858, 24 janvier. — Quierzy.

Acte faux

Charles le Chauve, à la prière de Pardoul (Pardulus), évêque de Laon et recteur du monastère de Montier-en-Der, confirme l'attribution de certains biens aux moines du dit lieu, pour leur entretien, jadis faite par le recteur Aumer (Altmarus) et confirmée par le roi, savoir les «villae» de Sommevoire, Mertrud, Thil, Ville-sur-Terre, Saint-Christophe (Dudiniaci curtis), Précy[-Saint-Martin], Braux, avec les terres et églises qui en dépendent, un manse à Cheppes, un territoire entre Saint-Christophe, Lesmont, Précy [-Saint-Martin] et Aulnay, un manse à Saint-Léger-sous-Margerie (Trochiniaca curtis) avec l'église, sept manses et une église à Lassicourt (? Darciaca curtis), un territoire touchant à Aulnay et sur le finage de Chalette, cinq manses et une église à Perthes[-en-Rothière], cinq manses à Torcy, sept manses et une église, des serfs, un bois, des moulins, le marché, le rouage du pont à Saint-Dizier (Olonna), trois manses et demi à Puellemontier, diverses terres à Hallignicourt, et la nouvelle attribution faite à la mense conventuelle par le dit Pardoul, consistant en terres et églises à Ville[-en-Blaisois?] et à «Brais», deux serves et leurs enfants à Cornet, des essarts, à quoi le roi ajoute le marché à Saint-Dizier avec des droits sur le sel, un bois, des terres et vignes à Vauciennes sur la Marne, la chapelle Saint-Martin à Dommartin-le-Saint-Père (Guioldi curtis), l'église de «Budicivilla», une saline à Vic[-sur-Seille?], et enfin divers privilèges pour les moines et l'abbé.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-877), Vol. 2, Paris, 1955, no475.

A. Original du faux perdu.

B. Copie de la fin du xiie s., dans le Cartulaire I de Montier-en-Der, Archives de la Haute-Marne, fol. xxii, sous la rubrique: «Privilegium Karoli», et en marge: «Sigillum».

C. Copie de la fin du xiiie s. ou du commencement du xive s., sur parchemin, Archives de la Haute-Marne, série H, fonds de Montier-en-Der, liasse 3, partie 1, n° 47, d'après A.

D. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 39, fol. 216 v°, d'après B.

E. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection de Champagne, vol. 22, fol. 137 v°.

F. Copie du xviiie s., Archives de la Haute-Marne, série H, fonds de Montier-en-Der, liasse 3, partie 1, sous le n° 47.

G. Copie du xviiie s., Archives de la Haute-Marne, série H, fonds de Montier-en-Der, liasse 3, partie 1, aussi sous le n° 47.

H. Copie de l'année 1874, par Deprez et Ulysse Robert, dans une copie figurée du Cartulaire I de Montier-en-Der, Bibliothèque nationale, ms. lat. nouv. acq. 1251, fol. xxii, d'après B.

I. Copie du xviiie s., dans Dom Pierre Baillet, Histoire de l'abbaye royale de Notre-Dame de Montiérender, Bibliothèque de Chaumont, ms. n° 173 (anc. 122), p. 121.

a. Camuzat, Promptuarium sacrarum antiquitatum Tricassinae dioecesis, fol. 84, fragment, sous l'année 838.

b. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 551, n° cxlv, fragment, d'après a.

c. É. de Barthélemy, Diocèse ancien de Châlons-sur-Marne, t. I, p. 354, fragment, d'après a.

d. Lalore, Collection des principaux cartulaires du diocèse de Troyes, t. IV, ... Chartes de Montiérender, p. 132, n° 10, fragment, d'après B.

e. M. Prou, Un diplôme faux pour l'abbaye de Montier-en-Der, dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XL (1915), p. 240.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 248.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1671.

