873, 9 octobre. — Saint-Denis.
Acte faux
Charles le Chauve donne aux religieux de Saint-Denis, dont il est abbé, la «villa» de Rueil, située en Parisis et en Pincerais, ainsi que la réserve de pêche depuis le ruisseau de Sèvres jusqu'à Chambry, avec les rivages et les impôts royaux sur eau et sur terre, à quelque autorité que les rives soient soumises, à charge: 1° d'entretenir perpétuellement devant l'autel de la Trinité sept lampes pour l'empereur Louis, la «reine» Judith, lui-même, Ermentrude sa première femme, Richilde son épouse actuelle, ses enfants vivants ou morts, Boson et Guy ainsi que ses autres familiers; — 2° de placer quinze lampes en trois groupes au réfectoire où elles seront allumées quand il en sera besoin; — 3° de fournir aux moines sur les revenus de la dite «villa» un repas mensuel qui ne devra pas se confondre avec les fondations antérieures; — 4° de commémorer l'anniversaire de sa mort et de celle de Richilde par un repas. — L'administration de la «villa» et de ses revenus ainsi affectés sera confiée au doyen qui en rendra compte à Dieu.
A. Pseudo-original. Parchemin autrefois bullé. Hauteur, 650 mm. à gauche, 671 mm. à droite; largeur, 539 mm. en haut, 529 mm. en bas. Archives nationales, K 14, n° 9 B.
B. Copie du 9 octobre 1221, dans un vidimus original des évêques de Soissons, de Chartres, de Laon, d'Évreux et de Carcassonne réunis à Saint-Denis, Archives nationales, K 14, n° 9 (carton), d'après A.
C. Copie du xiiie s., dans le cartulaire de Saint-Denis, dit Livre des privilèges, Archives nationales, LL 1156, fol. 49, sous le rubrique: «Preceptum Karoli Calvi imperatoris de Ruoilo», d'après B.
D. Copie de la fin du xiiie s., dans le Cartulaire blanc de Saint-Denis, t. I, Archives nationales, LL 1157, p. 499, sous la rubrique: «De Ruolio et Secana cum appendiciis. Preceptum Karoli imperatoris», d'après B.
E. Copie authentique de l'année 1492, dans la transcription, collationnée en Parlement le 17 décembre de cette même année, d'un vidimus original de Louis XI, du mois d'août 1470, aujourd'hui perdu, Archives nationales, S 2345, n° 24, d'après le vidimus susdit, dérivant lui-même de B.
F. Copie authentique de l'année 1495, dans une autre transcription, collationnée le 9 juillet de la même année, du vidimus de Louis XI cité sous la lettre E, Archives nationales, K 14, n° 9 (carton), d'après la même source que E.
G. Copie authentique de l'année 1540, dans une autre transcription du vidimus de Louis XI cité sous la lettre E, Archives nationales, S 2353, d'après la même source que E et F.
H. Copie du xviie s., sur papier timbré, dans une transcription du vidimus épiscopal mentionné sous la lettre B, Archives nationales, S 2345, d'après B.
I. Copie du début du xive s., dans le cartulaire de Saint-Denis dit Cartulaire de Rueil, Archives nationales, LL 1167, fol. 1, d'après D.
J. Copie du xive s., dans le Cartulaire de Thou ou Colbertin, Bibliothèque nationale, ms. lat. 5415, p. 77, d'après C ou D.
K. Copie du xive s., ibidem, p. 471, d'après D.
L. Copie du xviiie s., Archives nationales, LL 1160, p. 88, d'après J.
M. Copie du xviiie s., ibidem, p. 336, d'après K.
N. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 55, fol. 355v°, d'après J.
O. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 17110, fol. 38, d'après J.
P. Copie du xviie s., ibidem, fol. 242, d'après K.
Q. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. franç. 16177, fol. 105, d'après K.
R. Copie notariée du xviie s., dans une transcription de la copie du vidimus de Louis XI, signalée sous la lettre G, Archives nationales, S 2345, n° 32, d'après G.
