868 ou 869, 5 février. — Monastère des Fossés.
Acte faux
Charles le Chauve rappelle qu'à cause des invasions normandes, il a fait transférer le corps de saint Maur du lieu nommé Glanfeuil dans le monastère des Fossés et soumet à ce dernier, sous le gouvernement de l'abbé Eudes, le monastère établi à Glanfeuil (Saint-Maur-sur-Loire) avec tous ses biens. Il rappelle en outre que l'abbé [des Fossés] Enjoubert (Ingelbertus) avait restauré Glanfeuil à la demande du comte Rorgon (Rorigo) et de sa femme Bilichildis (Bilchildis) et qu'il avait reçu un précepte de Louis le Pieux soumettant déjà Glanfeuil au monastère des Fossés. Il en renouvelle les dispositions, prescrivant que désormais les deux établissements n'en forment plus qu'un, soumis au gouvernement d'un même abbé.
A. Original du faux perdu.
B. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie du xiiie s., dans le Cartulaire dit Livre noir, Archives nationales, LL 46 (anc. 112), fol. 13, sous la rubrique: «Carta Karoli regis quomodo jussu ipsius corpus beati Mauri translatum fuit apud Fossatum.»
C. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie de l'année 1284, dans le cartulaire dit Livre blanc, Archives nationales, LL 48 (anc. 114), fol. XXII, n° xxi, sous la même rubrique qu'en B, probablement d'après B ou d'après la même source que B.
D. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie du xve s., dans le cartulaire dit Cartulaire en papier ou Cartulaire de l'an 1400, Archives nationales, LL 49 (anc. 115), fol. 53.
E. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie du xviiie s., Archives nationales, LL 47 (anc. 113), p. 41, d'après B.
F. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie du xviie s., par Besly, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 841, fol. 52, d'après B.
G. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie du xviie s., dans les Preuves de l'histoire des comtes de Poictou et ducs de Guyenne de M. Jean Besly, Bibliothèque nationale, ms. lat. 6007, fol. 35, d'après B.
H. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 11836, fol. 186 (anc. p. 892), d'après B.
I. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie du xviie s., communiquée par Vion d'Hérouval, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12671 (Monasticon Benedictinum, t. XIV), fol. 207 v°, d'après B.
J. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 5416, p. 29, d'après C.
K. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie de la fin du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 7423 (anc. De Camps, vol. 93), fol. 334, d'après G.
L. (Copies des Archives de Saint-Maur-des-Fossés) Copie du xviiie s., par Charles Carpentier, Archives nationales, LL 50, fol. 61 v°, d'après D.
M. (Copies des Archives de Saint-Maur-sur-Loire) Copie du xviie s., par le P. Sirmond, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 139, p. 99, sous le titre: «Quomodo Karolus rex reddidit ac subjecit coenobium S. Mauri loco Fossatensi».
N. (Copies des Archives de Saint-Maur-sur-Loire) Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 41, fol. 156, sous le même titre qu'en M, «ex chartulario abbatiae S. Mauri ad Ligerim».
O. (Copies des Archives de Saint-Maur-sur-Loire) Copie du xviie s., par Besly, dans les Preuves de l'histoire des comtes de Poictou et ducs de Guyenne de M. Jean Besly, Bibliothèque nationale, ms. lat. 6007, fol. 25, «ex tabulario S. Mauri ad Ligerim».
P. (Copies des Archives de Saint-Maur-sur-Loire) Copie du xviie s., abrégée, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12779, fol. 85 v°, d'après M.
a. Besly, Histoire des comtes de Poictou, p. 171, d'après O, et p. 179, «ex tabulario Fossatensi. Pergam.», d'après B ou C ou d'après la même source que B et C.
b. Dubois, Historia ecclesiae Parisiensis, p. 450.
c. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 609, n° ccviii, d'après a, p. 179, (avec référence erronée à Pérard, Instrum. histor. Burg., p. 179).
Indiqué : Georgisch, Regesta, t. I, col. 133.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 281.
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1747.
