876, 13 juillet. — Ponthion.
Charles le Chauve, à la prière de Frotier (Frotarius), archevêque de Bourges, donne à Gérou (Gairulfus), abbé du monastère de Beaulieu, situé sur la Dordogne, dans le «pagus» de Turenne, et à ses moines, dix manses de la «villa» dite «Orbaciacus» (Le Saillant), sise au comté de Limoges, dans le val d'Yssandon, sur la Vézère.
A. Original perdu.
B. Copie du xiie s., dans le cartulaire de l'abbaye de Beaulieu, Bibliothèque nationale, ms. nouv. acq. lat. 493, fol. 12 v°, sous la rubrique: «Privilegium Karoli imperatoris de Orbaciaco».
C. Copie du xviie s., par A. Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 22, fol. 321, «ex cartulario Belliloc.», d'après une copie de B.
D. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12858, p. 20, sous le titre: «Privilegium Caroli imperatoris», «ex chartul. D. Justel quod nobis concessit D. d'Hérouval», d'après une copie de B.
E. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 17089 (ancien Bouhier 36), fol. 597 (p. 17 de la copie du cartulaire), sous le même titre qu'en D, d'après une copie de B.
F. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 17674, fol. 130v° (ancien 61v°), sous le même titre qu'en D E, d'après une copie de B.
a. Gallia christiana, t. II, instrumenta, col. 3, édition partielle, d'après C ou D.
b. Histoire générale de Languedoc, t. I, preuves, col. 131, n° civ, d'après B.
c. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 653, n° cclxii, «ex chartulario Bellilocensi», d'après D.
d. Deloche, Cartulaire de l'abbaye de Beaulieu, p. 23, n° ix, d'après C D E, et subsidiairement d'après B.
e. Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. II, col. 381, n° 188 (civ), d'après d.
Indiqué : Georgisch, Regesta, t. I, col. 142 (année 875).
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 303.
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1799.
Indiqué : J. de Font-Réaulx, Diplômes carolingiens de l'abbaye de Beaulieu, dans Le Moyen Âge, t. XLI (1931), p. 4 et suiv.
Indiqué : Ferdinand Lot, Le diplôme de Charles le Chauve du 13 juillet 876 pour l'abbaye de Beaulieu en Limousin, dans Le Moyen Âge, t. XLIV (1934), p. 88.
Ce diplôme soulève de sérieuses difficultés tant au point de vue diplomatique qu'au point de vue historique. Le préambule est celui d'une donation à un particulier et non celui d'une donation à un établissement ecclésiastique; les clauses finales d'une donation en toute propriété sont omises; la construction est incorrecte. On a l'impression très nette d'un remaniement. D'autre part, le texte fait figure d'intrus dans le dossier d'Orbaciacus, qui se compose des pièces suivantes: 1° le diplôme de Charles le Chauve de 876 ci-dessous publié; 2° un diplôme de Carloman du 14 juin 882, où se lit la phrase suivante: «Haec sunt... villae quas divinae recordationis avus noster Karolus per auctoritatem sui praecepti [concessit], id est Cameracum et Orbaciacum...» (Cartulaire de l'abbaye de Beaulieu, éd. Deloche, p. 20, n° viii); 3° la vente de la villa Orbaciacus par le comte Eudes à Frotier, archevêque de Bourges, en 886-887 (ibidem, p. 24, n° x); 4° la donation par Frotier de la même villa au monastère de Beaulieu (ibidem, p. 26, n° xi); 5° un diplôme confirmatif de la précédente donation intitulé au nom du roi Eudes et daté de juin 889: «Confirmamus... similiter in eodem pago (Lemovicino), in valle Exandonense, Orbaciacum villam quam Frotarius episcopus dedit S. Petro» (ibidem, p. 28, n° xii). Le diplôme de Carloman présente des traces certaines de remaniement et ne fait pas autorité. Reste donc à résoudre la contradiction entre le diplôme de Charles le Chauve et les trois autres documents d'après lesquels la villa Orbaciacus serait entrée dans le patrimoine de Beaulieu tout autrement que par un effet de la libéralité royale.
