844 ou 845, 5 janvier. — Saint-Martin de Tours.
Charles le Chauve, à la prière de la communauté de Saint-Martin de Tours, lui confirme la possession de la «villa» de Curçay, en Poitou, que lui avait donnée son père Louis le Pieux pour se procurer des chapes, et lui donne un demi manse dans la «villa» de Rets pour y déposer les produits de Curçay, reconnaît à chacun des membres de la communauté le droit de léguer sa maison à l'un quelconque de ses confrères, stipule que, lorsqu'un roi viendra prier au tombeau de saint Martin, aucun de ses gens ne loge dans la maison d'un frère et interdit à tout laïc d'élire domicile dans le monastère.
A. Original perdu.
B. Copie de l'année 1711, par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 76, fol. 38, d'après la Pancarta nigra, fol. 46, et la Pancarta alia, fol. 39, «corrigé sur l'original».
C. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Mélanges Colbert, vol. 46, fol. 54, sans indication de source, probablement d'après la Pancarta alia.
D. Copie abrégée de l'année 1643, par Dom François Lesueur, Bibliothèque nationale, ms. lat. 13898, fol. 57, n° 27, d'après la Pancarta alia.
a. Dom Martène, Amplissima collectio, t. I, col. 105, «ex cartario S. Martini».
b. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 452, n° xxx (année 844), d'après a.
Indiqué : Georgisch, Regesta, t. I, col. 106.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 211 (année 844).
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1551 (année 844).
Indiqué : Mabille, La Pancarte noire, p. 86, n° xli et p. 156, n° 45.
Indiqué : Lot et Halphen, Le règne de Charles le Chauve, p. 88, n. 1 et p. 130, n. 1.
L'invocation qu'on lira plus bas reproduit celle qui figure dans les diplômes de Louis le Pieux, avec omission du mot «Dei» après «Domini». La même omission se retrouve dans le diplôme suivant. Il semble donc bien que les deux originaux ou prétendus tels sur lesquels Baluze a collationné ses copies présentaient la même anomalie. Quelques autres irrégularités sont également à signaler. Le roi emploie l'adjectif possessif de la première personne: «genitor meus», «tempore genitoris mei». Le titre impérial de Louis le Pieux n'est pas rappelé. (Cf. le diplôme original du 10 mai 841 (n° 3) «beatae memoriae pater noster Hludowicus, serenissimus ac piissimus imperator» ou celui du 1er septembre 841 (n° 4) «auctoritatem... domni et genitoris nostri Hludowici piissimi augusti»). La même irrégularité se rencontre d'ailleurs dans le diplôme précédent. Le roi confirme une donation faite par Louis le Pieux. Il ne dit pas que le titre lui a été présenté. Ce titre aurait dû cependant être mis sous les yeux du rédacteur, car on ne s'explique pas autrement la présence d'une invocation empruntée aux usages de la chancellerie de Louis. L'invitation à respecter les dispositions inscrites dans l'acte adressée aux rois à venir: «unde monemus...» se retrouve sous une forme presque identique dans le diplôme n° 81 en date du 27 décembre 845 pour Saint-Philibert. (Cf. les diplômes n° 76, pour les Fossés, et n° 137, pour l'église de Paris.) Elle n'est donc pas suspecte en elle-même. Mais les mots supplici voce semblent bien être une addition. On notera enfin le mélange de dispositions hétérogènes: donation d'une villa, liberté de disposer laissée aux chanoines, exemption du droit de gîte. La même observation est applicable au diplôme précédent (voir la note critique, p. 174). Le document vu par Baluze devait donc être un pseudo-original et le texte qu'on va lire résulte sans doute du remaniement d'un diplôme primitif réellement expédié. En tout état de cause, beaucoup de diplômes concernant Saint-Martin de Tours se présentent dans des conditions telles que les historiens ne doivent s'en servir qu'avec une grande prudence. — On ne connaît pas de diplôme de Louis le Pieux concernant Curçay. — A propos des difficultés soulevés par la date, se reporter à la note critique du n° 60.