Ce document n'a pas les apparences d'un texte remanié et interpolé, mais d'un faux intégral dont le style trahit un rédacteur du xie siècle. Il est dans un rapport très étroit avec le pseudo-diplôme de Louis le Pieux mentionné et analysé par le faussaire, «auctoritatemque domni nostri genitoris accipere meruit [Ingelbertus], quo abbates ipsius loci.....», et dont un parchemin conservé aux Archives nationales (K 9, n° 82; Tardif, Cartons des rois, n° 127) nous a transmis le texte. Il y a entre les dispositions finales des deux documents non seulement des analogies, mais ici et là des ressemblances textuelles qui vont jusqu'à l'identité. Les passages communs sont imprimés ci-dessous en petit texte. La comparaison des deux pièces invite à penser que l'une et l'autre sont l'œuvre du même faussaire dont la marque se retrouve dans la confirmation du pape Hadrien [II] annoncée à la fin du pseudo-diplôme de Charles le Chauve et dans une charte par laquelle Énée, évêque de Paris, aurait concédé à l'abbaye des Fossés une prébende dans son église. Il n'en est pas moins vrai que le monastère de Glanfeuil a été subordonné à celui des Fossés, mais le premier diplôme royal qui ait sanctionné cette subordination est un diplôme de Carloman, expédié entre 879 et 884. Ce diplôme, aujourd'hui perdu, nous est connu par un acte original de Charles le Gros, daté de Paris le 6 novembre 886 (Arch. nat., K 15, n° 13; Tardif, Cartons des rois, n° 215; Kehr, Karoli III diplomata, p. 240, n° 149), et un autre, original lui aussi, de Charles le Simple, daté de Compiègne le 22 avril 921 (Arch. nat., K 16, n° 92; Tardif, Carton des rois, p. 144, n° 230; Lauer, Recueil des actes de Charles III le Simple, p. 258, n° CVIII). Les deux diplômes, ou celui de Carloman auquel ils se réfèrent, ont été utilisés par l'auteur du pseudo-diplôme de Charles le Chauve, comme le prouvent les expressions unum sint et in ratione simili commendamus persistere, qui se rencontrent, la première dans les deux actes de Charles le Gros et de Charles le Simple, la seconde dans celui de Charles le Simple. La souscription de chancellerie a été empruntée à un diplôme sincère de Charles le Chauve, probablement à celui du 20 juin 867 (n° 299), et les données de la date au passage des Miracula sancti Mauri où Eudes de Glanfeuil raconte qu'après la translation du corps de saint Maur de Glanfeuil aux Fossés, Charles le Chauve est venu aux Fossés le jour des nones de février, 29e année de son règne, 2e indiction, demander la protection du Christ devant les reliques du saint. C'est cette indication qui, entre les deux leçons anno xxviii et anno xxix, nous a fait choisir la deuxième, bien que le chiffre 1 de l'indiction convienne à l'année 868.
On sait que le monastère de Saint-Maur-sur-Loire, restauré au xie siècle, resta dans une situation de dépendance vis-à-vis du monastère des Fossés jusqu'à ce qu'une décision du concile tenu à Tours en février 1096, sanctionnée par une bulle d'Urbain II du 31 mars 1096 (Jaffé, Regesta, 2e éd., n° 5635), lui eût accordé l'autonomie. (Cf. la lettre 159 d'Yves de Chartres, relative à cette affaire, dans Migne, Patrologiae latinae cursus, t. 162, vol. 164). On pensera tout naturellement que le faux diplôme de Charles le Chauve et les actes apocryphes qui s'y rattachent ont été fabriqués à cette occasion par les moines des Fossés en vue de défendre leur cause. Reste à expliquer la présence et la conservation d'un exemplaire du diplôme de Charles dans les archives de Saint-Maur-sur-Loire. Peut-être les moines de cet établissement furent-ils heureux de s'en servir pour essayer d'écarter les prétentions que devaient faire valoir contre eux les religieux du Mont-Cassin. (Cf. le faux diplôme de Charlemagne publié par Mühlbacher, Diplomata Karolinorum, t. I, p. 342, n° 244, et les bulles d'Urbain II et d'Anastase IV, Jaffé, Regesta, 2e éd., nos 5680 et 9817.)
Texte établi d'après B C D M N O. L'orthographe est celle de B.
