[844 (?), mai (?)]. — [Saint-Sernin de Toulouse (?)].

Charles le Chauve, à la prière de Raoul, archevêque de Bourges, confirme la donation faite par ce dernier sur les biens du patrimoine épiscopal au petit monastère de Dèvre, dépendant de l'église de Bourges et gouverné par l'abbé Aimeri, des «villae» des Granges et de Veuilly, de la forêt de Thénioux qu'on appelle Malleville, de deux manses à «Mons», d'un manse de la «villa» de Brinay, près de Méreau, de quinze manses de la «villa» de Méry avec l'église du lieu, du bourg de Saint-Georges avec deux chapelles desquelles dépendent six manses avec trois moulins et trois terrains sis à Bourges, d'un manse dans chacune des «villae» de Miseray, de Luc, des Gaus, des Bordes, de «Drosgadam» avec les colons qui s'y trouvent, enfin des biens sis dans la «villa» de Bagneux achetés à un homme nommé Sulpice, met les moines et leurs biens sous la protection royale et celle de l'immunité, stipule que les successeurs de Raoul ne pourront diminuer la susdite dotation et concède avec le consentement de l'archevêque la liberté des élections abbatiales.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-860), Vol. 1, Paris, 1943, no42.

A. Original perdu.

B. Copie du xiie s., postérieure à 1155, dans le cartulaire de l'abbaye de Vierzon, Bibliothèque nationale, ms. lat. 9865, fol. 2.

C. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 22, fol. 315, d'après B, avec des corrections.

a. Mabillon, Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, saeculum quartum, pars 2a (t. VI), p. 158, d'après une copie de Dom Estiennot exécutée sur B, avec des corrections.

b. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 447, n° xxv, d'après a.

c. Acta sanctorum, juin, t. V, p. 105, d'après a.

Indiqué : Bréquigny Table chronologique, tome I, p. 211 (année 843).

Indiqué : J. de Font-Réaulx, Les restaurations de Raoul, archevêque de Bourges dans les Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, t. XXXVIII (1919), p. 16-37, et Dèvre et Vierzon, ibidem, t. XLV (1934), p. 99-110.

Indiqué : Georges Tessier, Les chartes du monastère de Dèvre et la valeur historique du cartulaire de Vierzon dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, t. XCII (1931), p. 23-42.

Le cartulaire de Vierzon, signalé sous la lettre B, est la source unique de la tradition de notre diplôme. Le copiste a omis de transcrire la date. Celle-ci peut être reconstituée avec une certaine probabilité. Jusqu'au 27 décembre 843 inclusivement, Jonas, qui a souscrit le diplôme, fait suivre son nom de la qualification de notarius. A partir du 5 avril 844, il s'intitule diaconus. La présence du mot diaconus dans la souscription du diplôme pour Dèvre nous autorise à conclure que celui-ci n'est pas antérieur à 844. Il a été vraisemblablement délivré cette année même. Outre qu'elle coïncide avec la période la plus active de la carrière du diacre Jonas, elle a l'avantage d'être la plus voisine de l'année 843 que le Chronicon Viersonense, édité par Labbe (Nova Bibliotheca... II, p. 737) présente comme celle de la fondation du monastère, ou plus exactement de sa restauration. D'autre part, après l'échec essuyé par Charles devant Toulouse et après l'accord de juin 845 qui reconnaissait l'autorité de Pépin II sur l'Aquitaine, il est peu vraisemblable que l'impétrant de l'acte, Raoul, archevêque de Bourges et fidèle de Pépin, ait adressé à Charles le Chauve une requête en faveur d'un établissement situé dans une partie du territoire aquitain sur laquelle le souverain ne s'était réservé aucun droit. Il est possible de suggérer une précision supplémentaire en ce qui concerne la date de mois. Après le diplôme de Charles le Chauve on trouve dans le cartulaire de Vierzon trois chartes intitulées au nom d'un personnage nommé Ambran. Dans leur état actuel, ce sont trois faux manifestes. Elles se présentent comme écrites par le diacre Jonas, Jonas diaconus scripsit, et souscrites au nom de Charles le Chauve sous la forme d'ailleurs correcte Signum Karoli gloriosissimi regis. Le copiste du cartulaire a même transcrit à la fin de la première charte d'Ambran le monogramme royal dont le dessin a été évidemment copié sur l'original du présent diplôme. Le protocole final des chartes d'Ambran a donc été inspiré par ce dernier. Or il porte Data mense maio. C'est pourquoi, quelque fragile que soit l'hypothèse, nous proposons d'assigner au diplôme de Charles la date de mai 844.

La formule Jonas diaconus scripsit ne doit pas nous arrêter, le copiste du cartulaire ayant été sans doute influencé par les nombreux actes privés qu'il avait à transcrire. Il n'empêche que la certitude de falsifications massives apportées dans le chartrier de Dèvre-Vierzon à la fin du xie siècle doit nous mettre en garde contre l'énumération des biens contenue dans notre diplôme. Il est fort possible qu'il y ait eu des interpolations, sans que nous soyons en mesure de les déterminer avec précision.

