845, 1er octobre. — «In villa Avegio».

Charles le Chauve, après examen public du testament de saint Remi, restitue à l'église de Reims et à l'archevêque Hincmar les biens que, pendant la vacance du siège, il avait distraits du domaine épiscopal et distribués à ses fidèles à titre de bénéfices, Épernay, Oeuilly, tout ce qu'ont occupé Richuinus et le comte Eudes, Cormicy avec la chapelle tenue par le prêtre Rabanus, ce qu'ont eu Pardulus, l'abbesse Adalgardis, Robert, le clerc Amalbertus, Altmarus, Jean le médecin, un autre Rabanus, le petit Pumilio, Ratboldus, Goderamnus, Herenboldus, Donatus, Gilbuinus, tous les clercs et laïques dont il a été quelque temps le seigneur et qu'il a recommandés audit Hincmar, bref tous les biens donnés par lui en bénéfice depuis qu'il avait reçu le domaine épiscopal des mains de Foulques, annule tous les instruments écrits à ce contraire et promet de ne plus porter atteinte au patrimoine de l'église de Reims.

Référence : Arthur Giry, Maurice Prou, Georges Tessier et Ferdinand Lot (éd.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (840-860), Vol. 1, Paris, 1943, no75.

A. Original perdu.

B. Copie du xiiie s., dans l'Historia Remensis ecclesie de Flodoard, l. III, ch. 4, Bibliothèque de la Faculté de médecine de Montpellier, ms. 186, fol. 122.

C. Copie de la fin du xiie s., dans le même ouvrage, Bibliothèque municipale de Reims, ms 1606 (ancien 842), fol. 57.

D. Copie du xiie ou du xiiie s., dans le même ouvrage, Bibliothèque municipale de Troyes, ms. 620.

E. Copie du xve s., dans le même ouvrage, Bibliothèque nationale, ms. lat. 5209, p. 239.

F. Copie de l'année 1470, dans le même ouvrage, Bibliothèque du Vatican, ms. Regina latin 510, fol. 71.

G. Copie du xiie s., dans le Codex epistolaris d'Ulrich de Bamberg, Bibliothèque nationale de Vienne, ms. 398, fol. 16.

H. Copie du xiie s., dans le même ouvrage, Ibidem, ms 611, fol. 10.

I. Copie du xiie s., dans le même ouvrage, Bibliothèque du monastère de Zwettl, ms. 283, p. 34.

J. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Mélanges Colbert, vol. 46, fol. 152, «ex tabulis ecclesiae S. Remigii Remensis».

a. Jacques Sirmond, Flodoardi presbyteri, ecclesiae Remensis canonici, historiarum ejusdem ecclesiae libri IV..., (Paris, 1611), fol. 156, probablement d'après F, mais aussi d'après d'autres manuscrits.

b. Georges Colveneer, Historiae Remensis ecclesiae libri IV... (Douai, 1617), p. 285, d'après une copie faite par Nicolas Chesneau, qui avait lui-même utilisé trois mss., dont F, et collationnée ensuite par Colveneer sur le ms. C.

c. Eckhart, Corpus historicum medii aevi, édition de 1723, t. II, col. 42, n° xxx, d'après G.

d. Recueil des historiens de la France, t. VIII, p. 478, n° lv, d'après a.

e. Lejeune, Flodoardi historia Remensis ecclesiae (1854), t. II, p. 11, d'après C, a et b, avec une traduction.

f. Heller et Waitz, Flodoardi historia Remensis ecclesiae, dans les Monumenta Germaniae historica, Scriptores, t. XIII, p. 477, d'après BCDEFabc.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 217.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1581.

Indiqué : Lot et Halphen, Le règne de Charles le Chauve, p. 152, n. 1.

La tradition tout entière des trois diplômes de Charles le Chauve pour l'église de Reims se rattache à la transcription faite par Flodoard dans son Historia Remensis ecclesiae. C'est à Flodoard qu'Ulrich de Bamberg les a empruntés pour les insérer dans son Codex epistolaris, achevé en 1125. La tradition représentée par le Codex epistolaris est fort intéressante, car les manuscrits en sont anciens et ne présentent aucun rapport de filiation avec les manuscrits connus de l'Historia de Flodoard. Malheureusement, le Codex est un formulaire. Les noms propres y sont omis et l'auteur d'un recueil de ce genre doit toujours être soupçonné d'avoir amendé le texte qu'il avait sous les yeux. N'ayant eu à notre disposition aucun des manuscrits du Codex, nous avons dû nous contenter de l'édition d'Eckhart (c). En ce qui concerne l'Historia Remensis ecclesiae, il ne nous appartenait pas de refaire le travail de Heller et Waitz (f). Rappelons leurs conclusions sur la tradition manuscrite de l'œuvre de Flodoard. Les rapports respectifs des quatre manuscrits BCDE peuvent se représenter graphiquement au moyen du tableau suivant:

Le manuscrit F représente une tradition indépendante. Le texte en est beaucoup plus correct, mais on peut se demander si cette correction ne provient pas de retouches. L'époque tardive où le manuscrit a été copié permet de se poser la question. C'est à dessein que nous n'avons pas indiqué les copies Vallicellane, ms. 14, et Vatican, ms. 5267, que Heller et Waitz ont reconnu provenir de C. Les manuscrits BCEF ont été collationnés par nous ainsi que les éditions de Sirmond et de Colveneer.

