860, 25 avril. — Saint-Denis.
Acte faux
Charles le Chauve, à la prière de Louis, abbé, et des frères de Saint-Denis, et avec l'assentiment des grands du royaume, accorde au monastère une immunité à laquelle il impose les limites énoncées dans le privilège de Dagobert Ier concernant les coupables qui se réfugiaient à Saint-Denis, c'est-à-dire le pont de Trécines, la colline de Montmartre et la route de Louvres. Il donne à Dieu et à saint Denis le territoire ainsi délimité avec les attributs de la puissance publique, le ban, la répression des crimes et délits (infractura) et les redevances coutumières susceptibles d'être perçues à l'intérieur des limites fixées.
A. Pseudo-original. Parchemin autrefois scellé. Hauteur, 640 mm. à gauche, 635 mm. à droite; largeur, 525 mm. en haut, 505 mm. en bas. Archives nationales, K 12, n° 5a.
A1. Deuxième pseudo-original. Parchemin autrefois scellé. Hauteur, 689 mm. à gauche, 685 mm. à droite; largeur, 511 mm. en haut, 510 mm. en bas. Archives nationales, K 12, n° 5b.
B. Copie de la fin du xiiie s., dans le Cartulaire blanc de Saint-Denis, t. I, Archives nationales, LL 1157, p. 25, sous la rubrique: «Preceptum Karoli regis de fugitivis», d'après A.
C. Copie du 8 février 1352, dans un vidimus confirmatif original de Jean II, Archives nationales, K 12, n° 151, d'après A1.
D. Copie du xive s., dans le Cartulaire de Thou ou Colbertin, Bibliothèque nationale, ms. lat. 5415, p. 61, d'après B, et corrigée d'après A1.
E. Copie informe du xviie s., Archives nationales, K 12, n° 52, d'après A.
F. Copie informe du xviie ou du xviiie s., Archives nationales, K 12, n° 53, d'après A.
G. Copie informe du xviiie s., collationnée par le secrétaire du roi Falentin, Archives nationales, K 12, n° 54, d'après A.
H. Copie informe du xviiie s., collationnée le 16 septembre 1746 par Noblet, greffier de la Chambre des comptes, Archives nationales, K 12, n° 55, d'après A.
I. Copie du xvie s., Archives nationales, K 165, n° 1, fol. 1, d'après C.
J. Copie du xvie s., signée Blondeau, Bibliothèque nationale, ms. lat. 9852, fol. 13, d'après C.
K. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 55, fol. 349v°, d'après D.
L. Copie du xviie ou du xviiie s., Archives nationales, LL 1160, p. 73, d'après D.
M. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 17110, fol. 30v°, d'après D.
a. Doublet, Histoire de l'abbaye de Saint-Denis, p. 787, d'après A.
b. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 549, n° cxliii (année 857), d'après a.
c. R. de Lasteyrie, Cartulaire général de Paris, t. I, p. 60, n° 44, d'après A.
Fac-similé : du pseudo-original A: Lot, Lauer et Tessier, Diplomata Karolinorum, V, pl. xxvi.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 246 (année 857).
Indiqué : Tardif, Cartons des rois, p. 110, n° 174.
Indiqué : L. Levillain, Études sur l'abbaye de Saint-Denis à l'époque mérovingienne, dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, t. LXXXVII (1926), p. 87-95.
Le faussaire a encadré un dispositif de son invention dans le cadre formel d'un des diplômes de Charles le Chauve que conservait le chartrier de Saint-Denis. Ayant emprunté la date à un autre diplôme que celui qui lui avait fourni la souscription de chancellerie ou ayant modifié les éléments de celle qui figurait sur son modèle, il ne s'est pas aperçu qu'il se trahissait. Gauzlenus et Adalgarius n'étaient respectivement ni archichancelier, ni notaire en l'année 860. Quant à la genèse du faux, on se reportera à la dissertation de Léon Levillain signalée sous la rubrique Indiqué. Selon ce savant (mém. cité, p. 87), il aurait pu être fabriqué au début du xie siècle en même temps qu'un diplôme mis sous le nom de Dagobert (Pardessus, Diplomata, Chartae..., t. II, p. 28, n° 264, et Pertz, Diplomata, p. 152, spuria, n° 34) et qu'il ne faut pas confondre avec le praeceptum de fugitivis indiqué dans le diplôme de Charles le Chauve (Cf. H. Omont, Le «praeceptum Dagoberti de fugitivis» en faveur de l'abbaye de Saint-Denis, dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, t. LXI, 1900, p. 76), et les deux documents auraient été utilisés par les moines de Saint-Denis pour obtenir de Robert le Pieux un diplôme expédié le 17 mai 1008, par lequel le roi cédait au monastère «quasdam res juris nostri..., hoc est bannum hominis vulnerati et interfecti et infracturam intra vel extra castellum ipsius coenobii et legem duelli, quod vulgo dicitur campus, ac totam procinctam intra vel extra, sicut antiqui reges ei dederunt et nos hactenus tenuimus...» (Pfister, Études sur le règne de Robert le Pieux, Catalogue, n° 37; Newman, Catalogue des actes de Robert II, n° 31).
