[844, mai-juillet]. — [Saint-Sernin de Toulouse].
Charles le Chauve, à la prière des moines du monastère dit «Bella cella» et vulgairement Castres (Saint-Benoît de Castres), sis en Albigeois sur l'Agout et gouverné par l'abbé Gilbert (Gislibertus), met le dit monastère sous sa protection et celle de l'immunité, avec ses dépendances, les «cellae» sises aux Avalats et à «Rumigos», l'église de Montaigut dédiée à saint Martin et la «villa Remun.», accorde aux moines une exemption de tonlieux, renonce en leur faveur au produit des droits fiscaux, leur permet d'élire librement leur abbé et stipule en outre que l'avoué du monastère ne pourra être l'objet de représailles de la part de ceux qu'il aura poursuivis en justice et qu'il pourra récuser les témoins qui seraient ses adversaires personnels.
A. Original perdu.
B. Copie du xvie s., exécutée peu après 1525, dans un recueil commençant par les mots: «Comparent par devant vous Messire Maistre Marc Astoylh, licencié es droyts, comissere par les Tresoriers de France...» et contenant les déclarations faites devant ledit commissaire par le syndic du chapitre cathédral de Castres et la transcription d'un certain nombre de pièces produites par lui, Archives de la ville de Castres, GG 6, fol. 74v°, d'après une copie certifiée du xiiie siècle.
C. Copie incomplète du xvie siècle, dans un recueil intitulé sur la couverture de parchemin: «Denombremens, admortissemens, libertés, privilieges, instructions et documens des seigneuries, fiefs, terres et possessions nobles que tient et possède le chapitre de l'esglise cathedrale de Castres», Archives de la ville de Castres, AA 5, fol. 2, d'après la même source que B.
D. Copie du xviie ou du xviiie s., Archives de la ville de Castres, AA 6, fol. 14, d'après B.
a. Abbé de Fénols, Les origines du monastère et de la ville de Castres d'après l'érudition locale et un diplôme inédit (Extrait de la Semaine religieuse du diocèse d'Albi, novembre et décembre 1908), édition partielle en deux parties, p. 49 et 47, d'après une des copies signalées ci-dessus.
b. L. de Lacger, Histoire de Castres et de son abbaye de Charlemagne à la guerre des Albigeois, p. 49, d'après BCD, avec des reconstitutions conjecturales.
La date de ce diplôme était sans doute omise dans la copie du xiiie siècle, source unique de la tradition manuscrite. L'acte n'a pu être délivré après 856, le notaire Aeneas étant devenu évêque de Paris cette même année, après le 7 mars. D'autre part, le premier diplôme qu'ait souscrit ce notaire est le n° 14 du présent recueil, en date du 24 décembre 842. Entre ces deux termes on peut, semble-t-il, préciser davantage. Un texte partiellement versifié, sans doute fabriqué au xvie siècle par le Président Sabbathier de la Bourgade, le Chronicon episcoporum Albigensium et abbatum Castrensium, publié par Dom Luc d'Achery dans le Spicilegium, t. VII, p. 335 et suiv. (éd. de la Barre, t. III, p. 570 et suiv.), contient les deux vers suivants: «Dum Carolus valida premit obsidione Tolosam — Castrensem firmat regia charta domum». D'autre part, Pierre Borel, dans Les antiquitez de la ville et comté de Castres (livre II, p. 2), fait état d'un document apocryphe, œuvre probable du même Sabbathier de la Bourgade, et publie d'après ce document des extraits d'un diplôme manifestement faux de Charles le Chauve qui se terminent par les mots: «Actum in monasterio S. Saturnini prope Tolosam obsessam». La précision des termes employés autorise à penser que cette indication topographique a été empruntée directement ou indirectement par le faussaire à un diplôme réellement expédié. Chronicon et extraits transmis par Pierre Borel s'accordent, il est vrai, à placer le siège de Toulouse sous l'abbatiat d'Adalbertus, censé septième abbé de Castres. Pour résoudre cette contradiction, il faut faire intervenir la fantaisie du président Sabbathier. — La clause concernant l'avoué est gauchement formulée; peut-être a-t-elle été remaniée ou même interpolée. Sans prendre position sur le sens précis à donner au mot tortus, on remarquera que cette expression n'est pas amenée de la même façon dans les trois diplômes des rois d'Aquitaine dans lesquels elle figure (édition Levillain, nos xxv, p. 106, xxxii, p. 150, liii, p. 214) et dans les diplômes de Charles le Chauve du 16 novembre 874 pour Saint-Julien de Brioude et du 1er août 877 pour les monastères de Saint-Chaffre et de Manlieu. — Nous n'avons pas tenu compte pour l'établissement du texte de deux ou trois cacographies dont la correction s'impose d'elle-même.