Les particularités de rédaction de ce diplôme ont éveillé les soupçons de Bruno Krusch (Reimser-Remigius Fälschungen, dans le Neues Archiv, t. XX (1894), p. 562-563). Il est certain que les formules n'y sont pas partout celles qu'on attendrait et on peut supposer avec ce savant que la chancellerie a travaillé sur une minute rédigée par Hincmar lui-même. Nous ne prendrons pas parti quant à l'interpolation possible du passage relatif au testament de saint Rémi. On sait que ce testament se présente sous deux formes, dont l'une est plus développée que l'autre et certainement interpolée. Or il ne peut s'agir ici que de la recension longue qui est seule à mentionner les localités citées dans le diplôme. On signalera simplement que le Codex epistolaris d'Ulrich de Bamberg présente la leçon: «in conspectu Dei coram cetu fidelium nostrorum tam ecclesiasti quam laïcalis ordinis testamento presentaliter... reddimus», au lieu de la leçon: «inspecto coram cetu... testamento sancti Remigii presentaliter... reddimus» des manuscrits de Flodoard. F. Lot et L. Halphen (ouvr. cité, p. 152, n. 1) tiennent pour la deuxième leçon, mais leurs arguments ne sont pas absolument convaincants. Ils ne tiennent pas compte en effet de la variante in conspectu Dei qui dans le Codex prend la place du mot inspecto. Il n'apparaît pas d'autre part que les manuscrits du Codex aient signalé par un procédé quelconque la suppression des mots sancti Remigii. La question serait donc à reprendre dans son ensemble.

Texte établi d'après BCEFabc, en suivant les leçons graphiques de B (groupes ae, e, et ci, ti).

In nomine sancte et individue Trinitatis. Karolus gratia Dei rex. Si ea que a predecessoribus nostris vel fidelium devotione bene tradita, statuta ac confirmata sunt nostris oraculis roboramus, si etiam illa que quacumque necessitate corrupta sunt regia nostra auctoritate corrigimus et in melius commutamus, saluti nostre consulimus et regium ministerium susceptum a Domino exercemus. Proinde noverit omnium fidelium Dei ac nostrorum sollertia quia res ex episcopatu Remensi quas magna necessitate et per omnia inviti, dum a pastore sancta sedes illa vacaret, fidelibus nostris ad tempus, unde quoddam temporale solatium in nostro haberent servitio, commendavimus, electo et ordinato munere Sancti Spiritus per Dei et nostram dispositionem in eadem sancta sede Hincmaro archiepiscopo hoc nostre auctoritatis precepto cum integritate quicquid exinde nos fidelibus nostris beneficiavimus presentaliter restituimus, tam Sparnacum, Euiliacum, vel quicquid ex eodem episcopatu Richuinus habuit, vel quicquid exinde Odo comes habuit, quam et villam Culmisciacum cum capella quam Rabanus presbyter habuit, seu et illa que Pardulus, necnon et Adalgardis abbatissa, sive Rotbertus, atque Amalbertus clericus, vel Altmarus, seu Johannes medicus, sive item Rabanus, atque pusillus Pumilio, Ratboldus quoque, Goderamnus, et Heremboldus, vel Donatus, seu Gilbuinus habuerunt, sive etiam illa omnia que tam clerici quam laici qui in nostra dominatione aliquamdiu fuerant quosque jam dicto episcopo commendavimus habebant, et, ut in calce omnia concludamus, quicquid ex eodem episcopatu, quando de manu Fulconis illum recepimus, alicui prestito beneficio concessimus, per hanc nostre confirmationis auctoritatem, inspecto coram cetu fidelium nostrorum tam ecclesiastici quam laicalis ordinis testamento sancti Remigii, presentaliter case sancte Marie et sancti Remigii atque Hincmaro archiepiscopo cum omni integritate reddimus vel restituimus ut absque ulla refragatione, cassatis quibuscumque aliis conscriptionibus, easdem res per hanc nostram auctoritatem recipiat, ut, sicut res ecclesie disponende sunt ad utilitatem ipsius ecclesie Dei, tam ipse quam successores ipsius disponant. Quam auctoritatem, in qua nos ulterius tale quiddam erga ipsam casam Dei non acturos spondemus et ut nemo successorum nostrorum agere moliatur per omnipotentem Dominum, ejusdem Virginis filium, obsecramus ut per ventura tempora certior habeatur et contra emulos ipsius sancte ecclesie sui notitia valeat, manu nostra subter firmavimus et anuli nostri impressione roborari decrevimus.

Data kl. octobris, anno VI regnante Karolo gloriosissimo rege, indictione VIII. Actum in pago Andegavensi, in villa Avegio.