865, 20 juin – 866, 19 juin. — Compiègne.
Acte faux
Charles le Chauve, à la prière de Louis, son parent, abbé de Saint-Denis, à qui les moines avaient cédé après sa délivrance des mains des Normands les abbayes de Salonnes et de Liepvre, sises dans le royaume de Lothaire, plus Esslingen, Herbrechtingen et «Adalungi cella», dans le royaume de Louis le Germanique, restitue aux moines les biens susdits pour être affectés, conformément aux dispositions de Fulrad, à leur nourriture, au luminaire et à la réception des pauvres, à l'exception de Salonnes, qui restera aux mains des abbés de Saint-Denis. Aux besoins des moines seront encore affectés un droit dans l'exploitation des salines «in vico Bodesio» et la «villa» de Gros-Bliderstroff, qui dépendait de Salonnes.
A. Pseudo-original. Parchemin préparé pour le scellement. Hauteur, 450 mm.; largeur, 559 mm. en haut, 551 mm. en bas. Archives nationales, K 14, n° 2.
B. Copie informe du xvie s., Archives nationales, K 14, n° 2, d'après A.
C. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 66, fol. 115, d'après a.
a. Doublet, Histoire de l'abbaye de Saint-Denis, p. 779.
b. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 545, n° cxxxvii, d'après a.
c. Grandidier, Histoire de l'église de Strasbourg, t. II, p. 240.
d. Wirtembergisches Urkundenbuch, t. I, p. 145.
e. Tardif, Cartons des rois, p. 127, n° 196, d'après A.
Fac-similé : du pseudo-original: Lot, Lauer et Tessier, Diplomata Karolinorum, V, pl. xxviii.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 243 (année 855).
Les problèmes que pose ce diplôme sont d'une nature toute particulière. Il ne semble pas que le parchemin ait jamais été scellé (voir ci-dessous, note). La présence de clauses finales anormales, la place occupée par le monogramme dans la légende, la qualification d'abbé donnée à l'archichancelier Louis dans la souscription de chancellerie, tout cela pourrait s'expliquer par la rédaction de la teneur dans l'établissement destinataire. Mais la formule de date, commandée toute entière par le mot Actum, avec omission tant de l'indiction que du mois et de son quantième, est par trop déconcertante. Il est assez singulier d'autre part de voir Charles le Chauve sanctionner des dispositions de l'abbé Louis qui concernent des biens sis hors de son royaume. On hésite sur la qualification à donner à ce document, qui nous apparaît comme une sorte de projet plutôt que comme un faux proprement dit. Il s'insère dans un dossier assez abondant qui se rattache aux dispositions contenues dans le testament de Fulrad. Un lien très étroit l'unit à un faux mis sous le nom de Charlemagne (éd. Mühlbacher, Diplomata Karolinorum, t. I, p. 329, n° 238), dont il existe deux expéditions pseudo-originales, toutes deux écrites au milieu du ixe siècle par le personnage qui a écrit le diplôme de Charles le Chauve du 21 juillet 861, n° 230. Mais il y a plus d'analogies encore entre la teneur de l'acte publié ci-dessous et celle d'un diplôme original de Charles le Simple du 5 juin 903 (éd. Lauer, Recueil des actes de Charles le Simple, p. 103, n° XLVII), qui en reproduit en grande partie les formules et les termes eux-mêmes. — Les trois documents invoquent l'autorité d'une bulle de Léon III (Jaffé, Regesta, 2e éd., n° 2499; éd. Tardif, Cartons des rois, p. 72, n° 98). Dans son état actuel, le privilège de Léon III, en date du 27 mai 798, nous présente un texte fortement remanié au début du xie siècle (L. Levillain, Études sur l'abbaye de Saint-Denis à l'époque mérovingienne, dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, t. LXXXVII, 1926, p. 265 et suiv.), mais les mentions qu'en font les trois diplômes prouvent que le remanieur a travaillé sur un texte antérieur (cf. Levillain, ibidem, p. 267 et n. 3).
(Chrismon) In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si petitionibus servorum Dei et utilitatibus ecclesiarum consulimus et hoc ad affectum perducimus, [2] retributorem exinde Dominum habere confidimus. Idcirco cognoscat utilitas seu sollertia omnium fidelium nostrorum, tam presentium quam et futurorum, quia venerabilis Hudowicus, propinquus noster, abba monasterii [3] Christi martyris Dionysii, defensoris et specialis patroni nostri, acc sociorum ejus, accessit ad clementiam nostram et innotuit nobis de quibusdam abbatiolis in regno dilectissimi nepotis nostri Hlotharii regis, id est Salona [4] in pago Salninse et Lepraha infra Vosagum, consistentibus cum omnibus earum adjacentiis necnon et de aliis rebus, id est Ezelingas et Herbertingas sed et Adalungi cella, in regno excellentissimi fratris nostri [5] Hludowici, regis Alamanniae, conjacentibus, quas quondam venerabilis Folradus, abba prefati monasterii, sanctissimo Dionysio Christi martyri et fratribus sibi famulantibus ac in luminaribus ejusdem loci firmitate [6] cartarum et auctoritate preceptorum contulerat, quasque predicti fratres semper ex tunc in usu proprio tenuerant, sed benivola voluntate eidem Hludowico jam dicto abbati a paganis erepto et in multis fracto concesserant. [7] Adtamen videns et recognoscens periculum animae suae quod easdem res in proprio dominio retinuisset, deprecatus est nostram celsitudinem ut de Lepraha cella cum omnibus sibi adjacentibus villis et de Ezelingas ac Herbertingas et Adalungi cella, cum patella una [8] et stadivo uno in vico Bodesio, necnon et Blitherivillam cum omnibus legaliter ibidem aspicientibus, sicut Adelardus fidelis noster per precariam tenet, firmitatis preceptum contra venturos abbates fratribus prefati loci facere dignaremur, [9] quatenus abbas quislibet succedens Salonam cum omnibus ibidem rebus, excepto Blitherivillam, adjacentibus, fratres vero suprascriptas res absque ulla inquietudine aut pervasione vel distractione alicujus abbatis tenerent. Itaque annuentes precibus prenominati [10] Hludowici abbatis, propinqui nostri, secundum quod in testamento venerabilis Folradi abbatis continetur, monachis predicti monasterii sancti Dionysii tam in stipendiis victualium quamque in luminaribus et receptione pauperum prefatas res precepto auctoritatis nostrae [11] confirmamus, commonentes et contestantes futuros abbates ut quod a nobis est concessum et roboratum custodiant. Auditor et observator hujus precepti aeternam recipiat mercedem. Violator quislibet vinculo privilegii domni Leonis apostolici et anathematis [12] super res prefatas firmato si non resipuerit innodatus permaneat. Ut autem hoc preceptum instar privilegii perscriptum plenius observetur, manu propria subter firmavimus et de anulo nostro sigillari jussimus.
[13] Signum Karoli (Monogramma) gloriosissimi regis.
[14] Gauzlinus ad vicem Hludowici abbatis recognovi et s. (Signum recognitionis). (Locus sigilli).
[15] Actum Compendio palatio regio, anno XXVI regnante gloriosissimo rege Karolo.