858, 20 décembre. — Magny.
Acte faux
Charles le Chauve, en exécution d'un vœu fait à saint Vincent lors d'un précédent passage à Magny au cours du conflit avec son frère, la victoire obtenue, reconstitue, d'après un état dressé sur l'ordre de Charlemagne, la dotation de l'église des saints Nazaire et Vincent de Magny, diminuée par des sécularisations, lui donne le bourg entier de Magny, un demi-manse de la «villa» de Lurcy avec son tenancier Renaud (Rainaldus), un manse de la «villa» de Tucy avec son tenancier Séguin (Siguinus), une colonge et un marché à «Olonziacus», une condamine contiguë à la façade de l'église, le pré dit «ad Laurum» et les prés attenant, approuve un échange en vertu duquel Alard (Adelardus), prêtre de l'église de Magny, avait acquis un pré et complète cet échange en donnant le reste de ce pré, confirme les donations faites pour le cimetière, soumet le tout, placé sous le régime de l'immunité royale, à l'église de Nevers, à laquelle sera rendu chaque année à la fête de saint Cyr un cens d'une livre de cire, stipule qu'Alard et ses successeurs le tiendront paisiblement, concède à Alard en raison de son zèle pour la construction de l'église le droit de se choisir un successeur, mais lui défend de recevoir aucun présent.
A. Original du faux perdu.
B. Copie du xviiie s., par Fontanieu, dans sa transcription du Liber cartarum Nivernensis ecclesie sancti Cyrici, aujourd'hui perdu, Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 7819 (anc. Fontanieu 521), p. 463, sous le titre: «Tertium privilegium de Magniaco evidentius», d'après la carta XXXI du Liber cartarum.
C. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 63, fol. 32v°, sous le titre: «Privilegium de Magniaco», d'après la même source que B.
D. Copie du xviie s., par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 74, fol. 295, d'après la même source que B, avec renvoi à la carta XXIX pour les parties communes.
E. Copie du xviie ou du xviiie s., exécutée pour Gaignières, Bibliothèque nationale, ms. lat. 9207, fol. 13v°, d'après la même source que B.
F. Copie de l'année 1710, par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 74, fol. 341, d'après la même source que B.
G. Copie du xviiie s., Bibliothèque de Lyon, ms. 197 (anc. 127), fol. 122v°, d'après la même source que B.
a. Gallia christiana, t. XII, instrumenta, col. 304, n° vii, «ex chartular. Nivernensi. 859», avec renvoi au diplôme suivant pour les parties communes.
b. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 552, n° cxlvi, d'après E.
c. René de Lespinasse, Cartulaire de Saint Cyr de Nevers, p. 64, n° 31, simple indication, et p. 61, n. 1, édition du passage spécial à la carta XXXI, d'après F et G.
Le cartulaire de Saint-Cyr de Nevers contenait trois actes concernant Magny, la carta XXII, la carta XXIX et la carta XXXI. La carta XXII (éd. Lespinasse, p. 46), transcrite sous la rubrique: «Privilegium de Magniaco», est intitulée au nom d'Abbon, évêque de Nevers, et datée du 2 novembre 867. Elle rapporte que le prêtre Alard s'est présenté devant l'évêque et le concile réuni à Troyes et a prié les pères de confirmer «regiam donationem quam per venerabilem preceptorum suorum conscriptionem ecclesiis sanctorum quae in nostra Nevernensi parochia habentur, scilicet sancti Nazarii venerandi martyris et sancti Vincentii pretiosi confessoris, ubi ejus sacratissimum corpus jacens miraculis clarescit, sanctique Johannis precursoris Domini, sanctique Martini, necnon et sancti Hilarii ac sancti Germani, [rex] conferre dignatus est ad restaurationem et relevationem earumdem ecclesiarum». Le privilège épiscopal fait explicitement allusion au diplôme ci-dessous sous sa deuxième forme: «Repperit enim domnus et senior noster res quondam ibi delegatas, ut ejus auctoritas testatur, per diminutiones beneficiorum quorumdam exinde inordinabiliter abstractas, unde sustentari debuerant et contineri, et sollicita procuratione reintegrare ordinabili amministratione eas ut prius fuerant studuit, videlicet in usu sacrificii salutaris, et in illuminatione ac reedificatione jam dictarum sanctarum ecclesiarum quas multimoda eversione destitutas condoluit, seu in victu et stipendiis canonicorum ibidem deservientium omnem donationem et reintegrationem statuit distribuendam, quemadmodum praecepti ejus veneranda conscripta pronuntiant». Alard complète de son bien propre la dotation de l'église des saints Nazaire et Vincent. Abbon et les membres du synode confirment le tout, affranchissent l'église de Magny et ses biens de toute intervention de la puissance séculière et la place «sub dominatione Nevernensis episcopi... ita ut idem Adelardus ejusque successores deinceps annis singulis matri ecclesie sancti Cyrici libram cere exsolvant».