(Chrismon) In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Quicquid aeclesiis sanctorum pro divino amore beneficientiae nostrae munere delegando conferimus [2] et conferendo delegamus, profuturum nobis et ad presentem vitam cum felicitate transiendam et ad aeternam beatitudinem facilius obtinendam nullatenus dubitamus. Proinde noverit omnium sanctae Dei Aecclesiae filiorum [3] et nostrorum, tam presentium quam et futurorum, sollercia quia Hludovicus, abbas ex monasterio sancti Dyonisii, peculiaris protectoris nostri, una cum fratribus ipsius coenobii nostram adierit celsitudinem, humiliter postulans ut eidem [4] loco nostra regia auctoritate immunitatem fieri juberemus. Quam peticionem justam esse considerantes, alacri animo suscepimus atque ob amorem Dei et ejusdem peculiaris protectoris nostri, donni scilicet Dyonisii, [5] cujus jam in multis necessitatibus experti sumus suffragia, hoc quod petebamus compleri decrevimus. Ergo statuimus, cum communi consensu ac consilio tocius regni nostri obtimatum, ut predictus locus propriam immuni-[6]-tatem habeat, quatinus, omni inquietudine remota, inibi habitantes liberius Deo famulari possint atque pro remedio animae donni genitoris nostri, videlicet Hludovici augusti, et Judith reginae aeque genitricis [7] nostrae seu pro incolumitate nostra uxorisque nostrae Hirmintrudis reginae et regni nostri stabilitate Dominum et Salvatorem nostrum Jhesum Christum attencius exorare valeant. Cui nimirum immunitati ipsos eosdemque terminos [8] imponi censemus qui in privilegio donni Dagoberti serenissimi regis quod de fugitivis ad idem coenobium isdem gloriosissimus rex fecit prescripti sunt, id est usque ad eum locum quo ad eandem aecclesiam tendentes [9] Tricenam pontem ingrediuntur, necnon etiam usque ad Montem martyrum, ubi ipse praecellentissimus Domini testis agonem suum fideliter explevit similiterque usque ad viam publicam quae ad Luperam ducit. [10] Itaque hanc totam procintam Deo sanctoque ejus Dyonisio donamus cum omni videlicet judiciaria potestate, hoc est bannum omnemque infracturam et si quae sunt aliȩ consuetudines legum ubicumque infra totam predictam procintam, [11] sive in agris sive in domibus sive in viis publicis vel privatis evenerint, cum omni integritate absque ulla querimonia aut contradictione, sicut jam ante diximus, Deo peculiarique protectori nostro, sanctissimo scilicet Dyonisio, [12] concedimus. Contestamur autem et deprecamur omnes successores nostros reges sive cujuslibet dignitatis principes per sanctam et individuam Trinitatem et per adventum justi judicis Dei et Salvatoris nostri Jhesu Christi ut [13] hoc nostrae auctoritatis preceptum nulli umquam hominum succedentium ullo quocumque pacto infringere liceat. Ut autem haec piae confirmatio constitucionis per omnia superventura tempora firmior habeatur [14] firmiusque ab omnibus observetur, manibus propriis subter firmantes, sigilli nostri inpressione jussimus insigniri.
[15] Signum Karoli (Monogramma) gloriosissimi regis.
[16] Adalgarius notarius ad vicem Gauzleni recognovit (Signum recognitionis et locus sigilli).
[17] Data septimo kl. maii, indictione quinta, anno vicesimo regnante Karolo gloriosissimo rege. Actum sancti Dyonisii monasterio. In Dei nomine feliciter. Amen.