859, 5 février. — Laon.
Acte faux
Charles le Chauve donne à l'église de Châlons-sur-Marne, gouvernée par l'évêque Erchanré (Erchenraus) deux terrains sis à l'intérieur de la cité, afin que les frères (les chanoines) y construisent des maisons d'habitation, et, à la prière de l'évêque, interdit à toute personne étrangère l'accès du cloître, qui jouira du privilège de l'immunité.
A. Original du faux perdu.
B. Copie de la fin du xie ou du début du xiie s., par le chantre Guérin, dans le Grand cartulaire de Saint-Étienne de Châlons, Archives de la Marne, G iv 462, fol. 20, sous le titre: «Praeceptum Karoli regis de duabus areis in Catal. quas sancto Stephano dedit et de immunitate claustri fratrum».
C. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, Collection de Champagne, vol. 9, fol. 91, d'après B.
a. Éd. de Barthélemy, Cartulaires de l'évêché et du chapitre de Saint-Étienne de Châlons-sur-Marne, p. 96, d'après B.
b. [P. Pélicier], Cartulaire du chapitre de l'église de Châlons-sur-Marne par le chantre Warin, p. 25, d'après B.
Nous avons beaucoup hésité avant d'insérer ce diplôme parmi les actes entièrement supposés et nous croyons, après un nouvel examen, qu'il eût mieux valu ne pas le faire. Assurément, la rédaction est insolite, le texte mal construit, le préambule unique dans la série des diplômes de Charles le Chauve. D'autre part, une sorte de confusion semble s'établir entre l'inviolabilité du cloître dont l'accès est interdit au souverain lui-même et le privilège de l'immunité, concédé d'ailleurs en des termes inusités. Il paraît à peu près certain qu'il y a eu au moins remaniement d'un texte primitif. Cependant on reconnaît à certaines expressions: «qui ubique res Ecclesiȩ curamus ut nostras... qui regio culmine desiderat preferri... per supervenientia tempora», la plume du notaire Folchricus dont l'activité s'exerçait précisément en 859. On pourrait peut-être supposer que l'original de l'acte de fondation du cloître des chanoines de l'église de Châlons était fort endommagé et partiellement illisible au moment où le chantre Guérin compilait le cartulaire. Les lacunes du texte et l'absence de la souscription de chancellerie, fidèlement transcrite dans tous les autres diplômes du même recueil, tendraient à le faire croire. Dans ces conditions, il est possible que Guérin ait reconstitué la teneur de l'acte en y introduisant une certaine fantaisie et en forçant la note favorable à l'institution dont il était un des dignitaires. La date pourrait être celle du diplôme original. Le chiffre de l'indiction répondant à l'année 859 devrait être 7 et non 4, mais la confusion entre vii et iiii est classique. D'autre part, la présence de Charles le Chauve à Laon le 5 février 859 est vraisemblable. Le 15 janvier précédent, le roi se trouvait à Jouy (Aisne, con Vailly), à proximité de Laon (R. Parisot, Le royaume de Lorraine sous les Carolingiens, p. 124 et n. 2 et G. Calmette, La diplomatie carolingienne, p. 59 et n. 1), et c'est seulement le 12 février qu'on le retrouve in Arcas palatio, c'est-à-dire à Arches, sur la Meuse, aujourd'hui Charleville (Annales Bertiniani, éd. Waitz, p. 51). Il semble bien en effet que le dies dominicus initii quadragesimae, date de l'entrevue de Charles et de son neveu Lothaire à Arches, soit le premier dimanche de carême, 12 février, et non le dimanche de la quinquagésime, c'est-à-dire le 5 février, comme le suppose Waitz dans l'édition précitée.
In nomine sanctȩ et individuȩ Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Laboramus nos ob emulumentum mercedis animȩ nostrȩ, qui ubique res Ecclesiȩ ita curamus ut nostras; merito enim, quia qui regio culmine desiderat preferri enixius cujus gratia prefertur debet meditari meditationemque perfectam in augmentum provehere. Igitur noverit omnium sanctȩ Dei Ecclesiȩ fidelium nostrorumque, tam presentium quam futurorum, sollertia quia infra muros urbis Cathalaunicȩ quandam aream nostrȩ proprietatis, ex fisco nostro qui vocatur....., ad utilitatem et commoda ejusdem urbis ecclesiȩ, cui presidet venerabilis pontifex Erchenraus, abhinc et in reliquum constituimus mancipandam, quȩ ex tribus partibus cingitur terra ipsius ecclesiȩ, videlicet sancti Stephani, de quarta parte jungitur viȩ publicȩ; habet namque in longo perticas..... in transverso; necnon et in eadem urbe alteram aream subditam nostrȩ munificentiȩ eidem ecclesiȩ perpetualiter delegamus mancipandam et, utrum sit ex fisco nostro an etiam fisco nostro subjacens, eidem ecclesiȩ sicut prefiximus constituimus mancipandam, quatinus fratres ibidem Deo famulantes desuper mansiones construant atque habitent, sicut mos est ecclesiasticus; habet in longo perticas..., in transverso ... Insuper quoque, per hoc nostrȩ jussionis preceptum, precatus est nos idem pontifex quo edicto sempiterno institueremus ut nullus accessus in claustro vel in mansionibus predictorum fratrum ibidem Deo famulantium sit, neque regia potestas nec etiam judiciaria quelibet, sed cum summa inmunitate sit idem ipse locus per supervenientia tempora inmunis atque ab omni accessu extraneo quorumlibet hominum liberrimus. Cujus petitionem quam valde nobis racionabilis visa est considerantes, assensum quoque preberi nequaquam distulimus, sed per hoc nostrȩ auctoritatis preceptum et predictas areas eidem ecclesiȩ delegamus et inmunitatem et securitatem jubemus fratribus omni tempore superventuro quiete condonari, nemine inquietante aut illorum famulatui in aliquo impediente. Et ut haec nostrȩ largitionis auctoritas firmior habeatur, manu propria subter eam firmavimus anulique nostri impressione sigillari jussimus.
Data non. febr., indictione IIII, anno XVIIII regnante Karolo gloriosissimo rege. Actum Lauduni. In Dei nomine feliciter. AMHN.