877, 11 juillet. — Ponthion.
Charles le Chauve, confirmant à la prière de Bernon, diacre palatin et «ministerialis» impérial, les frères et sœurs du monastère de Marchiennes dans la possession des biens qu'il énumère, concède (sic) à cet établissement les terres, eaux et bois qui l'environnent; en Cambrésis, la «villa» de «Lis»; en Artois, Boiry; en Ostrevant, Gouy, un manse avec son moulin à Lambres, une redevance de 400 anguilles à fournir par la «villa» de Rieulay; en Pévèle, la «villa Bebrogium»; en Melantois, Ronchin et sa dépendance, Templeuve; dans le «pagus» ou comté dit «Leticus», la «villa» de Haisnes avec la «villa» dite «Nantgiaco» qui en dépend, ainsi que la dîme de Reninghe. Il stipule que le vin provenant de Vregny sera attribué pour un tiers au seigneur (ad opus senioris), pour un tiers aux frères et sœurs résidant à Marchiennes et pour un tiers à ceux qui résident à Hamage. Il concède en outre, avec affectations spéciales à l'entretien de l'église, un manse sis «infra ipsum monasterium» et deux manses de la «villa» dite «Ampleias»; au luminaire, trois livres d'argent à fournir par le domaine seigneurial; au vin [d'église], douze muids à fournir par le même domaine; à l'hôtellerie, un manse sis dans les limites (ou à côté) du monastère, deux manses de la «villa» dite «Ampleias» et deux «setici» à Rieulay. Les communautés recevront la dîme des produits de toutes les «villae» abbatiales, que celles-ci appartiennent à la portion réservée [à l'abbé] ou qu'elles soient aux mains de bénéficiers. Le souverain stipule en outre qu'en cas d'insuffisance dans les prestations d'une «villa», par exemple en blé ou en vin, on y suppléera au moyen des excédents provenant d'autres «villae», l'ensemble faisant partie de la même masse administrée par un seul prévôt; éventuellement la part seigneuriale (c'est-à-dire abbatiale) servira à combler le déficit. <Personne ne sera préposé au monastère par la violence, mais l'élu sera conduit à l'évêque [qui l'investira].>
A. Original. Parchemin autrefois scellé. Hauteur, 753 mm. à gauche, 735 mm. à droite; largeur, 510 mm. en haut, 507 mm. en bas. Collection particulière, à Amiens.
B. Copie de l'année 1770, par Dom Queinsert, Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 2, fol. 168, d'après A, avec une note descriptive sur l'original.
C. Copie du xiie s., Archives du Nord, 10 H 6, pièce.
D. Copie du xiie ou xiiie s., dans un cartulaire de l'abbaye de Marchiennes, Archives du Nord, 10 H 323*, p. 37.
E. Copie partielle du xviie s., par Peiresc (Antiquitez françoises, t. xxiii, 1), Bibliothèque de Carpentras, ms. 1791, fol. 444, d'après A.
F. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 17709, p. 137.
G. Copie de la fin du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 7385, fol. 289, d'après D.
H. Copie du xixe s., dans une transcription diplomatique du cartulaire de Marchiennes mentionné sous la lettre D, Bibliothèque nationale, ms. lat. nouv. acq. 1204, p. 47, d'après D.
I. Copie du xixe s., Archives du Nord, 10 H 6, pièce.
a. Buzelin, Gallo-Flandria, p. 340.
b. Miraeus, Diplomatum belgicorum libri duo, p. 30.
c. Miraeus, Noticia ecclesiarum Belgii (extraits), p. 69, d'après b.
d. Miraeus, Opera diplomatica, éd. Foppens, t. I, p. 138, d'après b.
e. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 666, n° cclxxix, d'après b.
. Photographie de l'original: Bibliothèque des Archives nationales, MIII 39 atlas.
Indiqué : Georgisch, Regesta, t. I, col. 146.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 311.
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1318.
Ce diplôme n'a pas toutes les apparences d'un acte sincère. Les caractères externes du parchemin, encore scellé au début du xxe siècle, qui nous en a transmis le texte, ne donnent que peu de prise à la critique, sous réserve des remarques énoncées ailleurs, mais il n'en est pas de même du formulaire. La formule de dévotion devrait être ainsi conçue: «Karolus ejusdem Dei omnipotentis misericordia». La formule de corroboration: «Hanc paginam, ut sit stabilis, anulo nostro signavimus» est unique et on croira difficilement qu'elle ait pu sortir de la plume d'un notaire de la chancellerie. Le texte même est rédigé avec une maladresse surprenante. Il s'agit d'une affectation de biens à une mense conventuelle, mais le rédacteur s'exprime comme s'il avait affaire à une confirmation générale ou à une donation. Cependant la gaucherie est le fait de trop de diplômes, même sincères, pour qu'elle puisse, quand elle n'est en somme que relative, entraîner un jugement de condamnation. Par contre, la clause interdisant de préposer personne au monastère par la violence et prescrivant de conduire le supérieur à l'évêque après son élection est insolite. Il est vrai que la dernière ligne tout entière est presque illisible sur l'original. On pourrait supposer qu'elle a été récrite sur un grattage. Il apparaît en effet sur les photographies que certaines lettres n'ont pas exactement le même dessin que dans le reste du diplôme (o de persona, n de hanc et de paginam; c'est ici le second jambage de la lettre n qui est recourbé au lieu du premier). Il y a quelque chose de beaucoup plus extraordinaire encore, c'est la qualité de notarius accolé au nom du recognoscens Adalgarius. Ce personnage avait quitté la chancellerie et était évêque d'Autun depuis 875. Il reconnaîtra bien un diplôme le 10 septembre 877 (n° 446), mais il le fera en qualité d'évêque et non pas de notaire. Enfin et peut-être surtout, le 11 juillet 877, Adalgarius était en Italie où il avait été envoyé auprès du pape au mois de février précédent et ne devait rejoindre Charles le Chauve qu'un peu plus tard, à Orbe, dans le Jura (Annales Bertiniani, éd. Waitz, p. 135). Il y a là un problème qui paraît tout d'abord insoluble. À un jugement de condamnation s'opposent cependant les caractères externes de l'original, compte non tenu du dessin de la ruche et du signe tironien de subscripsit, la concordance de la date avec l'itinéraire de Charles le Chauve, tel qu'il est connu d'autre part, enfin la quasi-identité du formulaire avec celui du diplôme suivant, expédié le même jour pour le monastère de Hasnon. Les deux diplômes, tout en portant la marque d'un rédacteur unique, ont été souscrits par deux recognoscentes différents et ne comportent pas la même indication topographique d'origine. Ces divergences semblent exclure la possibilité d'une falsification, le faussaire s'étant dans l'hypothèse servi d'un des deux textes pour fabriquer l'autre. En dernière analyse, nous nous rallierions volontiers à une ingénieuse explication que nous a suggérée notre confrère, J. de Font-Réaulx. Le notaire serait ici un Adalgarius II, parent de l'évêque d'Autun, assez peu expert dans le style diplomatique et dont le nom apparaîtrait ici pour la première et unique fois.