Maurice Prou a fait une étude approfondie de ce diplôme dans la dissertation critique qui précède l'édition signalée plus haut sous la lettre e. Nous y renvoyons le lecteur et n'en rappelons ici que les conclusions. Le faussaire a pris pour base de son travail le diplôme du 25 janvier 857, portant affectation de biens à la mense conventuelle du monastère de Montier-en-Der et publié dans le tome Ier du présent Recueil, p. 495, sous le n° 191. Outre les emprunts textuels qu'il lui a faits, il en a imité la date. Il l'a interpolé tout d'abord «dans le dessein d'établir le droit des moines sur les biens qui, de son temps, constituaient la mense conventuelle». Quoiqu'il soit «difficile, sinon impossible, de prouver que le monastère ne possédait pas en 858 tel ou tel bien mentionné dans le diplôme de cette année-là», il y a «un groupe de possessions dont on peut affirmer qu'il n'est entré qu'après cette date dans le domaine de» Montier-en-Der; c'est celui qui fait l'objet d'une donation du comte Boson. Le 8 octobre 876, ce personnage abandonnait au monastère ce qu'il possédait sur le territoire d'Olonna (Saint-Dizier). Il en est de même pour les biens sis à Vauciennes qui ont fait l'objet d'une donation par le comte de Troyes Herbert II, consignée dans une charte de 980 (Lalore, Collection..., t. IV, Chartes de Montiérender, p. 139, n° 16). Il s'agissait ensuite pour le faussaire de «placer le monastère sous la protection directe, étroite, du roi et d'en défendre les possessions et les privilèges contre les entreprises de l'avoué et du comte, même de lier la royauté à son devoir de protection en la faisant se placer elle-même sous le contrôle du Saint-Siège». C'est à ces divers objets que répondent les clauses concernant les privilèges concédés à l'abbaye, dont Maurice Prou a fait une analyse serrée et dont il n'a pas eu de peine à démontrer qu'elles ne «sauraient plus que le reste remonter au milieu du ixe siècle». Quant à la date de la confection du faux, «la mention de biens sis à Vauciennes, donnés à Montier-en-Der par le comte Herbert en 980, confirmés par diplôme du roi Lothaire, de la même année (Halphen et Lot, Recueil des actes de Lothaire et de Louis V, p. 101, n° xliv), et la reproduction [dans l'acte intitulé au nom de Charles le Chauve] de la formule de corroboration de ce diplôme même du roi Lothaire permettent d'affirmer que la falsification est postérieure à 980». — Les passages imprimés ci-dessous en petit texte ont été empruntés au diplôme du 25 janvier 857, mentionné plus haut.


Texte de e, établi d'après B et C.

