871, 21 septembre. — Choisy[-au-Bac].
Acte faux
Charles le Chauve, désirant honorer les saints Médard, Gildard et Sébastien, affecte au luminaire de l'église [du monastère de Saint-Médard] une église à Braye, vingt-et-un manses tant à Braye qu'à Villers, l'église Saint-Vaast et la monnaie de la cité de Soissons; au trésor, la petite abbaye de Saint-Pierre de Rethondes, des biens sis à «Cucusma», d'autres aux alentours du monastère, d'autres encore à Bitry, Puiseux, Camelin, «Gunantem», Saint-Crépin et «Biscariolas». Il donne à Saint-Médard la petite abbaye de Lacroix-Saint-Ouen et décide que cent vingt muids de vin seront fournis annuellement à la cave du monastère par le domaine royal (de nostro dominico). Il affecte à la matricule des biens sis dans la «villa Othgeda», à Violaine, Condé, Cys, Missy, Crécy et «Betiacus» et donne [à la communauté] d'autres biens sis à Crouy, Vignoles et Soissons. Le trésorier devra servir trois fois par an un repas aux moines sur les revenus des biens énumérés ci-dessus. Enfin, le roi prend sous sa protection l'église et tout son patrimoine.
A. Original du faux perdu.
B. Copie de la fin du xiiie s., dans le Cartularium antiquum de Saint-Médard, Archives de l'Aisne, H 477, fol. 129v°, sous la rubrique: «Carta Karoli regis Francorum de moneta, de Cruce sancti Audoeny, de Rotundis et de pluribus rebus quas ipse contulit».
C. Copie de l'année 1649, Archives nationales, LL 1021, p. 320, d'après B.
D. Copie de l'année 1662, dans Dom Gillesson, Antiquitez de Soissons, Bibliothèque nationale, ms. fr. 18769, fol. 58, d'après B.
Nous avons longuement hésité avant d'insérer ce diplôme dans la série des actes entièrement supposés. Ernst Müller (Die Nithard-Interpolation und die Urkunden- und Legendenfälschungen im St Medardus Kloster bei Soissons, dans le Neues Archiv, t. 34, 1908, p. 693) avait déjà mis en doute sa sincérité et présenté à ce sujet des observations pertinentes. Il faisait remarquer que le préambule est le même que celui de la fausse donation de Choisy-au-Bac à Saint-Médard par Louis le Pieux (Böhmer-Mühlbacher, Die Regesten, n° 842 [816]; publiée dans le Recueil des historiens de la France, t. VI, p. 539, n° xxvi). On pourrait objecter à cet argument que le rédacteur de la donation de Choisy a emprunté son préambule au diplôme de Charles le Chauve. Mais ce préambule n'est pas plus conforme aux habitudes de la chancellerie de Charles qu'à celles de la chancellerie de Louis le Pieux. D'autre part, la formule de corroboration est la même que dans le diplôme original pour Saint-Médard, expédié au plus tard en avril 870 et publié plus haut sous le n° 338. Les deux diplômes sont souscrits par le même notaire Adalgarius et mentionnent l'apposition d'une bulle. Tous deux contiennent avant la formule de corroboration la clause stipulant le maintien sous la protection royale de l'établissement, de ses biens, de ses serfs, de son mobilier, à une variante près, à quoi s'ajoutent quelques analogies verbales dans le reste du texte. On ne peut se défendre de la pensée que le rédacteur du présent acte avait sous les yeux le diplôme n° 338 et on s'étonne qu'il n'y ait fait aucune allusion, étant donné que les deux diplômes sont l'un et l'autre des affectations générales de biens à la mense conventuelle. On s'étonne encore plus de ne pas y retrouver les mêmes noms de lieux. Il est fréquent, d'autre part, que des diplômes aient été expédiés en double exemplaire, mais ici le deuxième paraît en quelque sorte l'amplification et la mise au point du premier. L'allure oratoire de l'exposé est une mauvaise note. Dans l'énumération désordonnée des biens affectés à la mense conventuelle figurent des églises rurales détachées de la villa où elles se trouvaient. Mais surtout on ne saurait admettre que Charles ait affecté au luminaire une source de revenus aussi importante que celle de la monnaie de Soissons, en la mettant sur le même rang que quelques manses et des églises. La moneta aurait été donnée à Saint-Médard par Louis le Pieux (Gallia christiana, t. IX, col. 411). Cette donation est problématique et pareille concession en faveur d'un monastère nous semblerait d'ailleurs anormale à pareille époque. Il n'est pas jusqu'à l'indication topographique donnée dans la formule de date qui ne suscite un doute. En soi, un arrêt du souverain à Choisy-au-Bac le 21 septembre 871 pourrait se concilier avec son itinéraire à la fin de l'été et au début de l'automne de cette année, mais le choix de cette localité devait venir tout naturellement à l'esprit d'un faussaire qui avait fabriqué la prétendue donation du monastère de Choisy à Saint-Médard et qui avait assorti les deux documents d'un même préambule. Nous insinuons par là que leur fabrication serait contemporaine. Celle-ci se placerait dans la première moitié du xe siècle.
