844, 20 juin. — Saint-Sernin de Toulouse.
Charles le Chauve, à la prière de Berarius, archevêque de Narbonne, met l'église cathédrale de Narbonne, dédiée aux saints Just et Pasteur, avec le monastère de Saint-Paul, sous la protection royale et celle de l'immunité, renonce au produit des droits prélevés par le fisc sur les domaines de ladite église et, renouvelant une concession qui remontait au roi Pépin, lui abandonne la moitié des taxes perçues par le comte sur le trafic, les navires et les salines.
A. Original perdu.
A1. Pseudo-original perdu.
B. Copie figurée du xie s. Parchemin. Hauteur, 17 cm.; largeur, 47 cm. Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 390, n° 478, d'après A.
C. Copie du xiie s., dans un fragment de cartulaire de l'archevêché de Narbonne, Bibliothèque nationale, ms. lat. 11015, fol. 14 v°, sous la rubrique: «De turribus et adjacenciis atque pertinenciis infra Narbonam atque extrinsecus seu abbaciis vel villulis et territoriis vel teloneis», d'après A.
D. Copie du xviie s., par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 374, p. 218, d'après A1.
E. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, Collection Languedoc (Bénédictins), vol. 40, fol. 65, avec l'indication marginale suivante: «Donation du roy Charles... cottée n° 10 dans l'Inventaire des privilèges royaux aux archives de l'archevêché de Narbonne», d'après A1.
F. Copie de l'année 1668, par Gratian Capot, Bibliothèque nationale, Collection Doat, vol. 55, fol. 4, d'après un vidimus original de l'official de Narbonne, en date du 1er juillet 1318, «trouvé aux archives du chapitre de Saint-Just de Narbonne», le texte vidimé étant celui d'A1.
a. Catel, Mémoires de l'histoire du Languedoc, p. 746, édition fragmentaire, d'après une copie dérivant de A1.
b. Besse, Histoire des ducs, marquis et comtes de Narbonne, p. 444, édition fragmentaire, d'après la même copie que a, «extraicte des archives de l'église métropolitaine de Narbonne», dérivant de A1.
c. Lecointe, Annales ecclesiastici Francorum, t. VIII, p. 726, sans indication de source, d'après A1 ou une copie de A1.
d. Histoire générale de Languedoc, t. I, preuves, col. 80, n° lxii (année 843), «archives de l'église de Narbonne, originale copie (sic), Bibl. du roi, Baluze, chartes des rois, n° 9 [B], et vidimus de l'an 1318, Bibl. Colbert, vol. mss. sur l'église de Narbonne», a adopté la leçon vicieuse des copies dérivées de A1.
e. Gallia christiana, t. VII, instrumenta, col. 4, n° iv, «ex autographo», d'après A1.
f. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 442, n° xxi, «ex autographo», d'après A1.
g. Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. II, preuves, col. 297, n° 115, d'après B.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 209 (année 843).
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1564.
Indiqué : A. Molinier, Un diplôme interpolé de Charles le Chauve, dans les Mélanges Julien Havet, p. 67-76.
Indiqué : Lot et Halphen, Le règne de Charles le Chauve, p. 101 et n. 3.
Il n'est pas fait mention dans ce diplôme du précepte de Louis le Pieux en date du 29 décembre 814 (Böhmer-Mühlbacher, Die Regesten, n° 557 (538); publié dans le Recueil des historiens de la France, t. VI, p. 469, n° xix et l'Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. II, preuves, col. 94, n° 31) dont il reproduit pourtant les termes, comme on s'en rendra compte en jetant les yeux sur les parties imprimées en petit texte. Peut-être le rédacteur avait-il sous les yeux un diplôme de Pépin Ier d'Aquitaine confirmant celui de Louis le Pieux. On s'expliquerait ainsi son silence.
Le texte primitif a subi deux interpolations: 1° Tous les éditeurs, à l'exception de Molinier (g), ont adopté la leçon que donne le groupe de copies DEF, dérivées de A1. Charles le Chauve aurait donné à l'église de Narbonne la moitié de la cité «medietatem totius civitatis cum turribus et adjacentiis earum intrinsecus et extrinsecus.» Cette addition au texte primitif est postérieure à la transcription de la copie B et à la compilation du cartulaire C. Les caractères paléographiques de cette dernière copie ne permettent pas de la faire remonter au-delà de l'épiscopat de Guifredus, mort en 1079. D'autre part l'addition était faite en 1318, date du vidimus de l'official de Narbonne. Peut-être faut-il y voir l'écho des préoccupations de l'archevêque Arnaud-Amauri qui au début du xiiie siècle cherchait à usurper le titre de duc de Narbonne. Nous croyons à l'encontre de Molinier qu'un pseudo-original a été fabriqué. Les déclarations de l'official dans le vidimus de 1318, les mentions ex autographo des éditeurs de e et de f, la cote donnée par E viennent à l'appui de notre opinion. Peut-être est-ce à l'époque de cette fabrication qu'ont été pratiqués sur la copie B les grattages signalés dans les notes de notre édition, dans le but, abandonné ensuite, de substituer la seconde rédaction à la première. 2° Nous estimons avec Molinier (mémoire cité, p. 74) que l'allusion aux tours de la ville de Narbonne a été introduite au temps de l'archevêque Guifredus un peu avant 1066. Le texte de l'accord entre lui et Raymond de Saint-Gilles, héritier de la maison de Gothie, publié par Molinier (Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. V, col. 535, n° 273) et celui de l'hommage prêté par le vicomte de Narbonne à l'archevêque (ibidem, col. 540, n° 275) sont significatifs à cet égard.