Pour une actualisation et correction de ces remarques, voir notre article Les diplômes carolingiens de Saint-Martin de Tours, dans les Mélanges d'histoire du Moyen Âge dédiés à la mémoire de Louis Halphen, p. 683-691.
Texte établi d'après B et C.
In nomine Domini et Salvatoris nostri Jesu Christi. Karolus gratia Dei rex. Cum justis petitionibus sacerdotum servorumque Dei quas nostris auribus innotuerint libenter annuerimus et eas cum Dei auxilio ad effectum pervenire fecerimus, non solum regiam consuetudinem exercemus, verum etiam hoc nobis procul dubio tam ad statum terreni regni corroborandum quam ad aeternae vitae beatitudinem capessendam profuturum esse confidimus. Quocirca notum fieri volumus omnibus fidelibus sanctae Dei Ecclesiae, praesentibus scilicet et futuris, quia venerabilis congregatio beati Martini, peculiaris patroni nostri, adiit dignitatem excellentiae nostrae, petens supplex, pro honore Domini nostri Jesu Christi et amore sancti Martini patroni nostri sive salute animae [nostrae], ut sublimitas mansuetudinis largitatis nostrae dignaretur eis regali auctoritate praeceptionis perpetuae confirmare Curciacum villam, necnon, si dies vocationis alicui ex fratribus evenerit, mansionem quam habet cui voluerit tantum ex fratribus derelinquere possit, atque in adventu cujuslibet regis nullus ex suis hominibus in monasterio mansionem accipere praesumat. Nos quoque, salubri suggestione permoti simul et interventu venerabilium virorum ad hoc perficiendum commoniti, hoc nostrae auctoritatis praeceptum fieri ac dare decrevimus, per quod constituimus perenniterque firmum decernimus villam Curciacum cum omni integritate suisque adjacentiis, sitam in pago Pictavo, et medium factum in villa Resti ad ea deponenda quae exierunt de Curciaco villa, eisdem fratribus, quam olim genitor meus piae recordationis, domnus Hludowicus, ad habendum capas concesserat; similiter, si quando alicui ex fratribus dies migrationis ex hoc saeculo evenerit, mansionem quam ipse fecit aut quoquo modo habet, cui libuerit tantum ex fratribus derelinquere queat sine aliqua contradictione abbatis ejusdem temporis aut praepositi vel certe decani; insuper etiam, quando quilibet rex ad limina beati Martini venerit orandi gratia moramque quamlibet ibi fecerit, nullus ex ejus hominibus in eodem monasterio mansionem alicujus fratris accipiat licentiamque accipiendi habeat, nec quilibet laicus in eodem monasterio mansionem habere possit, quatinus ipsi servi Dei melius liberiusque Deo famulari queant, sicut tempore genitoris mei necnon avi caeterorumque regum sine impedimento hujus molestiae fecere; sed haec omnia in honore loci et cumulum mercedis nostrae, pro amore Dei et reverentia sancti Martini per hanc nostrae praeceptionis auctoritatem more praecedentium firma et stabilia sine mutatione aliqua, Deo opitulante, omni tempore permanere valeant. Unde monemus omnes obnixe supplici voce qui nobis in regno a Deo commisso successuri sunt ut, sicut illorum statuta a suis successoribus conservari velint, ita in omnibus hanc nostri praecepti institutionem immutabiliter perpetuis temporibus conservare studeant ad illorum et nostram communem utilitatem seu salutem. Et ut hoc praeceptum nostrae auctoritatis firmius habeatur veriusque a nobis credatur editum ac per futura melius conservatum tempora, propria manu subter insignivimus et anulo nostro insigniri jussimus.
Signum Karoli gloriosissimi regis.
Bartholomaeus notarius ad vicem Hludowici recognovit et subscripsit.
Data nonas januarii, anno quinto regnante domno Karolo gloriosissimo rege, indictione septima. Actum Turonis, in monasterio sancti Martini. In Dei nomine feliciter. Amen.