être forcé d'une unité) et aussi de la souscription de chancellerie, nous pouvons conclure que le faussaire avait sous les yeux un diplôme réellement expédié et c'est pourquoi nous n'avons pas rejeté ce texte parmi les actes entièrement supposés.


Texte établi d'après BCDa.

In nomine sancte et individue Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Omnibus episcopis, abbatibus, comitibus, vel omnibus fidelibus sancte Dei Ecclesiȩ et nostris, notum sit, presentibus et futuris, quia veniens vir venerabilis abba, nomine Lazarus, ad nos ex monasterio suo quod situm est in pago Redensi in loco ubi dicitur Cuperia atque in honore sancti Petri dicatum, adiens quoque serenitatem et deprecans celsitudinem nostram ut faceremus ei de alodibus suis seu de fisco nostro auctoritatem regali ordine more firmatam, quemadmodum et facimus tam ad eundem monasterium quam et eidem abbati vel omnibus successoribus suis de omnibus causis sibi pertinentibus, id est in villis, villaribus, in ecclesiis, tam in donaticiis et tradicionibus quam etiam in empticiis et comutatu. Interea vero poscens et nostram deprecatus est celsitudinem clementiae ut amodo sub nostra tuicione atque defensione predictum monasterium cum omnibus rebus predictis sibi pertinentibus reciperemus, sicuti et facimus. Et quemadmodum in ceteris regalibus monasteriis auctoritas nostra succurrit, ita et in eundem monasterium predictum Cuperiam stabili tenore esse decrevimus. Quamobrem volumus atque jubemus seu et concedimus huic venerabili abbati Eleazaro vel omnibus successoribus suis ut ab hodie et deinceps nullus comes, judex, vicarius sive vilicus ad eundem monasterium nec in omnibus finibus vel terminis suis nec in omnibus rebus predictis, illis partibus e contrario audacter et temerarie ad emulandum vel ad insurgendum commote, nec ad violandum insurgere vel ingredi audeat, non ad inlicitas occasiones querendas, nec ullas redibitiones vel paratas tollendas, neque mansionaticos vel fredas exigendas. Quod si fecerit, dampnetur ita sicut decretum est in capitulo nostro. Quod si aliquis homo, Deo inspirante, ad eundem locum aliquid tradere vel augere voluerit, plenam in omnibus habeat licentiam. Sed liceat memorato abbati et successoribus fratribusque suis ibi Domino deservire et jam dictum monasterium cum rebus predictis omnibus per hanc nostram auctoritatem quieto atque tranquillo ordine possidere atque in perpetuum utiliter quod voluerint vel dijudicaverint facere et sub sancti Benedicti regula Domino valeant militari quiete. Quod si ipsi abbates a seculo migraverint, quandiu inter se tales invenire potuerint qui ipsam congregationem secundum regulam sancti Benedicti regere possint, licentiam habeant, et ipsi pro nobis et conjuge proleque semper Domino exorare delectent. Et ut hec auctoritas nostra inviolabilem atque inconvulsam obtineat firmitatem, manu nostra subter ea firmavimus et anuli nostri impressione sigillari jussimus.

Signum Karoli gloriosissimi regis (Monogramma).

Jonas diaconus ad vicem Hlodoici recognovit et subscripsit.

Data II id. maii, anno IIII, indictione VI, regnante Karolo gloriosissimo rege. Actum monasterio sancti Saturnini prope Tolosam. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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