Jacques de Font-Réaulx (mémoire cité sous la rubrique Indiqué) est d'avis de ne retenir que le cadre du diplôme. Il y avait, selon lui, dans les archives de Beaulieu un diplôme de donation à un particulier intitulé au nom de Charles le Chauve et daté de Ponthion le 13 juillet 876. Dans le cadre de cet acte, un remanieur opérant au cours de la première moitié du xe siècle aurait inséré la donation d'Orbaciacus au monastère de Beaulieu.
Ferdinand Lot (mém. cité sous la rubrique Indiqué) a émis en faveur de la sincérité totale de l'acte une hypothèse ingénieuse. Il rappelle l'existence de deux localités appelées Le Saillant, auxquelles répondent deux Orbaciacus: «L'une fait partie de la commune de Voutezac (Corrèze), l'autre, le Vieux-Saillant, en face, de l'autre côté de la rivière, relève de la commune d'Allassac. Il ne me paraît pas douteux, ajoute-t-il, que c'est cette dernière localité, Le Vieux-Saillant, qui représente la donation de Charles le Chauve: sa superficie (102 hectares) répond exactement à celle qu'on obtient pour les dix manses en adoptant les supputations de B. Guérard (10 hectares au manse en moyenne).» Les trois autres pièces du dossier se rapporteraient à l'autre localité homonyme. On retiendra aussi que des obscurités analogues de construction se rencontrent dans le diplôme n° 410. Ces deux diplômes semblent porter la signature du même rédacteur, dont l'inexpérience certaine pourrait expliquer à la rigueur le choix d'un préambule inadéquat à la qualité du destinataire.
Pour permettre au lecteur de juger par lui-même de l'état du texte, nous donnons ci-dessous une édition diplomatique de B sans nous permettre aucune correction. Sur la transmission des diplômes de Beaulieu en général, voir tome I, p. 526, l. 12 et 13 et n. 1.
In nomine sanctae et individue Trinitatis. Karolus gratia Dei imperator augustus. Imperialium celsitudinis mos est fideles suos donis multiplicibus et honoribus ingentibus honorare atque sublimare. Itaque notum sit omnibus sanctȩ Dei Aecclesie fidelibus et nostris, presentibus scilicet atque futuris, quia complacuit clementiȩ serenitatis nostrae, ad deprecationem Frotarii, Biturigensis aecclesiȩ archiepiscopi, venerabileque et dilectum nobis Gairulfum, ex monasterio Belli loci abbatem, quod est in honore beati Petri constructum, ubi requiescit corpus sanctȩ Felicitatis martyris Christi, quod est situm in pago Tornensi super fluvium Dornonia, de quibusdam nostrae proprietatis rebus pro absolutione peccatorum nostrorum jam dicto abbati suisque successoribus necnon et monachis ibidem Deo famulantibus, tam presentibus quam et futuris, honorare in stipendiis et usibus eorum in venturis generationibus, quȩ siquidem res sunt site in commitatu Lemovicino, in valle Exandonense, hoc est villa que vocatur Orbaciacus, quod sunt mansi X cum terris, vineis, pratis, pascuis, molendinis, aquis aquarumve decursibus, secus fluvium Viseram, necnon et mancipiis utriusque sexus desuper commanentibus vel ad id jurae respicientibus, totum et ad integrum, cum omni sua integritate, per hoc altitudinis nostrae preceptum eternaliter in jus proprium eidem loco delegamus et delegantes confirmamus. Unde hoc magnitudinis ac celsitudinis nostrae preceptum fieri ibique dare jussimus, per quod memoratam villam cum omni suarum integritate rerum habeant, teneant firmiterque absque alicujus contradictione aut minoratione possideant. Ut autem hujus nostrae auctoritatis largitio majorem in Dei nomine obtineat firmitatem vigoris, manu nostra eam supter firmantes anulique nostri inpressione assignari jussimus.
Karolus. S. Karoli gloriosissimi imperatoris augusti.
Data III id. jul., indictione VIIII, anno tri XXXVI regnante Karolo gloriosissimo imperatore, et in successione regni Lotharii anno VI, imperii autem ejus anno I. Actum Poncione palatio imperiali. In Dei nomine feliciter. Amen.