Texte de I établi d'après B.
In nomine sancte et individue Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Quamvis ad meritum glorie sanctorum nichil proficere possit id quod a fidelibus ad loca venerabillima in quibus eorum corpora quiescere noscuntur fuerit impertitum, credendum tamen est multum eorum saluti proficere qui sua pro amore Dei veneratione sanctorum largiuntur, quoniam de hujuscemodi rebus sancte Dei Ecclesie honor agmentatur, pauperes necnon et regna aluntur, certumque est Christum in illorum veneratione coli atque honorari qui pro illorum amore suas animas ponere non dubitarunt et cum quibus se mansurum usque seculi consummationem viridica voce promisit. Comperiat igitur omnium fidelium sancte Dei Ecclesie nostrorumque, presentium scilicet et futurorum, sollertia quod nos reverentie sanctorum Medardi et Gildardi et incliti martyris Sebastiani placuit singulatim quasdam res deputare et deputatas auctoritatis nostre precepto confirmare, ita ut perpetim firmiterque habeantur ad ornatum sancte ecclesie preparandum et stabiliendum in diversis operibus fabrilibus auri et argenti diversorumque metalorum, sive ad luminaria concinnanda tam cere quamque olei liquore, ut nostris specialibus donis honor ecclesie auctus crescat et laudetur a cunctis limina illa omnipotentis Dei frequentantibus qui est misericordia et sine fine benedictus. Hec ergo sunt nomina villarum quas dare disponimus ad luminaria ecclesie, ecclesiam unam in Brayo et inter ipsum Brayum et Villarem mansos ingenuos undecim, serviles tres, accolas septem, farinarium unum, et ecclesiam sancti Vedasti, monetam etiam quam positam habemus in Suessionis civitate; ad thesaurum vero eorumdem sanctorum de potestate sancti Petri omnem abbatiolam cum integritate extra monachi habent de Rotundis, in Cucusma mansos septem et in circuitu ejusdem monasterii accolas viginti sex, farinarium unum et pratum magnum et silvas circa monasterium, in Bitreyo mansos ingenuales viginti quinque, ecclesiam unam et capella[m] unam, farinarios duos, cambam unam, in Puteolis mansum servilem unum, de terra arabili bunuarios duodecim, in Camaleio mansos decem, inter Gunantem et sanctum Crispinum mansos quindecim et ecclesiam unam, in Biscariolas mansos triginta sex, farinarios duos. Preter ista concedimus abbatiolam etiam de Cruce sancti Audoeni cum omni integritate, videlicet pratum magnum et silvam ad ipsum locum pertinentem, et constituimus ut omni anno de nostro dominico dentur ad vinaticum sancti Medardi vini modia centum viginti. Confatuimus etiam ad matriculam inter villam Othgedum et Vitulena et Condedilum et Cis, Minciacum, Crisciacum et Betiacum, ecclesias duas, mansos ingenuales quadraginta, serviles quadragi[n]ta, accolas decem et septem, farinarios quatuor. Concedimus etiam inter Crouiacum et Vinoilum et civitatem de vineis bunuarios quinque et quadros septuaginta octo. Quicquid autem a Deum timentibus eidem ecclesie collatum est et in futuro conferetur firmiter absque alicujus rectoris contradictione teneatur atque possideatur. Unde hoc altitudinis nostre preceptum fieri jussimus, per quod prefate res cum ecclesiis, domibus, edificiis, viridiariis, hortis, vineis, terris, silvis, pratis, pascuis, aquis aquarumve decursibus, piscinis, molendinis, mancipiis utriusque sexus desuper commanentibus vel ad easdem res juste pertinentibus ad ecclesiam predictorum sanctorum sicut prenotatum est deserviant; ex eisdem autem rebus ter in anno plenarie refectiones monachis ejusdem monasterii a thesaurario prebeantur; ipsa vero ecclesia omnesque ejus res et mancipia cunctaque suppellex in nostra successorumque nostrorum munimine ac mundeburdo indesinenter maneant. Et ut hec auctoritas quam ob Dei amorem sanctorumque et anime nostre remedium statuimus atque roboravimus firm[i]orem obtineat vigorem, manus nostre conscriptione subter eam firmavimus et impressione bulle nostre insigniri jussimus.
Signum Karoli gloriosissimi regis.
Adalgarius ad vicem Gosleni recognovit.
Data XI kal. octob., indictione IIII, anno XXXII Karolo gloriosissimo rege. Actum Causiaco. In Dei nomine feliciter. Amen.