In nomine summe et individue Trinitatis. Karolus divina providente clementia Francorum rex. Quicquid pro remuneratione eterni premii in presenti agitur seculo, Deo id fore gratum multum creditur. Notum ergo fieri volumus noticie cunctorum Christicolarum, presentium scilicet ac futurorum, providentes sollicite honorem sanctorum Dei, jussu imperii nostri translatum esse corpus beati levite Mauri, discipuli sancti Benedicti, a loco qui vocatur Glannafolium, qui situs est in pago Andegavensi super flumen Ligerim, in cenobio Fossatensi, quod vocatum olim fuit castrum Bagaudorum, quod nunc est dedicatum in veneratione perpetue virginis Marie atque sanctorum apostolorum Petri et Pauli, positum in Parisiacensi pago super fluvium Matrone, quoniam ferali rabie accensa natio Normannica illucque pessime consurgens incendio ac ferro cuncta devastant loca. Ne vero tam pretiosum corpus a nostro regno rapinis depredaretur nefandorum, honorifice in predicto collocavimus loco, quo humiliter accedentes sancti viri imploraturi auxilium, cum ipsius sacro corpore reddimus, donamus ac subicimus jam dictum locum Glannafolium, cum omnibus rebus quas nunc possidere videtur et cum his que a tempore Teodeberti quondam regis Francorum usque ad tempus avi nostri Karoli magni visus fuit habere atque in posterum Dei gratia conferre dignata fuerit, Fossatensi monasterio sanctisque predictis sub dominatione Odonis, abbatis ejusdem loci, ac sibi subjectis monachis in perpetuum possidendum. Tempore enim piissimi genitoris nostri Ludovici sancte memorie Ingelbertus abba cum suis monachis eundem locum, postulante comite Rorigone, Bilchilde quoque ejus uxore, suscepit, collegium monachorum in ipsius restauratione de predicto loco congregare studuit, ornamentis monasterialibus honorificentissime adornavit regularemque observationem agere obtime edocuit auctoritatemque domni nostri genitoris accipere meruit, quo abbates ipsius loci vigilanti studio providentiam illius semper haberent atque tales ibi preponerent fratres qui, sollicite observantes precepta regule, statum ejusdem firmiter usque in evum conservarent. Dignum siquidem esse judicamus ut illi loco jugiter presint, ac sequaces eorum qui non solum in restauratione laboraverunt, verum etiam pretiosius ornamentum ipsius, videlicet sanctum ejus corpus, suscipere meruerunt. Precipientes ergo jubemus ut a die presenti usque in novissimam hujus seculi horam ea que supra diximus teneant atque possideant absque alicujus contradictione et unum sint ac semper unius abbatis dominationi gubernationique ac potestati subiciantur et obedientes existant. Sicut autem in predicto loco Fossatensi nemo mortalium absque his qui ibi Christo militant ullam consuetudinem nec redibitionem requirere, nisi injuste, valet, ita et ipsum locum in ratione simili commendamus persistere. Precipimus ergo iterum auctorizantes et sub obtestatione divine majestatis confirmamus ut nullus judex, non imperator, non rex, non episcopus, non comes aut ulla judiciaria potestas hoc nostre excellentie preceptum ullo modo violare aut infringere presumat. Quod qui presumpserit, imperatoris romani seu regis Francorum distringente severissima justicia, quinque milia libras auri coactus persolvat ipsis monachis et quod repetit non evindicet, sed a liminibus sancte Dei Ecclesie expulsus et a coetu Christianorum omniumque sanctorum segregatus cum Dathan et Abyron flammas inferni possideat perpetuas et cum Beelzebut sedem eternalem, cum a corpore exierit, sibi preparatum inveniat. Et ut hec auctoritas perpetuum obtineat vigorem, manu propria firmavimus et anuli nostri signaculo sigillari jussimus, insuper quoque Romam mittere disponimus et domni Adriani apostolici romani auctoritate sigilloque corroborari decernimus.
Signum (Monogramma) Karoli serenissimi regis.
Mancio diaconus ad vicem Gosleni recognovit et suscripsit.
Data non. februarii, anno regni Karoli gloriosissimi regis XXVIIII, indictione I. Actum cenobio Fossatensi. In Dei nomine feliciter. Amen.