877, 12 août. — Paris.

Acte faux

Charles le Chauve, à la prière de sa sœur Gisèle (Gisla) et de son neveu Raoul (Rodulphus), restaure l'abbaye de Denain sur l'Escaut, fondée jadis par sainte Renfroye (Ragenfredis) et restitue aux religieux et religieuses de cet établissement le lieu même de Denain, les «villae» de Haulchin et de Thiant, des manses à Saultain, avec la forêt d'Ambelise, et d'autres manses au lieu dit «Goldeciatas», le tout en Hainaut. Il stipule en outre que les dîmes provenant tant des «villae» seigneuriales de l'«abbatia» que des parts du domaine abbatial concédées en bénéfice seront affectées à l'entretien des religieux et religieuses et que le seigneur du lieu devra largement subvenir à l'entretien des églises et bâtiments de l'abbaye.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-877), Vol. 2, Paris, 1955, no501.

A. Original du faux perdu.

B. Copie de la fin du xive s., dans une transcription des Annales Hannoniae de Jacques de Guise, livre XII, chap. 35, Bibliothèque de Valenciennes. ms. 769 (anc. 578).

C. Copie du xve siècle, dans une autre transcription du même ouvrage, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12828, fol. 351.

D. Copie du xve siècle, dans une autre transcription du même ouvrage, Bibliothèque nationale, ms. lat. 5995, t. II, fol. 90.

E. Copie du xviie s., par Simon Leboucq, dans l'Histoire ecclésiastique de la ville et comté de Valentienne, Bibliothèque de Valenciennes, ms. 673 (anc. 531), d'après a.

a. Miraeus (Le Mire), Diplomatum belgicorum libri duo, éd. 1627, p. 260; éd. 1723, dans Foppens, Miraei opera diplomatica et historica, t. I, p. 246, sans indication de source.

b. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 673, n° cclxxxvi, d'après a.

c. Acta sanctorum, octobre, t. IV (1780), p. 313, d'après a.

d. Leboucq, Histoire ecclésiastique de la ville et comté de Valentienne, éd. 1841, p. 291, d'après a.

e. Fortia d'Urbain, dans son édition des Annales Hannoniae de Jacques de Guise, t. VIII, p. 425, d'après C et D.

f. Sackur, dans son édition des Annales Hannoniae de Jacques de Guise, Monumenta Germaniae historica, Scriptores, t. XXX, 1re partie, p. 154 (seulement le protocole initial, le début du préambule et le protocole final).

Indiqué : Georgisch, Regesta, t. I, col. 146.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 311.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1825.

Comme le remarque fort justement Arthur Giry dans une dissertation manuscrite dont nous résumons les conclusions, «ce diplôme présente des irrégularités manifestes, mais pour en discuter l'authenticité, on voudrait être préalablement fixé sur les conditions dans lesquelles il nous est parvenu. Inséré au xive siècle dans ses Annales Hannoniae par Jacques de Guise..., il a été souvent cité ou publié depuis. Malheureusement, il est difficile de savoir si parmi ceux qui l'ont cité ou publié, il en est qui ont connu un autre texte que celui des Annales du Hainaut». En réalité, les copies et éditions qui ne se rattachent pas à Jacques de Guise dépendent de l'édition procurée par Miraeus en 1627. Miraeus lui-même a-t-il emprunté son texte à Jacques de Guise ou ou l'a-t-il connu par une autre voie? De l'examen des différences se dégage l'impression «que les Annales de Jacques de Guise doivent avoir été la source commune des éditions et que les variantes, dont les seules importantes portent sur la date, sont... des essais de correction». On s'expliquera par là comment nous avons préféré publier le diplôme tel que Jacques de Guise l'avait inséré dans ses Annales, plutôt que présenter un texte hybride et dénaturé par les corrections de Miraeus, quelque judicieuses qu'elles puissent être.