(Chrismon) In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Karolus misericordia Dei imperator augustus. Si servorum Dei utilitatibus subveniendo conferimus, profuturum nobis hoc ad aeternam [2] beatitudinem fore nullo modo ambigimus. Quapropter noverit omnium sanctae Dei Ecclesiae fidelium nostrorumque, tam praesentium quam et futurorum, industria quoniam sororum et fratrum necessitatibus in coeno-[3]-bio Marcianas nuncupato, videlicet sito in comitatu Atrebatensi, in pago Ostrebanno, super fluvium Scarbum, sub tutela sanctae Rictrudis Deo militantium subvenire cupientes, eorum indigentiis nobis per Bernonem venerabilem [4] diaconum palatinum, dilectum ministerialem nostrum, patefactis, decernimus per ejusdem Bernonis deprecationem nostrae altitudinis praecepto eis confirmari res, quatinus per nostram munificentiam ad augmentum et utilitatem eorum [5] eas perpetualiter possideant, quae inferius descri[p]ta habentur. Concedimus igitur memorato coenobio circa ipsum monasterium terras, aquas et nemora cum omni integritate, in pago Cameracinse villam de Lis [6] cum omni integritate, et in pago Atrebatens[e] vill[am] B[aria]cum cum integritate. Similiter concedimus [et in pago Ostrebanno villam Gau]giacum sub omni integritate et in eodem pago Ostre-[7]-banno in Lambras mansum I cum molendino suo, similiter et in praedicto pago videlicet Ostrebanno, de villa Rullagio anguillas CCCC, atque in pago Pabulinse villam Bebrogium cum omni integritate. [8] Pari etiam tenore largimur in pago Medenentin[se] villam Rumcinium cum appendice villa Templ[o]vio, necnon et in pago Letica villam Haignas cum appendice villa Nantgiaco, similiter [9] et in ipso comitatu Letico de villa Rinenga, de omnibus scilicet rebus majoribus seu minoribus ac de omni adquisitione omnem decimam. De villa namque Viriniaco jubemus tres partes fieri de vino, [10] unam partem ad opus senioris, alteram quoque ad usus sororum ac fratrum in Marcianis consistentium, tertiam quidem ad opus sororum ac fratrum in Hamatico degentium, omnia jure perpetuo habenda. Insuper [11] etiam concedimus ad opus ecclesiae infra ipsum monasterium [mansum unum, et] in villa Ampl[ei]as mansos duos, atque in luminaria ejusdem ecclesiae de ind[ominicato] de argento libras III, et ad vinaticum similiter de indominicato de [12] vino modia XII, ad hospitale ejusdem coenobii infra ipsum monasterium mansum unum et in villa Ampleias mansos II atque in Rulliaco s[etico]s duos. Necnon et de omnibus villis tam de indominicatis quam et ex beneficiis totius [13] abbatiae omnem decimam pleniter statuimus largiendam. Praeterea statuendo sancimus ut, si in aliquo aliquid horum vobis defuerit, quia unum [sunt] et sub uno praeposito, ex altero suppleatur, id est, si vinum aut annona in uno [14] superabundaverit et alteri defuerit, ex superabundanti deficienti necessaria tribuantur, et si neutrum horum usibus fratrum seu sororum suffecerit, ex indominicato cuncta necessaria suppleantur. [15] <Nulla ibi praeponatur per violentiam persona, sed ad episcopum ducatur electa. Hanc paginam, ut sit stabilis, anulo nostro signavimus.>
[16] Signum Karoli (Monogramma) gloriossimi imperatoris augusti.
Adalgarius notarius ad vicem Gauzlini recognovit et s. (Signum recognitionis cum nota inclusa: Subscripsit, et locus sigilli).
[17] Datum V id. jul., indict. X, anno XXXVIII, regni [domini] Karoli regis in Francia [et imperii ejus] secundo. Actum Pontione [palatio] imperiali. In Dei nomine feliciter. Amen.