On pourrait se demander enfin si la concession par le roi des taxes perçues par le comte sur le trafic, les navires et les salines ne serait pas elle aussi interpolée. On remarquera en effet la gaucherie avec laquelle cette clause est intercalée dans le dispositif. La phrase qui la suit commence par un pronom relatif, per quod, dont l'antécédent est le mot preceptum qu'il faut aller chercher avant la clause nouvelle insérée dans le diplôme de Charles le Chauve. Nous croyons cependant que cette disposition figurait dans l'original. Elle se trouve en effet dans un diplôme du roi Eudes du 26 juin 890 (Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. V, col. 85, n° 13) sous la forme suivante: «Concedimus medietatem salinarum, telonei, portatici et raficae atque paschuarii seu classis naufragiorum ad eandem prefatam ecclesiam tam in Narbonensi quam in Redensi comitatu, undecumque comes vel ejus missus receperit vel recipere debuerit aliquid exactionis». Le faussaire qui aurait voulu introduire après coup cette clause dans le diplôme de Charles n'aurait pas manqué d'employer les termes techniques et précis du diplôme d'Eudes. La clause analogue de notre diplôme est rédigée d'une manière plus générale qui s'accorde assez bien avec le style en usage à la chancellerie du roi Charles. Molinier pensait que le souverain du nom de Pépin, à qui il est fait allusion était Pépin le Bref, à l'encontre de Sickel (Acta regum et imperatorum Karolinorum, t. II, p. 333, L. 35). Molinier doit avoir raison, car on ne s'expliquerait pas autrement l'addition des mots et deinceps après Pipino videlicet rege. Si la clause ne figure pas dans le diplôme de Louis, c'est qu'elle n'était pas à sa place dans un diplôme d'immunité de la bonne époque carolingienne. — Comme dans le diplôme précédent, le chiffre de l'indiction est erroné.
Texte établi d'après les copies B à F.
In nomine sancte et individue Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Cum peticionibus sacerdotum justis et rationabilibus divini cultus amore favemus, superna nos gratia muniri non difidimus. [2] Idcirco notum sit omnibus fidelibus sancte Dei Ȩcclesiȩ et nostris, tam presentibus quam et futuris, quia vir venerabilis Berarius, Narbonensis urbis archiepiscopus, adiens obtutibus nostris deprecatus est mansuetudinem culmi-[3]-nis nostri ut matrem ȩcclesiȩ ipsius civitatis, que est in honore sanctorum Justi et Pastoris vel sancte Mariȩ semper virginis, cum monasterio quod dicitur sancti Pauli confessoris ubi ipse sanctus corpore requiescit, quod est constructum [4] haud procul ab eadem urbe, cum omnibus moderno tempore sibi subjectis sub nostra defensione et inmunitatis tuicione consistere faceremus, id est tam illo atrio toto cum omni integritate infra Narbonam <cum [5] turribus atque earum extrinsecus adjacentiis> quam abbatiis, villulis vel territoriis ad eandem ȩcclesiam pertinentibus. Cujus precibus ob amorem Dei et reverentiam eorundem sanctorum aurem accomodare [6] libuit et hunc nostre auctoritatis inmunitatisque preceptum erga eandem ȩcclesiam facere. Similiter autem concedimus eidem ȩcclesiȩ, sicut actenus a predecessoribus nostris Pipino videlicet rege et deinceps conces-[7]-sum est ab omni integritate, de quocunque commertio ex quo teloneus exigitur vel portaticus ac de navibus circa littora maris discurrentibus necnon salinis quicquid et comes ipsius civita-[8]-tis exigit pro oportunitate ejusdem ȩcclesiȩ in omnibus medietatem. Per quod decernimus atque jubemus ut nemo ex judiciaria potestate nec ullus ex fidelibus nostris in ecclesias aut loca vel agros [9] seu reliquas possessiones quas presenti tempore possidet vel ea que deinceps jure et potestate ipsius ȩcclesiȩ divina pietas voluerit augere, ad causas audiendas vel freda aut tributa [10] exigenda, aut mansiones vel paratas faciendas, aut fidejussores tollendos aut homines ipsius ecclesie tam ingenuos quamque et servos destringendos, aut ullas redibitio-[11]-nes aut inlicitas occasiones requirendas, nostris aut futuris temporibus ingredi audeat vel ea que supra memorata sunt penitus exigere presumat, sed liceat memorato presuli [12] suisque successoribus sub nostra defensione quiete residere et nostra parere jussione; et quicquid jus fisci exinde exigere poterat, totum nos pro eterna remuneratione eidem concedi-[13]-mus ȩcclesiȩ ut perpetuis temporibus clericis ibidem Deo servientibus proficiat in augmentis, quatenus rectores ipsius ȩcclesiȩ cum omnibus ad se pertinentibus, cum clero et populo sibi subjecto pro nobis et con-[14]-juge proleque nostra ac tocius regni a Deo nobis per inmensum concessi Domini misericordiam alacriter exorare delectet. Et ut hȩc nostre preceptionis auctoritas a fidelibus sancte Dei Ecclesie et nostris [15] verius credatur et diligentius conservetur, eam manu propria subscripsimus et anuli nostri impressione signari jussimus.
Signum (Monogramma) Karoli gloriosissimi regis.
Jonas diaconus ad vicem Hludovici recognovit et subscripsit.
Data XII kal. jul., indictione VI, anno quarto regni praestantissimi regis Karoli. Actum in cenobio sancti Saturnini martiris juxta Tolosam. In Dei nomine feliciter. Amen.
Image de l'acte
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Cliché Archives nationales de France.