In nomine sanctȩ et individuȩ Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si reverendorum Dei servorum justis rationabilibusque petitionibus altitudinis nostrȩ aurem accommodamus, regiȩ celsitudinis operibus exequimur et, ob id, facilius nos divinam propitiationem adepturos omnino confidimus. Quapropter omnium sanctȩ Dei Ȩcclesiȩ tam nostrorum presentium quam futurorum comperiat sollertia qualiter karissimus et veneranter recolendus nobis Pardulus, Lugdunensis ȩcclesiȩ episcopus atque memorabilis rector Dervensis monasterii, quod est fundatum in honore beatorum apostolorum Petri et Pauli, ubi etiam beatus Bercharius, honorabilis Christi martir, et Theodosia, virgo Christi, veneranter habentur humati, ad nostram se colligens majestatem, obtulit optutibus nostris preceptum, jamdudum nostra auctoritate roboratum suggerente celsitudini nostrȩ Altmaro, inlustri viro et memorati monasterii quondam rectore, in quo adnotatȩ videbantur res et villȩ unde prefati monasterii monachi necessarios usus percipere debebant, sed non hoc ad eorum necessitatem supplendam superius memorato dilecto nobis venerabili episcopo Pardulo sufficienter visum fuit, ideoque et quasdam villas ipsis aliis rebus sua benivolentia addere voluit et nostra quoque regali munificentia per adnotationem precepti roborari postulavit, quarum utrarumque rerum integritas hic habetur inserta, id est Summa Vigra quȩ habet xiiiicim mansos et basilica ejus cum suis appendiciis, villa Mortriu quȩ habet mansos xx cum sua basilica, villa Tilius quȩ habet mansos v cum basilica, Villa Saura Terra cum mansis xxii et propria basilica, Dudiniaci curtis cum mansis xvii et propriis basilicis, villa Prisciacus cum mansis xii et propriis basilicis, villa Brah cum mansis xxviii et propria basilica, in villa Cappas mansum unum, territorium quoque quod adjacet intra fines Dudiniaci curtis et pertingit usque ad fines Lesmondi villȩ, colligens in capite duas regales vias et campaniolam usque ad fines de villa Prisciaco superius dicta et pervenit usque ad fines Alnidi villȩ Breonensis; in Trochiniaca curte, mansum I ubi ȩcclesia est; in Darciaca curte, VII mansi cum ȩcclesia una, et territorium quod pertingit usque ad fines Alnidi villę et vadit per fines Cataractȩ, cadens usque ad viam publicam; in villa quoque quȩ dicitur Perta, quinque mansi cum ȩcclesia una et appenditiis suis; in Torciaco, mansi V cum appenditiis suis; in Olonna vero, VII mansi cum ȩcclesia una in honore sancti Desiderii consecrata, et quicquid ibi a fidelibus Dei traditum est ad altare sancti Petri, id est mancipia XXX cum terris cultis et incultis, silvam communem, farinaria II, mercatum cum salnivo suo, et ex ponto rotaticum totum ad integrum quod a transeuntibus exigitur, quod quondam Boso, comes palatinus noster, pro remedio animȩ suȩ sancto Petro dedit et nostra auctoritate regali corroborari petivit; in Puellari autem Monasterio, mansi III et dimidius cum appenditiis suis ad servitium Dei agendum, sicut et in Dervo monasterio constituimus; in Aliniaca corte, terras indominicatas, ubi conduma monachorum fieri debeat, cum prato et mansis IIobus et dimidio. Et hȩc sunt res que superadjecit memoratus episcopus Pardulus, id est villa que nuncupatur Villa cum mansis xx et eorum appenditiis et ȩcclesiis tribus, et in villa Brais mansi vii cum ȩcclesia, et pediturȩ de pratis quas homines monachorum faciunt qui de eorum villis ad hoc idem agendum more solito conveniunt, necnon et mancipia de Corniaco quorum vocabula hȩc sunt: Tidiliana cum infantibus suis et Huneriana cum infantibus suis, simul etiam quicquid memorati fratrum famuli de jam dictis silvarum concisis extirpare poterint, totum in usus fratrum absque subtractione alicujus permaneat. Has denique villas et basilicas cum omni plenitudine, id est cum mancipiis et terris cultis et incultis, vineis, pratis, silvis, aquis aquarumve decursibus, molendinis, exitibus et regressibus, et quicquid idem monachi in jam dicto monasterio seu in his locis vel villis nutriminis ad eorum sublevandam necessitatem facere possunt, simul etiam et omnem elemosinam quam Dei fideles pro absolutione peccatorum eorum illis contulerint, veluti a supradicto venerabili episcopo Pardulo institutum et deputatum esse cognoscitur. Insuper volumus atque ordinamus ut villas et terras atque mancipia, ȩcclesias quoque et molendinos quos idem monachi in suis possessionibus