889, 11 juillet. — Paris.

Eudes, à la requête des moines de Saint-Germain d'Auxerre qui s'étaient rendus auprès de lui à Paris où il était venu défendre le royaume, et à la prière de leur abbé, l'évêque Askericus et du conseil de ses grands, renouvelle à l'abbaye la protection et mainbour du roi, l'exemption de l'autorité diocésaine et le privilège de l'immunité sur tous ses biens, celle-ci s'étendant expressément sur les terrains de l'abbaye à Auxerre et partout où les moines seraient amenés à vivre, ceci à charge de prières pour lui, pour la paix et pour le royaume.

Référence : Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes d'Eudes roi de France (888-898), Paris, 1967, no12.

A. Original perdu.

B. Copie du milieu du xiiie siècle, dans le cartulaire de Saint-Germain d'Auxerre, Bibliothèque municipale d'Auxerre, ms. 161 (anc. 142), fol. 33, n° XX des « Carte regum et imperatorum », sous la rubrique : « Odo rex de plenissima protectione et defensione omnium rerum nostrarum ».

C. Copie du xviiie siècle par Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 57, fol. 80, d'après B.

D. Copie de 1652 par Dom Victor Cottron, Chronicon coenobii Sancti Germani Altissiodorensis, Bibliothèque municipale d'Auxerre, ms. 167 (anc. 148), p. 704, d'après B.

E. Copie du xviie siècle par Dom Georges Viole, Historia abbatum monasterii Sancti Germani, Bibliothèque municipale d'Auxerre, ms. 154 (anc. 138), p. 92, d'après B.

F. Copie authentique du chanoine et notaire apostolique Noël Damy, du 4 mai 1670, Archives départementales de l'Yonne, H 1010, p. 42, d'après B.

G. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, Collection Clairambault, vol. 994, p. 323, d'après B.

a. Mabillon, De re diplomatica, p. 556, d'après B.

b. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 447, n° IX, d'après a.

c. M. Quantin, Cartulaire général de l'Yonne, t. I, 1854, n° LXI, p. 120, d'après B a b.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 343.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1879.

Indiqué : Favre, Eudes, p. 128-129.

Nous avons déjà dit à propos du diplôme précédent (n° 11, p. 54) que le cartulaire de Saint-Germain d'Auxerre nous a conservé le texte de deux diplômes expédiés pour cette abbaye le même jour avec le même préambule et avec les mêmes clauses finales et nous avons conclu à la sincérité du premier. Il s'agit maintenant d'examiner le problème de la sincérité du second.

La construction de ce second diplôme est des plus gauches. Ainsi l'intervention de l'abbé à l'appui de la requête de ses moines et l'avis donné au roi par ses grands ne sont pas mentionnés dans l'exposé ni mis en relation avec le verbe faisant connaître la décision royale ; ils sont seulement cités après qu'on nous a fait connaître la première disposition renouvelant à l'abbaye le privilège de l'immunité. Ce diplôme aberrant présente d'autres anomalies de rédaction : le roi précise dans l'exposé qu'il est venu à Paris pour la défense du royaume ; les moines sont interrogés par le roi (inquisiti... super suo statu) ; ils proclament que les diplômes antérieurs ne leur sont d'aucun secours. Le vocabulaire sonne étrangement : « rabissimam infestacionem », « seculis inauditam... debacacionem », « lupina rapacitate in ipsa cibi potusque crassante » etc. ; à vrai dire, ces expressions seraient beaucoup plus à leur place dans une notice du xie siècle que dans un diplôme royal du ixe. Il en est de même du développement de rhétorique qui s'établit ensuite avec la succession de ces trois participes présents du dispositif : « quorum lacrimabilem reclamacionem audientes..., timentes pro tantorum patrum attricione..., verentes etiam ne... ».

Cet acte nous apparaît donc comme très suspect. Nous ne pouvons cependant le rejeter absolument. Il mentionne, en effet, l'évêque Askericus comme abbé de Saint-Germain. Or ce personnage nous est bien connu : évêque de Paris, il allait bientôt devenir archichancelier d'Eudes Or aucune autre source ne nous fait connaître cette fonction abbatiale et on imagine mal un faussaire introduisant beaucoup plus tard le nom de ce personnage dans un diplôme où il n'était nullement nécessaire.

La venue du roi à Paris pour défendre de nouveau la cité contre les Normands est un fait historique que mentionnent aussi les Annales de Saint-Vaast : le fait n'était pas signalé dans l'autre diplôme du même jour pour Saint-Germain et on ne voit pas pourquoi un faussaire l'aurait introduit plus tard dans celui-ci. Un membre de phrase, dans lequel nous ne voyons nullement une clause de style, peut même nous éclairer sur les dispositions d'esprit dans lesquelles le roi agit en ce moment : il déclare, en effet, craindre que l'oppression des clercs dans le royaume ne se traduise par un « jugement de Dieu » vengeant ses serviteurs.