S. Copie du xviie s., Bibliothèque de Carpentras, ms. 1791 (Peiresc, XXIII, 1), fol. 620v°.
T. Copie informe du xviie s., Archives nationales, K 14, n° 9 (carton), d'après B ou une copie dérivée de B.
U. Copie informe du xviiie s., sur papier timbré, ibidem.
V. Copie du xviiie s., collationnée le 16 septembre 1746 par le greffier en chef de la Chambre des comptes, Archives nationales, K 181, n° 104.
a. Doublet, Histoire de l'abbaye de Saint-Denis, p. 806, d'après A.
b. Labbe, Alliance chronologique, t. II, p. 471 (année 874), édition partielle.
c. Gallia christiana, t. VII, instrumenta, col. 14 (année 873), probablement d'après a.
d. Félibien, Histoire de l'abbaye de Saint-Denis, preuves, p. LXXVI, n° c (année 870), d'après A.
e. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 629, n° ccxxxiv (année 870), d'après d.
f. Giry, La donation de Rueil à l'abbaye de Saint-Denis, dans les Mélanges Julien Havet, p. 713, d'après A.
Fac-similé : du pseudo-original: Lot, Lauer et Tessier, Diplomata Karolinorum, V, pl. xxix.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 291 (année 870) et 298 (année 874).
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1770 (année 870).
Il est certain que le 27 mars 875, Charles le Chauve a donné la presque totalité de la «villa» de Rueil à l'abbaye de Saint-Denis. L'original du diplôme de donation existe encore et a été publié parmi les actes sincères sous le n° 379 du présent Recueil (Voir plus haut, p. 347). Désirant voir le droit des moines s'étendre non seulement à la «villa» tout entière, mais au cours de la Seine, depuis Sèvres jusqu'aux abords de Saint-Germain, un faussaire interpola la rédaction primitive, compensant par quelques suppressions les additions qu'il y insérait. Imitant les dispositions et l'écriture du diplôme sincère, il fabriqua une expédition qu'il eut la prétention de faire passer pour l'original en y fixant la bulle d'or, détachée de l'original. C'est ce document, plus avantageux pour le monastère que le diplôme authentique, qui, de préférence à celui-ci, a été, à travers les âges, recopié, vidimé, produit en justice et publié. Dans le mémoire mentionné sous la lettre f, Arthur Giry a magistralement administré la preuve du remaniement et excellemment commenté (p. 696-698) la clause interpolée. On pourra cependant ne pas souscrire entièrement à l'hypothèse avancée par lui quant à la date du remaniement, qu'il place sous l'abbatiat de Vivien, qui fut abbé de Saint-Denis au plus tard en 1008 et qui mourut en 1049. Maurice Prou remarquait dans une note manuscrite que «le scribe avait encore l'usage familier de la minuscule caroline» et il ne se croyait pas autorisé à «descendre au delà de la première moitié du xe siècle pour la confection de cet acte». En tout état de cause, l'inspection de l'original prétendu ne permet guère d'assigner sa fabrication à la première moitié du xie siècle, comme le voulait A. Giry.
Le 9 octobre de la 30e année du règne de Charles le Chauve répond à l'année 869, mais le 9 octobre de la 5e année «in successione regni Hlotharii» nous reporte à 873. C'est cette date arbitraire que nous avons adoptée avec Arthur Giry pour insérer le faux dans la série chronologique. — L'original prétendu étant en fort mauvais état et les lectures d'Arthur Giry étant très souvent presque impossibles à vérifier, nous avons pris le parti d'insérer entre crochets carrés les passages pratiquement illisibles et qu'il était facile de reconstituer soit à l'aide de B soit à l'aide du diplôme sincère. Les parties de celui-ci qui sont reproduites dans le diplôme interpolé sont imprimées ci-dessous en petits caractères. Quand aux copies, leur filiation directe ou indirecte par rapport à B se reconnaît au fait qu'elles sont toutes dépourvues des souscriptions, à l'exception cependant des deux dernières, U et V, celle-ci abondant d'ailleurs en cacographies.