On trouvera ci-dessous une édition diplomatique de B. Le texte en étant imparfait, nous donnons en note les corrections qu'ont cru devoir y apporter C et a.


In nomine sancte et individue Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si peticionibus servorum Dei justis et rationabilibus benignum conmodamus assensum, regie dignitatis debitam exercemus consuetudinem ac etiam apud eternam beatitudinem id ipsum nobis rependi non difidimus. Quapropter conperiat omnium sancte Dei Ecclesie nostrorumque fidelium, presencium scilicet et futurorum, sollercia quia Rodulfus, Bituricensis ecclesie venerabilis archiepiscopus, nostre innotuit serenitati qualiter cuidam monasteriolo memorate ecclesie sue vocabulo Dovero ad stipendia monachorum ibidem Deo militancium quasdam res ejusdem episcopii ejusdem monachis et eorum abbati nomine Aimerico largitus fuisset, qui ibidem consistentes absque ulla indigentia Domino famulari potuissent, hoc est villam Granicas cum suis appenditiis, et villam Vidiliacum cum sua integritate, et silvam de villa Tanologio cujus vocabulum est Mala villa, et in loco qui dicitur Mons mansos duos, et de villa Brienniaco prope Marologio mansum unum, et de villa Mariaco mansos quindecim cum ecclesia inibi constructa, et vicum sancti Georgii cum duabus capellis habentes mansos sex cum farinariis tribus et hareis tribus in civitate Bituricas sitas, et in villa Miseriaco mansum unum, et in villa Luco mansum unum, et in villa Gotorum mansum unum, et ad Illas Bordas mansum unum, similiter etiam et in villam vocabulo Drosgadam con omnibus colonis ibidem consistentibus, et res in villa Baniolo emptas a quodam homine nomine Sulpicio. Unde petiit isdem pontifex nostre celsitudinis clemenciam ut predicto abbati suo Aimerico et monachis sub se consistentibus nostre auctoritatis preceptum super hanc suam largicionem fieri dignaremur, quatinus ipsi monachi successoresque eorum perpetim memoratas res absque cujuspiam inquietudine aut diminoratione tenere valerent, eosd[em] monachos cum omnibus rebus eorum et mancipiis more paterno sub nostre defensionis mondeburdo et inmunitatis tuitione recipere dignaremur. Cujus peticionem ob amorem Dei et reverenciam ipsius loci libenter annuimus, et hanc nostram auctoritatem illis fieri jussimus, pro qua statuimus atque firmamus ut predicti monachi suprascriptas res cum omni integritate a venerando pontifice Rodulfo vel ejus antecessoribus ad eorum stipendia deputatas perpetuo teneant atque possideant, remota totius inquietudinis molestia, simul etiam propter divinum amorem et monachorum quietem ibidem degentium suscepimus eos cum omnibus rebus eorum quas presenti tempore habere noscuntur et que deinceps divina pietas augere voluerit sub plenissima defensione et inmunitatis nostre tuitione, ita dumtaxat ut successores memorati episcopi qui eamdem cellam post eum sub sui regiminis cura habituri sunt, nichil de supra memoratis rebus habeant minuendi licenciam, sed con omni integritate sub pretextu proprii antistitis eas quiete possideant et in eorum usus perpetuo jure consistant, remota inique occasionis dominatione. Interea precipientes jubemus ut nullus judex publicus, neque quislibet ex judiciaria potestate, nec ullus ex fidelibus nostris in ecclesias aut loca vel agros seu reliquas possessiones predicte cellule quas moderno tempore juste et rationabiliter possidere videntur in quibuslibet pagis et territoriis, vel que deinceps in jure ipsius sancti loci voluerit divina pietas augeri, ad causas audiendas vel freda exigenda, aut mansiones vel paratas faciendas, ad fideijussores tollendos nec homines ipsius cellule tam ingenuos quam et servos qui super terram residere videntur distringendos, nec ullas reddibitiones aut inlicitas occasiones requirendas, ullo unquam tempore ingredi audeat vel ea que supra memorata sunt penitus exigere presumat; et quicquid de rebus prefate cellule exigi vel adquiri poterit, concedimus ut perhennis temporibus ad stipendia monachorum ibidem Deo famulantium et alimonia pauperum proficiat in augmentum; et quandoquidem divina vocatione supradictus abbas vel successores ejus de hac luce migraverint, quamdiu ipsi monachi inter se tales invenire potuerint qui ipsam congregationem secundum regulam sancti Benedicti regere valeant, per hanc nostram auctoritatem et consensum proprii episcopi licenciam habeant eligendi abbates, quatenus ipsos servos Dei qui ibidem Deo famulare videntur, pro nobis, conjuge proleque nostra ac stabilitate totius regni a Deo nobis conlati adtentius Domini misericordiam exorare delectet. Et ut hec auctoritas nostris futurisque temporibus, Domino protegente, valeat inconvulsa manere, manu propria subter eam firmavimus et anuli nostri inpressione adsignari jussimus.

Signum (Monogramma) Karoli gloriosisimi regis.

Jonas diaconus scripsit.


Localisation de l'acte

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