On ne saurait d'autre part se fier à un document dont les formules protocolaires sont étrangères aux règles de la chancellerie de Charles le Chauve. Le point de vue formel mis à part, la clause concernant les obligations du seigneur du lieu est inadmissible au ixe siècle. On peut croire que le faux a été fabriqué dans la deuxième moitié du xie siècle. Le monastère de Denain avait été détruit par les Normands en 881 et ses archives brûlèrent sans doute avec le reste. Il fut restauré au xie siècle et la deuxième abbesse Fredesindis fit écrire la vie de sainte Reine, mère de sainte Renfroye, et, après 1065, le récit des miracles de cette dernière. C'est sans doute à cette époque d'activité littéraire que fut rédigé le pseudo-diplôme de Charles le Chauve, comme le faisait déjà présumer la liste des signa placée à la fin. Il est d'ailleurs très probable que le faussaire a eu sous les yeux un diplôme sincère, qu'il lui a emprunté certains éléments et des tournures rédactionnelles, ainsi que le nom du notaire Audacher ou Audacer, transformé par l'inintelligence des copistes en Nucater. L'éditeur qui a publié ce diplôme dans les Acta sanctorum (c) a reconstitué ainsi la souscription de chancellerie et la date: «[Audacher] notarius [ad vicem Gauzlini] subscripsi, [Pontiliaco] palatio regio». Pontailler (Côte d'Or, arr. Dijon) sur la Saône était en effet une résidence royale d'où Charles le Chauve avait fait expédier le 21 août 872 un diplôme pour l'église de Langres. L'hypothèse est ingénieuse, d'autant plus que le 1er août 877 le souverain se trouvait à Montureux, localité située elle aussi sur la Saône, mais le 11 il était à Besançon, en route pour l'Italie, sans songer à rebrousser chemin. — Bien que le texte de Jacques de Guise date le diplôme de la 27e année du règne, nous le plaçons en 877, à cause de la double mention de la 2e année de l'empire et de la 10e indiction.


Texte établi d'après C et D, avec indication des corrections de a.

In nomine sancte et individue Trinitatis. Carolus misericordia Dei imperator augustus omnibus Christicolis pax et salus. Pre timore et amore Dei multa loca sanctorum, Deo propitiante, alia nova construximus, alia lapsa recuperavimus. Quapropter sciat omnium sancte Dei Ecclesie fidelium, tam presentium quam futurorum, industria quoniam per carissime sororis nostre, Gisle scilicet nomine, crebram ammonitionem ac per dilecti nepotis nostri supplicem postulationem, quin insuper et pro anime nostre perpetua salute abbatiam sanctissime Dei genitricis Marie necnon venerande virginis sancte Ragenfredis quam ex suis propriis prediis ac vernaculis ipsa vivens construxit, sitam super Scaldis fluvii ripam in predio quod nuncupatur Dononium ad pristinum certamus restituere statum. Decrevimus igitur, Dei timoris causa necnon et per deprecationem jam dictorum, has res reddere et confirmare per nostram magnificentiam ad utilitatem fratrum sororumque inibi Deo militantium ut perpetualiter possideant que inferius scripta habentur. Reddimus itaque cum nostra omni confirmatione fratribus et sororibus memorati cenobii ipsum videlicet Dononium cum omni integritate, mansis scilicet LIII, cum molendinis et campis, pratis valde uberrimis et in pago Hainogiense, villam que dicitur Halcim cum omni similiter integritate, mansos videlidet XXIV cum molendinis et pratis, etiamque cum omnibus familiis inibi degentibus, in eodem quoque pago villam que dicitur Theonis cum omni integritate, mansos videlicet XXXIV, in villa vero que dicitur Saltem ejusdem pagi mansos XIV, cum sila que vocatur Ambligia, in prefato quoque pago in villa Goldeciatas nuncupata mansos VII necnon et terram arabilem. Quin insuper statuendo sancimus omnem decimam tam de villis indominicatis quam de beneficiis ex omni abbatia ad usus fratrum et sororum eternaliter largiendam. Ipsius vero loci senior quidquid ad opus ecclesiarum vel edificiorum prefati cenobii necessarium fuerit ante omnia et super omnia secundum Dei amorem provideat ac providendo largiter suppleat. Et ut eternaliter conserventur inviolabiliter, manu propria subter firmavimus et annuli nostri impressione insigniri jussimus.

Actum est hoc annis ab Incarnatione domini nostri Jhesu Christi DCCCCV, ii ydus augusti, indictio X, anno XXXVII regni Karoli regis in Francia et imperii ejus secundo.

Signum Karoli gloriosissimi imperatoris. Signum Roberti. Signum Gerlonis. Signum Willelmi. Signum Radulphi ejus nepotis. Signum Bernardi. Nucater notarius scripsi Parisiaco palatio regali. Amen.


Localisation de l'acte

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