(Chrismon) In nomine sanctȩ et individuae Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si sacris locis et divinis mancipatis cultibus inibique Deo famulantibus largitionis nostrae munere aliquod conferendo tribuimus, [2] Deum nobis ob id presenti et in futuro seculo propitiaturum nullatenus dubitamus. Quapropter omnium sanctae Dei Ecclesiae, presentium et futurorum, [comperiat generalitas quoniam nos, ob Dei et domini nostri Jhesu Christi amorem specialisque] protectoris nostri [3] magni Dionysii venerabilis [intercessionis spem, villam juris nostri Riogilum cum omni suarum integritate rerum et mancipiorum, cum terris] arabilibus, cultis et incultis, vineis, campis, silvis, pascuis, aquis aquarumve decursibus, [4] [piscatoriis, molendinis,] exitibus et regressibus, necnon forestem aquaticam [que est a fluvio Saure usque Cambreias cum ripaticis], quam nunc usque nostra visa est dominari potestas, atque indulgemus omnes exactiones regias [5] in aqua, [cuicumque potestati subditi sint ripatici], sive in terra, quemadmodum olim [reges tenuerunt et nos hactenus visi sumus absque querimonia], veluti fiscum regium, tenuisse, quȩ villa sita est in pago Parisiaco et Pinciacinse, [6] venerandis monachis jam dicti domni Dionysii ad agendum perpetualiter subtermissura, conferimus et inviolabili a successoribus nostris traditione confirmamus, eo scilicet jure ut septem luminaria ante altare [7] sanctȩ Trinitatis, post quod nos humanis solutum legibus sepeliri optamus, semper tam in die quam et in nocte, [sine aliqua extinctionis intercapedine, ardeant], lumenque in presenti seculo perpetualiter tribuant, quarum una sit pro patre nostro [8] piȩ recordationis [Hludowico augusto, altera pro genetrice nostra Judith regina, tertia pro nobis, quarta pro Hyrmintrude olim] conjuge nostra regina, quinta pro hac etiam conjuge nostra Richilde regina, sexta pro omni prole nostra vivente seu [9] defuncta, septima pro Bosone et Widone ac reliquis familiaribus nostris. Statuimus etiam ut, quia omni tempore non plena luce, causa sollempnitatum aut alicujus prepeditionis, omnia fieri possunt, quindecim luminaria [10] in refectorio per tria loca ȩqualiter distincta tempore congruo ardeant. Preterea ut omni mense ex jam dicta villa fratres generalem de omni re refectionem habeant decernimus atque sancimus, ita tamen ut hȩ refectiones [11] non diebus festis neque loco aliarum refectionum quas fratres ex aliis rebus habere debent tribuantur. In his ergo generalibus refectionibus generalis pro nobis fiat commemoratio, neque hec generalis oratio specialem prepediat supplicationem que pro nobis [12] fieri debetur ex aliis rebus a nobis collatis. In anniversario quoque obitus nostri, Richildis, similis oratio similisque fiat refectio. Non ergo opus erit ut refectio nativitatis nostrȩ transferatur in obitum, sed manente ea, refectio obitus [13] unde statutum est fiat. Hȩc autem et villa et omnia quȩ ex ea faciendum retro censuimus, im providentia decani omni tempore sint, suaque dispositione et ordinatione ista omnia agantur, rationem coram Deo, si quid [14] [minus fuerit, redditurus. Obsecramus ergo et] obsecrantes obtestamur omnes successores nostros qui hanc villam aut aliquod ad eam pertinentem de his quȩ antecessores nostri, salvo jure regio, tenuerunt [15] prenominatis rebus, a potestate sancti Dionysii subtrahant aut immutant seu alicui abbatum subtrahere, vel immutare permittant, [quo in aliquo minus fiat quam] Domino et sancto Dionysio voto nostro [16] sacratum est. Quod si fecerit, [manente integrum miseratione divina quod speciali puraque voluntate semel contulimus, se reum abstractionis vel imm]utationis in conspectu [17] divinȩ majestatis mansurum [esse cognoscat. Haec nos Dei constitutione rex, ipsiusque et fratrum electione monasterii magni Dionysii abba, a patre causa tutele] traditus, [18] ut hȩc pie confirmatio constitutionis per omnia tempora firmior habeatur, firmiusque [ab omnibus observetur, manibus propriis subter firmantes, bullis nostris jussimus insigniri.]
[19] Signum (Monogramma) [Karoli gloriosissimi regis].
[20] [Adalgarius notarius] ad vicem Gozleni recognovit et s. (Signum recognitionis cum verbis inclusis: ΙΝ ΔΙ ΝΩΜΙΝΕ).
[21] Data VII id. octobr., anno XXX regnante Karolo rege et in successione regni [Hlotharii anno V]. Actum sancto Di[onisio monasterio. In Dei nomine feliciter. Amen.]