construxerunt, silvas etiam quas ex omni parte in circuitu monasterii concessimus, et mercatum in predicta villa Olonnȩ, et tresturas ad salem emendum quas de pontanatico sancto Petro et beato Berchario in usus monachorum tradidimus, absque alia contradictione, per hanc nostram regalem auctoritatem teneant atque possideant; super Maternam quoque fluvium, in villa que Velcenias dicitur, mansum indominicatum aliasque terras indominicatas et silvam propriam cum vineis ad modios CLX, quas videlicet vineas monachi in suo indominicatu teneant et in suos usus semper excolere studeant. Hoc autem precipue ex auctoritate Dei omnipotentis seu nostra regali auctoritate interdicimus ut neque comes neque advocatus neque alia potens persona in omnibus villis et possessionibus monachorum placitum suum teneat neque fredas exigat vel aliquam districtionem faciat neque homines sancti Petri et sancti Bercharii pro aliqua offensa vel pro aliqua re alicui bannum comiti in omni potestate sua persolvant, nec in omni regno nostro de rebus et negotiis suis cuiquam ministeriali rotaticum reddant, sed omnes monachi et cuncta familia ejusdem loci sub mundiburgio nostro vel successorum nostrorum regum semper consistant et sub nostra defensione permaneant. Abba quoque vel rector monasterii ejusdem in capella nostra episcopis et abbatibus nostris adhereat et nobis familiariter deserviat ita tamen ut vitȩ suȩ regulam non excedat et pro quacumque utilitate et necessitate sua nostram presentiam licite adeat et causas oportunitatis suȩ nobis familiariter ostendat. Defuncto autem abbate, propriam eis electionem concedimus et cum nostro consensu, secundum regulam sancti Benedicti et cum voluntate eorum qui sanioris consilii fuerint, si etiam parva pars congregationis melius elegisse probari poterit, abbatem constituimus ordinari. Quibus etiam, ad supplementum conservandȩ religionis addidimus etiam capellam sancti Martini quȩ consistit in villa Guioldicortis vocata, ȩcclesiam quoque quȩ est in Budicivilla ad ȩcclesiam Summȩ Vigerȩ pertinentem, hoc sub ȩterna maledictione et centum decem et octo episcoporum anathemate contestando interdicentes ut nullus hominum, qualibet iniqua cupiditate vel temeraria presumptione, de supradictis villis vel rebus monachorum aliquid subtrahere vel minuere et in suos usus retorquere presumat, et advocatus eorum, quem ipsi monachi cum consensu nostro elegerint, nostra vice eos in omnibus adjuvet, prosit et defendat, ut liceat monachis quiete Deo servire et pro nobis Domini misericordiam exorare. Princeps autem, in cujus comitatu consistunt, pro Dei amore et remedio animȩ suȩ, causas eorum libenter audiat et, in quantum potuerit, adjuvare festinet. Concedimus etiam eisdem Dei servis in Vico sessum unum indominicatum ad accipiendum salem cum proprio, uti vulgo dicitur, stallone et furca superposita, ut, sine aliquo contradictore, moriam licenter habeant, et locum duarum linearum capacem cum terris et cortilibus jure quieto possideant. Et quia idem locus sub providentia nostra et antecessorum nostrorum regum venerabiliter est habitus, fundatus et ampliatus, ideo nos obsecramus per Deum et petimus omnes successores nostros reges ut ex rebus a nobis concessis nichil minuant, sed potius diligant, augeant, foveant et de rebus suis, pro remedio animarum suarum, eidem loco clementer impendant. Universas autem ȩcclesias in tota abbatia consistentes vel quȩ ex prebenda vel quȩ ex beneficio inveniri possunt, sancto Petro reddidimus et ad mensam fratrum perpetualiter easdem ȩcclesias teneri et possideri regia auctoritate decrevimus. Si autem iniqua quȩlibet persona aliquam ex his abstulerit, regis, qui tunc temporis fuerit, adeant presentiam, justitiam expetentes, quam, si non invenerint, liceat eis Romanum interpellare apostolicum ad pervasores anathematis vinculo innodandos, ut cessent a rebus ȩcclesiȩ quas injuste rapuerunt. Ut autem hoc nostrȩ auctoritatis decretum per succedentia tempora inviolabiliter conservetur inlesum, manu nostra omniumque tam episcoporum quam fidelium nostrorum subter censuimus confirmandum.

Signum Karoli gloriosissimi regis.

Gi[slebertus] notarius ad vicem Ludovici recognovit.

Data viiiI kal. febr. indictione ii, in anno xviiI regnante Karolo gloriosissimo rege. Actum Carisiaco palatio regis. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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