Le fond même du diplôme n'apparaît nullement comme invraisemblable. On s'attend alors que les Normands, comme les années précédentes, reviennent en Bourgogne pour la dévaster : les moines envisagent donc la possibilité de se réfugier sur leurs terrains à Auxerre et ailleurs ; ils demandent donc au roi de leur assurer sa protection à l'encontre de quiconque et même de l'évêque et de ses agents. Dans ce contexte, l'interdiction formulée envers ces derniers est plus normale ici que dans les pancartes confirmatives de biens, où elle prenait, abusivement sans doute, allure d'exemption de l'autorité épiscopale. Le roi vise seulement à empêcher que les maisons des chanoines et les hospitalia de leurs gens dans la ville ne soient occupés ou réquisitionnés contre leur volonté. Cela se comprend si l'on songe que bien des gens des campagnes devaient également chercher refuge dans les villes.

En fait, le présent diplôme innove peu relativement par rapport à l'autre — sinon en apportant un appui plus affirmé aux religieux contre les envahisseurs de leurs biens et précisant davantage le régime des areae, mansiones et hospitalia urbains. Il peut donc se faire que nous ayons ici un développement tardif du diplôme n° 10 sur un point qui à un certain moment intéressait particulièrement les religieux. Mais nous ne voulons point exclure la possibilité que la chancellerie royale ait expédié le même jour à l'abbaye deux diplômes distincts, l'un renouvelant l'affectation de ses biens aux différents offices et reprenant les termes des confirmations antérieures, l'autre, d'une rédaction infiniment plus libre et sans doute œuvre des moines eux-mêmes, s'appliquant à un point précis.

Nous imprimons en petits caractères les passages de ce diplôme communs avec ceux du diplôme n° 11, eux-mêmes étant en majeure partie empruntés à la pancarte de Charles le Chauve du 20 juin 864.


In nomine sancte et individue Trinitatis. Odo misericordia Dei rex. Si peticionibus servorum Dei, quas nobis pro suis utilitatibus insinuaverint, benignum prebemus assensum, regie precellencie opera imitamur et per hoc eterne beatitudinis gloriam nos adepturos non dubitamus. Itaque notum sit omnibus sancte Dei Ecclesie fidelibus et nostris, presentibus atque futuris, qualiter fideles nostri monachi Sancti Germani Autissiodorensis, pro sua religione nobis valde accepti, accedentes ad nostram sublimitatem Parisius, ubi in Dei servicium et regni conveneramus defensionem, inquisiti a nostra mansuetudine super suo statu et conversacione, conquesti sunt nequaquam se digna frui quiete, set nec regularibus congrue inservire posse cultibus ob quorumdam rabidissimam infestacionem et seculis inauditam in servos Dei debacacionem, non modo ipsorum invadentes possessiones quin pocius lupina rapacitate in ipsa cibi potusque crassantes direpcione. Proclamaverunt quoque sibi nil juvaminis conferre immunitates et auctoritates a piissimis et serenissimis antecessoribus nostris eis collatas, quoniam a jam dictis invasoribus et direptoribus inutiles ducerentur et vacue. Quorum lacrimabilem reclamacionem audientes, non modico animus nostre sublimitatis est merore percussus, timentes pro tantorum patrum attricione atque oppressione regni nostri aliquod pati dispendium justo judicio Dei, qui est ultor servorum suorum fidelium, verentes eciam ne illos, quos studium et misericordia serenissimorum antecessorum nostrorum ad nobile subvexit fastigium, negligencia et incuria nostre mansuetudinis deducat ad nichilum, placuit itaque nostre serenitati denuo jam dicti monasterii monachis tocius immunitatis concedere auctoritatem, ipsam congregacionem et locum, cum consilio optimatum et procerum nostrorum et eciam deprecacione Anscherici, venerabilis episcopi reverendique eorumdem monachorum abbatis, nobis valde dilectissimi, cum omnibus suprafati loci rebus, aut infra civitatem aut extra positis, in nostro suscipimus mundeburgio et sub plenissima defensione, ita ut sub nostra plenissima protectione liceat eis omni frui quiete. Precipientes igitur jubemus et jubentes confirmamus ut nullus episcopus vel aliquis ex episcopalibus ministris nec judex publicus vel aliquis exactor judiciarie potestatis neque ullus ex nostris fidelibus areas eorum quas habere noscuntur in civitate Autissiodorensi ullo modo presumat invadere nec aliquam vim inferre, sed neque in mansionibus ipsorum seu serviencium illorum hospitalia contra voluntatem ipsorum exigere audeat et inquietudinem inferre nullatenus presumat. Substancias quoque eorum, tam in dominicato quam que de ipsorum familia, nequaquam attributare liceat, sed sub hujus nostre precepcionis indulgencia quiete eis vivere ubique concedimus et absque ullius aliqua infestacione securos decernimus, ut pro nostra vita et pace regnique nostri statu Deum liberius exorare valeant. Ut autem precellencie nostre confirmacio in dies meliorem semper optineat firmitatem, in Dei nomine, manu nostre humilitatis propria eam subter firmavimus et anuli nostri impressione subsignari fecimus.

Datum V idus julii, indiccione .VIa., anno Incarnacionis dominice .DCCC°. LXXX°. IX°., anno LI° regnante domino Odone gloriosissimo rege. Actum Parisius civitate. In Dei nomine, feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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