La carta XXIX, «alterum privilegium de Magniaco», et la carta XXXI, «tertium privilegium de Magniaco evidentius», sont les deux diplômes de Charles le Chauve. Nous avons donné à la carta XXIX le n° II à cause de l'allusion qui y est faite à la carta XXXI (n° I).
Le 10 septembre 878 (carta XXXIII, Lespinasse, ouvr. cité, p. 66), Louis le Bègue confirmait les donations consenties par son père à l'église de Nevers, «concedimus easdem res et... delegamus, id est Magniacum vicum ubi beatus Vincentius corpore requiescit, cum omnibus appendiciis suis et mancipiis utriusque sexus desuper commanentibus et aliis mansis ibidem aspicientibus, sicut in preceptis nostri continetur genitoris». Enfin, une confirmation générale de Charles le Gros du 18 décembre 886 fait allusion aux «reddita beneficia ab avunculo nostro Karolo imperatore, fratre patris nostri Ludovici, Germanorum (sic) regis». Dans l'énumération des biens est comprise l'«abbatia sancti Vincentii in Magniaco» (carta XXXIV, Lespinasse, ouvr. cité, p. 68).
Quelque remaniés qu'on suppose les actes d'Abbon, de Louis le Bègue et de Charles le Gros, ils constituent une présomption en faveur de l'existence d'un ou de deux préceptes de Charles le Chauve relatifs à l'église de Saint-Vincent de Magny ou au moins au bourg de Magny.
La présence de Charles le Chauve à Magny (Magny-Cours, Nièvre, con Nevers) le 20 décembre 858 n'a en soi rien d'invraisemblable, puisque le souverain errait à ce moment en Bourgogne et qu'on le trouve à Auxerre le 6 et le 9 janvier 859 (Calmette, La diplomatie carolingienne, p. 58, n° 3. Cf. le présent Recueil, t. I, p. 511, n° 200). Par contre, l'allusion à la victoire obtenue sur Louis le Germanique est au moins surprenante. C'est seulement le 15 janvier 859 que Louis, surpris par des forces supérieures, recula devant son frère (Calmette, ouvr. cité, p. 59). On pourrait penser, il est vrai, aux événements de 840-843. En tout état de cause, les expressions «percepta quiete potitusque victoria» étaient hors de saison en décembre 858. D'autre part, la teneur du diplôme prête à la critique. On n'admettra pas facilement que le roi parle à la première personne du singulier. La dernière disposition concernant le prêtre Alard: «Sed et hoc cunctis catholicis...» est introduite par une notification qui n'est pas de style. La première des deux rédactions contient des précisions suspectes dans la localisation des biens énumérés. On remarque en outre des contradictions entre le texte du diplôme de Charles le Chauve et celui des actes d'Abbon, de Louis le Bègue et de Charles le Gros. D'une façon générale, le faussaire qui a si profondément remanié nombre d'autres diplômes royaux du cartulaire de Saint-Cyr de Nevers se reconnaît ici à sa manie du détail historique et des rédactions en double et triple exemplaire, à sa langue incorrecte et surtout si vague qu'elle rendrait une traduction difficile.
Nous pensons en définitive qu'il y a eu un diplôme de Charles le Chauve expédié au lieu et à la date indiqués, ayant pour objet soit de reconstituer la dotation de l'église de Saint-Vincent de Magny, soit plutôt de donner Magny à l'église de Nevers. Mais on peut être sûr que l'acte sorti des bureaux de la chancellerie avait une forme très différente de celle des deux expéditions dont on va lire le texte. C'est l'importance du remaniement qui nous a déterminé à publier ce diplôme parmi les actes entièrement supposés.