Texte établi d'après B et C.
In nomine sancte et individue Trinitatis. Karolus gracia Dei rex. Si precibus servorum Dei quas pro suis neccessitatibus nobis insinuaverunt clemencie assensum prebemus, regie celsitudinis opera frequentamus ac per hoc eternam beatitudinem facilius nos adhepturos omnino confidimus. Itaque noverit benignitas fidelium omnium sancte Dei Ecclesie atque nostrorum, tam presentium quam futurorum, quia monachi monasterii quod dicitur Bella cella cui auctore Deo et nostra constitutione venerabilis vir Gislibertus abbas preesse dignoscitur, quod est situm in pago Albiensi supra flumen Agotum et in honore beati Benedicti fundatum, quod vulgo dicitur Castra, ad nostram accedentes reverenter mansuetudinem, humiliter et unanimiter petierunt ut eos pro Dei amore cum omnibus facultatibus et rebus eidem monasterio adtinentibus sub deffensionis nostre pretextu vel inmunitatis tuhitione reciperemus, quathinus, remota omnis secularis illicita inquietudine, sub eorum proposito admota quiete liceat illis vivere et res preffate ecclesie absque malorum hominum contrarietate regulari administratione possidere. Nos autem de more progenitorum nostrorum libentissime acceperimus et idem monasterium cum preffato abbate et monachis ibidem Deo servientibus, cum cellis ipsorum superius dicto monasterio pertinentibus, Evallacio videlicet et Rumigos ecclesiamque sancti Martini in Monte accuto et villa Remun. simul cum familia utriusque sexus et rebus aliis omnibus sub nostre tuhicionis deffencione et inmunitatis pretextu regaliter recipimus ac retinemus. Quare sublimitatis nostre preceptionem hanc fieri jussimus, per quam precipimus atque jubemus ut nullus comes aut quilibet judex publicus nec aliquis ex judiciaria potestate aut ullus ex Dei nostrisque fidelibus, instantibus futurisque temporibus, in ecclesias eorum aut loca alia vel agros seu reliquas possessiones quas moderno tempore in quibuslibet pagis aut territoriis infra dicionem regni nostri ejusdem monasterii potestas juste et regaliter possidet, vel in ea que deinceps in jus ipsius loci sancti aut per nos aut per alios quosque divina pietas augere voluerit, ad causas judiciario more audiendas, vel freda aut tributa exhigenda, aut mancionaticos aut paratas faciendas, aut fidejussores tollendos aut homines monasterii tam ingenuos quam et servos super terram ipsius commanentes distringendos aut dampnandos, nec ullas redibitiones aut illicitas occasiones requirendas aliquando ingredi audeat, nec telompnea de pontibus et portibus nec aliquid supra memoratum penitus exhigere presumat, sed quidquid exinde haberi vel exhigi potest in integrum pro eterna remuneratione eidem hac nostre preceptionis auctoritate concessum sit monasterio, scilicet ut stipendiis inibi consistencium monachorum et alimoniis pauperum ad illud confluencium perhempnis temporibus proficiat in augmentum; et quandoquidem divina vocatione supradictus abbas vel successores ejus de hac luce migraverint, quamdiu ipsi monachi inter se tales invenire potuerint [qui] ipsam congregationem secundum regulam sancti Benedicti regere valeant nostra comictante auctoritate licenciam habeant ex sese eligendi abbates, maneantque cum rebus, hominibus eidem monasterio aspicientibus vel pertinentibus sub tuicionis atque inmunitatis nostre deffencione ita ut, propulsa omnis potestatis judiciarie inquietudine, quieto ordine liceat eis propositum eorum observare et pro eterna salute domni et genitoris nostri augusti Ludovici ac nostra, sive pro tocius regni a Deo nobis commissi perpetua prosperitate, divinam misericordiam jugiter exhorare delectet. Placuit preterea subjungere ut in mallis sive in aliis quibusque locis causam eorum advocatus ipsorum agens tortum ab eo quem accusaverit aut adversarios testes sibi non recipiat et quod ipsum sepe dictum monasterium cum omnibus sibi appendentibus rebus et familia nostri juris nostreque proprietatis auctore Deo esse probatur. Ut autem hec altitudinis nostre preceptio meliorem semper in Dei nomine obtineat vigorem, manu nostra eam subter firmavimus et de anullo nostro sigillari jussimus.
Signum Karoli gloriosissimi regis.
Eneas notarius ad vicem Ludovici recognovit.