In nomine sancte et individue Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si fidelium nostrorum aurem celsitudinis nostre petitionibus accommodaverimus, morem predecessorum nostrorum, parentum regum scilicet, exercebimus. Igitur notum sit omnibus fidelibus sanctae Dei Ecclesie, presentibus scilicet atque futuris, quia in conflictu altercationis fraterne, quando me notissima concertatio agebat ut vires resistendi penes me restaurarentur, infra Nevernensem comitatum deveni apud Magniacum vicum ubi corpus sacratissimum beati Vincentii confessoris Christi memorabili veneratione percolitur, ibique munificum largitorem Deum in ejus commemoratione adorans deprecatus sum ut ejus suffragiis munimen divine protectionis adipiscerer, quatinus per suam exoptabilem intercessionem tranquille prosperitati restituerer. Enimvero sub spe talis adsecutionis votis me obligavi ibidem ac beneficia temporalia conferre ejus ministris perseveranter promisi. Quocirca, percepta quiete potitusque victoria, ut spes anhelabat, libuit perquirere dotem ipsius ecclesie, scire volens utrum seriem ejusdem tenoris haberet quam avus memorabilis noster Karolus quondam imperator cunctis vicis fieri statuit, quam nostris obtutibus delatam reperimus a jam dicto tenore alienam existere, scilicet per diminutiones aliorum beneficiorum cessisse potestatibus res quondam ibidem delegatas. Tunc placuit nobis res pariter collectas per auctoritatis nostre conscriptionem ibi redintegrare que abstracte inde fuerant cum his que ibi perdurabant, scilicet vicum cum integritate servientesque Dominicum, Grimbertum, infantes Marie cum eorum posteritate ibidem delegavimus; in villa Lursiaco, Rainaldum cum dimidio quem tenet manso; in villa Tuciaco, Siguinum cum manso quem colit; in Olonziaco, colonicam que fuit Benigni; mercatum ibi adherentem; condeminam adherentem fronti jam dicte ecclesie; pratum quod dicitur ad Laurum et respicit ad plagam occidentalem cum reliquis pratis ad illum locum attingentibus; alterum etiam pratum quod commutavit Adelardus ejusdem ecclesie presbyter ad Laurum partibus occidentalis. Hanc commutationem consentimus et quod ex illo prato superest ibi largimur. Donationes etiam ad locum sepulture omnes ibi permanere volumus. Placuit etiam ut matri ecclesie Nevernensi sit subjecta sub nostraque immunitate posita, et nullius honoris cultum alii ibi exerceant, sed sub tutela presulis ejusdem loci ordinata consistant ubi anni orbita redeunte libram cere in censum in festivitate sancti Cyrici publice persolvant. Quapropter volumus ut nullus comes, nullus judex, nulla opposita persona exinde quicquam exigere presumat, nec censum, nec paratam, nec aliquod obsequium servitutis, sed jam dicte matri ecclesie tali ordine deservire, et liceat Adalardo presbytero cujus labore et studio hoc agimus suisque successoribus memoratas res quiete possidere et absque obstaculo alicujus impeditionis perpetualiter tenere et ordinare ut pro incolumitate mea et conjugis sobolisque prosperitate beatus Vincentius in cujus commemoratione agitur ante Deum pius precator adsistat. Sed et hoc cunctis catholicis orthodoxa religione viventibus notum manere volumus quia, pro studio laboris et constructionis quod eidem loco Adelardus presbyter impendit, licentiam concessimus ut nullus se opponat successor qui jam dicte ecclesie sacerdos subrogetur post ejus obitum, nisi quem in vita sua ipse elegerit et vice sua ministrum constituerit aut ex parentela progeniei sue aut quemlibet alium quem ad id peragendum idoneum providerit, ipsi quoque a nullo temporale donum adquiratur nisi soli Deo cui servitio fungi unicuique sacerdoti convenit. Et ut nostre largitionis presens auctoritas firmior habeatur et diligentiori observatione custodiatur, anuli nostri impressione subter insigniri jussimus.
Signum Karoli (Monogramma) gloriosissimi regis.
Datum XIII kal. januar., indictione VI, anno XVIIII regnante Karolo gloriosissimo rege. Actum in Magniaco. In Dei nomine feliciter.